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et des caractéristiques musculaires associées

et des caractéristiques musculaires associées

L’estimation de paramètres génétiques requiert un nombre élevé d’animaux mesurés et répartis dans des familles pour apprécier la part de la variabilité transmise entre générations et donc améliorable par sélection. Or la mesure des qualités de la viande et/ou des caractéristiques musculaires associées est fort coûteuse à l’heure actuelle, car elle nécessite la mise en place d’un jury de dégustation ou de mesures de labo-ratoire dont les coûts viennent s’additionner aux coûts de prélèvement des échan-tillons musculaires. De ce fait, il n’existe dans la littérature qu’un nombre restreint d’études visant à estimer la variabilité génétique de ces qualités. Jusqu’à peu, ces études étaient pour la plupart réalisées aux États-Unis ou en Australie (Burrow et al., 2001 ; Johnston et al., 2003). De ces études, il apparaît qu’il existe intrarace une variabilité génétique non négligeable de la tendreté, qu’elle soit appréciée par un jury de dégustation ou mesurée mécaniquement par une force de cisaillement (h²  1/4).

Cette tendreté serait donc potentiellement améliorable par sélection si elle pouvait être mesurée, par exemple sur les descendants de taureaux destinés à l’insémination animale. Par contre, les notes de jutosité et de fl aveur apparaissent nettement moins héritables (h²  1/10) et assez étroitement liées à la tendreté (|r g |  + 0,9). Une amélioration de la jutosité et de la fl aveur peut donc diffi cilement être obtenue par une sélection directe sur les notes de dégustation, mais peut être éventuellement obtenue en réponse indirecte à une amélioration de la tendreté.

Dans ces études, les qualités de la viande sont généralement mises en relation avec la note de persillé, qui est un critère systématiquement enregistré dans ces pays car intégré dans la grille de notation des carcasses : une plus-value est accordée aux carcasses présentant la viande la plus persillée, car une relation positive a depuis longtemps été observée dans ces pays entre le persillé et la qualité de la viande, aussi bien la tendreté que la fl aveur. Il faut noter que cette relation est observée avec un mode de consommation de la viande bovine spécifi que à ces pays,

c’est-à-Muscle_Viande.indd 154

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155 dire suite à une cuisson à une température particulièrement élevée (70 °C à cœur). Cette relation observable au niveau phénotypique est également positive au niveau génétique entre l’adiposité de la viande, évaluée par la note de persillé ou le dosage de lipides intramusculaires, et la tendreté, évaluée par un jury de dégustation ou la mesure d’une force de cisaillement (|r g |  + 0,5). Une sélection positive sur la note de persillé induira donc une réponse positive, bien qu’indirecte, sur la tendreté. L’adiposité de la viande présente une variabilité génétique non négligeable avec des héritabilités de l’ordre de h²  0,4. Dans les systèmes américain et australien, la

notation systématique du persillé en abattoir permet donc d’évaluer les taureaux sur ce critère et de faire progresser la teneur en lipides des viandes si tel est l’objectif des éleveurs. Une telle sélection permet ainsi d’améliorer la qualité sensorielle des viandes, mais présente l’inconvénient d’induire aussi une réponse positive et donc défavorable sur l’adiposité des carcasses du fait de corrélations génétiques positives entre note de persillé et épaisseur de gras sous-cutané. Toutefois, ces corrélations restent relativement modestes (r g + 0,3). Pour éviter cet inconvénient, des

recher-ches ont été entreprises pour trouver d’autres caractéristiques musculaires plus directement corrélées avec la tendreté et indépendantes de l’adiposité. C’est ainsi que des études aux États-Unis ont permis d’estimer que la teneur en calpastatine, une enzyme antiprotéolytique, avait une héritabilité non négligeable et était généti-quement bien corrélée, négativement, à la tendreté. Pour que cette caractéristique puisse être utilisée comme critère de sélection, il est toutefois nécessaire qu’une technique de dosage en routine soit mise au point, ce qui n’est pas le cas. Dans ces pays, l’amélioration génétique de la tendreté par sélection ne repose donc jusqu’à présent qu’indirectement sur la sélection du persillé.

En France, une première étude a eu pour objectif d’estimer la variabilité génétique conjointe des caractéristiques musculaires et des aptitudes bouchères à l’abattage sur un échantillon de 377 taurillons de race Charolaise et d’estimer, sur un échantillon de 106 taurillons, les relations phénotypiques entre ces caractéristi-ques musculaires et les qualités de la viande, les steaks ayant été grillés jusqu’à une température à cœur de 55 °C conformément aux habitudes culinaires françaises (Renand et al., 2001). Les principaux résultats montrent qu’au niveau phénotypique 25 % à 30 % de la variabilité des qualités de la viande peuvent être expliqués par celle des caractéristiques musculaires mesurées, à savoir les teneurs en lipides intra-musculaires et en collagène, la solubilité du collagène, la taille et le typage des fi bres musculaires. La fl aveur apparaît prioritairement associée à la teneur en lipides, et la vitesse de maturation à la proportion de fi bres blanches rapides. La viande est notée plus tendre chez les animaux qui ont des fi bres musculaires plus fi nes et qui ont moins de collagène et un collagène plus soluble. Des résultats similaires ont été obtenus avec la même procédure d’évaluation des qualités sensorielles sur des taurillons de trois autres races (Aubrac, Gasconne et Salers). Ces premiers résultats se démarquent des résultats obtenus aux États-Unis et en Australie et rapportés plus haut, où la teneur en lipides de la viande apparaît comme la caractéristique musculaire la mieux corrélée à la tendreté. L’existence de ces différences de rela-tions milite pour que les qualités de la viande soient étudiées dans les condirela-tions de production et de consommation représentatives de chaque pays. Au niveau génétique, les principaux résultats révèlent une étroite corrélation génétique entre la composition de la carcasse (proportions de muscle et de gras) et certaines

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caractéristiques musculaires. Les animaux génétiquement gras ont des muscles avec plus de lipides intramusculaires, avec des fi bres musculaires plus grosses et avec un collagène moins soluble. Ainsi, compte tenu des relations phénotypiques présentées ci-dessus, il est probable qu’une sélection en faveur de la croissance musculaire aux dépens des dépôts adipeux devrait avoir des effets plutôt favorables sur la tendreté, mais défavorables sur la fl aveur.

Ces résultats préliminaires ont mis en évidence la nécessité d’entreprendre une étude du déterminisme génétique des qualités de la viande bovine selon le mode de production et les races exploitées en France, et selon le mode de consomma-tion habituel de la viande bovine, c’est-à-dire avec une cuisson de type « saignant ». Un programme de grande envergure, nommé Qualvigène, a donc été mis en œuvre (Renand et al., 2007a). Il a nécessité la mobilisation de moyens conséquents de la part des partenaires professionnels (UNCEIA, entreprises de sélection, Institut de l’élevage) comme de la recherche publique (Inra, ANR), et a permis de constituer un outil unique d’analyse du déterminisme génétique des qualités de la viande, aussi bien au niveau moléculaire que polygénique.

Le programme de recherche Qualvigène repose sur les capacités de testage sur descendance des trois races à viande spécialisées (Charolaise, Limousine et Blonde d’Aquitaine). Avec trois années de testage, il a été possible de disposer d’une base de données phénotypiques complète pour 3 349 taurillons de race pure, issus de 114 pères de races Charolaise (48), Limousine (36) ou Blonde d’Aquitaine (30). En plus des aptitudes bouchères classiquement contrôlées, des mesures originales ont été enregistrées concernant la qualité des carcasses (composition, surface du muscle Longissimus dorsi ), les caractéristiques musculaires (teneurs en lipides intramuscu-laires et en collagène insoluble, taille des fi bres muscuintramuscu-laires) et les qualités de la viande (couleur, pertes en eau, force de cisaillement, qualités sensorielles).

Les premières estimations des coeffi cients d’héritabilité des qualités de la viande en France ont ainsi été obtenues grâce à ce programme. Il apparaît que les mesures des qualités de la viande et des caractéristiques musculaires peuvent se regrouper en trois catégories : celle dont la variabilité génétique est non négligeable (h²  1/4), comme la teneur en lipides intramusculaires, la note de tendreté et la force de cisaillement, et qu’on peut donc améliorer par sélection à condition d’avoir des mesures enregis-trables en routine ; celle de faible héritabilité, sans être trop négligeable toutefois (h²  1/7), pour la teneur en collagène, la taille des fi bres et la mesure de la lumi-nescence L* ; enfi n celle de très faible héritabilité (h²  1/15), pour les notes de fl aveur ou de jutosité et les pertes d’eau à la décongélation ou à la cuisson. Ces résul-tats confi rment ceux des études nord-américaines et australiennes selon lesquelles les deux principales qualités de la viande qu’il est possible de modifi er génétiquement par sélection sont la tendreté et la teneur en lipides intramusculaires. Par contre, on ne retrouve pas les relations génétiques systématiquement positives entre tendreté et teneur en lipides intramusculaires, puisque celles-ci ne sont que légèrement posi-tives en races Charolaise et Blonde d’Aquitaine, et plutôt négaposi-tives en race Limou-sine. Par ailleurs, la fl aveur de la viande des taurillons Limousins est génétiquement indépendante de la teneur en lipides intramusculaires, alors que la corrélation géné-tique est positive dans les deux autres races. Enfi n et surtout, cette teneur en lipides intramusculaires est nettement corrélée avec l’adiposité des carcasses dans les trois

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157 races (r g  + 0,7), le double de ce qui a été estimé dans les études américaines et australiennes. Il apparaît donc que sélectionner la teneur en lipides intramusculaires peut éventuellement être utilisé pour améliorer la fl aveur, mais que cette sélection serait par contre ineffi cace pour améliorer la tendreté et qu’elle entraînerait une réponse corrélée défavorable sur la composition des carcasses.

Dans ce programme Qualvigène, la teneur en collagène insoluble et la taille des fi bres musculaires ont été systématiquement mesurées, leur relation avec la tendreté ayant été mise en évidence dans l’étude phénotypique rapportée plus haut. Si la première est génétiquement indépendante de la tendreté, il apparaît que la taille des fi bres musculaires est négativement corrélée avec la tendreté (r g – 0,6) et

posi-tivement avec la force de cisaillement (r g + 0,5) dans les trois races. Ce résultat

est particulièrement original, car il montre que dans nos races à viande et avec notre type de cuisson, la fi nesse des fi bres musculaires est systématiquement et positive-ment associée au potentiel génétique pour la tendreté, ce qui n’est pas le cas de la teneur en lipides intramusculaires.

En conclusion, l’existence d’une variabilité génétique non négligeable de la tendreté nous permet d’affi rmer qu’un progrès génétique serait potentiellement réalisable sur cette qualité essentielle de la viande si une mesure peu onéreuse pouvait être mise en œuvre. En l’absence d’une telle mesure, il n’est pas possible de s’appuyer sur les résultats de la bibliographie anglo-saxonne pour préconiser en France une sélection indirecte sur la note de persillé ou la teneur en lipides intramusculaires. En effet, dans nos races, nos systèmes de production et notre mode de consomma-tion, essayer d’accroître les lipides intramusculaires est illusoire pour améliorer la tendreté et aurait des effets négatifs sur la composition des carcasses, bien qu’on puisse espérer un effet favorable sur la fl aveur. La relation signifi cative entre la fi nesse des fi bres musculaires et la tendreté représente une piste biologique intéres-sante, mais diffi cilement utilisable dans l’immédiat du fait que la mesure de la taille des fi bres musculaires est tout aussi diffi cile que celle de la tendreté.