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Synthèse au sujet de Jolianne

10. PROBLÉMATIQUE ET QUESTION DE RECHERCHE

12.4 Le cas d’Albert

12.5.6 Synthèse au sujet de Jolianne

Jolianne est une élève nécessitant le support de l’outil et de l’enseignant pour la guider dans sa gestion du temps. Nous avons vu, notamment dans les procédures, qu’elle se fie à son outil qu’elle utilise de façon régulière. Les consignes de l’enseignant jouent également un rôle d’encadrement dans le développement de sa compétence de gestion du temps. Ces propos résument bien ce dont Jolianne a besoin pour utiliser adéquatement son agenda selon son

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enseignant : « d’un encadrement quotidien » (EE, l. 75). Cela dit, selon son enseignant, il y a également un problème de vitesse d’exécution des tâches, dû à son trouble déficitaire de l’attention, selon son parent : « heu, faut dire que Jolianne oui ya, ya un problème d’organisation, mais yé surtout au niveau de la rapidité d’exécution son problème. Donc on peut avoir la meilleure organisation du monde, si ça prend deux heures pour faire un travail d’une heure, arriver à la fin de la s’maine c’est difficile nécessairement » (EE, l. 139). L’élève associe également son manque de temps à la vitesse d’exécution des tâches : « les heures parce que je tombe souvent dans la lune alors je, ça peut arriver que je décale les heures sans vraiment que ça soit pré prévu » (EJ, l. 68). La vitesse d’exécution et les difficultés qu’elle éprouve à gérer adéquatement son temps sont donc deux éléments majeurs qui caractérisent la situation actuelle.

D’ailleurs, la situation actuelle de Jolianne pourrait s’apparenter à une situation d’un élève dépendant, caractérisée par un niveau de régulation faible de la part de l’élève, un niveau de régulation fort de la part de l’enseignant, ce qui se traduit par une majorité de médiations contrôlantes directes et une minorité de médiations contrôlantes indirectes, tel que décrit dans notre hypothèse.

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13. DISCUSSION

Notre objectif, rappelons-le, était de mieux connaitre les interventions qui prennent place dans un contexte d’interaction entre un enseignant, un élève et un outil de gestion du temps dans un cadre d’apprentissage autorégulé. Notre contexte de recherche était une classe de 2e cycle d’une école à pédagogie Montessori utilisant un outil de gestion du temps. L’objectif de départ a pu être réalisé grâce aux données recueillies et à leur analyse.

L’analyse et l’interprétation des résultats effectués suite à la collecte de données nous permettent de mieux comprendre l’interaction entre enseignant et élèves autour de l’outil de gestion du temps. Ces trois études de cas nous ont en effet permis de mieux comprendre en détail les médiations encore transmises par l’enseignant ou mises à disposition par l’outil et les processus mobilisés par les élèves. Nous avons constaté que les différents processus sont souvent perçus par les élèves comme provenant d’eux-mêmes, donc déjà intériorisés alors que l’enseignant s’en attribue souvent une plus grande partie.

Les tabous sont présents dans le discours de l’enseignant, mais absents pour celui qui les enfreint, donc les trois élèves.

La procédure utilisée par chaque élève évolue puisque chacun d’entre eux la modifie et se l’approprie lorsqu’elle est intériorisée. Elle semble avoir été la même pour tous les élèves au départ, mais lorsque l’élève l’intériorise, il l’adapte à ses besoins. Ceci est de plus en plus marqué à mesure que les élèves ont plus intériorisé la démarche proposée.

Nous avons également constaté l’importance des questions de relance posées par l’enseignant au regard du développement de la réflexion et de l’autorégulation de l’élève. Ces questionnements posés de façon directe au début portent les élèves à réfléchir à leurs façons de faire et à gérer leur temps. Lorsque ce type de questions devient intériorisé chez l’élève, il devient un moteur à la capacité d’analyse, au questionnement, à la réflexion de l’élève, bref à

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son autorégulation. L’enseignant n’a dès lors plus qu’à renvoyer l’élève aux questions qu’il pourrait se poser lui-même.

Lorsque les élèves parlent de l’évaluation en fonction de l’objectif, on remarque tout de suite que l’objectif est propre à chacun et qu’il diffère même de celui énoncé par l’enseignant (l’objectif selon l’enseignant, rappelons-le, est que l’élève soit autonome avec l’utilisation de son outil de gestion du temps et qu’il apprenne). En effet, pour Laurence, l’objectif consiste à être fière d’elle, pour Albert, il consiste à avoir complété tous ses travaux et pour Jolianne, il s’agit d’avoir fourni le maximum d’efforts.

L’évaluation sanction étant absente de tous les discours, nous constatons donc que ce type d’évaluation n’est pas ou très peu utilisé dans ce contexte. Les évaluations en fonction de

l’objectif, formative et critériée font davantage partie des pratiques pédagogiques de

l’enseignant puisqu’elles ressortent de tous les discours. Selon nous, cela est attribuable au fait que l’enseignant ne perçoit pas l’erreur comme un échec, mais bien comme un tremplin pour l’élève pour comprendre et améliorer ses stratégies.

De façon générale, les données recueillies nous indiquent clairement la façon dont l’intériorisation de médiations se produit dans ce contexte, soit de passer du direct, fourni par l’enseignant, à l’indirect, mobilisé par l’élève. Nous constatons ainsi le glissement entre la mobilisation de médiations indirectes par l’élève, donc vers son autorégulation. Cela corrobore les travaux de Buysse (2012a) selon lesquels les médiations directes deviennent indirectes lorsque l’élève les intègre : c’est ainsi qu’a lieu l’intériorisation des médiations. Les données nous permettent aussi de constater l’état actuel de la compétence de gestion du temps dont peut faire preuve chaque élève.

Trois situations basées sur les travaux de Zimmerman, Bonner et Kovach (2000), de Vermunt et Verloop (1999) et de Buysse (2012a) avaient été déterminées selon une progression dans le partage des régulations entre l’enseignant et l’élève. Nous avions postulé que, selon le type de

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médiations présentes et le niveau de régulation de l’enseignant et de l’élève, le niveau de régulation et de développement de la compétence de gestion du temps se transfère progressivement dans les mains de l’élève. La part de l’enseignant et de l’élève étaient établies pour chaque situation. Ce postulat se confirme suite à l’analyse des données recueillies. Ces trois situations étaient les suivantes :

1- Élève dépendant : niveau de régulation faible de la part de l’élève, niveau de régulation fort de la part de l’enseignant traduit par une majorité de médiations contrôlantes directes et une minorité de médiations contrôlantes indirectes.

Jolianne avait été sélectionnée comme étant une élève qui présente une faible compétence en gestion du temps. L’analyse nous apprend que cette élève a recours de façon hebdomadaire au support de son outil de gestion du temps et à l’aide de son enseignant. Les médiations contrôlantes directes provenant des trois types de sources des médiations (soit l’élève, l’enseignant et l’outil) sont présentes. Ce cas d’élève correspondrait donc, selon nous, au profil de l’élève dépendant.

2- Élève intermédiaire : niveau de régulation partagée entre l’élève et l’enseignant, traduit par des médiations contrôlantes directes et indirectes.

Les médiations contrôlantes directes et indirectes sont bien présentes dans le cas d’Albert. Comme l’enseignant et son parent en ont témoigné, l’élève arrive la plupart du temps à gérer adéquatement son temps, mais il a besoin du support fréquent de l’outil et de l’enseignant.

3- Élève indépendant : niveau de régulation fort de la part de l’élève, niveau de régulation faible de la part de l’enseignant, traduit par très peu de médiations contrôlantes directes lorsque nécessaire et une majorité de médiations contrôlantes indirectes.

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Le cas de Laurence illustre bien cette situation dans laquelle l’élève fait preuve d’un niveau de régulation élevé traduit par la présence de médiations mobilisées de façon indirecte, démontrant ainsi l’intériorisation de celles-ci par l’élève. Les interventions de l’enseignant se font au besoin et l’utilisation de l’outil de gestion du temps aussi. Laurence, son parent et son enseignant ont tous le même discours concernant la compétence de gestion du temps de l’élève : elle sait gérer adéquatement son temps seule.

En ce qui concerne le développement de cette compétence, les propos des parents et de l’enseignant ont confirmé que les trois élèves ont vécu une amélioration de leur compétence en gestion du temps depuis les dernières années. Nous pouvons donc supposer que l’encadrement autour de l’utilisation de l’outil de gestion du temps et l’intervention de l’enseignant ont pu contribuer à favoriser ce développement, composante de l’apprentissage autorégulé. Il va sans dire que l’élève a une grande part de responsabilité dans son développement de la compétence. La gestion du temps se transfère donc progressivement dans les mains de l’élève. Dans les trois cas, le soutien de l’enseignant a changé avec le temps.

De façon plus générale, l’analyse par occurrence telle que celle réalisée dans la présente recherche impose assurément des limites. Effectivement, comme les indicateurs de médiations présents ont été comptabilisés chaque fois que l’indicateur revient, et ce, même si cet indicateur revient à plusieurs reprises, cela ne peut pas rendre justice à la prépondérance des éléments. Les analyses par unité de sens et par étendue de couverture auraient pu être pertinentes et auraient permis un regard sur les données qui inclut plusieurs modes d’analyse. Cela dit, dans les délais et la faisabilité de la recherche, nous avons opté pour une analyse par occurrence qui nous semble corroboré par le sens des propos tel qu’il ressort des entretiens. La taille de l’échantillon étant petite, les conclusions que nous tirons sont limitées et relèvent de l’étude de cas «exemplaire» vu que les élèves ont été choisis en fonction de leurs caractéristiques d’apprentissage. Il serait intéressant d’observer ce contexte à plus grande

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échelle afin d’être en mesure de remarquer des constantes dans des cas similaires. Cela pourra faire l’objet de futures recherches.

Le fait d’avoir observé les données recueillies à la fois sous l’angle des sources et des modes de transmission nous permet un regard plus enrichi de celles-ci, en ayant mis en valeur les différences de perception quant aux apports de l’enseignant, de l’outil et des élèves eux- mêmes.

La pédagogie Montessori offrant un cadre bien spécifique, il serait intéressant de voir si de telles conclusions pourraient être tirées de contextes différents, autant en pédagogies alternatives qu’en pédagogie plus traditionnelle. Ceci pourra faire l’objet de recherches ultérieures afin de mieux connaitre les interventions et les niveaux de développement de compétence de gestion du temps dans un cadre d’apprentissage autorégulé.

Concernant la fiabilité des résultats, il peut s’être glissé le facteur de désirabilité sociale dans les réponses des participants. En effet, malgré l’anonymat de la démarche, les sujets rencontrés ont pu répondre de façon à vouloir plaire à la chercheure qui les a questionnés ou à répondre ce qu’ils pensent qui correspond à la «bonne réponse».

La fiabilité repose également sur le fait que la recherche soit reproductible. D’autres données recueillies dans des contextes similaires avec des candidats présentant un niveau similaire de gestion du temps pourrait donner le même genre de résultats que ceux de la présente recherche. Pour ce faire, le contexte de Pédagogie Montessori devrait être respecté parce que les élèves fréquentant ce milieu scolaire sont amenés depuis leur très jeune âge à gérer eux- mêmes leur temps, ce qui contribue inévitablement à mettre en pratique leur compétence. Les élèves qui ont toujours été encadrés dans le temps par un élément externe à eux-mêmes (comme l’enseignant ou l’organisation de la classe) ont eu moins de moments pour exercer et possiblement développer leur compétence de gestion du temps. Il va sans dire que le facteur humain présente un des biais possibles, soit le fait qu’un autre chercheur ait pu analyser les médiations sous un angle différent. Les résultats de la présente recherche sont ainsi

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reproductibles avec un souci de récolter les données dans des contextes très près de celui d’origine.

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14. CONCLUSION

Dans le cadre de cette recherche, nous nous sommes intéressés à l’apprentissage autorégulé et plus particulièrement à la compétence de gestion du temps. Comme le développement de cette compétence se fait, entre autres, à travers les médiations, nous nous sommes intéressés aux médiations contrôlantes présentes dans différents contextes de classe tels lors d’entretiens entre l’élève et l’enseignant, lorsque l’élève est en action, lorsque l’élève est en apprentissage avec l’enseignant, etc.

C’est en nous basant principalement sur les travaux de Buysse (2012a), de Zimmerman, Bonner et Kovach (2000) et sur Vermunt et Verloop (1999) que nous avons analysé les médiations contrôlantes de 2e ordre de type contrôle et évaluation concernant trois élèves et

avons comparé leur perception avec celle de leur enseignant à leur sujet. Nous avons identifié les sources de ces médiations (outil, enseignant et élève) et leur mode de transmission (direct et indirect) afin de dresser un portrait de ce que l’élève a déjà intériorisé en matière de gestion du temps et les éléments qui nécessitent actuellement le support de l’enseignant et/ou de l’outil. Un parent de chacun de ces élèves a été rencontré afin de croiser son regard avec ceux de l’élève et de l’enseignant.

Nos résultats ont montré que l’intervention de l’enseignant doit être adaptée selon le niveau de compétence en gestion du temps de l’élève si l’on veut permettre un développement chez l’élève. Par exemple, l’élève démontrant une forte compétence en gestion du temps nécessite une moins grande intervention de la part de l’enseignant que l’élève qui a des difficultés en gestion du temps. Ainsi, l’enseignant doit faire preuve de différenciation dans ses interventions face aux élèves s’il veut pouvoir permettre un développement chez ceux-ci. Afin de maximiser ce développement, l’enseignant doit laisser faire seul à l’élève une partie de sa gestion du temps. Cette partie est différente pour chaque élève, selon le degré de compétence dont il fait preuve. Cela permet à l’élève de pouvoir mettre en pratique ou utiliser les médiations transmises par l’enseignant afin qu’elles deviennent, à force d’utilisation, intériorisées par l’élève.

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