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Conclusion du Chapitre

A RGUMENT ISSU DE LA CORRÉLATION ENTRE LE RISQUE ET LA PLUS VALUE DE LA CHOSE VENDUE

B. Le caractère hypothétique de la plus-value

199. La plus-value et la logique du Code civil. Outre son caractère accessoire en termes

d’avantage attendu du contrat, la plus-value paraît hypothétique en son existence. L’accroissement de la chose ainsi que la diminution de sa valeur sont des phénomènes hors du contrôle des parties contractantes 671. Ils ne constituent aucune obligation de l’aliénateur ; celui-ci doit se contenter de conserver la chose. Par conséquent la justification de la règle res perit domino par une telle chose paraît étrangère à la logique du Code civil. L’attribution des risques à l’acquéreur ne s’accommode en effet pas de l’incertitude sur l’existence de la chose. Il est de principe dans le système du Code civil de 1804, que l’incertitude sur l’existence de la chose aliénée au moment de la formation du contrat ne permet nullement d’attribuer de les risques à l’acquéreur 672.

Autrement dit, la règle de principe met les risques à la charge de l’aliénateur, à proprement parler, libère les parties dans toutes les hypothèses où l’existence de la chose ou sa remise à l’acquéreur demeure incertaine ou impossible. L’existence réelle de la chose constitue aussi un critère dont dépendent le transfert de la propriété et la charge des risques. Certes, ici, l’existence de la partie principale de la chose est incontestable, mais celle de la plus-value est entachée d’incertitude. L’augmentation de la chose est un avantage aléatoire fictivement attribué à l’acquéreur. Ce qui ne peut s’inscrire dans la vision des codificateurs, laquelle ne semble pas en concorde avec la justification de l’attribution des risques par une chose fictive. Certes l’avantage incertain est pris en considération dans le traitement de la question de la charge des risques. Mais il intervient en vue d’expliquer l’inacceptation de l’attribution des risques à l’acquéreur. Autrement dit, sa vocation est de justifier plutôt l’attribution de la charge des risques à l’aliénateur, à proprement parler, la libération des parties de leurs obligations réciproques. Lorsque le doute plane sur l’existence réelle de la chose, objet même du contrat, les risques ne pèsent jamais sur la tête de l’acquéreur. La chose stipulée constitue l’avantage direct attendu du contrat par l’acquéreur ; alors que la plus-value est un avantage à la fois incertain et lointain.

671 M. LARROMBIÈRE, op. cit., art. 1138, n° 24 : « Nous disons encore que les détériorations de la chose

doivent survenir sans la faute du débiteur, comme les améliorations, sans son fait. Autrement, le créancier, loin d’être passible des unes, aurait contre le débiteur, suivant les circonstances, une action en dommages-intérêts ou en résolution ; ou bien, loin de profiter des autres purement et simplement, il devrait payer pour elle au débiteur une indemnité. »

672 L’on voit même dans les hypothèses où la chose ne semble pas encore exister que le droit n’est pas transféré : A. BÉNABENT, Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux, 10e éd., LGDJ, Lextenso éditions, 2013, n° 206 : « Lorsque la vente porte sur des choses futures (par exemple une machine à

fabriquer), le transfert de propriété est retardé jusqu’à l’achèvement de la chose, ce qui est différent de la livraison : la propriété reste au vendeur pendant tout le cours de la fabrication car tant qu’elle n’est pas achevée ce n’est pas encore la “chose” vendue elle-même, mais un simple “commencement de chose” ; dès l’achèvement, le transfert de propriété ne rencontre plus d’obstacle et peut s’effectuer, avant même toute livraison, par le simple fait que la chose est parvenue en état d’être livrée. » ;

200. La plus-value et la chose future. L’éventualité de l’accroissement de la chose n’est pas

ainsi assez différente de la chose future ou de celle non encore individualisée. La seule différence tient, outre le caractère accessoire de la plus-value, dans le rapport entre l’existence de la chose et la volonté de l’aliénateur. Tandis que la plus-value apparaît indépendamment de la volonté de l’aliénateur, l’achèvement de la chose, ou son individualisation dépend de l’activité de celui-ci. L’augmentation de la chose ne constitue pas une obligation du vendeur. En revanche, il s’est engagé à fabriquer la chose stipulée ou à l’identifier. Il n’en demeure pas moins que les deux hypothèses ont un caractère commun : l’existence incertaine de la chose lors de la formation du contrat.

En effet, lors de la conclusion du contrat, ce fameux accroissement n’existe pas ; il n’est d’ailleurs pas certain qu’il se produise plus tard. De même, avant sa fabrication ou son individualisation, la chose future ou celle à identifier n’est pas encore un corps certain ; à cet égard elle n’existe pas réellement, et donc ne peut être remise matériellement. Son existence en tant qu’objet convenu n’est certes pas contestable. Mais à l’égard du contrat l’absence de son individualité le prive encore d’une existence suffisante. Elle n’arrive à l’existence certaine ou complète que lorsqu’elle devient un corps certain. Cette incertitude a pour conséquence d’attribuer les risques à l’aliénateur 673, à proprement parler, de libérer les parties de leurs obligations réciproques en cas de survenance de force majeure.

201. Conclusion de la Section I. Le contexte juridique dans lequel la plus-value apparaît pour

la première fois à l’appui de l’attribution des risques à l’acquéreur paraît très différent de celui du Code civil de 1804. Il résulte de la règle res perit creditori issue du droit romain un traitement déséquilibré en faveur du vendeur. Sa seule explication possible réside dans l’encouragement de l’acheteur à privilégier la vente au comptant, c’est-à-dire celle où les prestations stipulées s’exécutent par principe instantanément. La référence faite à la plus- value découle de l’impossibilité de justifier la solution suivant laquelle les risques pèsent sur l’acquéreur dès la formation du contrat. Les codificateurs, quant à eux, attribuent la charge des risques en fonction d’un critère rationnel, excluant ainsi toute possibilité de justification par référence à un argument invoqué dans le système juridique romain. La plus-value n’a pas lieu dans le Code civil de 1804. De même, ce Code n’envisage nullement le transfert de propriété comme une obligation de l’aliénateur.

673 L’article 1585 du Code civil dispose que : « Lorsque des marchandises ne sont pas vendues en bloc, mais

au poids, au compte ou à la mesure, la vente n’est point parfaite, en ce sens que les choses vendues sont aux risques du vendeur jusqu’à ce qu’elles soient pesées, comptées ou mesurées ; mais l’acheteur peut en demander ou la délivrance ou des dommages-intérêts, s’il y a lieu, en cas d’inexécution de l’engagement. » ; Civ. 3e

, 11 octobre 2000, Bull. civ. 2000, n° 163 : « Attendu, […], la cour d’appel, qui a

constaté que la décision de classement portait sur la carrière et sur les sols correspondants, et que la demande de permis de construire modificatif était intervenue avant cette décision, a pu en déduire que le transfert des risques ne s’opérait sur le bien acquis que lors de la livraison des immeubles construits, et qu’avant celle-ci les risques pesaient sur le vendeur, qui en était débiteur […] ». Civ. 1re

, 20 novembre 1990, JCP 1992, II, 21841, note M. DAGOT.

S

ECTION

II.

A

RGUMENT ISSU DU CARACTÈRE OBLIGATIONNEL DU TRANSFERT

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