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Connaissance et utilisation de la toponymie apitipi8inn

Problématique, objectifs et question de recherche

Chapitre 4. Résultats et discussion

4.2. Connaissance et utilisation de la toponymie apitipi8inn

Les interactions multiples et multiséculaires des Apitipi8innik avec leur territoire constituent un terreau idéal pour le développement d’une toponymie riche en informations contenues et en images induites. La toponymie apitipi8inni dispose, comme présenté en section précédente, de ses propres codes de référence géographique, mais est-elle utilisée et comprise par tous les membres de la communauté de la même façon ? Bref, dans quelle mesure cette toponymie est-elle intelligible pour les Apitipi8innik ? Afin de répondre à cette question et aux propos des participants, nous développerons deux aspects de la connaissance et de l’utilisation de la toponymie, en premier lieu les facteurs favorisants ou non l’intelligibilité de la toponymie au sein de la communauté, à savoir la compréhension et l’utilisation de cette toponymie, puis, nous détaillerons les plateformes du savoir toponymique apitipi8inni ou comment ce savoir est transmis et compris, en incorporant la notion de territorialité. Ces questions seront une fois de plus abordées à travers les mots des Apitipi8innik, sous la forme des réponses obtenues à l’été 2018. Nous développerons ici les facteurs potentiels influant sur l’intelligibilité de la toponymie apitipi8inni au sein de sa communauté locutrice principale.

Certains noms de lieux apitipi8innik transcendent les frontières des territoires familiaux, au sens propre et au sens figuré. Au même titre que le fleuve Saint-Laurent structure la carte mentale de beaucoup de Québécois, l’Anikana / Kitci Sipi et la Nikik8atinipi sont des cours d’eau de premier plan ayant un tracé qui relie ensemble des dizaines de territoires familiaux. Nous avançons l’idée selon laquelle la portée de ces noms de grande

intelligibilité est associée aux trajets effectués traditionnellement sur une base régulière pour se rendre aux points de rencontre estivaux, ou inversement pour retourner aux territoires d’hiver. Grands repères, points de rencontre, ces lieux recèlent souvent une connotation symbolique plus forte, du moins une intelligibilité certainement élargie, jusqu’aux autres groupes-locuteurs du territoire, dont les membres de la société dominante. Une fois de plus, l’exemple du Makamik Sakaikan nous permet de comprendre l’ampleur du phénomène :

Quand on parle de Makamik, tout le monde sait c’est quoi le point de repère. Le point de repère c’est ‘Makamik’. (Entretien #01, 2018)

Officialisé en tant que « lac Macamic », ce plan d’eau présente la survivance d’un nom et d’une signification, survivance qui ne peut être généralisée à l’ensemble de la toponymie. Certains participants à l’étude ont avancé l’idée que c’est la prépondérance de la toponymie imposée par l’État dans l’espace public qui affecterait le plus la connaissance et l’utilisation des noms apitipi8innik. Si la politique d’effacement quasi systématique des noms autochtones a grandement nui à la perpétuation du savoir toponymique apitipi8inni, il ne semble pas que ce soit ce facteur, d’un point de vue contemporain, qui aurait le plus grand impact sur la discontinuité de ce savoir. Encore une fois selon des participants, la plurivocité, au sens de la possibilité de la coexistence de plusieurs noms, n’est pas un concept lointain de leur cadre culturel ni de leur réalité quotidienne. Un participant aborde d’ailleurs son propre double emploi de noms de lieux en fonction de ses interlocuteurs :

Ouais, ouais, si je parle à un Blanc je vais dire [rivière] Octave. Si je parle à un aîné, là je vais le

dire en algonquin. On essaie d’expliquer parce que des fois la communication peut être difficile. Moi, connaissant la plupart des rivières aujourd’hui, c’est tout en français, mais les aînés vont le traduire en algonquin. ‘Ah! tu parles de cette rivière-là’. Moi je leur dis en français. Ça [ne] s’appelait pas comme ça qu’ils me disent, ils le disent en algonquin. [Rires]. Ben y’ont vécu dedans. (Entretien #03, 2018)

De tels propos nous poussent à croire que la présence de plusieurs toponymes en différentes langues ne semble pas contradictoire aux valeurs des Anicinapek, qui disposent eux-mêmes de plusieurs noms pour certaines entités comme nous l’avons préalablement abordé. Ce serait, au regard des informations fournies par les participants, les changements dans le type d’activités menées en territoire qui auraient déterminé avec le plus d’impacts l’état actuel de l’intelligibilité toponymique apitipi8inni. Ce qui nous permet de penser qu’il y a une relation entre les changements dans les schèmes d’établissement des Apitipi8innik et le degré

d’intelligibilité de leur toponymie, ou que, en d’autres mots, la connaissance et l’utilisation des toponymes apitipi8innik seraient directement associées à la pratique d’activités traditionnelles et à la perpétuation de ces pratiques. Dans les prochains mots, ceux d’un participant, l’association entre la connaissance et l’utilisation du nom Natcimine8i107 et la pratique de la cueillette du bleuet ne fait pas l’ombre d’un doute, au point où ce dernier hésite à traduire le nom en « aller chercher des bleuets » :

La rivière aux… pour aller aux bleuets. Ils s’en allaient icitte aux bleuets. Y’avait une place où est-ce qu’il y avait ben des bleuets. Ça fait qu’ils prenaient cette rivière-là pour aller aux bleuets. C’est la seule place où est-ce qu’on pouvait aller cueillir des bleuets, ça fait qu’ils l’ont appelé Natcimine8i Sipi. (Entretien #04, 2018)

Les participants retournent souvent cueillir des bleuets à ce cours d’eau, bien que la fréquentation du territoire ait grandement changé depuis leur enfance. Des changements s’opèrent depuis toujours en territoire sans l’action de l’être humain : des castors bâtissent un barrage, un arbre meurt, une rivière abandonne un méandre, etc. L’être humain y opère aussi depuis fort longtemps des changements : ébrancher des sapins pour l’installation d’un pikokan (tipi), prélever des cervidés pour se nourrir et se vêtir, etc. Toutefois, la nature et la vitesse des changements en territoire de cette deuxième catégorie, dite anthropique, depuis les deux derniers siècles ont contribué à un changement important des points de repère physiques des Apitipi8innik. L’exemple du Natcimine8isipi est un cas moindre en transformation que celui du territoire de cette participante et son père :

Quand que j’ai vu ça... Mon père il voulait le revoir [son territoire]. On y est allé en machine – ça se rendait en auto. Y’avait pas tout, mais y’avait une montagne. Un monsieur nous a demandé ‘est-ce que vous cherchez des bleuets ?’. Mon père a dit ‘non, on est en train de voir notre terrain’. Le monsieur était gêné… Il [n’y] avait plus d’arbres. (Entretien #08, 2018)

Les points de repère physiques sont aussi des points de repères culturels et la perte de l’un n’engage pas systématiquement la perte complète de l’autre. Ce prochain participant traduit bien ce constat en rappelant qu’après des années d’exploitation minière sur l’île Siscoe, ayant dénaturé l’état préalable de l’île, le nom anicinape demeure connu et utilisé :

107 De natci (aller chercher) et minen (bleuets). Tantôt saki (embouchure), tantôt sipi (rivière), l’entité géographique et son nom sont aussi décrits dans McKenzie (1981b : 116).

Si tu parles à un aîné, l’île Siscoe ça lui dit rien. Mais si tu parles de Ackik8ac, c’est sûr qu’il va comprendre tout de suite où ça se trouve. (Entretien #01, 2018)

Figure 15. Le nom Ackik8ac a été « récupéré » pour désigner un réseau de sentiers pédestres à plus d’une vingtaine de kilomètres à vol d’oiseau au nord-ouest de l’île à l’origine de ce nom (Crédit : Jimmy Couillard-Després, 2018)

La modification rapide et profonde du territoire apitipi8inni aura contribué au changement de l’intelligibilité toponymique apitipi8inni, principalement au regard de la diminution de sa fréquentation. Ainsi, les Apitipi8innik qui fréquentent aujourd’hui le territoire sur une base plus régulière semblent disposer d’une connaissance toponymique accrue, qu’elle soit générale ou encore concernant un territoire familial, un territoire de trappe ou un territoire de chasse en particulier. Une participante, dans un groupe de discussion, n’a pas été en mesure de fournir le nom d’une entité géographique, mais a toutefois expliqué que sa fréquentation limitée du territoire était la cause de sa méconnaissance :

– Je ne sais pas…

– Elle a toujours vécu en ville…

– …en ville. J’ai passé 44 ans à Québec. Faudrait que j’étudie les cartes moi aussi pour savoir où, quelle place… (Entretien #06, 2018)

Il en va de façon inverse avec un autre participant, qui nous explique que l’ampleur du savoir d’un membre de sa famille est associable à sa fréquentation des lieux :

Ben quand je nomme la place « Ka Minitiko8ak » la plupart des gens ils savent c’est quoi. Ceux qui fréquentent le territoire, comme mon oncle, si je lui dis ça il va tout de suite savoir c’est où […] Des fois, je demande à mon oncle comment ça s’appelait. Parce que lui son territoire est un petit peu plus haut que le mien, mais il a grandi quand même aux alentours ici. Il connaît tous les petits lacs. Aux alentours comme ici, ici, ici, c’est tout en algonquin. (Entretien #03, 2018)

Cette connaissance toponymique par la fréquentation n’est pas le monopole des aînés parmi les participants, pour qui la référence est plus que récurrente. Il en va de même aussi pour des participants plus jeunes, qui associent directement la connaissance du corpus toponymique anicinape à leur fréquentation du territoire, puis à celles d’autrui :

C’est vrai que des fois, les gens [ne] connaissent pas tout, tout, tout le vocabulaire anicinape qui se rattache au territoire. Mais, moi je l’ai toujours entendu, parce que j’ai toujours été sur le territoire avec des gens de ma famille. J’ai beaucoup, beaucoup côtoyé des personnes… […] Je pense que les gens sont allés, y sont allé, les gens voyageaient beaucoup via la rivière Harricana. Ils connaissent beaucoup le territoire parce qu’ils ont habité là. Mais, si je dis ça à quelqu’un qui n’y a pas été souvent, ils ne savent pas. Mais on dirait que les lieux que j’ai visités, je vais apprendre en algonquin, c’est là, là. C’est resté là, pis ça va rester dans mon [?] si je l’utilise souvent. (Entretien #05, 2018)

En réponse à ces informations fournies par les participants et d’autres entretiens non transcrits tenus à l’été 2018, nous pouvons avancer l’idée selon laquelle la fréquentation du territoire est corrélée aux connaissances toponymiques ; plus un individu de la communauté fréquente le territoire, plus il semble connaître ses noms anicinapek. De plus, les connaissances toponymiques seraient segmentées en territoires, les individus semblant connaître davantage les noms des entités se trouvant sur leurs territoires familiaux, qui correspondent aujourd’hui plus ou moins aux territoires de trappe. Ainsi, après une question sur les noms de l’ouest du territoire apitipi8inni, un participant réfère le chercheur à une autre famille, situation récurrente lors du terrain :

Nikik8atinipi Sakaikan… C’est le lac Turgeon ça. À part ça, le reste, je ne sais pas : c’est la famille [une telle] qui connaît. (Entretien #04, 2018)

Un autre élément affectant l’intelligibilité de la toponymie apitipi8inni pourrait être le fait de demeurer sur le territoire de Pikogan, donc d’être en relation plus ou moins continue, mais certainement directe, avec d’autres

individus qui fréquentent le territoire de façon plus active. Dans le cadre de l’étude, quatre des participants rencontrés n’habitent pas la communauté de Pikogan et n’y travaillent pas. Bien entendu, il aurait été davantage représentatif d’avoir plus de quatre répondants, peut-être d’ultérieures recherches permettront d’approfondir les connaissances relatives à l’écart de l’intelligibilité toponymique entre les résidents de Pikogan et les non-résidents. Cette variable fut malgré tout prise en considération lors de la constitution des données ; des questions furent posées aux participants concernant la relation entre leur vie hors communauté et leur intelligibilité toponymique. Pour l’un de ceux-ci, il n’y a aucun doute que son choix de ne pas vivre dans la communauté n’affecte ni sa locution de la langue anicinape, ni sa connaissance des toponymes :

Non, pour moi ça [ne] changerait pas grand-chose si j’étais ici [à Pikogan], je serais tout le temps curieux d’essayer de connaître le plus possible de territoire de nos ancêtres pis tout. Connaître les noms, pis tout ça. (Entretien #11, 2018)

Il faut souligner que cet homme est le plus jeune des participants à cette étude et fréquente le territoire apitipi8inni sur une base plus ou moins régulière malgré son adresse de résidence éloignée de Pikogan. Des commentaires venant d’une participante ayant vécu des décennies hors de la communauté laissent croire que la fréquentation est potentiellement diminuée par l’éloignement géographique sur une période prolongée. Du moins, il serait logique de croire que plus un membre de la communauté est rapproché du territoire, plus celui- ci serait susceptible de le fréquenter, donc de connaître les noms anicinapek. La présente étude n’aura pas permis de déterminer de façon indubitable la relation entre la vie en communauté et le degré d’intelligibilité toponymique. Toutefois, l’exercice aura permis de soulever la pluralité d’expériences associées à la relation entre éloignement géographique et connaissances et utilisation toponymique.

Un autre facteur observé qui pourrait influencer l’intelligibilité toponymique des Apitipi8innik est le genre, ou plutôt les pratiques associées aux hommes et aux femmes. En effet, des différences pourraient exister entre les uns et les autres au sujet de la connaissance et de l’utilisation des toponymes : est-ce que les femmes et les hommes connaissent et utilisent le même corpus toponymique ? Les opinions des participants sur le sujet divergent grandement, aucun consensus n’aura été relevé par les participants au cours des entretiens. En contrepartie, plusieurs éléments de compréhension auront été avancés, à commencer par l’évocation, ou non, d’une disparité de la connaissance toponymique. D’un côté, des participantes ont soutenu qu’il y avait une forme de parité dans les connaissances toponymiques :

– C’est toute la même chose pour les femmes et pour les hommes ! […] – Ça fait que tout le monde connaissait tous les mêmes spots ?

– Oui. Dans ce temps-là, oui. (Entretien #06, 2018)

Un autre point de vue, ici exprimé par une participante, avance l’idée selon laquelle les hommes disposeraient d’un corpus toponymique plus important, puisqu’ils parcoureraient un territoire plus important sur une base plus régulière :

Ben moi je dis que ça serait les hommes qui connaissent plus les noms. […] Parce que c’est eux autres qui voyaient, la femme était plus souvent au camp, pour rester là, pis si, pis ça, pis les hommes eux autres ils voyageaient beaucoup. Ils connaissaient tous les portages, ils connaissaient tous les noms […] C’est sûr qu’ils les disaient à la femme, mais, moi je dis que c’est les hommes qui… En tout cas. Ça c’est personnel. […] Je trouve que c’est les hommes, parce que les hommes ils se promenaient partout. La femme aussi connaissait son bout, mais c’est l’homme qui allait à des places où ce qu’il [n’] avait jamais été […] Aujourd’hui ça serait, je [ne] sais pas, 50-50 là, mais je pense [que] c’est les hommes encore. (Entretien #09, 2018)

Bien que des observations du chercheur pendant le séjour terrain et que des chercheurs tel que Suzy Basile, Asselin et Martin (2017)108 aient soulevé la persistance et l’importance de certaines pratiques genrées, les participants ont quasi immanquablement renvoyé à des informations concernant une époque qui correspondrait à celle de leurs parents ou grands-parents, identifiés en la qualité de « Kitci Anicinapek ». Ainsi, dans les extraits présentés, l’imparfait prime, aux côtés de références multiples à cette période. Il aura été possible de constater les connaissances et l’utilisation toponymique entre les genres durant les entretiens, au fil des réponses des participants concernant les noms de lieux plutôt qu’au fil des réponses concernant la parité/disparité de l’intelligibilité toponymique. De fait, il fut rapidement conclu que c’est probablement la fréquentation du territoire qui semble influer le plus le degré de connaissance et d’utilisation de la toponymie.

L’exclusivité potentielle d’une partie du corpus toponymique, à savoir que certains noms ne sont pratiquement connus ou utilisés que par des femmes ou par des hommes, a été demandée aux participants : existe-t-elle ? Pour l’ensemble des participants, les noms de lieux sont tous mutuellement intelligibles109 lorsqu’il est question de genre :

108 Ici une étude chez les Atikamekw.

109 Aucune distinction n’a été faite lors des entretiens sur les différents aspects de l’intelligibilité que sont la connaissance d’un nom et de sa signification ou l’utilisation d’un nom.

[Je n’] ai pas de nom de lieux qui me dit c’est un côté de femme ou quoi que ce soit. Qui est important pour les femmes ou je ne sais pas… (Entretien #05, 2018)

Cependant, il aura été observé, dans de très rares cas, que la toponymie apitipi8inni témoigne de pratiques genrées. Ainsi, dans le cadre d’un entretien, un participant nous explique le nom de l’un portage du cours d’eau nommé Cikopitik :

Le rapide s’appelle Ik8e8inikam. Ça, c’est le portage des femmes. C’est juste le nom du portage […]. Parce que les hommes descendaient le rapide eux autres [les hommes] débarquaient les femmes qui faisaient le portage. Les hommes ils descendaient le rapide. (Entretien #04, 2018)

La taille du corpus ici analysé où des pratiques genrées apparaissent ne permet pas d’avancer des propos suggérant une quelconque généralité. Interroger les Apitipi8innik sur le sujet et révéler la présence de pareilles traces dans la toponymie nous permet de rappeler que les noms de lieux sont porteurs de mémoire, ainsi que d’envisager une importance relative du genre dans le cadre de certaines pratiques culturelles. Sommairement, les informations acquises sur l’intelligibilité toponymique apitipi8inni pourraient se résumer en la fréquentation du territoire et en la pratique d’activités en celui-ci. Moins un participant fréquente le territoire, moins celui-ci semble connaître et utiliser un corpus imposant, et ce indépendamment de son genre, de la transformation du territoire ou de sa localisation domiciliaire. Toutefois, cette conclusion semble incomplète, car l’intelligibilité ne peut s’expliquer sans la transmission.

Nous savons que chez les Premiers Peuples de la boréalie nord-américaine d’avant-contact, la transmission des savoirs de tout acabit, savoirs incluant la toponymie, était essentiellement orale. Définitivement influencé par la présence prolongée de nouvelles sociétés, maintenant dominantes, qu’en est-il aujourd’hui du fonctionnement de la transmission et de la présence de la toponymie apitipi8inni ? En réponse aux informations recueillies à l’été 2018, nous élaborerons les plateformes contemporaines du savoir apitipi8inni en trois temps, en commençant avec la transmission orale, en enchaînant avec des formes plus « récentes » de représentations spatiales, dont l’affichage et la cartographie.

Dans les manuels scolaires et dans d’autres ouvrages populaires, les auteurs ont parfois la fâcheuse habitude de référer à la transmission orale comme d’un phénomène typiquement historique. Le séjour en territoire apitipi8inni a permis de constater qu’il y a une « récente » présence d’autres moyens de transmission, mais qu’ils ne sont pas nécessairement concurrentiels à la tradition orale, puisqu’elle est toujours présente.

L’ensemble des participants ont tenu des propos concordants à propos la langue anicinape, à travers laquelle passerait l’intelligibilité de leur toponymie, et à propos de la compréhension des noms eux-mêmes :

Quand je parle avec les anciens je vais parler [d’] Ackik8ac. On va parler [d’] Ackik8ac. Ils comprennent tout de suite. Alors ça, c’est quelque chose qui, qu’on devrait tout remettre sur la

map, tous les noms en anicinape. (Entretien #01, 2018)

À l’évocation des modes d’apprentissage, les participants ont sans exception fait référence aux Kitci Anicinapek et à leurs familles. Les Apitipi8innik se souviennent qu’hier seulement, c’est avec les aînés qu’ils