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10. PROBLÉMATIQUE ET QUESTION DE RECHERCHE

12.3 Le cas de Laurence

12.3.3 Comparaison des discours de Laurence et de l’enseignant

12.3.3.1 Monitoring tabou

Tel que mentionné ci-haut, aucun tabou ne ressort de l’analyse du discours de Laurence. Par contre, l’enseignant en précise un concernant l’utilisation de l’outil en classe et cela concerne donc Laurence aussi. Ce tabou provient de l’enseignant et est transmis de façon directe (explicite) puisqu’il le précise clairement à ses élèves : « Donc tout est possible. La seule chose que je j’exige je dis « On travaille pas sur des travaux d’récupération si on n’a pas terminé c’qu’on a à faire actuellement » (EE, l. 248). C’est ce qui explique que, selon l’enseignant, 100% des tabous proviennent de lui de manière directe et que, selon Laurence, il n’y a pas présence de tabou (0%).

12.3.3.2 Monitoring - Consignes

Concernant les consignes, l’analyse des discours nous apprenait que Laurence perçoit que les

consignes indirectes proviennent à 100% d’elle alors que l’enseignant à 57% de lui et à 43%

d’elle. Nous interprétons cette différence de perception par le fait que l’élève puisse forcément mieux connaître ce qui vient d’elle, ce qu’elle a intériorisé, que l’enseignant. Il ne sait peut-être pas ce qui vient d’elle ou pas. Le fait que l’enseignant perçoive qu’une majeure partie des consignes provienne de lui concorderait donc avec le fait qu’il ne sait peut-être pas ce que l’élève a intériorisé. Cela dit, tel qu’abordé dans la section analyse du discours de

l’enseignant ci-haut, il énonce clairement que son objectif est que ses élèves puissent faire

éventuellement seuls ce qui nécessite son aide au début : « Donc heu, au début bin j’rappelle à chaque semaine de pas oublier de l’remplir chaque jour etc. puis bin plus ça avance plus j’m’attends à c’qu’ils soient toujours à jour là, au moins une fois par jour. Sinon c’est difficile à remplir après » (EE, l. 45). C’est donc dire que, même s’il ne perçoit pas que des consignes peuvent avoir été intériorisées par Laurence, son objectif demeure de transférer la régulation dans les mains de l’élève.

Leur vision des choses semble différer également au sujet des consignes transmises de façon directe : Laurence en attribue la moitié (50%) à l’outil et l’autre moitié (50%) à l’enseignant

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alors que l’enseignant s’en attribue 100%. Selon nous, cela peut être également dû au fait que l’élève sent qu’elle doit suivre des consignes établies par l’outil alors que l’enseignant en n’est peut-être pas conscient ou ne pense pas à le mentionner lors de l’entretien.

12.3.3.3 Monitoring - Questions de relance

Les discours de Laurence et de son enseignant font ressortir tous les deux que 100% des

questions de relance transmises de façon directe proviennent de l’enseignant. Cependant,

concernant celles qui sont transmises de façon indirecte, l’enseignant les perçoit comme provenant à la fois de l’outil (40%), de l’élève (40%) et de lui-même (20%). Cela démontre que, pour lui, l’outil de gestion du temps (l’agenda) amène l’élève à se poser des questions de par sa structure. Aussi, le cadre d’analyse que nous utilisons suggère que « le sujet invente les questions de relance en fonction de la situation » (Buysse, 2012a, p. 146). Cela rejoint tout à fait les propos de l’enseignant au sujet des questions de relance portées par l’outil de gestion du temps (agenda).

12.3.3.4 Monitoring - Procédure

Ce que nous retenons dans le cas de Laurence concernant les procédures, c’est que l’enseignant lui a transmis de façon directe au début (il y a deux ans quand elle est arrivée dans sa classe) et que ces procédures ont été intériorisées par l’élève. Les procédures proviendraient donc selon l’enseignant à 100% de l’élève, de façon indirecte, donc intériorisée. Aucune procédure directe ne ressort de son discours. Le constat actuel est que l’élève mobilise les médiations relatives aux procédures de façon indirecte (implicite), mais que cela relève d’un processus d’intériorisation enclenché il y a déjà quelques années. Laurence attribue ces médiations indirectes à elle-même en grande majorité (80%) et le reste à l’outil (20%).

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12.3.3.5 Monitoring - Persévérance

Les deux participants sont en accord au sujet des médiations de type persévérance transmises de façon indirecte : elles proviennent toutes (100%) de l’élève. Celles transmises de façon directe, selon l’enseignant, proviennent à 100% de lui, alors que le discours de Laurence n’en fait pas mention. Elle explicite d’ailleurs qu’elle ne voit pas qui l’aide à persévérer : « Mais qui pourrait m’encourager? » (EL, l. 155). Laurence ne perçoit peut-être pas les encouragements à persévérer provenant de son enseignant.

12.3.3.6 Évaluation en fonction de l’objectif

En ce qui concerne l’évaluation en fonction de l’objectif, l’élève et son enseignant sont en accord sur le fait qu’aucune (0%) médiation de ce type n’est faite de manière directe (explicite) et que 100% des médiations mobilisées de façon indirecte (implicite) proviennent de l’élève : « bin quand un peu j’ai pu de travaux à faire, surtout quand c’est rendu l’jeudi pis là tous mes travaux sont faits bin là j’me dis que … mon objectif est atteint là. Bin moi c’est, c’parce que ça dépend vraiment des gens, moi c’est vraiment de terminer ma s’maine mais en faisant quand même des travaux assez longs là, parce que quand j’fais des travaux courts on dirait disons mais quand j’fais des p’tites compo là je sais pas mais chu pas fière de moi » (EL, l. 165). C’est donc dire que dans ce cas-ci, « le sujet évalue son résultat en fonction de l’objectif fixé ou de la finalité choisie » (Buysse, 2012a, p. 141).

Selon nous, cela démontre que Laurence en n’est plus à atteindre l’objectif de terminer ses travaux dans les temps et savoir gérer son temps adéquatement, mais bien que cela est intériorisé chez elle et qu’elle travaille sur d’autres objectifs qui font suite à ceux-là, comme allonger ses travaux selon le temps dont elle dispose et développer son sentiment de fierté face à la qualité de ses travaux.

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Nous avons vu que l’enseignant semble s’attribuer 50% de ce type de médiation transmise de façon directe et 50% à son élève alors que Laurence se les attribue toutes (100%). Selon nous, cette différence peut s’expliquer par la divergence de perception : l’élève n’est peut-être pas totalement consciente de l’aide que son enseignant lui fournit pour l’aider à s’autoévaluer en fonction des critères. Pourtant, selon nous, il mentionne clairement qu’il l’aide à ce niveau : « heu sauf justement quand y’a des, si elle finit pas, systématiquement, si elle finit pas, on s’assoit pis on r’garde pourquoi » (EE, l. 547), ce qui concerne les critères d’évaluation pour l’atteinte d’un résultat, qui consiste ici à terminer ses travaux de la semaine. Nous interprétons cela comme le fait qu’ils perçoivent tous les deux que Laurence établit elle-même ses critères d’évaluation et que l’enseignant demande à l’élève de s’évaluer en se basant sur ses critères, élément présent chez Buysse (2012a) lors de l’évaluation critériée indirecte du sujet.

Les médiations de type évaluation critériée transmises de façon directe sont attribuables, selon Laurence, à elle-même dans une proportion de 67% et à l’enseignant dans une proportion de 33%. Aucune médiation de ce type ne ressort de l’analyse du discours de l’enseignant. Selon nous, cela est dû au fait que Laurence se fie aux critères qu’elle établit.

12.3.3.8 Évaluation formative

Dans les deux analyses de discours, la plus grande proportion de médiations de ce type provient de l’enseignant, à 100% selon l’élève et à 86% selon l’enseignant (et les 14% restants à l’élève). Selon nous, l’élève perçoit que cela provient de l’enseignant alors que ce dernier a l’impression de l’accompagner dans cette évaluation : « mais c’est ça, je, j’l’aide à, à évaluer elle-même d’avance qu’est-ce qui serait une bonne idée comme temps pour investir sur un travail » (EE, l. 556). Cela dit, il est clair pour nous que « le formateur évalue le sujet afin de lui donner un retour, de le rendre attentif à ses erreurs, etc. » (Buysse, 2012a, p. 141). Dans le cas de Laurence, cette évaluation se fait durant leurs rencontres hebdomadaires du jeudi. C’est le moment où l’enseignant donne des retours à l’élève et lui demande de s’autoévaluer : « le formateur demande aux élèves d’identifier leurs difficultés seuls ou à plusieurs » (Buysse, 2012a, p. 141).

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12.3.3.9 Évaluation sanction

Buysse (2012a) décrit ce type d’évaluation comme étant un jugement sans appel où l’erreur est perçue comme un échec et cela explique en partie, selon nous, pourquoi l’évaluation

sanction est absente des propos de ces participants. En fait, suite aux observations réalisées en

classe et aux entretiens, les participants semblent percevoir l’erreur davantage comme un tremplin qui permet de mieux comprendre les stratégies utilisées et ainsi d’être en mesure d’améliorer la gestion du temps au lieu d’être une fin en soi qui soit imputable.