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Le transfert de propriété à la veille du Code civil À la veille du Code civil, en effet, la

SOLO CONSENSU

99. Le transfert de propriété à la veille du Code civil À la veille du Code civil, en effet, la

règle en vigueur conduisait, dans la dernière étape de son évolution, les parties à insérer une clause spécifique dans le contrat de vente. Les clauses de « dessaisine-saisine » et de « constitut

possessoire » avaient ainsi remplacé les formalités lourdes de délivrance, et donc de transfert

de la propriété. À titre d’illustration, il résultait de la clause de « constitut possessoire » que la propriété était transférée, autrement dit, que la délivrance avait eu lieu, mais que le vendeur assurait la détention de la chose pour le compte de l’acheteur 360. Ce n’est pas seulement ce formalisme qui se trouve simplifié par le mécanisme du transfert solo consensu de la propriété. La nouvelle règle résout aussi un problème de fond, lequel est apparu essentiel lors de l’élaboration du Code civil.

La question de fond a été tirée évidemment de l’iniquité, sinon de l’injustice décriée dans les systèmes juridiques antérieurs au Code civil de 1804. Le contrat de vente issu des droits précédant le Code civil ne créait pas d’obligation, alors que l’on sait qu’il mettait par

358 Certains doutent encore de la consécration de ce principe par le Code civil : W. DROSS, « Le transfert de propriété en droit français », RDC, octobre 2013, p. 1694, n° 4.

359 R. JUAN-BONHOMME, Le transfert des risques dans la vente de meubles corporels, thèse Montpellier, 1978, n°16 : « Certains auteurs, s’interrogeant sur la raison pour laquelle les rédacteurs du Code civil

avaient opté pour le transfert de la propriété solo consensu, ont affirmé que le principe découlait du problème du transfert des risques. »

360 F. TERRÉ et Ph. SIMLER, Droit civil, Les biens, 9e

éd., Dalloz, 2014, n° 397 : « La règle selon laquelle la

tradition était nécessaire pour rendre l’acquéreur propriétaire a été acceptée dans notre ancienne France, non seulement en pays de droit écrit, mais aussi dans les pays de coutumes. En ce qui concerne les immeubles, les praticiens avaient pris l’habitude d’insérer dans les statuts qu’ils rédigeaient une clause dite de dessaisine-saisine ou de tradition feinte, destinée à remplacer l’acte matériel de la tradition : “ le vendeur, écrivait-on dans l’acte, fait dès à présent remise de la chose à l’acheteur qui s’en trouve saisi par le fait même de ce ”. La simple insertion d’une clause dans l’écrit valait tradition. » ;

principe les risques à la charge de l’acquéreur dès la formation du contrat 361 ; l’exécution de la délivrance ne pouvait pas être forcée par l’acquéreur. La résolution voulue différente de cette question de fond domine le traitement de la charge des risques. La règle a été posée si ingénieusement que son explication a toujours pris une autre direction. Les termes du discours de Bigot DE PRÉAMENEU souvent rapportés à l’appui de l’opinion favorable à la consécration de la règle res perit domino, semblent discutables. À l’examiner de près, on le verra, ce discours explique au contraire la liaison de la charge des risques à la délivrance.

La restauration tant souhaitée ici de la règle de l’ancien article 1138 du Code civil conduit à rappeler les solutions issues des systèmes juridiques antérieurs. Il s’avère en effet nécessaire de remonter aux précédents historiques du Code civil de 1804 (Chapitre I). L’examen de ceux-ci donnera lieu à une meilleure perception du véritable objectif assigné à la règle du transfert solo consensu de la propriété. Il sera ensuite rappelé les principaux arguments (Chapitre II) par lesquels la règle res perit domino est soutenue dans le droit positif. Ces arguments avancés dans la méprise du but du mécanisme de transfert solo consensu de la propriété, sont d’une grande incompatibilité avec le système du Code civil de 1804. Il résultera de leur examen que la relation de cause et effet entre le transfert de propriété et l’attribution de la charge des risques à l’acquéreur, ne peut recevoir aucune justification satisfaisante.

361 Corps de droit civil romain en Latin et en Français, tome 9, Livre IV, Titre XLVIII, p. 140 : les empereurs Dioclétien et Maximien écrivent ceci à Léontius : « Exposant que la chose vendue a été consumée par la

violence du feu, si la vente n’était supendue par aucune condition, le péril de la chose vendue, et qui a été consumée par le feu, n’est pas à votre charge. »

C

HAPITRE

I.

L

ES ORIGINES

DU TRANSFERT DE PROPRIÉTÉ

SOLO CONSENSU

100. L’approche interprétative dominante de l’ancien article 1138 du Code civil. Tout

essai d’explication de la règle de l’ancien article 1138 du Code civil s’appuie sur la période antérieure à son élaboration ; les termes de cette disposition sont d’emblée réputés confus 362. Ainsi, la liaison établie de cause et effet entre le transfert de propriété et l’attribution de la charge des risques, tire sa source aussi bien du droit romain que de la doctrine promouvant que la règle juridique reflète ce qui paraît naturel pour l’être humain. La critique justement virulente de cette doctrine à l’égard du droit romain, conjuguée avec le texte de l’ancien article 1138, se trouve à la base de l’admission de la règle res perit domino dans le droit positif français. Celle-ci étant déjà apparue dans le droit romain, semble déduite fondamentalement, s’agissant du système du Code civil, de la réunion de la question du transfert de la propriété et de celle de la charge des risques dans les termes de l’ancien article 1138.

L’on fait ainsi parler au Code civil de 1804 d’une autre chose que celle qu’il a voulu laisser entendre. Les précédents historiques de la règle du transfert solo consensu de propriété révèlent bien que celle-ci vise plutôt à conférer à l’acquéreur les actions, notamment réelles, au lieu d’attribuer les risques à l’acquéreur. Les codificateurs entendent permettre ainsi à l’acquéreur d’obtenir, d’entre les mains de tout détenteur, la transmission de la chose aliénée. On verra que c’est là le contrepied des systèmes juridiques antérieurs. Il existe donc une incompatibilité certaine entre, d’une part, cette vision qui a conduit à la consécration du mécanisme de transfert solo consensu de propriété et, d’autre part, l’application de la règle

res perit domino. Celle-ci sous-entend en réalité une certaine sanction à l’égard de l’acquéreur,

rien ne pouvant établir une corrélation entre les risques et l’aspect abstrait du droit de propriété. Or, les codificateurs entendent plutôt protéger efficacement l’acquéreur par le transfert solo consensu de propriété. Le but de ce mécanisme se trouve dénaturé, lorsque l’on considère qu’il consiste à déterminer le moment auquel les risques pèsent sur l’acquéreur. On ne peut que déplorer qu’il soit de style de nos jours que la conception de l’attribution des risques établit une relation étroite entre les risques et le transfert soit de l’aspect abstrait soit de l’aspect matériel du droit de propriété 363.

362 J.-P. CHAZAL et S. VINCENT, « Le transfert de propriété par l’effet des obligations dans le Code civil »,

RTD civ. 2000, p. 477, n° 9.

363 Entre autres, J. FLOUR, J.-L. AUBERT et É. SAVAUX, Droit civil, Les obligations. 3. Le rapport

d’obligation, 8e

éd., Sirey, 2013, n° 266 ; Ph. MALAURIE, L. AYNÈS et Ph. STOFFEL-MUNCK, Les … / …

Dans le cadre d’une analyse à même de restaurer la séparation de la question des risques de celle du transfert de la propriété, et par conséquent de réinvestir l’obligation de délivrance de sa fonction régulatrice de la charge des risques, il convient de rappeler de façon détaillée la provenance du mécanisme du transfert consensuel de la propriété. Autrement dit, les précédents historiques (Section I), ainsi que les travaux préparatoires du Code civil (Section II) sont également porteurs de l’objectif assigné, en 1804, au transfert

solo consensu de la propriété.

obligations, 4e éd., Defrénois, Lextenso éditions, 2009, n° 899 ; F. COLLART DUTILLEUL et Ph. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, 10e éd., Dalloz, 2015, n° 202.

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ECTION

I.

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