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Différenciation pédagogique

10. PROBLÉMATIQUE ET QUESTION DE RECHERCHE

12.1 Analyse globale du discours de l’enseignant

12.1.3 Différenciation pédagogique

Nous allons maintenant exposer quelques-unes des principales interventions que l’enseignant pose auprès de chaque élève. Lors de nos observations en classe, les activités d’enseignement et d’apprentissage habituelles avaient lieu. Nous avons ainsi pu constater que l’enseignant intervenait de façon différente avec chacun des élèves. Voyons de plus près en quoi ces interventions diffèrent d’un élève à l’autre.

De façon générale, l’enseignant affirme ne pas avoir les mêmes exigences envers chacun et adapter les travaux à leurs besoins : « Heu, ces élèves-là de façon générale, j’ai pas la même exigence sur la longueur des travaux. La qualité oui parc’que, mais la longueur, et pis ça c’est, on, on peut faire ça à Montessori, parc’que heu, typiquement, c’est pas des cases à remplir ou quoi donc j’peux dire bon elle a fait deux opérations d’moins bon. S’pas grave ou heu son texte y fait une page et demie au lieu de deux. Donc on peut plus facilement jouer avec ça, pis j’peux aussi heu c’que j’fais des fois quand on arrive à la fin d’la s’maine, surtout quand l’enfant y vient m’voir en m’disant ‘M. Morita25 j’ai l’impression qu’ma s’maine, ça va pas très bien’ , j’suis super content quand ils viennent me voir comme ça parc’que c’comme un signe qu’y sont entrain de…fek dans c’temps-là j’fais ça toujours avec eux pis je r’garde

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qu’est-ce qu’on peut raccourcir qu’est-ce qu’on peut simplifier, des fois c’est juste que…ya un travail qu’on va arrêter l’autocorrection à la moitié donc est fait un gros effort sur la première partie pis la deuxième heu…on laisse faire là pis on passe au suivant donc tsé des p’tits arrangements qu’on peut faire comme ça aussi » (EE, l. 144). Des éléments de différenciation pédagogique sont explicitement mentionnés, tels raccourcir et simplifier la tâche. Aussi, quand nous avons demandé si ses interventions sont individualisées, il nous a répondu que : « Ah c’est super important, ils sont tellement différents les enfants. Pis j’pense, académiquement, on voit toujours des grosses différences entre les élèves, mais niveau d’l’organisation personnelle, c’est là où j’trouve qu’y a le plus de grosses différences. J'ai des élèves mon dieu, en quatrième année j’pourrais leur donner leur agenda pis ce s’rait réglé » (EE, l. 601). Il mentionne ainsi que c’est important pour lui que les interventions soient individualisées et dit mettre en place des éléments de différenciation pédagogique auprès de ses élèves.

Prenons maintenant l’exemple des questions de relance. L’enseignant mentionne qu’il pose consciemment des questions différentes d’un élève à l’autre selon le degré de contrôle dont l’enfant a besoin et selon le degré de réflexion dont il peut faire preuve. Il dit poser des questions : « plus ou moins claires dépendamment c’est qui. Laurence26 j’vais pas lui dire

‘Est-ce que tu penses que ton travail d’histoire était trop long?’ » (EE, l. 636). Par le terme

clair, nous pensons qu’il veut dire précis, donc qu’il a moins besoin d’être précis, pointilleux,

dans ses questions quand l’élève est susceptible de pouvoir faire des inférences seul afin d’identifier des éléments de réponse et ainsi de porter une réflexion sur ses régulations : « Laurence27 c’est ‘Comment ça s’fait qu’t’as pas terminé?’ » (EE, l. 639), « Pis elle arrive toute seule à trouver sa réponse. Jolianne28,29 si j’pose la question comme ça, je doute à c’qu’elle soit capable d’aller loin dans l’analyse au point de saisir qu’est-ce qui a pas été » (EE, l. 641). Quand il en pose à des élèves comme Jolianne, il dit que : « Souvent j’vais aller

26 Nom fictif donné à l’élève.

27 Laurence est l’élève participante qui a été sélectionnée pour sa gestion du temps adéquate. 28 Nom fictif donné à l’élève.

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plus précis dans mes questions » (EE, l. 645) ce qui rejoint et confirme notre interprétation ci- haut du mot clair.

En ce qui a trait au fait de rencontrer chaque élève le jeudi pour faire le bilan de la liste de leurs travaux à faire durant la semaine, l’enseignant intervient de façon différente pour chacun d’entre eux. Chaque rencontre est différente et est adaptée à l’agenda et aux travaux de chacun. Avec Laurence, l’élève sélectionnée pour sa gestion du temps adéquate, l’enseignant dit faire une brève vérification des travaux faits, sans plus : « mais c’est ça, je, j’l’aide à, à évaluer elle-même d’avance qu’est-ce qui serait une bonne idée comme temps pour investir sur un travail » (EE, l. 556). Avec Albert, l’élève sélectionné comme démontrant un niveau de compétence intermédiaire en gestion du temps, il dit que cela varie d’une semaine à l’autre, parfois il a besoin de plus de support, mais ça se passe bien de façon générale.

La rencontre avec Jolianne tous les jeudis est différente d’avec les deux autres élèves participants (d’après l’enseignant : EE, l. 515). Elle est plus longue et comporte plusieurs étapes. Voici comment l’enseignant la décrit : « Alors Jolianne, ça c’est une rencontre pas toujours facile. En même temps, je l’sais où est-ce qu’elle est donc je sais ce qui m’attend dans ma rencontre, mais bon, là j’lui d’mande de v’nir, première chose que j’lui d’mande son agenda, en général j’la renvoie à sa place pour qu’elle aille le remplir parce qu’il manque des choses, elle a pas écrit sa journée ou des choses comme ça. Après ça elle revient ensuite on prend un travail à la fois et puis on règle ce qui est facile à régler, par exemple quand il reste juste une affaire à vérifier bin, elle me le montre, on vérifie si yé faite, on signe dans l’agenda. Quand y’a des travaux que j’vois qui sont trop longs, qu’on peut pas régler tout de suite j’les mets de côté-là pis ça m’fait ma pile de récup, probablement ma pile de c’qui va devenir récup à la fin. Ça m’arrive beaucoup avec Jolianne et quelques autres élèves aussi, de dire bon bin r’garde là y t’reste 4 fautes, donc là j’les guide, bon ça c’est dictionnaire, Bescherelle, pis r’garde ici qu’est-ce que c’est comme nature de mot, c’est un adjectif va falloir l’accorder avec le nom. Donc là elle s’en va, j’lui dis de l’faire tout d’suite, moi j’garde toutes ses affaires sur ma table, elle fait ses choses, on vérifie, on signe, on passe au suivant. C’est pour ça que typiquement Jolianne pis quelques autres élèves j’les prend en premier parce que tout

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l’après-midi j’en rencontre d’autres mais j’suis comme en rencontre tout l’après-midi avec elle donc heu, pendant qu’elle est fait des p’tites corrections bin j’en rencontre un autre, etc. » (EE, l. 515). L’enseignant met en place des éléments de différenciation pédagogique lors de cette rencontre, tel que permettre à Jolianne de terminer un travail, qui aurait dû être terminé avant, à ce moment-là.

La différenciation pédagogique est un élément qui revient souvent dans les propos de l’enseignant. Il dit intervenir différemment avec chacun des trois élèves. Les questions de

relance, les objectifs et la procédure en sont de bons exemples. Il pose des questions de relance aux trois élèves, mais les formulations et les objectifs de ces questions sont très

différents. L’enseignant semble conscient que l’objectif est différent d’un élève à l’autre. Il impose une procédure à Jolianne parce qu’il juge qu’elle en a besoin et il permet à Albert de se doter de sa propre procédure puisque cela fonctionne : « …avec son système ça marche bien, on va continuer comme ça » (EE, l. 596). Cette différenciation est selon nous au cœur du développement d’une compétence, ici celle de gestion du temps. Le fait d’intervenir de façon différente avec chacun permet un accompagnement personnalisé menant à un niveau de régulation de la part de l’enseignant qui est adapté afin de permettre à l’élève de mobiliser le niveau de régulation qui permettra le développement de plus d’autonomie.

Plusieurs extraits témoignent de cette préoccupation chez l’enseignant, dont les deux suivants que nous jugeons particulièrement pertinents au sujet de la perception qu’il a concernant la différenciation pédagogique : « Heu, bin c’est sûr qu’ya des élèves qui au début de quatrième année sont pas à l’aise avec l’outil donc heu ils vont, au début l’utiliser d’façon très sommaire, très simple et puis heu j’vais évidemment pas avoir la même exigence avec celui qu’yé en début d’quatrième année par exemple avec les croix et les choses comme ça là mais plus ça avance plus j’vais heu, j’vais lui d’mander d’être heu, de bien s’occuper d’son agenda là comme la page de gauche par exemple là, heum, yen a beaucoup qui y pensent pas. Ou qui ont pas envie d’la remplir » (EE, l. 35). C’est ici la différenciation pédagogique présente entre les élèves de 4e et ceux de 6e année. De plus, les adaptations (raccourcir, morceler la tâche) et

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de façon générale, j’ai pas la même exigence sur la longueur des travaux. La qualité oui parc’que, mais la longueur, et pis ça c’est, on, on peut faire ça à Montessori, parc’que heu, typiquement, c’est pas des cases à remplir ou quoi donc j’peux dire bon elle a fait deux opérations d’moins bon. S’pas grave ou heu son texte y fait une page et demie au lieu de deux. Donc on peut plus facilement jouer avec ça, pis j’peux aussi heu c’que j’fais des fois quand on arrive à la fin d’la s’maine… » (EE, l. 144).