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Prétendue source de la règle considérée comme dérogatoire Il est incontestable que

T RAITEMENT DU RISQUE

A. Le droit positif français

52. Prétendue source de la règle considérée comme dérogatoire Il est incontestable que

dans l’ancien article 1138, les codificateurs ont traité deux questions, à savoir celle du moment du transfert de la propriété et celle de la charge des risques. Il s’agit de l’hypothèse de l’acquisition de corps certains. La propriété d’une telle chose se trouve transférée, à moins de volonté contraire des parties, dès la formation du contrat : le principe du transfert immédiat ou solo consensu du droit de propriété 183. En raison sans doute de la présence des deux questions dans cette même disposition, l’attribution de la charge des risques à l’acquéreur est considérée comme la conséquence principale de l’appartenance du droit de

quel que soit son objet, corporel ou incorporel. Son exécution rend le créancier titulaire du droit transmis et met à ses risques et périls la chose, objet de ce droit, encore que la tradition n’en ait pas été faite. »

Art. 105 de l’avant-projet élaboré par la Chancellerie : « Dans les contrats ayant pour objet l’aliénation

de la propriété ou d’un autre droit, le transfert s’opère dès la conclusion du contrat. Ce transfert peut être différé par la volonté des parties, la nature des choses ou une disposition de la loi. Le transfert de propriété emporte [en principe] transfert des risques de la chose, encore que la délivrance n’en ait pas été faite, à moins que le débiteur ne soit en demeure de la délivrer ; auquel cas la chose reste aux risques de ce dernier. » ; Ch. LARROUMET (Sous la dir.) et S. BROS, Traité de droit civil, tome 3, Les obligations, 8e éd., Economica, 2016, n° 736 : « Le lien établi entre le transfert de la propriété et celui des risques de

la chose est parfaitement justifié, puisque c’est au propriétaire de supporter la perte de la chose. »

182 Y. BUFFELAN-LANORE et V. LARRIBAU-TERNEYRE, Droit civil, Les obligations, 15e

éd., par V. LARRIBAU-TERNEYRE, Sirey, 2017, n° 1874 : « La question des risques attachés au transfert de la

propriété est […] résolue […]. » ; G. CHANTEPIE et M. LATINA, La réforme du droit des obligations,

Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du Code civil, Dalloz, 2016, n° 536 : « L’article 1196, alinéa 3, du Code civil maintient également la concomitance du transfert de propriété et du transfert des risques que posait déjà l’ancien 1138, alinéa 2. Autrement dit, la réforme a repris le principe “res perit

domino” qui faisait reposer la perte ou la dégradation de la chose sur le propriétaire. La formulation

retenue, à savoir “le transfert de propriété emporte transfert des risques de la chose” est plus juste et plus simple que celle de l’ancien article 1138, alinéa 2 du Code civil. Ce dernier faisait en effet référence à la “tradition de la chose”, pour finalement préciser qu’elle n’avait pas d’impact sur le transfert des risques. »

183 Ph. DELEBECQUE et F.-J. PANSIER, Droit des obligations, Contrat et quasi-contrat, 7e

éd., LexisNexis, 2016, n° 486 ; Ch. LARROUMET (Sous la dir.) et S. BROS, Traité de droit civil, tome 3, Les obligations, 8e éd., Economica, 2016, n° 736 : « Dans les contrats translatifs de propriété, tels que la vente ou

l’échange, le principe admis par le droit français, lorsqu’il s’agit du moins d’un corps certain, est que la propriété est transférée du patrimoine de l’aliénateur dans celui de l’acquéreur dès que les consentements des parties ont été régulièrement échangés. Lorsque le contrat est consensuel, le transfert de propriété est opéré solo consensu dès l’échanges des consentements dépouillés de toute forme. Cette solution traditionnelle a été conservée par l’article 1196 nouveau du Code civil. Lorsque le contrat n’est pas consensuel, le transfert de propriété a lieu immédiatement dès l’échange des consentements intervenu en la forme requise par la loi. »

propriété 184. La maxime res perit domino, d’origine romaine, est alors aisément transposée dans le système du Code civil de 1804 en vue de traduire ce lien de cause et effet entre l’appartenance du droit de propriété et la charge des risques 185. Ainsi, le nouvel article 1196 dispose que le transfert de la propriété attribue les risques à l’acquéreur dès la formation du contrat.

Ce rapport est tel que l’imputation de la charge des risques à l’acquéreur est en général perçue de façon inappropriée comme une opération de transfert 186. Contrairement aux dispositions du Code civil de 1804, la réforme de 2016 ainsi que les systèmes juridiques modernes conçoivent l’imputation des risques à l’acquéreur comme un transfert. À titre d’illustration, l’article L. 216-4 du Code de la consommation dispose que : « tout risque de

perte ou d’endommagement des biens est transféré au consommateur au moment où ce dernier ou un tiers désigné par lui, et autre que le transporteur proposé par le professionnel, prend physiquement possession de

ces biens ». L’acquisition du droit de propriété devient ainsi synonyme de l’acquisition des

risques 187 ; elle sous-entend que l’acquisition d’une chose vaut l’acquisition des risques. Or, la survenance de ceux-ci n’a en réalité qu’un caractère éventuel. Le rattachement de la charge des risques au transfert de la propriété a pour conséquence que l’acquéreur supporte

184 Entre autres : J.-S. BORGHÉTTI, « Problématique et enjeux du transfert de propriété en Europe »,

RDC 2013/4, p. 1684 : « Avant la conclusion de la vente […] les choses sont claires : la chose appartient au futur vendeur ; ou, du moins, elle n’appartient pas à l’acheteur, qui n’a en principe sur elle aucun droit. Une fois que la vente a été conclue, la chose livrée et le prix payé, la situation juridique est normalement de nouveau limpide : l’acheteur est devenu seul propriétaire de la chose, et le vendeur n’a plus sur elle aucun droit. Mais quid entre ces deux moments ? À qui appartient la chose qui fait l’objet de la vente ? Cette question n’est évidemment pas seulement théorique. Elle recouvre des enjeux pratiques, dont les plus évidents peuvent être rappelés sous forme d’interrogations : — sur qui pèsent les risques de la chose, durant cette phase intermédiaire, étant entendu que le principe de base est posé par la règle “res perit domino” ? — si l’une des parties devient ou est reconnue insolvable durant cette période intermédiaire, de quel droit dispose l’autre partie ? S’agit-il d’un droit réel sur la chose (jus in re), ou d’un droit de créance contre l’autre partie (jus ad rem) ? — quel doit être le sort de la chose en cas de revente de celle-ci, soit par le vendeur, soit par l’acheteur, au cours de cette période ? — qui a durant cette phase le droit d’user de la chose et d’en retirer les fruits ? » ; Ch. LARROUMET (Sous la dir.) et S. BROS, Traité de droit civil, tome 3, Les obligations, 8e éd., Economica, 2016, n° 736 ; B. STARCK, H. ROLAND et L. BOYER, Obligations, 2. Contrat, Litec, 1995, n° 1399 ; A. SÉRIAUX, « Res perit domino », in Études sur le droit de la concurrence et quelques thèmes fondamentaux, Mélanges en

l’honneur d’Yves Serra, Dalloz, 2006, p. 387, spéc., p. 390 et suiv.

185 A. SÉRIAUX, « Res perit domino », in Études sur le droit de la concurrence et quelques thèmes

fondamentaux, Mélanges en l’honneur d’Yves Serra, Dalloz, 2006, p. 387.

186 W. DROSS, « Le transfert de propriété en droit français », RDC 2013/4, p. 1694, spéc. 1695 : « Étymologiquement, le transfert est un déplacement. » ; Ph. DELEBECQUE et F.-J. PANSIER, Droit des

obligations, Contrat et quasi-contrat, 7e éd., LexisNexis, 2016, n° 486.

187 Ch. LARROUMET (Sous la dir.) et S. BROS, Traité de droit civil, tome 3, Les obligations, 8e

éd., Economica, 2016, n° 736 : « […] les risques du contrat sont ici liés aux risques de la chose, c’est-à-dire

que lorsque le débiteur de l’obligation de livraison de la chose ne peut plus exécuter son obligation parce que la chose a péri en raison d’un cas fortuit, il s’agit de savoir qui est le propriétaire de la chose. […], le contrat ayant pour objet de transférer la propriété, la charge des risques du contrat est déplacée vers celle des risques de la chose, c’est-à-dire qu’il convient de déterminer qui était propriétaire au moment de la perte de la chose, puisque la perte d’une chose doit être supportée par son propriétaire. »

par principe la perte ou la détérioration fortuite de la chose dès la formation du contrat 188. Car, le transfert de la propriété s’effectue de façon immédiate ou solo contractu 189, c’est-à-dire par le consentement qui se trouve à la base de la formation du contrat. La chose demeure encore matériellement sous la détention de l’aliénateur 190, mais sa perte pèse déjà sur le patrimoine de l’acquéreur. La règle n’étant pas d’ordre public, il appartient aux parties contractantes de dissocier la charge des risques de l’appartenance du droit de propriété 191, ou encore le transfert de la propriété de la formation du contrat 192.

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