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Approche hydrodynamique des avalanches

Dans le document Breaking and flow of amorphous matter (Page 74-79)

4.3 Modélisation des avalanches par une approche continue

4.3.1 Approche hydrodynamique des avalanches

Comme nous avons pu le voir, la rhéologie d’un liquide granulaire reste un sujet d’étude actuel. De nombreuses pistes de recherche et de nouvelles solutions à cette question n’ont été apportées que récemment. Et, comme précisé précédemment, de nombreux questionnements de-meurent. De plus, savoir modéliser l’écoulement du liquide granulaire n’est qu’une partie du problème que représente la modélisation d’une avalanche. Il faut également prendre en compte la physique des solides granulaires, qui est elle aussi un champ de recherche actif. Il faut, de plus, pouvoir modéliser les interactions et les échanges qui existent entre les deux phases. Ces difficultés n’ont néanmoins pas empêché les physiciens de proposer des modèles pour tenter de modéliser les écoulements d’avalanches et tous les phénomènes associés. A travers deux exemples de modélisation, nous étudierons comment les phénomènes d’érosion et de sédimentation ont été représentés dans ces modèles.

Equations de conservation

En 1871, Barré de Saint-Venant proposa une façon simple de modéliser les écoulements de liquide unidimensionnel, typiquement l’écoulement d’une rivière. Cette méthode se base sur des équations de conservation de la masse et de conservation du mouvement dans lesquelles toutes les quantités sont intégrées et moyennées sur l’épaisseur du fluide. Elle s’applique de façon optimale pour des systèmes où l’épaisseur verticale du fluide est faible devant les dimensions longitudi-nales. On qualifie ces écoulements d’écoulement en eau peu profonde, "shallow water " en anglais. L’avantage de cette approche est qu’elle ne nécessite pas au préalable de connaitre précisément la rhéologie interne du liquide qui s’écoule. Le principe a ensuite été généralisé aux écoulements bi-dimensionnels. Se restreindre à des écoulements peu profonds n’est pas pénalisant pour traiter des avalanches, où une couche de grains relativement mince s’écoule. Cette méthode a été ap-pliquée en premier à l’écoulement d’un milieu granulaire au début des années 1990, [65, 66]. Les auteurs ont étudié l’écoulement d’une phase granulaire liquide sur un fond solide non-érodable. Il n’y a donc pas d’échange de grains possible entre la phase liquide et la phase solide. Un tel écoulement ne rentre pas dans la catégorie des avalanches telles que nous les avons définies. Ce-pendant les modèles théoriques permettent de retrouver de nombreux comportements observés expérimentalement. Cette approche a alors été reprise de nombreuses fois, [67, 68, 69, 70], mais en introduisant la possibilité que l’épaisseur de la phase solide varie. A noter que les modèles

précédemment cités ont été développés avant l’introduction de la rhéologie µ[I] pour les liquides granulaires, soulignant le fait qu’il n’est pas nécessaire de connaître a priori en détail la rhéolo-gie du milieu étudié. D’autres travaux [71, 72] ont pu montrer que la prise en compte de cette rhéologie ne modifiait pas la forme des équations tant que l’épaisseur de la couche de grains qui s’écoule est faible devant la taille longitudinale du système.

Nous présenterons ici la méthode générale employée par ces auteurs pour modéliser l’évolution des phases solide et liquide au cours du temps. L’objectif est de montrer comment les phénomènes d’érosion et de sédimentation apparaissent dans un modèle hydrodynamique des avalanches.

R

liquide

solide

X

Z

dX

XX[X] XX[X + dX] XZ[Z = 0]

~g

uX[Z]

O

uZ|Z = 0

Figure 4.6 – Schéma d’une tranche de liquide granulaire d’épaisseur R et de largeur dX sur laquelle on réalise un bilan de masse et de quantité de mouvement. L’angle θ est la pente locale de l’interface entre la phase solide et la phase liquide. Le liquide granulaire s’écoule par dessus le solide granulaire avec un champ de vitesse uX[Z]. Les deux phases peuvent échanger des grains, l’interface solide-liquide peut se déplacer avec une vitesse uZ|Z = 0 assimilée à la vitesse verticale des grains constituant le fond de la phase liquide.

Les équations de Saint-Venant ont originellement été développées pour décrire l’écoulement d’un liquide sur un solide. De ce fait, la séparation entre les deux phases liquide et solide est nette et bien définie. Dans le cas d’une avalanche granulaire, la séparation entre les deux phases n’est pas forcément aussi nette. Une première hypothèse importante, qui est présente dans la plupart des modèles, est qu’on peut décrire l’écoulement au sein d’une avalanche en distinguant une phase constituée de grains en mouvement, la phase liquide, et une phase constituée de grains à l’arrêt, la phase statique. On suppose l’existence d’une interface nette entre ces deux phases. Une telle séparation a pu être observée expérimentalement et par simulation numérique [73, 69, 74, 75]. Néanmoins, dans certains cas, on observe une zone de fluage dans le solide granulaire [74, 76, 77], ce qui rend la séparation entre les deux phases moins contrastée. Par la suite, nous supposerons qu’une séparation nette existe. On peut donc modéliser une avalanche comme sur la Figure.4.6 : une phase liquide peu épaisse s’écoule sur une phase solide. On se place dans le repère local {~eX, ~eZ} tangent à l’écoulement. On place le zéro de l’axe vertical au

niveau de l’interface solide-liquide. L’angle θ représente l’angle que forme la pente locale avec l’horizontale. On appelle R l’épaisseur de la phase liquide, mesurée selon l’axe Z. On appelle ρ[Z] la masse volumique dans la phase liquide et ~u[Z] = {ux, uz} le profil de vitesse dans cette dernière. Pour réaliser un bilan de masse sur une tranche de liquide d’épaisseur R et de largeur dX, il est alors nécessaire d’intégrer ces quantités le long de l’axe vertical Z. On obtiendra alors des équations de conservation sur des valeurs moyennes. On notera avec une barre horizontale la moyenne sur l’épaisseur d’une quantité. Par exemple, la masse volumique moyenne ρ est égale à : ρ = 1 R Z R 0 ρ[Z]dZ. (4.10)

La conservation de la masse donne alors :

∂t[ρR] = −

∂X[ρuXR] − (ρuZ)|Z=0. (4.11)

Le membre de gauche représente la variation de la masse de la tranche de fluide au cours du temps. Elle est due aux flux de matière entrant et sortant, représentés par le membre de droite de l’équation. Il y a deux sources de flux de matière. Le premier flux se fait à travers les parois latérales du système : il est créé par la convection due au champ de vitesse dans le fluide. Le deuxième flux a lieu au niveau de la base horizontale de la tranche, au niveau de l’interface solide-liquide en Z = 0. Il représente la masse de grains provenant de la phase solide. Suivant son signe, il peut y avoir sédimentation, uZ[Z = 0] > 0, ou érosion, uZ[Z = 0] < 0. Il est important de noter que le terme (ρuZ)|Z=0est un terme cinématique, il ne rend compte que de la quantité de matière échangée entre les deux phases. Il ne permet pas de décrire le mécanisme qui entraîne ces échanges.

Pour prendre en compte les phénomènes physiques qui permettent cet échange, il est nécessaire de se pencher sur la dynamique du système. Sur cette même tranche de fluide, on réalise alors un bilan de quantité de mouvement. On obtient :

∂t[ρuXR] = − ∂X[ρu 2 XR] +  ∂XXXR] + ρgR sin θ − σXZ|Z=0+ (ρuXuZ)|Z=0  , (4.12)

où σ est le tenseur des contraintes au sein du liquide et g le champ de pesanteur. Le membre de gauche représente la variation de quantité de mouvement dans la tranche. Le premier terme du membre de droite représente les flux de quantité de mouvement à travers les parois verticales. Le terme entre parenthèses rassemble les différentes sources de quantité de mouvement. On en liste 4 :

• −

∂XXXR] représente la différence des pressions qui s’exercent a travers les deux parois verticales sur la tranche de fluide.

• −ρgR sin θ représente la résultante de la pesanteur appliquée sur la tranche.

• σXZ|Z=0 représente la force exercée par la phase solide sur la phase liquide à travers l’interface horizontale au niveau du bas de la tranche

• (ρuXuZ)|Z=0représente la quantité de mouvement échangée entre les deux phases via les grains qui passent de l’une à l’autre.

Les phénomènes d’érosion et de sédimentation sont pris en compte par les deux derniers termes. Ce sont les forces de contact σXZ|Z=0au niveau de l’interface qui permettent l’entrée ou la sortie de grains dans la phase liquide. Il est important de noter que, pour le moment, les deux équations sont très générales : elle s’obtiennent sans faire aucune supposition sur la physique du liquide

étudié. Pour pouvoir les résoudre, il est alors nécessaire d’expliciter le tenseur des contraintes dans le liquide ainsi que le profil de vitesse qu’il engendre. Le lien entre contraintes (σXZ, σXX, ...) et champ de vitesse (uX, uZ) est donnée par la rhéologie du milieu étudié. Néanmoins, on peut supposer a priori le champ de vitesse et les contraintes, et aucune rhéologie précise n’est alors nécessaire. Par la suite nous travaillerons avec les hypothèses les plus simples possibles. L’objectif est d’obtenir une forme générale des équations d’évolution des épaisseurs des deux phases solide et liquide afin d’expliciter dans celles-ci le terme d’échange de matière entre la phase solide et la phase liquide.

Hypothèses et forme générale des équations d’évolution

Une première hypothèse est de considérer que la masse volumique du liquide est constante le long de l’épaisseur. On peut justifier cette approximation en décrivant le liquide granulaire comme un milieu incompressible. Dans le cadre de la rhéologie µ[I], où la masse volumique varie avec le nombre inertiel, cela revient à supposer que l’épaisseur de la phase liquide est suffisamment faible pour que les variations de masse volumique soient négligeables. Comme nous traitons des avalanches minces, cette hypothèse est tout à fait pertinente.

Deuxièmement, nous allons négliger les variations de la pression σXX le long de l’écoulement. Si la topographie de la phase solide sur laquelle coule la phase liquide est suffisamment régulière, on peut raisonnablement supposer qu’on n’observera pas de grandes variations des contraintes le long de l’écoulement. Dans ce cas là, le terme qui représente les différences de pression suivant l’axe du flot est négligeable :

∂XXXR] ' 0. (4.13)

Troisièmement, il est nécessaire d’expliciter le profil de vitesse dans le fluide uX[Z]. Cela permet d’obtenir un lien entre la vitesse moyenne le long de l’épaisseur uX et la vitesse quadratique moyenne u2

X. Il existe alors deux approches possibles. Nous pouvons choisir un profil de vitesse ad-hoc en se basant sur les profils observés expérimentalement dans ce type d’écoulement. Ou alors il est nécessaire de choisir une rhéologie pour le liquide qu’on observe, cette rhéologie nous permettra d’obtenir le profil de vitesse dans la phase liquide. De ces deux approches, deux profils principaux ressortent : un profil linéaire [69, 78] où uX ∼ R, qui a l’avantage d’être plus simple à manipuler, ou un profil dit de Bagnold [79, 80, 81, 82] où la vitesse moyenne évolue comme l’épaisseur de la phase liquide à la puissance 3/2,uX ∼ R3/2. Ce profil de vitesse est notamment prédit par la rhéologie µ[I] dans le cadre d’un écoulement stationnaire. Pour être le plus général possible, nous choisirons un profil uX = (R/a)βu0. On a alors :

uX = u0 β + 1(R/a) β u2 X = u20 2β + 1(R/a) . (4.14)

On remarque que u2X = (β+1)2β+12(uX)2. Le choix du profil de vitesse ne modifie que d’un facteur géométrique le lien entre la vitesse moyenne et la vitesse quadratique moyenne.

Enfin, il est nécessaire d’expliciter le terme de frottement au niveau de l’interface solide-liquide σXZ|Z=0. Dans l’optique d’expliciter le terme d’échange entre les deux phases, c’est l’hypothèse qu’il convient le plus de détailler. Ce terme représente la force qu’exerce le fluide sur la phase statique lorsqu’il s’écoule. D’après le principe d’action-réaction, c’est également la force qu’exerce le solide sur la phase liquide. Dans le cadre de l’écoulement d’un liquide

granulaire qui est composé de grains solides, il est naturel de choisir une loi de friction solide où la contrainte tangentielle est proportionnelle à la contrainte normale. Il existe donc un coefficient sans dimension µdyn qui lie ces deux grandeurs :

σXZ|Z=0 = µdyn σZZ

| {z }

=ρgR cos θ

. (4.15)

La forme ainsi choisie est spécifique au liquide granulaire. Pour un liquide newtonien par exemple, la friction au niveau de l’interface est indépendante de la pression. On a simplement une force de cisaillement égale à la viscosité η fois le gradient de vitesse à la base de l’écoulement : σXZ|Z=0 = ηu0x[Z = 0]. De plus, il est important de constater que, dans le cadre d’une ap-proche hydrodynamique telle que celle que nous présentons ici, le liquide granulaire est décrit comme une phase à part entière. De ce fait, un liquide granulaire possède comme n’importe quel autre matériau une loi de friction qui lui est propre. En particulier, µdynn’est pas a priori le coefficient de friction des grains qui composent le liquide. Enfin, il convient de remarquer la différence entre l’équation que nous venons d’écrire et l’équation constitutive d’une loi de rhéo-logie. L’Equation.4.15 est l’application locale, au niveau de la base de l’écoulement en Z = 0, de l’équation constitutive de la rhéologie du liquide. Le coefficient de friction dépend donc de comment s’écoule le liquide, on le qualifiera de coefficient de friction dynamique.

Dans le cadre de la rhéologie µ[I] on a :

µdyn= µ[I|Z=0]. (4.16)

Il est alors nécessaire d’évaluer le nombre inertiel I à la base de l’écoulement I|Z=0pour pouvoir expliciter le coefficient de friction dynamique. Toujours dans le cadre de la rhéologie µ[I], il faut connaître le profil de vitesse dans la phase liquide, ou tout du moins le gradient de vitesse en Z = 0. Une des difficultés pour l’obtenir est qu’il n’est pas possible de supposer un écoulement stationnaire dans la phase liquide. En effet, l’érosion ou la sédimentation modifie l’épaisseur R du fluide ce qui change alors le profil de vitesse. L’obtention de ce dernier est alors difficile. Quelle que soit la rhéologie choisie, de façon similaire à un solide, la force tangentielle exercée par un liquide granulaire qui s’écoule sur une surface est proportionnelle à la pression qu’exerce le liquide au niveau de la surface de contact. Mais, à la différence de la loi de friction d’un so-lide, le coefficient de frottement dynamique µdyn d’un liquide granulaire n’est pas une constante intrinsèque du système. La loi de friction à la base de la phase liquide, c’est-à-dire le coefficient de proportionnalité entre la contrainte tangentielle et la contrainte normale, dépend de l’écou-lement de la phase liquide. Par conséquent, µdyn est potentiellement une fonction de la pente θ de l’écoulement, de l’épaisseur R de la phase liquide, de la contrainte normale P , ...

Par la suite nous conserverons une loi de friction "classique", Equation.4.15, tout en gardant à l’esprit toutes les spécificités que peut avoir le coefficient de friction dynamique µdyn de la phase liquide. Dans le cadre de ces hypothèses, on obtient pour les deux équations de conservation :

∂R ∂t = −u0( R a) β∂R ∂X − uZ|Z=0, u0(R a) β∂R ∂t = −u 2 0(R a) ∂R

∂X + gR(sin θ − µdyncos θ).

(4.17)

Terme d’échange entre les deux phases solide et liquide

En multipliant la première équation du système 4.17 par u0(R/a)β et en lui soustrayant la deuxième équation, on obtient une expression de la vitesse de l’interface solide-liquide uZ|Z=0.

On a : uZ|Z=0= −ag u0 R a 1−β

(tan θ − µdyn) cos θ. (4.18)

Pour simplifier la discussion qui va suivre, nous supposerons que l’angle θ de la pente de l’in-terface solide-liquide est faible de tel sorte que : tan θ ' θ. On peut définir un angle critique : θ = arctan µdyn. Le signe de la vitesse de l’interface dépend alors uniquement de la différence entre l’angle θ de l’interface solide-liquide et cet angle critique. Si la pente est trop faible, i.e. θ < θ, l’interface solide-liquide se déplace dans le sens des Z positifs. L’épaisseur de la phase liquide diminue, celle de la phase solide augmente : il y a sédimentation au niveau de l’interface solide-liquide. Inversement, si la pente est suffisamment grande, i.e. θ > θ, l’interface solide-liquide se déplace dans le sens des Z négatifs. Il y a érosion au niveau de l’interface solide-solide-liquide. On retrouve finalement un résultat assez intuitif : une avalanche se déplaçant sur une pente faible sédimentera. Inversement une avalanche se déplaçant sur une pente abrupte érodera le solide. L’explication est assez similaire à ce qui se passe dans le cas d’un solide qui glisse sur un plan incliné : si la pente θ est trop faible, la projection du poids selon l’écoulement ρgR sin θ ne compense pas la force de friction au niveau de l’interface µdynρgR sin θ. Le solide aura tendance à s’arrêter, i.e. le liquide aura tendance à sédimenter. La spécificité du liquide granulaire est que le coefficient de friction µdyn n’est pas une constante : µdyn dépend de l’écoulement du liquide granulaire donc potentiellement de l’épaisseur R de la phase liquide, de la pente θ de l’interface, ... Dans le cas de l’écoulement de liquide granulaire sur fond non-érodable, l’utilisa-tion d’un coefficient de fricl’utilisa-tion dynamique constant permet un bon accord avec les observal’utilisa-tions expérimentales [83, 84, 85]. On remarque néanmoins des désaccords importants lorsque l’épais-seur de la masse de granulaire qui s’écoule devient de l’ordre de grandeur de la taille typique de la rugosité du milieu sur lequel elle s’écoule. Or dans le cas des avalanches, la rugosité du solide granulaire est de l’ordre du grain. L’approximation qui consiste à considérer µdyn comme constante n’est juste que pour des phases épaisses comparées à la taille du grain. Pour traiter le cas d’épaisseurs minces ou d’interfaces rugueuses, des expressions empiriques des coefficients de friction dynamique ont été proposées [86, 87] mais il n’existe pas de modèle théorique qui fasse consensus.

4.3.2 Modèles statistiques des avalanches

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