• Aucun résultat trouvé

Source de la res perit domino dans le droit positif L’association, comme règle de

PAR LA DÉLIVRANCE INSTANTANÉE

95. Source de la res perit domino dans le droit positif L’association, comme règle de

principe, de la charge des risques au transfert de propriété, a été tirée notamment des termes de l’ancien article 1138 du Code civil, qu’il convient de reprendre ici. Cet ancien article dispose que :

« L’obligation de livrer la chose est parfaite par le seul consentement des parties contractantes. Elle rend le créancier propriétaire et met la chose à ses risques dès l’instant où elle a dû être livrée, encore que la tradition n’en ait point été faite, à moins que le débiteur ne soit en demeure de la livrer ; auquel cas la chose reste aux risques de ce dernier. »

Ce texte considéré comme portant la règle générale en matière des contrats visant le transfert de propriété, était l’un de ceux qui, dans le Code civil de 1804, ont agité le plus de controverses ou de critiques doctrinales 345. Une opposition doctrinale s’est instaurée sur la question de savoir si le transfert de propriété emporte ici la charge des risques à l’acquéreur. Des auteurs sont nombreux à répondre par l’affirmative. Ils soutiennent leur opinion, en général, par la règle connue sous la locution latine « Res perit domino » 346, laquelle serait

345 J.-P. CHAZAL et S. VINCENT, « Le transfert de propriété par l’effet des obligations dans le Code civil »,

RTD civ. 2000, p. 477, n° 9 : « Lorsque l’on étudie la question du transfert de propriété, on ne peut qu’être frappé par les reproches récurrents des auteurs à l’encontre des articles du code, prétendument mal rédigés. C’est le cas de l’article 1138, qui est le siège de la règle générale. Sa rédaction a été qualifiée de maladroite, obscure, vicieuse et déplorable, presque énigmatique. Compte tenu de ces sévères appréciations, certains auteurs n’ont pas reculé devant la nécessité de réécrire le texte qui leur semblait défectueux, afin de pouvoir l’interpréter dans le sens d’une consécration du principe du transfert immédiat de la propriété. »

346 M. L. LAROMBIÈRE, Théorie et pratique des obligations, tome 1, A. Durand, Libraire, 1857, art. 1138, n° 23 ; C. BEUDANT, Cours de droit civil français, 2e éd., publiée par R. BEUDANT et P. LEREBOURS- PIGEONNIÈRE, tome 11, La vente, le louage des choses, Librairie Arthur Rousseau, 1938, n° 158 : « L’article 1138 […] décide en effet que la chose est aux risques du créancier dès la signature du contrat

parce qu’il en est immédiatement propriétaire : Res perit domino, les risques sont pour l’acheteur dès la conclusion du contrat parce qu’il est propriétaire. Dans la pensée des rédacteurs du Code civil, le transfert des risques est lié à celui de la propriété. Le contrat de vente opère par lui-même à la fois le transfert de la propriété et celui des risques de la chose. » ; M. TROPLONG, Le droit civil expliqué suivant

l’ordre des articles du Code civil, De la vente, tome 1, Charles Hingray, Libraire-éditeur, 1834, n° 358

et 359 ; A. COLIN, H. CAPITANT et L. JULLIOT DE LA MORANDIÈRE, Traité de droit civil, tome 2, Librairie Dalloz, 1959, n° 878 ; L. JOSSERAND, Cours de droit civil positif français, 2e éd., tome 2, Recueil Sirey, 1933, n° 371 : « Que tel soit bien le point de vue de notre législateur, c’est ce qui ressort

jusqu’à l’évidence de la teneur du second alinéa de l’article 1138 : ce texte lie indissolublement les deux questions du transfert de la propriété et de l’attribution des risques, en soulignant ainsi que la deuxième est sous la dépendance de la première : les risques passent à l’acheteur parce que propriétaire. » ;

G. MARTY et P. RAYNAUD, Droit civil, Les obligations, tome 2, vol. 1er, Sirey, 1965, n° 289, p. 258 : « En

posant le principe […] du transfert de la propriété par le seul échange des consentements, du moins dans les rapports des parties entre elles, le Code civil modifiait les données du problème et apportait une justification nouvelle de la règle traditionnelle. Désormais l’acquéreur étant propriétaire dès la conclusion du contrat, la règle res perit domino lui impose les risques. C’est à titre de propriétaire et non de créancier de la livraison que l’acheteur supporte la perte de la chose. » ; H. et L. MAZEAUD et J. MAZEAUD, Leçons de droit civil, tome 2, 3e éd., Éditions Montchrestien, 1966, n° 1116 et suiv. ; M. PLANIOL et G. RIPERT, Traité pratique de droit civil français, tome 6, 2e éd., LGDJ, 1930, n° 414 ; C.- B.-M. TOULLIER et J-B. DUVERGER, Le droit civil français suivant l’ordre du Code, tome 4, 6e éd., F. Cotillon et Jules Renouard, 1843, n° 442 ; J. GHESTIN (Sous la dir.), J. HUET, G. DECOCQ, C. GRIMALDI, H. LÉCUYER et J. MOREL-MAROGER, Traité de droit civil : Les principaux contrats spéciaux, 3e éd., LGDJ, 2012, n° 11215 ; P.-H. ANTONMATTEI et J. RAYNARD, Droit civil, Contrats spéciaux, 7e éd., … / …

consacrée par le Code civil dans les termes de cette disposition. L’acheteur supporte les risques dès la formation du contrat, en raison de sa qualité de propriétaire acquise dès ce moment ; le vendeur se serait ainsi acquitté de son obligation principale 347 : transférer la propriété de la chose.

Une autre partie de la doctrine ne voit dans ce texte aucune relation de cause et effet entre le transfert de propriété et l’attribution des risques à l’acquéreur. Celui-ci supporte les risques en tant que créancier de l’obligation de livraison ou de délivrance, res perit creditori 348. Les risques seraient transférés, à l’image du droit de propriété, par le seul effet du contrat 349, transfert solo consensu ; autrement dit, ils ne passent pas ainsi à l’acquéreur comme conséquence du transfert de la propriété. C’est là que leur opinion semble différente de celle des partisans de la règle res perit domino. L’acquéreur supporte les risques en tant que créancier de la délivrance, inexécutable du fait de la force majeure. Le Code civil aurait consacré ainsi l’ancien principe, c’est-à-dire celui en vigueur en droit romain et dans l’Ancien droit français, suivant lequel, en matière de corps certain, le débiteur est libéré 350. Dès la formation du contrat, le vendeur n’est tenu que de l’obligation de LexisNexis, 2013, n° 165 ; Y. BUFFELAN-LANORE et V. LARRIBAU-TERNEYRE, Droit civil, Les

obligations, 14e éd., Sirey, 2014, n° 1263 ; Ph. MALINVAUD et D. FENOUILLET, Droit des obligations, 11e éd., LexisNexis, Litec, 2010, n° 519 ; B. FAGES, Droit des obligations, 5e éd., LGDJ, 2015, n° 316 ; Ph. DELEBECQUE et F.-J. PANSIER, Droit des obligations, Contrat et quasi-contrat, 6e éd., LexisNexis, 2013, n° 483 ; Ph. MALAURIE, L. AYNÈS et Ph. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, 6e éd., LGDJ, 2013, n° 899 ; Ph. MALAURIE, L. AYNÈS et P.-Y. GAUTIER, Les contrats spéciaux, 5e éd., Defrénois, Lextenso éditions, 2011, n° 253 ; A. BÉNABENT, Droit des obligations, 14e éd., LGDJ, 2014, 345 ; D. MAINGUY,

Contrats spéciaux, 9e éd., Dalloz, 2014, n° 140 ; R. CABRILLAC, Droit des obligations, 11e éd., Dalloz, 2014, n° 155 ; F. COLLART DUTILLEUL et Ph. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, 10e éd., Dalloz, 2015, n° 203 ; Ch. LARROUMET (Sous la dir.) et S. BROS, Traité de droit civil, Les obligations, Le

contrat, tome 3, 7e éd., Economica, 2014, n° 737 ; R. JUAN-BONHOMME, Le transfert des risques dans la

vente de meubles corporels, thèse Montpellier, 1978, n° 4.

347 E. GAUDEMET, H. DESBOIS et J. GAUDEMET, Théorie générale des obligations, Sirey, 1965, p. 372 : « Nous avons dit que l’extinction de l’obligation d’une des parties par suite d’une impossibilité résultant

d’un cas fortuit ou de la force majeure entraine l’extinction de l’obligation de l’autre. Il va de soi que cette règle cessera de s’appliquer lorsque le cas fortuit se produira après l’exécution de l’obligation. Dans ce cas le débiteur a fait la prestation promise. L’objet de la prestation a passé dans le patrimoine du créancier, qui désormais doit subir les risques, non plus comme créancier mais comme propriétaire, par application de la maxime res perit domino. » ; J. CARBONNIER, Droit civil, tome 2, Les Biens et les

Obligations, 5e éd., « Thémis », Puf, 1967, n° 165, p. 562 ; F. TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit

civil, Les obligations, Dalloz, 2013, n° 669 ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT et É. SAVAUX, Les obligations. 3. Le

rapport d’obligation, 8e

éd., 2013, n° 265.

348 M. DURANTON, Traité des obligations conventionnelles en général suivant le Code civil, tome 1, 3e

éd., Toussaint, Libraire-éditeur, 1846, n° 418 : « Ce n’est pas, […], parce que le créancier, dans les ventes ou

promesses pures et simples, est propriétaire de la chose par le seul fait de consentement, que cette chose est à ses risques dès que le contrat est parfait, et tant que le débiteur n’est pas en demeure de la livrer. Si elle périt pour lui, c’est parce que tout débiteur d’un corps certain et déterminé est libéré par la perte de ce corps, pourvu qu’elle soit arrivée sans sa faute et avant d’être en demeure d’en faire la délivrance. »

349 C. AUBRY et C. RAU, Droit civil français, 6e

éd., tome 5, par P. ESMEIN, Éditons techniques, 1952, p. 21. 350 C. DEMOLOMBE, Cours de Code Napoléon, Traité des contrats ou des conventions en général, tome 1,

vol. 24, éd., Durand, Pedone et L. Hachette, 1877, n° 419 et suiv. ; A. M. DEMANTE, Cours analytique de

Code Napoléon, continué depuis l’article 980 par E. COLMET DE SANTERRE, tome 5, Paris, Henri Plon, … / …

conservation, laquelle impose à celui-ci d’apporter à la chose « tous les soins raisonnables » 351, et qui serait remplie en cas de force majeure.

Outline

Documents relatifs