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Conclusion du Chapitre

A RGUMENT ISSU DE LA CORRÉLATION ENTRE LE RISQUE ET LA PLUS VALUE DE LA CHOSE VENDUE

A. Le caractère accessoire de la plus-value

194. Une distinction nécessaire. Il semble nécessaire de distinguer ici la plus-value de

l’accessoire de la chose (1) ; il existe en effet un risque de confusion entre les situations respectives auxquelles renvoient ces deux concepts. Le caractère accessoire de la plus-value s’entend ici de l’insignifiance de celle-ci par rapport à la perte de la chose principale (2).

1. La distinction entre la plus-value et l’accessoire de la chose

195. Leurs moments respectifs d’apparition. Quelle qu’en soit l’importance, une

augmentation de la chose aliénée est de nature accessoire à l’égard de l’objet de la délivrance. La plus-value peut être constituée de l’augmentation de la valeur de la chose, ou d’un droit découlant de celle-ci postérieurement à la formation du contrat. Elle se distingue ainsi des objets accessoires de la chose vendue 662. Ceux-ci existent lors de la conclusion du contrat ; ils sont destinés à l’utilisation de la chose aliénée, et à ce titre considérés comme s’incorporant à celle-ci ; ils sont donc connus des parties, du moins traités comme tels 663, lors de la formation du contrat 664. Elles confèrent à la chose aliénée son utilité, tandis que

661 B. STARCK, H. ROLAND et L. BOYER, Obligations, 2. Contrat, 5e

éd., Litec, 1995, n° 1741. 662 F. COLLART DUTILLEUL et Ph. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, 10e

éd., Dalloz, 2015, n° 229 : « Dans la vente immobilière, les accessoires peuvent être de nature très diverse. Il peut s’agir de

fruits […], d’un droit à indemnisation, d’immeubles par destination, de droits réels accessoires telles des servitudes. Mais cela vise aussi tous les documents privés ou administratifs susceptibles d’accompagner ou de permettre l’utilisation du bien […]. »

663 Ph. MALAURIE, L. AYNÈS et P.-Y. GAUTIER, Les contrats spéciaux, 5e

éd., Defrénois, Lextenso éditions, 2011, n° 307 : « Les accessoires sont d’abord les choses constituant le complément naturel […] ou

nécessaire à l’utilisation de la chose vendue ; ce fut la signification initiale de l’accessoire. Dans la pratique commerciale, ils comprennent souvent les emballages et le conditionnement qui deviennent ainsi la propriété de l’acquéreur […]. »

664 Aix-en-Provence, 26 octobre 1970, D. 1971, p. 370 : « Attendu d’autre part que l’obligation de délivrer

la chose qui pèse sur le vendeur, comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage ; que les objets réputés immeubles par destination appartiennent de droit à l’acquéreur comme accessoires du

la plus-value consiste dans l’augmentation de la chose, qui n’apparait que postérieurement à la conclusion du contrat, et de façon indépendante de la volonté des contractants.

196. Particularité de la plus-value. La particularité de la plus-value tient ainsi à la fois dans

son apparition hypothétique et postérieure à la formation du contrat, et dans son caractère non indispensable à l’égard de l’utilité de la chose principale vendue. La plus-value n’est pas néanmoins indépendante du principal ; elle procède de la chose vendue. Le fameux accroissement est donc intrinsèque à la chose aliénée ; il ne résulte pas forcement d’un effort de l’aliénateur, mais du hasard 665. En outre, il n’intègre pas a priori le champ contractuel en ce qu’il est problématique. Les parties contractantes sont indifférentes à la perspective de la diminution ou de l’augmentation éventuelle de la chose susceptible d’apparaître postérieurement à la formation du contrat. Le sentiment de joie éprouvé d’avoir reçu une plus-value ne peut nullement constituer le contrepoids de la crainte qu’inspirent les risques.

2. La plus-value à l’égard des risques

197. La potentielle conception de la plus-value dans le droit romain. L’on pense à tort

pouvoir camoufler l’iniquité qui découle de la règle res perit creditori, à l’égard de l’acquéreur, en invoquant l’appartenance à celui-ci de l’augmentation hasardeuse de la chose. Si les jurisconsultes romains prétendaient justifier l’attribution des risques par l’éventuel accroissement de la chose 666, ce serait peut-être du fait que la chose elle-même demeurait la propriété de l’aliénateur. Ils pourraient en effet penser que c’est un avantage énorme que le transfert de propriété emporte à celui-ci la chose avec sa valeur ajoutée lors de sa tradition. Un tel sentiment paraît spécifique au système juridique romain. La règle romaine du transfert des risques ne semble pas du tout justifiable 667. L’on peut trouver un subterfuge dans l’éventualité de la plus-value susceptible de survenir à la chose

fonds vendu, sans qu’il soit nécessaire de les comprendre formellement dans la vente ; que sont immeubles par destination, selon l’art. 524 c. civ., les objets que le propriétaire du fonds y a placés pour le service et l’exploitation de ce fonds ; qu’il est constant que la propriété vendue était à usage d’exploitation horticole ; qu’ainsi, les instruments oratoires et châssis de serres qui pouvaient s’y trouver lors de la vente, ayant été affectés au service de l’immeuble, et étant indispensables à son utilisation normale, était nécessairement compris dans la vente du fonds, sauf clause contraire de l’acte qui n’existe ; ».

665 L’article 1614 du Code civil dispose que : « La chose doit être délivrée en l’état où elle se trouve au

moment de la vente. Depuis ce jour, tous les fruits appartiennent à l’acquéreur. »

666 Justification rappelée aussi par cet auteur : G. HUBRECHT, Manuel de droit romain, tome 2, Les

obligations, LGDJ, 1943, p. 120 : « C’est ainsi qu’invoquant l’idée générale que les inconvénients d’une chose doivent en compenser équitablement les avantages, on a prétendu que la règle res perit emptori était une compensation des avantages que pouvait procurer après la vente, la plus value de la chose au profit de l’acheteur. »

667 Ibid., p. 120 : « La solution donnée par les textes, à savoir que la chose périt pour son acheteur alors

postérieurement à la formation du contrat. Le vendeur pourrait ainsi être surpris de se voir obligé lors de la livraison de remettre la chose et la plus-value à l’acquéreur. Car, il ne se voit pas sous une pareille contrainte à l’égard de la tradition de la chose principale.

Bien qu’aussi fortuit que le cas de force majeure, cet avantage éventuel ne signifie rien à l’égard des risques 668. Il ne correspond nullement à l’inexécution fortuite de la délivrance. Il ne vaut pas par conséquent d’être le pendant des conséquences d’un événement constitutif de force majeure. Les risques résultent de l’anéantissement de l’objet d’une obligation essentielle de l’aliénateur. Ce n’est pas un déficit qui en ressort pour l’acquéreur, mais la disparition de l’économie même du contrat. Celui-ci ne peut jouir de cette augmentation hypothétique que lorsqu’il est mis en possession effective de la chose. L’on sait que l’opposé de la plus-value, c’est la diminution de celle-ci 669. Les parties contractantes ne perdent pas de vue ces éventuels avantages et inconvénients. Il n’existe aucune compensation pour l’acquéreur dans l’hypothèse où la chose perd de sa valeur. Au contraire, la moins-value rentre dans la définition des risques attribués à l’acquéreur.

198. Le pendant de la plus-value. Ce qui paraît tout au plus correspondre à la plus-value

parmi les obligations de l’acquéreur, ce sont les intérêts sur le prix. L’accroissement de la chose est ignoré et aussi très rare. Au contraire, les intérêts sur le prix sont légaux et certains 670. L’acquéreur est tenu de verser les intérêts en cas de retard dans le paiement du prix. Ce qui veut dire que d’un côté le prix de la vente s’élève certainement, alors que de l’autre côté la chose augmente ou diminue aléatoirement. La plus-value ne suffit pas à justifier la règle res perit domino. Elle ne constitue aucune obligation à la charge de l’aliénateur. Celui-ci bénéficie aussi de l’augmentation du prix. La plus-value s’avère ainsi réciproque, elle se greffe sur les obligations principales. Cependant, celle susceptible de bénéficier à l’acquéreur demeure hypothétique.

668 Ibid., p. 120 : « […] cet argument est insuffisant car il n’y a aucune proportion entre une augmentation

de valeur et la disparition de l’objet. »

669 M. PLANIOL et G. RIPERT, Traité pratique de droit civil français, tome 6, 2e

éd., LGDJ, 1930, n° 414 : « […] ce qui correspond aux chances de plus-value ce sont les risques de moins-value et non les risques

de perte. »

670 Art. 1652 du Code civil : « L’acheteur doit l’intérêt du prix de la vente jusqu’au payement du capital,

dans les trois cas suivants : S’il a été ainsi convenu lors de la vente ; Si la chose vendue et livrée produit des fruits ou autres revenus ; Si l’acheteur a été sommé de payer. Dans ce dernier cas, l’intérêt ne court que depuis la sommation. » ; Aix-en-Provence, 26 octobre 1970, D. 1971, p. 370 : « Attendu qu’aux termes de l’art. 1652 c. civ., l’acquéreur doit les intérêts du prix, de plein droit jusqu’au paiement du capital, lorsque la chose vendue et livrée produit des fruits ou autres revenus ; que cette disposition légale n’a pas pour objet de sanctionner une faute de l’acquéreur ayant provoqué un retard de paiement du prix de vente, mais procède d’une considération d’équité selon laquelle l’acquéreur ne peut à la fois conserver les fruits ou revenus de la chose vendue, en possession de laquelle il a été mis, et les intérêts du prix de vente ; ».

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