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Résistance à l’érosion d’une phase solide

Dans le document Breaking and flow of amorphous matter (Page 126-131)

6.2 Paramètres qui influencent les angles d’érosion et de sédimentation

6.2.3 Résistance à l’érosion d’une phase solide

L’angle d’érosion permet de caractériser la cohésion d’une phase solide : un angle d’érosion élevé indique que la phase solide est plus difficilement érodable. Mise à part la friction effective que nous avons traitée dans le paragraphe précédent, il existe deux facteurs qui influent sur la valeur de l’angle d’érosion : l’énergie de cohésion et l’épaisseur de la phase solide.

Energie de liaison et angle d’érosion

Le modèle développé permet également de prendre en compte d’autres phénomènes, en plus de la friction, qui participent à la cohésion de la phase statique. Dans l’Equation.6.6 le terme de droite représente la barrière énergétique que le grain statique doit franchir pour pouvoir démarrer son mouvement. Nous avons présenté le cas où seules la friction et la gravité maintiennent la cohésion de la phase solide. Il est possible que d’autres phénomènes permettent également cela. Prenons par exemple le cas du sable mouillé où il existe une mince pellicule d’eau entre les grains qui, par force capillaire, les compresse les uns contre les autres. On peut également penser à des milieux granulaires où on a, artificiellement, introduit un lien chimique entre les grains (ciment, grains collés sur une plaque, ...). On peut quantifier ces différents phénomènes cohésifs par une énergie de liaison entre grains El qui est définie comme le travail nécessaire à fournir pour séparer ces deux grains. L’Equation.6.6 se réécrit alors :

Nflu[R]

Le facteur 2 provient du fait qu’un grain statique à l’interface est en contact avec deux autres grains de la couche inférieure. Pour permettre son mouvement, il faut casser le contact avec ces deux grains. On pourrait considérer qu’il faille également casser le contact avec les deux autres grains statiques adjacents de l’interface solide-liquide. Chaque liaison comptant pour moitié car impliquant deux grains de l’interface, il faudrait alors mettre un facteur 3. Dans tous les cas le principe reste le même : une énergie de liaison El entre grains modifie le bilan énergétique qui contrôle le déclenchement du mouvement d’un grain statique. Il faut un apport plus important en énergie, via les chocs à l’interface, pour déclencher son mouvement : l’angle d’érosion θero augmente.

Il existe des cas particuliers où, pour des valeurs élevées d’énergie de liaison l’Equation.6.12 n’admet pas de solution. Physiquement cela signifie que, quelle que soit la pente de l’interface solide-liquide, l’énergie transmise par les grains de la phase liquide aux grains de la phase solide ne permet pas à ces derniers de surpasser leur propre barrière énergétique. Par exemple, si la "colle" qui maintient la phase solide est trop forte, un écoulement granulaire ne peut pas arracher des grains au tas statique. Le solide peut certes être érodé mais pas par ses propres avalanches. Néanmoins, par simplicité, on qualifiera un tel solide granulaire de non-érodable.

On peut estimer l’énergie de liaison Elcrit nécessaire à rendre un solide non-érodable en remar-quant qu’au maximum le gain d’énergie cinétiqu est égale au cas à friction nulle pour une pente verticale θ = π/2 : max ∆EK = 4Rmg sin ϕsol. Dans ce cas de figure, l’énergie de barrière est nulle ∆EB = 0. Si la phase liquide est suffisamment épaisse Nflu= Nsol. On a alors :

Elcrit ' 4Rmg sin ϕsol. (6.13)

Le cas de figure de la phase solide non-érodable permet d’inclure dans le modèle des systèmes pour lesquels l’angle d’érosion n’a pas de sens. On peut penser par exemple à des grains collés sur un plan incliné ou bien à un tas de ciment sec.

Comportement des phases solides minces

Nous avons discuté précédemment la dépendance de l’angle de sédimentation vis-à-vis de l’épaisseur R de la phase liquide. Il en est ressorti que l’augmentation de R permettait d’aug-menter la coopérativité entre grains. Or, cette dernière favorise le mouvement des grains mobiles, et donc l’angle de sédimentation diminue avec l’augmentation de l’épaisseur de la phase liquide. Ce même phénomène de coopérativité existe entre les grains de la phase statique. Il est alors important de noter que la coopérativité entre grains d’une même phase, telle que nous la décri-vons dans notre modèle, ne favorise pas nécessairement le mouvement. Elle tend à faire rester les grains dans leur état initial. Par conséquent, elle favorise la mobilité des grains de la phase liquide, mais inversement, elle favorise l’immobilité des grains de la phase statique. En effet, l’énergie transmise par la phase statique n’est pas introduite en un point mais est, par coopéra-tivité, diluée sur une zone. Chaque grain statique reçoit alors moins d’énergie et est donc moins susceptible de partir. Une conséquence directe est que l’angle d’érosion augmente avec l’épais-seur S de la phase solide. En augmentant S, on augmente la coopérativité entre grains. Le grain statique à l’interface reçoit moins d’énergie, la phase liquide doit alors fournir plus d’énergie à la phase statique, soit une pente plus grande, pour pouvoir l’éroder : θero augmente, comme illustré Figure.C.1 (ii).

Pour illustrer ce phénomène, on peut imaginer le cas où la phase solide est une couche de grains statiques déposés sur un plan incliné, mais où elle n’est pas collée. La pente qu’il faut alors

appliquer pour éroder ces grains dépend de l’épaisseur S de la couche : une couche mince de grains statiques est plus facile à éroder qu’une couche épaisse, car l’énergie qu’elle reçoit en provenance de la phase liquide ne peut pas être autant diluée. Nous n’avons malheureusement pas pu tester expérimentalement cette prédiction théorique. Par la suite, nous nous intéresserons soit à des écoulements sur fond inérodable, soit à des écoulements sur tas, c’est-à-dire des cas où la phase solide est épaisse. Son épaisseur S sera supérieure à la limite de saturation de la zone de coopérativité ξ1/D. On aura alors Nsol= ξ.

Conclusion

La modélisation discrète du mouvement d’un grain à l’interface solide-liquide a permis de faire apparaître deux valeurs critiques pour la pente θ de l’interface : l’angle de sédimentation θsed et l’angle d’érosion θero.

Le premier est la pente minimale pour que la vitesse stationnaire vers laquelle tend le mou-vement du grain soit supérieure à la vitesse minimale nécessaire pour traverser la barrière de potentiel. Cette dernière est due à la rugosité de l’interface, représentée par l’angle solide ϕsol et à la friction entre grains, représentée par le coefficient de friction effective µeff. On observe alors naturellement que l’angle de sédimentation, qui caractérise la difficulté qu’ont les grains mobiles à se mouvoir, augmente avec la friction. Un résultat plus surprenant est l’augmentation de l’angle de sédimentation avec l’épaisseur R de la phase liquide. L’influence de cette dernière est une signature des effets coopératifs qui existent entre grains d’une même phase. En effet, la perte d’énergie due au choc à l’interface est en partie compensée par d’autres grains de la phase liquide. En réduisant l’épaisseur de la phase liquide, on tronque le phénomène de coopérativité entre grains de la phase liquide. La thermalisation du grain à l’interface est moins forte et on rend donc son mouvement plus difficile. L’angle de sédimentation est une fonction décroissante de l’épaisseur R de la phase liquide : des phases liquides minces auront plus de mal à s’écouler. Les phénomènes coopératifs saturent pour des épaisseurs de phases liquides supérieures à une longueur typique de coopérativité ξ1/D. De ce fait, pour R >> ξ1/D l’angle de sédimentation sature à une valeur limite θsed. Nous avons pu montrer que cette asymptote est directement liée au coefficient de friction effective : θsed' arctan µeff.

La deuxième valeur de pente critique est l’angle d’érosion θero. Ce dernier est la pente mi-nimale de l’interface solide-liquide pour laquelle le grain statique qui compose cette interface reste immobile. Nous avons vu que la stabilité de la phase statique est due à l’existence d’une énergie de cohésion entre grains. Les grains au sommet de la phase statique peuvent être mis en mouvement lorsque l’énergie qu’ils reçoivent de la phase liquide lors des chocs est supérieure à leur propre barrière de potentiel ∆EB. L’angle d’érosion est la valeur de la pente pour laquelle on a l’égalité entre ces deux énergies. Cet angle caractérise alors la résistance d’un solide granu-laire à sa propre érosion. Nous avons pu voir comment prendre en compte d’autres phénomènes physiques, autres que la friction entre grains, qui permettent d’augmenter la cohésion de la phase solide, jusqu’à la rendre même inérodable. Enfin, de la même façon qu’une phase liquide épaisse favorise le mouvement des grains à l’interface solide-liquide, une phase solide épaisse favorise la cohésion de la phase solide. En augmentant l’épaisseur S de la phase statique, on augmente le nombre de grains parmi lesquels on répartit l’énergie transmise par la phase statique. L’énergie que reçoit chaque grain diminue : il faut donc plus d’énergie pour déclencher l’érosion, θero aug-mente.

Dans le prochain chapitre, nous adopterons une description continue du milieu granulaire afin de tracer un diagramme d’évolution d’un système bi-phasique. Nous verrons également comment appliquer ce diagramme à des cas pratiques, ce qui nous permettra de confronter nos prédictions théoriques à des mesures expérimentales.

Chapitre 7

Evolution d’un système granulaire

bi-phasique solide-liquide

Introduction

Dans ce chapitre, nous répondrons à la question présentée dans le Chapitre I quant à l’évo-lution d’un système granulaire bi-phasique représenté Figure.7.1. Une couche d’épaisseur R de grains en mouvement, i.e la phase liquide, se déplace sur une couche d’épaisseur S de grains statiques, i.e. la phase solide. On regarde le système sur une échelle de taille suffisamment petite pour que l’interface entre la phase solide et la phase liquide, notée Γ, puisse être considérée comme plane. Néanmoins, l’échelle est suffisamment grande pour qu’on puisse décrire le milieu granulaire de façon continue. On appelle θ l’angle entre la pente de l’interface et l’horizontale. La question à laquelle on veut répondre est la suivante : quelle sera l’évolution des épaisseurs des deux phases, R et S, à l’instant suivant ?

On appelle dΓ le déplacement vertical de l’interface solide-liquide entre l’instant initial t et l’instant suivant t + dt. On a alors :

t → t + dt :

(

R → R + dΓ

S → S − dΓ . (7.1)

Trois possibilités alors :

— la phase liquide diminue au profit de la phase solide. Il y a un phénomène de sédimenta-tion : des grains mobiles deviennent statiques. L’interface monte : dΓ > 0.

— la phase liquide et la phase solide garde la même épaisseur. Il n’y a ni érosion, ni sédi-mentation. L’interface est inchangée : dΓ = 0.

— la phase solide diminue au profit de la phase liquide. Il y a un phénomène d’érosion : des grains statiques deviennent mobiles. L’interface monte : dΓ > 0.

On cherche alors à prédire l’évolution de l’interface, c’est-à-dire le signe de son évolution verticale dΓ. Grâce à l’étude du mouvement d’un grain à l’interface solide-liquide et à l’introduction des angles d’érosion et de sédimentation, nous allons répondre à cette question en traçant le diagramme d’évolution d’un tel système dans le plan {R, θ}.

R

S

~g d

d

Erosion d < 0

d > 0

S + d

R d

S + d

R d

Sedimentation

Figure 7.1 – Schéma d’un système granulaire bi-phasique. Une phase liquide, d’épaisseur R, se déplace sur une phase solide, d’épaisseur S. L’interface Γ entre les deux phases est localement plane et forme un angle θ avec l’horizontale. Cette interface est susceptible au cours du temps de se déplacer verticalement d’une quantité dΓ. Deux phénomènes distincts peuvent survenir au niveau de l’interface. Un phénomène de sédimentation, dΓ > 0, où la phase solide augmente. Un phénomène d’érosion, dΓ < 0, où la phase solide diminue.

7.1 Diagramme d’évolution d’un système granulaire bi-phasique

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