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Traçabilité de l’origine

Face aux besoins des acteurs de la fi lière et aux demandes des consommateurs d’être pleinement informés des caractéristiques, et notamment de l’origine des produits carnés qui leur sont proposés, plusieurs types de réponses et d’organisations avaient été adoptés de longue date et ont été améliorés au cours des dernières années. Il s’agit de l’identifi cation unique des animaux et de l’existence de documents attachés les décrivant et les suivant au cours de leur carrière, ou encore de la mise en place de signes de qualité qui reposent sur des cahiers des charges. Les travaux de recherches ont toujours visé à fournir des outils pouvant permettre de garantir et d’objectiver les informations fournies. Ainsi, les systèmes de groupes sanguins ont été largement étudiés et utilisés pour identifi er les animaux et contrôler leur fi liation (François et al., 1992). Mais le développement de la biologie moléculaire et l’étude des génomes ont permis dès les années 1990 de modifi er les capacités d’investigation et d’analyse.

À propos des méthodes et des champs d’application

La recherche de marqueurs génétiques exploitables en génétique animale a progressé avec les méthodologies d’étude du polymorphisme de l’ADN. L’arrivée de la PCR (pour Polymerase chain reaction) , la découverte des microsatellites, puis l’élabora-tion des programmes de séquençage des génomes entiers qui se sont accompagnés de la mise en évidence de très nombreux SNP (pour single nucleotide polymorphism ) dont plus de 2,3 millions répertoriés aujourd’hui dans dbSNP (pour d atabase single nucleotide polymorphism ) pour les bovins, sont les éléments marquants de l’évolution des vingt dernières années. Les outils mis au point permettent une caractérisation génétique très précise des individus et autorisent la détermination aisée de

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larités dont on peut souhaiter ou non la présence (par exemple le gène culard). À ce propos, les travaux de Charlier et al. (2008) illustrent parfaitement la puissance des approches maintenant disponibles pour identifi er les mutations causales de maladies chez les bovins.

En ce qui concerne la traçabilité des animaux et des produits dérivés (semence, carcasses, pièces de viande), nous évoquerons les applications à la traçabilité indivi-duelle et au contrôle de fi liation, à la traçabilité raciale et à la détermination de l’es-pèce, qui sont des caractéristiques invariantes de l’animal. Signalons par contre que l’analyse de l’expression du génome aux niveaux transcriptomique ou protéomique, déjà évoquée et plus délicate à aborder, pourrait bénéfi cier en principe à d’autres champs d’application comme la détermination de l’âge, du muscle, de la durée de maturation ou encore des conditions de vie de l’animal. Les outils de vérifi cation du sexe, reposant sur des marqueurs du chromosome Y et disponibles depuis les années 1980, ne seront pas abordés.

Exemples d’application

Traçabilité individuelle

C’est dans ce domaine que les marqueurs microsatellites, de par leur nombre et leur polymorphisme important (7 allèles en moyenne), se sont révélés très vite performants. Les travaux conduits en France par l’Inra, en collaboration avec Interbev (Associa-tion na(Associa-tionale interprofessionnelle du bétail et des viandes) et le CIV (Centre d’in-formation des viandes), avaient montré que l’utilisation de 8 microsatellites au moins était nécessaire pour assurer une traçabilité parfaite des bovins (San Cristobal-Gaudy et al., 2000). Les questions alors abordées concernaient le nombre de marqueurs et leur choix ; selon certains auteurs, les différences de fréquences alléliques entre races pouvaient être mises à profi t pour optimiser la méthode (Orrú et al., 2006).

Mais en pratique, si l’identifi cation unique d’un individu ne pose pas de diffi culté particulière dès lors qu’un ensemble de marqueurs adéquats est utilisé, l’idée de traçabilité, qui correspond à la possibilité de confronter un échantillon prélevé par exemple sur une pièce de viande chez un commerçant à un prélèvement réalisé beau-coup plus tôt, soit sur l’animal vivant avant son départ de la ferme soit au moment de son abattage ou sur sa carcasse, pour confi rmer qu’ils sont bien issus du même individu, se heurte à un problème pratique de nature logistique. En effet, il faut pouvoir récolter et conserver les échantillons d’un grand nombre d’animaux afi n de les analyser lorsque nécessaire pour faire la vérifi cation désirée. Des expériences ont été tentées, par exemple par la société Auchan en partenariat avec l’Inra, Labogena et le groupe Bigard, ou par Eurofi ns Scientifi c sous l’égide de l’interprofession et de la région Pays de la Loire, mais la lourdeur et le coût des procédures n’ont pas permis leur utilisation durable.

Contrôle de fi liation

Les qualités des microsatellites pour l’identifi cation des individus ont par contre été exploitées avec un réel succès en contrôle de fi liation chez les bovins d’abord (Heyen

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49 et al., 1997), notamment dans le cadre de l’ISAG (International Society for Animal Genetics) qui a recommandé l’utilisation d’un jeu commun de 16 marqueurs. Les tests « commerciaux » proposés par des sociétés comme Applied Biosystems ou des laboratoires privés (Van de Goor et al., 2009) ont d’ailleurs été développés avec la même logique de collaboration pour faciliter les échanges d’information entre labo-ratoires. En France, Labogena utilise des microsatellites en routine chez les bovins, les ovins et les caprins.

Si l’utilisation de marqueurs AFLP avait également été suggérée (Ajmone-Marsan et al., 1997), c’est la découverte des polymorphismes de type SNP, certes bialléliques mais en nombre gigantesque, qui a renouvelé l’intérêt dans le domaine. Le potentiel de ces marqueurs avait été très vite identifi é (Heaton et al., 2002) et, si la question du nombre de marqueurs et de leur choix demeure (Karniol et al., 2009), il est facile de comprendre que le nombre de possibilités est devenu quasi infi ni. L’ISAG coor-donne actuellement des travaux pour que les laboratoires chargés de l’identifi cation et du contrôle de fi liation substituent l’usage des SNP à celui des microsatellites, d’autant que de nombreuses technologies de génotypage hautement automatisées et à haut débit sont aujourd’hui disponibles.

Traçabilité raciale

L’objectif est ici de trouver une ou des caractéristiques communes à tous les indi-vidus d’une même race (et évidemment absentes chez tout individu de toutes les autres races), et la tâche s’est révélée plus diffi cile que prévu. Deux approches ont été abordées :

la première consiste à utiliser des marqueurs génétiques pour assigner avec

une certaine probabilité un animal à une race selon son génotype, et ce sont les différences de fréquences alléliques entre races qui sont mises à profi t. Les micro-satellites (Ciampolini et al., 2000 ; Dalvit et al., 2008) puis les SNP (Negrini et al., 2008) ont été exploités à cette fi n, et les travaux ont de plus permis d’acquérir beau-coup d’informations sur la diversité génétique (Peelman et al., 1998), les relations entre races et la structuration des populations (Moazami-Goudarzi et al., 1997 ; The Bovine HapMap Consortium, 2009) chez les bovins principalement, mais aussi chez le buffl e (Moioli et al., 2001), le zébu (Metta et al., 2004), les caprins (Canon et al., 2006) et les ovins (Arranz et al., 2001). Pour la traçabilité raciale, le nombre de marqueurs et leur choix déterminent la qualité de l’assignation, mais le nombre de SNP utilisables aujourd’hui laisse imaginer la multitude des possibilités ;

la seconde approche consiste à tenter d’identifi er ce qui détermine génétique-−

ment une caractéristique raciale afi n de pouvoir certifi er qu’un animal possède bien une particularité propre à tous les animaux d’une même race et défi nie par le standard de race. L’étude des gènes de coloration et de leur polymorphisme a été largement documentée chez les bovins (voir la revue de Seo et al., 2007). En France, l’étude des gènes MC1R, Agouti et Silver a révélé l’existence d’allèles spécifi ques de certaines races (Charolaise, Normande) ou groupes de races, et ces travaux ont permis à l’équipe Inra/Université de Limoges de proposer une première méthode d’identifi cation raciale (Oulmouden et al., 2006). En pratique, Labogena propose les tests génétiques correspondants. D’autres études ont également permis d’associer un phénotype à la présence d’une mutation particulière, comme en races

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Bleue-Belge ou Shorthorn pour Roan (Seitz et al., 1999) et en Dexter pour Dun (Berryere et al., 2003). L’exploitation de ces connaissances, si elle ne conduit pas encore à l’identifi cation de toutes les races, a aussi été proposée pour détecter la présence de lait d’origine raciale non souhaitée dans certaines productions (Maudet et Taberlet, 2002). Le souci des éleveurs de pouvoir protéger leur travail de sélection raciale avec des outils moléculaires devrait trouver dans le futur des réponses plus complètes, car les méthodes de génotypage à haut débit ouvrent la voie au repé-rage de signatures de sélection. Ainsi, plusieurs régions ont été révélées en races Holstein, Montbéliarde et Normande, avec une puce Illumina comportant 50 k SNP, et l’une d’elles correspond au locus MC1R dont différents allèles sont fi xés dans ces races (Flori et al., 2009). La poursuite des travaux devrait profi ter à d’autres races bovines, avec en particulier l’arrivée d’une puce à 600 k SNP ; chez les ovins et les caprins, les outils sont maintenant disponibles ou vont l’être.

Détermination de l’espèce

Dans ce domaine, ce sont les investigations sur l’ADN mitochondrial qui ont été les plus profi tables. Ainsi, Loftus et al. (1994) ont proposé l’existence de deux événements de domestication, mais diverses études de populations ont ensuite montré que l’ori-gine des bovins était sans doute encore plus complexe (Cai et al., 2007 ; Gotherstrom et al., 2005). Des tests PCR permettent de différencier un grand nombre d’espèces de bovinés (Verkaar et al., 2002 ; Yin et al., 2009). Des méthodes ont également été élaborées pour identifi er l’espèce d’origine des laits utilisés dans les fabrications fromagères (Maskova et Paulickova, 2006), et même pour identifi er ou quantifi er les diverses espèces composant des produits carnés crus ou cuits (Kesmen et al., 2009 ; Murugaiah et al., 2009) ; elles pourraient être davantage exploitées pour authenti-fi er et certiauthenti-fi er la qualité des produits alimentaires si un étiquetage approprié était adopté (Ballin et al., 2009).

Conclusion

Les recherches sur l’authentifi cation de l’alimentation et de l’origine des herbivores s’inscrivent dans un contexte général de demandes d’informations et de garanties sur la provenance et les conditions d’élevage des animaux. Dans ce contexte, les méthodes analytiques, qui permettent de garantir de manière objective le respect des engagements pris dans les cahiers des charges, voire de les instruire, ainsi que de légitimer et protéger les produits sous signe de qualité, sont particulièrement adap-tées. Les premiers résultats indiquent qu’il est possible de discriminer certains types d’alimentation contrastés en recourant à des méthodes analytiques quantifi ant des composés spécifi ques ou à des méthodes plus globales. Quant à la traçabilité d’ori-gine, l es méthodologies disponibles aujourd’hui et issues des progrès de la géno-mique animale (Hocquette et al., 2008) sont a priori très puissantes pour identifi er et caractériser précisément un animal ou les produits qui en sont dérivés. Elles peuvent et doivent être utilisées de manière adaptée en fonction de la question posée (par exemple, identifi er de manière certaine l’origine raciale d’un échantillon n’est pas la

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51 même question qu’exclure la possibilité que ce même échantillon provienne d’une ou deux races particulières).

La mise en œuvre de ces méthodes rencontre toutefois diverses limites. La discri-mination des régimes alimentaires peut être imparfaite quand les méthodes sont utilisées isolément, et il peut être nécessaire d’exploiter les complémentarités/ synergies entre différents outils et différents tissus animaux, par exemple du fait des différences de profi ls de latence et/ou de persistance observés. Le coût et la facilité de mise en œuvre varient selon les méthodes. Les méthodes spectrales, simples d’utilisation et peu coûteuses, peuvent être utilisées facilement sur un grand nombre d’échantillons. D’autres méthodes plus coûteuses et délicates à mettre en œuvre, telles que l’analyse des composés volatils, ne peuvent pas être actuellement envisagées sur un grand nombre d’échantillons, mais l’éventualité de leur utilisa-tion peut dissuader des fraudes. Enfi n, ces méthodes pourraient être couplées par paliers, les plus simples sur un plus grand nombre d’animaux, les plus coûteuses en dernier ressort. De nombreux facteurs de variation, liés par exemple à la disponibi-lité en herbe, à la composition botanique des prairies ou au stade phénologique des plantes, ou associés plus spécifi quement aux animaux, tels que la race et le niveau de production, peuvent également moduler l’ingestion des traceurs correspondants et donc la réponse animale. Ils seront prochainement étudiés. Cette variabilité rend également indispensables les travaux de validation à grande échelle, comme ceux en cours pour la viande ovine, avec la constitution de bases de données issues des instal-lations expérimentales et domaines de l’Inra, mais aussi des exploitations privées en collaboration avec certaines fi lières intéressées par ces outils.

En ce qui concerne l’usage de marqueurs génétiques, la traçabilité individuelle se heurte à des problèmes logistiques de gestions d’échantillons et, d’une manière générale, les méthodes développées sont délicates à appliquer dans des populations d’animaux croisés. Les cas des traitements par lots ou des produits comprenant des mélanges posent d’autres diffi cultés. Enfi n, si leur potentiel est important, les méthodes existantes ne pourront être utilisées de manière optimale que sur la base d’une concertation étroite entre les acteurs de la fi lière, les organismes de contrôle et les consommateurs (Dalvit et al., 2007).

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