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Traitement des données

Problématique, objectifs et question de recherche

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3.3. Traitement des données

Le traitement des données s’est fait selon une analyse thématique, consistant à « faire appel, pour résumer et traiter son corpus, à des dénominations que l’on appelle les ‘thèmes’ » (Paillé et Mucchielli, 2012 : 156). Les données furent donc analysées qualitativement, en fonction de grands thèmes qui se dégagèrent naturellement du corpus, au fur et à mesure de la réécoute des enregistrements et de la relecture des transcriptions. Les récits de chaque toponyme ont été traités indépendamment, puis des regroupements ont été effectués en fonction des thèmes qui sont ressortis de l’analyse. Notre méthode était partiellement inductive : nous avons anticipé trois des quatre catégories d’analyse tout en remettant en question continuellement l’organisation des résultats, ce qui a permis l’éventuel ajout de la quatrième catégorie d’analyse. Nous pouvons donc qualifier le processus d’identification des thèmes de notre analyse thématique de « thématisation en continu » (Paillé et Mucchielli, 2012 : 160).

Une partie non négligeable des entretiens formels effectués dans le cadre de cette recherche fut enregistrée de façon audio ou vidéo, puis transcrite dans un fichier texte Word. Un total de 14 entretiens furent partiellement enregistrés pour un peu plus de 7 heures d’enregistrements. L’objectif ici recherché était de compenser l’esprit humain et sa capacité d’oubli : il s’agissait donc d’une façon de se rappeler les réponses données, les lieux désignés et les anecdotes racontées. Dès le début et pendant tout le déroulement du séjour terrain, les informations reçues lors des séances avec les participants furent indexées à une base de données créée pour l’occasion et nommée Topaki : contraction de « toponyme » et « d’aki », qui signifie territoire en langue anicinape. La base de Topaki est le corpus de noms anicinapek de la BNLQ qui est associé aux Apitipi8innik. Ainsi, à la première extraction de données de la BNLQ, ayant eu lieu le 24 avril 2018, 1042 toponymes furent entrés dans Topaki et, à compter du 29 mai 2018, les premières saisies originales à cette recherche débutèrent. Issu de nos travaux et de la récupération d’enquêtes toponymiques précédentes, le contenu de Topaki est propriété de la Première Nation Apitipi8inni et établit un pont entre les différentes parties concernées par la recherche.

Les variables présentes dans Topaki sont le plus possible fidèles à la perception apitipi8inni de leur territoire nommé, tout en intégrant les informations géospatiales nécessaires au référencement spatial. Tout d’abord, une première catégorie de variables concerne l’entité géographique en soi. Ainsi, on y retrouve : son ou ses noms anicinapek ; les autres noms connus pour cette entité (français, anglais, etc.) ; les coordonnées géographiques de l’entité sous une représentation ponctuelle (voir Tableau 7) ; l’étymologie du nom et son sens pour le participant traduit en langue française ; les feuillets au 1 : 50000 du Système national de référence cartographique du Canada sur lesquels on retrouve l’entité géographique ; et enfin la date et l’individu ayant saisi les informations. Une deuxième catégorie de variables rappelle la présence des

toponymes dans des rapports d’enquêtes toponymiques ou autres documents ayant été publiés. Une troisième catégorie de variables permet de faire un lien avec les informations contenues dans la base de données de la Commission de toponymie du Québec, Topos. Ainsi, on y retrouve le nom officiel désigné pour l’entité géographique, si le ou les noms anicinapek sont intégrés dans Topos et des recommandations concernant la possible mise de l’avant d’un nom vers son officialisation ou sa reconnaissance au titre de variable traditionnelle autochtone auprès de la CTQ. Enfin, une dernière catégorie de variables présente dans

Topaki concerne directement la recherche et synthétise certaines réflexions sur les informations relatives aux

toponymes. En plus de l’identifiant numérique unique associé aux entités géographiques, on y retrouve des informations concernant l’appropriation du nom par une autre langue (exonymie) et la vérification linguistique du ou des noms par une linguiste anicinape.

En date du 25 mars 2020, Topaki comportait 697 entités géographiques identifiées par des noms de lieux apitipi8innik94, desquels 58 avaient a priori des noms inconnus de la BNLQ, 23 étaient non-localisables95 et 31 seulement disposaient d’un nom officiel96 ou « variante officielle autochtone » sous leur forme constituée dans la base de données. Concernant l’origine des noms dans Topaki, 66 ont été documentés à partir de sources orales et écrites, 59 uniquement à partir de sources orales et enfin 572 uniquement à partir de sources écrites. En conséquence, lors du séjour terrain, 125 noms de lieux différents ont été amenés par des participants. Nous pouvons aussi avancer que, considérant le non-emploi d’autres noms pour les entités géographiques désignées et considérant leur emploi actuel par les Apitipi8innik, 63 noms de lieux pourraient être officialisés, à condition d’ajouter des génériques francophones, sans que cela affecte les règles d’univocité et d’emploi de la CTQ. De plus, nous pouvons d’ores et déjà décrire une partie de la nature des entités désignées par la toponymie apitipi8inni en se basant sur les génériques des noms présents dans Topaki. Donc, les noms désignant directement ou indirectement des entités aquatiques détiennent une écrasante majorité : sur les 697 noms de lieux de la base de données, 580 concernent « les formes de l’eau », parmi lesquelles des cours d’eau, des plans d’eau, mais aussi des entités terrestres, mais intrinsèquement associées au « territoire liquide », comme des îles ou des portages. Les autres types d’entités concernent pour beaucoup des lieux humains d’origine anicinape, mais employés par la société dominante pour identifier diverses formes du territoire politique, administratif, de conservation ou encore habité. On retrouve donc des noms comme : le barrage Kistabiche-1, la réserve écologique Chicobi, l’avenue d’Abitibi, le territoire non-organisé Rivière-Ojima,

94 Plusieurs des 1042 noms de lieux intégrés au 24 avril 2018 se sont avérés des variantes écrites.

95 Les toponymes non-localisables sont expliqués par l’absence de coordonnées géographiques complètes dans les documents écrits ou encore par la connaissance d’un participant d’un lieu, mais pas de sa localisation exacte.

96 Il s’agit essentiellement d’exonymes anicinapek employés par l’État pour désigner des entités administratives (circonscriptions électorales, réserve écologique, forêt rare, territoires non-organisés, etc.).

etc. Alors que 83,2% des noms de lieux présents dans la base de données désignent directement ou indirectement des entités aquatiques, nous pouvons affirmer d’amblée que la toponymie apitipi8inni forme un corpus associé à un pays d’eau. L’importance culturelle du réseau hydrographique pour les Apitipi8innik est confirmée dans le mémoire de Germain (2012 : 103) : « la communauté de Pikogan estime que les plans d'eau et leurs berges sont des écosystèmes clés fortement associés à leurs valeurs historiques, culturelles et fauniques et que l'eau est le lien entre tous les utilisateurs de la forêt, y compris la faune, la flore et les humains ».

Pour des fins de synthèse et pour faciliter la consultation des résultats, les toponymes ont été représentés sur le territoire via des cartes. Cette représentation cartographique apparaîtra surtout dans une plateforme numérique destinée aux participants et aux autres Apitipi8innik et éponyme à la base de données Topaki. Les toponymes représentent des entités territoriales en trois dimensions, il va sans dire, qui sont normalement représentées en cartographie sous la forme d’entités dites surfaciques (voir Tableau 7). Toutefois, pour faciliter le traitement des données et pour correspondre au système en vigueur dans les différentes commissions de toponymie canadiennes, les noms de lieux seront représentés sous la forme ponctuelle.

Ponctuelle Linéaire Surfacique

Sources : Canada (2018c)

Tableau 7. Différentes représentations cartographiques d’un même cours d’eau97

Variables Critères Nombre de toponymes Nombre Proportion (%) Type de source Écrite 572 82 Orale 59 8,5 Orale et écrite 66 9,5 Documentation des instances toponymiques de l’État

Connus des instances toponymiques 616 88,4

Inconnus des instances toponymiques 58 8,3

Connaissance des instances toponymiques à

déterminer 23 3,4

Officialisation

Aucun nom de lieu n’est attitré par l’État à l’entité désignée, connaissance des instances toponymiques à déterminer ou toponyme non-localisable

121 17,4

L’entité désignée dispose déjà d’un nom de lieu

officiel 576 82,6

• En langue anicinape, mais sous une autre transcription que celle promue par Pikogan ou le nom officiel est un exonyme d’un nom anicinape

231 40,1

• Dans une autre langue 345 59,9

Localisation par rapport à l’Apitipi8inni Aki

(calculée sous forme ponctuelle)

À l’intérieur des frontières revendiquées 581 83,5

À l’extérieur des frontières revendiquées 88 12,5

Toponymes non-localisables 28 4

Générique

Toponymes désignant directement une entité

aquatique 481 69

Toponymes désignant indirectement une entité

aquatique 99 14,2

Toponymes d’autres types d’entités 117 16,8

Sources : BNLQ (2018, 2020); Croteau (2017); Ontario (2011)

Figure 14. Représentation ponctuelle des toponymes documentés dans le cadre de l'étude, en fonction de leur mode de constitution