• Aucun résultat trouvé

10. PROBLÉMATIQUE ET QUESTION DE RECHERCHE

12.1 Analyse globale du discours de l’enseignant

12.1.1 Transfert de la régulation

Les propos de l’enseignant (présentés en annexe) nous ont fait découvrir que le fait de transférer progressivement la régulation dans les mains de l’élève est une préoccupation pour lui. En fait, il justifie explicitement à plusieurs reprises certaines de ses interventions en disant qu’il fait cela dans l’objectif que l’enfant puisse le faire seul un jour, comme dans ces extraits : «…le fait de poser la question plutôt que d’donner la réponse parc’que, en posant la question j’l’oblige à lui ou elle faire la démarche dans sa tête » (EE, l. 99) et « dans l’but qu’à la longue y soit capable de l’faire lui-même oui » (EE, l. 106). Cela indique des façons dont l’enseignant s’y prend afin de faire ce transfert vers l’élève. En effet, l’enseignant utilise les

questions de relance qu’il pose à ses élèves afin d’amener ceux-ci à réfléchir, à faire la

démarche dans leur tête et à, éventuellement, s’en poser eux-mêmes. En plus de ce transfert de régulation, le fait que l’enseignant affirme faire une intervention afin que l’élève puisse le faire seul par la suite pourrait vouloir dire que le mode de transmission est direct au début et qu’il devient indirect, une fois intériorisé par l’élève. Nous y reviendrons en détail pour chaque élève. Dans l’entretien réalisé avec l’enseignant, celui-ci parle du transfert de la régulation comme d’un idéal, un objectif à atteindre. Nous avons vu précédemment que le fait de transférer la régulation dans les mains de l’élève peut favoriser le développement de la compétence de gestion du temps. C’est pour cette raison que nous croyons que cette intervention de la part de l’enseignant est favorable au développement de la gestion du temps chez ses élèves.

L’extrait suivant évoque le fait que les élèves de sixième année sont amenés par leur enseignant à utiliser un agenda de type conventionnel au lieu de leur agenda de classe. L’enseignant affirme que c’est dans le but que les élèves puissent essayer un nouvel outil de

22 Entretien enseignant ligne 76, voir ci-dessous annexe IV.

62

gestion du temps lorsqu’il croit qu’ils en sont capables : « bin en fait, je n’sais pas si j’t’en avais parlé, mais ya heum, certains élèves, heu en sixième année, maintenant qui sont heum, qui sont passés avec leur propre agenda heu… Agenda comme ça là. Donc ça c’est une des choses que moi j’leur permets d’évoluer dans l’sens où une fois qu’ils sont à l’aise avec ce agenda d’classe bin ils essayent quelque chose de nouveau là pour s'organiser un peu différemment pour s’rapprocher un peu de c’qui s’fait au secondaire aussi » (EE, l. 26). L’enseignant semble ainsi conscient du support de l’outil de gestion du temps et du fait que les élèves n’auront pas ce support dans un autre agenda que celui fourni durant les trois ans qu’ils passent dans sa classe. Nous pensons que cela démontre la conscience que l’enseignant a du fait que l’outil peut devenir un support nuisible pour les élèves qui gèrent adéquatement leur temps, possiblement parce qu’il offre une procédure claire et imposée qui ne leur serait plus utile et par laquelle ceux-ci se sentiraient limités. Nous pensons donc que cela démontre une préoccupation chez lui de faire progresser ses élèves afin qu’en sixième année ils soient en mesure d’utiliser un outil fournissant beaucoup moins de support, au sens où il ne propose pas de procédure à suivre et qu’il n’y aucune consigne officielle qui l’accompagne.

Concernant la procédure proposée par l’outil et normalement suivie par l’élève, l’enseignant affirme qu’il est ouvert à ce que l’élève se dote de sa propre procédure, si elle donne les résultats escomptés : « ouais pis yen a en fait que, yen a qui s’trouvent des trucs à eux pour heu, mettons, j’leur donne le truc moi d’mettre une croix à chaque fois que ça entre dans la correction, mais yen a qui fonctionnent un peu différemment pis si j’vois qu’ça fonctionne bin…tant mieux » (EE, l. 13). L’enseignant semble souhaiter le transfert de la régulation dans les mains de l’élève en leur accordant la liberté de se doter eux-mêmes d’une procédure. En effet, cela permet aux élèves qui le font de réfléchir et de mettre eux-mêmes en place leur propre procédure. Ils contrôlent ainsi eux-mêmes leurs régulations.

S’il est ouvert à ce que ses élèves se dotent eux-mêmes de procédures, il énonce quand même des consignes claires concernant l’organisation du travail à faire : « la seule chose que je j’exige je dis : ‘On travaille pas sur des travaux d’récupération si on n’a pas terminé c’qu’on a à faire actuellement’ » (EE, l. 248). Il exige effectivement que le travail de la semaine en

63

cours soit priorisé au travail des semaines dernières qui sera terminé en période de récupération expressément prévue à cet effet. Cela permet aux élèves de ne pas accumuler davantage de retard. Encore ici, on peut imaginer que cette consigne est donnée dans l’objectif qu’ils l’intériorisent par la suite, car ils en verraient l’utilité.

Rappelons-nous que la première composante du développement de l’autocontrôle selon Zimmerman, Bonner et Kovach (2000) est la fixation d’objectifs. Les élèves s’en fixent donc à court terme à l’aide de l’outil de gestion du temps, mais ils ont également un objectif à long terme en tête. Nous verrons, dans l’analyse concernant les élèves, que ces objectifs ne sont pas les mêmes pour chacun. L’atteinte de l’objectif, lorsque questionnée, est donc différente. Quel est cet objectif et qu’est-ce qui fait qu’un élève l’adopte? L’enseignant mentionne ces différents objectifs. Il aborde également sa vision du rôle de l’enseignant quant aux encouragements qui favorisent la persévérance chez l’élève : «…qui24 a beaucoup parlé de la

motivation, pis entre autres elle parle de la différence entre féliciter pour un état et féliciter pour un effort. J’simplifie beaucoup, bon elle a des termes plus intelligents qu’ça pour l’dire, mais ça c’est quelque chose que j’essaye de faire. C’est-à-dire de… d’encourager en félicitant les moments où ils ont bien travaillé, en félicitant les efforts qui ont été fournis ou heu les petits pas qu’ils ont faits dans la progression. Heu plus que heu... ça j’fais très attention parc’que quand on, j’l’ai fait au début de féliciter les enfants quand ils ont fini leur s’maine, et ça c’est pas positif parc’que, de façon générale, heu ça fait que les enfants vont chercher à finir leur s’maine. Pis c’est pas nécessairement ça qu’on veut à l’école hein. Le but c’est qu’c’est pas nécessairement d’finir sa s’maine, le but c’est d’apprendre » (EE, l. 294).