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Introduction : qu’est-ce qu’une avalanche granulaire ?

Dans le document Breaking and flow of amorphous matter (Page 63-66)

Figure 4.1 – Les milieux granulaires regroupent une très large variété de systèmes physiques ainsi qu’une très large variété d’échelles de longueur. Les grains qui constituent un tel milieu peuvent être de l’échelle du millimètre (sable), du centimètre (produit de l’industrie agroalimen-taire ou de santé) ou encore du mètre (terril du nord de la France, anneaux de Saturne).

Avant de présenter la façon dont les physiciens ont observé et modélisé les avalanches dans les milieux granulaires, il est nécessaire de définir ce qu’est un milieu granulaire. En interrogeant des non-spécialistes du domaine, la réponse que nous avons généralement obtenue était qu’un milieu granulaire "c’est du sable". Si le sable est le premier exemple qui vient à l’esprit, les milieux

granulaires désignent bien plus de systèmes. Comme écrit dans le livre "Les milieux granulaires" de B. Andreotti, Y. Forterre et O. Pouliquen [57] en introduction, un milieu granulaire est "une collection de particules solides macroscopiques, typiquement de tailles supérieures à 100µm". Par la suite, et par analogie avec le sable, ces constituants élémentaires seront désignés sous le terme "grains". Le fait que les grains qui constituent un milieu granulaire doivent être des so-lides rigides exclut de la définition les émulsions étudiées dans la partie précédente. Néanmoins les milieux granulaires sont eux aussi englobés dans la notion plus large de "matière amorphe", de par le côté désordonné de leur structure microscopique. La taille typique des particules qui constituent un milieu granulaire est supérieure à 100 µm et exclut de la définition les assemblées de colloïdes, de taille typique d ∼ 10−9− 10−6m, où l’agitation thermique est non-négligeable, ainsi que les poudres, de taille typique d ∼ 10−6− 10−4m, où les interactions de van der Waals sont importantes.

Finalement, avec cette définition très large, les milieux granulaires englobent une très grande variété de systèmes. On retrouve donc les assemblées de roches telles que le sable de la plage mais également les pierriers ou bien encore les anneaux de Saturne. Les milieux granulaires regroupent également tous les produits fractionnés de l’industrie agro-alimentaire (blé dans un silo, café en grains, sucre en poudre...), minière (carrière, terril, ...) ou pharmaceutique (médicaments sous forme de pilules, ...).

Enfin, il est important de souligner que le terme milieu granulaire désigne le système dans son ensemble. L’étude des milieux granulaires est l’étude de la réponse de l’ensemble des grains qui constituent le milieu et non pas l’étude de la réponse individuelle de chaque grain. Il est évidemment nécessaire pour étudier un milieu granulaire de connaître la physique microscopique de ses constituants élémentaires. On peut distinguer deux grandes approches pour étudier de tels systèmes. La première consiste à considérer le milieu granulaire comme une phase homo-gène, en oublient la nature discrète des grains qui le constituent. On cherchera ensuite à définir les lois constitutives d’un tel milieu. Ce genre d’approche est similaire à celle qu’on retrouve en hydrodynamique, où les molécules d’eau ne sont pas prises en considération pour obtenir les équations constitutives du milieu. Ce dernier est étudié comme une phase à part entière, avec des quantités qui lui sont propres (masse volumique, viscosité, capacité calorifique, ...). Une deuxième approche consiste à étudier comment le système réagit au niveau microscopique. On cherchera dans un premier temps à modéliser l’influence des contraintes extérieures sur le comportement des grains qui constituent le système. Puis, dans un second temps, on cherchera à relier les comportements des grains à la réponse globale du système. La première méthode est macroscopique et continue, la deuxième est microscopique et discrète.

4.1.2 Introduction à la notion de solide et liquide granulaire par l’exemple des avalanches

Qu’est-ce qu’une avalanche ? Avalanche est un mot de la langue courante, prenons alors en premier lieu la définition du dictionnaire. D’après la première définition du Larousse :

avalanche : n.f., chute d’une masse de neige qui se détache de la montagne et dévale sur un versant en direction de la vallée.

La neige est probablement, avec le sable, le milieu granulaire le plus commun. On élargit alors la notion d’avalanche à tout autre milieu granulaire. Une avalanche est une masse de matière

granulaire qui se déplace depuis un lieu plus élevé vers un lieu plus en contrebas. On illustre Figure.4.2 deux avalanches de neige (i) et de sable (ii). On remarque que visuellement, ces deux phénomènes ont des caractéristiques communes : ils sont constitués d’une partie en mouvement et d’une partie statique, la première se déplace sur la seconde, il existe un front qui définit l’avancée de l’avalanche.

A noter que, en français, le mot avalanche peut également désigner une grande quantité d’évè-nements qui surviennent de façon simultanée. Le mot avalanche, tout comme le phénomène physique qui lui est associé, est donc étroitement lié à un déclenchement rapide. L’avalanche se déclenche de façon quasi-instantanée à partir d’une situation initialement instable. Le déclen-chement des avalanches et toutes les questions que cela soulève ne seront pas étudiés en détail dans cette étude mais restent néanmoins des sujets passionnants.

Erosion :

grain : statique ! mobile solide ! liquide phase :

grain : mobile ! statique liquide ! solide phase :

S´edimentation

i) ii)

iii)

~g

Figure 4.2 – Photographie d’une avalanche de neige (i) et de sable (ii). (iii) On schématise ces phénomènes par une phase en mouvement, appelée phase liquide, qui se déplace sur une phase immobile, appelée phase solide. Les grains peuvent s’arrêter ou se mettre en mouvement : il existe donc des échanges de matière entre les deux phases. La compétition entre l’érosion, passage de l’état statique à l’état mobile, et la sédimentation, phénomène inverse, détermine si une avalanche continuera, ou non, de s’écouler.

L’étymologie du mot "avalanche" fait apparaître le terme latin aval, i.e. vers la vallée. On re-trouve l’idée d’un mouvement du haut vers le bas, ce qui, du point de vue de la physique, traduit le fait que le déplacement de la matière se réalise sous l’action de la pesanteur. Le mouvement d’une phase dense continue qui se déplace tout en se déformant fait intuitivement penser à un liquide. A l’opposé, un solide est une phase dense qui se déplace sans se déformer. Néanmoins une avalanche se différencie de l’écoulement d’un liquide part le fait que la matière en mou-vement se déplace "sur elle-même". Par exemple, sur la Figure.4.2 ii), on peut distinguer deux

phases : le sable qui s’écoule, constitué de grains en mouvement, et le sable statique, constitué de grains immobiles. On peut alors schématiser une avalanche comme sur la Figure.4.2 : une phase constituée de grains en mouvement s’écoule par dessus une phase constituée de grains statiques. La composition de ces deux phases n’est pas figée : un grain immobile peut se mettre en mouvement, et, inversement, un grain mobile peut s’arrêter. Il existe donc un échange de matière entre les deux phases.

Le terme érosion désigne, en géologie, la modification du relief par un agent extérieur (eau, vent, ...). De la matière est arrachée au solide et emmenée au loin. Par analogie, nous désignerons par ce terme la mise en mouvement lors d’une avalanche d’un grain initialement immobile par un grain mobile. Le phénomène inverse, l’arrêt d’un grain mobile par un grain immobile, sera dési-gné sous le terme de sédimentation. Ce terme désigne le processus par lequel des particules de matière, initialement transportée par un fluide, cessent de se déplacer et s’agrègent en couches. Une différence est à noter par rapport à la sédimentation du lit d’une rivière : le fluide qui trans-porte les particules est ici constitué de ces mêmes particules. Typiquement, dans une avalanche, l’érosion "nourrit" l’avancée de l’avalanche tandis que la sédimentation en revanche a tendance à arrêter le mouvement.

A travers l’exemple d’une avalanche, on illustre une des particularités des milieux granulaires. Sous les mêmes conditions de pression et de température, un milieu granulaire dense peut avoir aussi bien un comportement solide qu’un comportement liquide. Le passage de l’un à l’autre dépend, entres autres, des forces qui lui sont appliquées. Typiquement, si les contraintes appli-quées ne sont pas trop fortes, les grains qui composent le milieu n’auront pas de mouvement les uns par rapport aux autres. Le milieu conservera sa forme et ne se déformera pas. Il possède un comportement solide. Mais si les contraintes appliquées deviennent trop fortes, les grains possè-deront un mouvement les uns par rapport aux autres. Le milieu se déformera irréversiblement et se mettra à s’écouler. Le milieu possède alors un comportement liquide. Suivant son comporte-ment, une phase granulaire dense sera qualifiée de solide granulaire ou de liquide granulaire. Les phénomènes d’érosion et de sédimentation qui ont lieu dans une avalanche peuvent être alors décrits comme le passage d’un état à l’autre. D’un point de vue microscopique, l’érosion est le passage d’un grain de la phase solide, où il est immobile, à la phase liquide, où il est en mouve-ment. La sédimentation est le processus inverse. D’un point de vue macroscopique, l’érosion est le passage d’un volume infinitésimal de l’état solide à l’état liquide .

La physique des milieux denses granulaires est un sujet d’étude actuel. Nous présenterons dans la partie suivante une introduction à la rhéologie des liquides granulaires. Nous introduirons des concepts de rhéologie qui seront nécessaires pour la construction de notre modèle.

Dans le document Breaking and flow of amorphous matter (Page 63-66)