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Métabolisme énergétique

in vivo

Métabolisme du glucose et du lactate

Prélèvement par le muscle

Le glucose artériel est capté par le muscle grâce à un mécanisme de diffusion faci-litée par des transporteurs transmembranaires qui peuvent être sensibles (GLUT4) ou non (GLUT1) à l’action de l’insuline. Ces transporteurs ont fait l’objet de quel-ques études chez les ruminants (Hocquette et Abe, 2000). À l’état basal, GLUT4 est présent à l’intérieur de la cellule, d’où il peut être rapidement déplacé vers la membrane plasmique après stimulation par l’insuline ou par l’exercice. GLUT4 a été détecté dans les muscles squelettiques de bovins, caprins, ovins et porcins. Ainsi, le prélèvement musculaire de glucose varie avec le débit sanguin et les régulations de l’expression et de l’activité des transporteurs de glucose, qui diffèrent par leur importance selon les espèces (Hocquette et Abe, 2000). Toutefois, le transport de glucose au niveau musculaire est un facteur limitant bien établi de son utilisation par le muscle. Le taux de prélèvement apparent du glucose par le muscle est de l’ordre de 4 % chez les ruminants et de 9 % chez les monogastriques. L’insuline, par ses effets vasodilatateurs et stimulateurs du déplacement des transporteurs de glucose, peut augmenter le taux de prélèvement de trois à cinq fois. Le prélèvement net (ou apparent) de glucose par unité de poids de tissu est similaire chez les porcs et les veaux préruminants (1,4-1,8 µm/h/g de tissu frais), mais il est trois à quatre fois plus faible chez les ruminants (0,4-0,6 µm/h/g de tissu frais) en raison de leur sensibilité à l’insuline plus faible (Ortigues et Durand, 1995 ; Ortigues et al., 1995). Malgré cette limitation, l’ensemble des muscles squelettiques utilise 20 % à 35 % du fl ux de glucose corporel chez les ruminants (Majdoub et al., 2003).

Le lactate artériel est prélevé par les muscles à l’aide de transporteurs spécifi ques présents en particulier dans les fi bres oxydatives. Toutefois, le lactate est aussi produit par le métabolisme musculaire du glucose si bien que les taux de pré lèvement appa-rents du lactate par les muscles indiquent soit un prélèvement net de lactate soit une libération nette, selon l’apport de nutriments aux muscles, leur composition en types de fi bres et l’orientation du métabolisme glucidique (revue de Hocquette et al., 2000).

Principales voies métaboliques

d’utilisation du glucose et du L-lactate

Dans les muscles au repos, le glucose peut emprunter plusieurs voies métaboliques (fi gure 8.2) :

oxydation complète par la voie de la glycolyse puis dans les mitochondries ;

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Métabolisme énergético-protéique des tissus musculaires

99 glycolyse avec production de L-lactate et de pyruvate et leur libération dans la

circulation sanguine ; synthèse de glycogène ;

transfert du carbone du glucose à des acides aminés non essentiels dont l’alanine,

suivi de leur libération dans la circulation sanguine ou de leur incorporation dans des protéines synthétisées in situ ;

synthèse d’acides gras dans les adipocytes intramusculaires.

Chez les ruminants, l’oxydation directe du glucose (18 % à 26 % du glucose prélevé) ne couvre que de 7 % à 13 % des dépenses énergétiques musculaires, le reste du glucose étant soit stocké sous forme de glycogène ou d’acides gras intramusculaires, soit libéré sous forme de L-lactate (10 % du glucose prélevé chez des animaux nourris à l’entretien et jusqu’à 32 % en sous-alimentation), de pyruvate ou d’acides aminés – transfert de 20 % du carbone du glucose à l’alanine (Majdoub et al., 2003), voire plus en cas de jeûne. Le glycogène est présent sous forme de granules autour des mitochondries ou au contraire intra ou interfi brillaires (fi gure 8.1). La localisa-tion du glycogène par rapport aux mitochondries détermine partiellement ses voies d’utilisation. Il peut être mobilisé soit vers la production de pyruvate puis l’oxyda-tion mitochondriale, soit vers la glycolyse anaérobie cytosolique avec producl’oxyda-tion de lactate à partir du pyruvate. Dans tous les cas, la production musculaire d’ATP est plus rapide à partir du glycogène intramusculaire que du glucose artériel. Potentiel-lement, le glucose capté par le muscle et non libéré sous forme de L-lactate, s’il était oxydé, pourrait contribuer jusqu’à 57 % aux dépenses énergétiques musculaires chez le ruminant, et probablement davantage chez le porc (95 % pour le glucose et le lactate).

L’orientation du métabolisme du glucose vers l’oxydation ou vers la glycolyse anaé-robie est contrôlée par deux enzymes clés : la pyruvate déshydrogénase pour l’oxyda-tion du pyruvate et la phosphofructokinase pour la glycolyse anaérobie. La pyruvate déshydrogénase est inhibée par l’acétyl-CoA et l’ATP, produits par l’oxydation des acides gras courts ou longs et des corps cétoniques, et la phosphofructokinase est inhibée par un excès d’ATP ou de citrate. Ainsi une infusion in vivo d’acétate chez des ruminants épargne le glucose de l’oxydation et le dirige vers la glycolyse ana érobie avec production de L-lactate. In vitro, l’augmentation de l’oxydation des acides gras inhibe la glycolyse et oriente le glucose vers la synthèse de glycogène (revue de Hocquette et al., 2000).

Le lactate est orienté prioritairement vers l’oxydation dans les fi bres oxydatives et vers la glycogénogenèse dans les fi bres glycolytiques. Il est aussi un précurseur d’acides gras dans le tissu adipeux intramusculaire. Chez les ruminants, des prélève-ments élevés de lactate par le muscle ont été observés chez des animaux présentant une forte proportion de tissus adipeux dans la carcasse.

Métabolisme de l’acétate et des corps cétoniques

L’importance du métabolisme musculaire de l’acétate et des corps cétoniques est une spécifi cité des ruminants liée à des concentrations artérielles d’acétate et de corps cétoniques respectivement sept et deux fois plus élevées en moyenne que

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chez les monogastriques, et ce en raison des différences de produits terminaux de la digestion et de métabolisme dans le tube digestif et le foie.

Métabolisme des acides gras à chaîne moyenne ou longue

Les acides gras à chaîne moyenne ou longue transportés par la circulation sanguine se trouvent soit sous forme libre dans le sang (c’est-à-dire non estérifi és et trans-portés par liaison non covalente à l’albumine), soit sous forme estérifi ée associés aux triglycérides, mais aussi aux phospholipides et esters de cholestérol présents au sein de lipoprotéines circulantes. Ces acides gras étant insolubles en milieu aqueux, leur métabolisme est plus complexe que ceux de l’acétate ou des corps cétoniques.

Prélèvement des acides gras à chaîne moyenne ou longue

Les acides gras des triglycérides plasmatiques ne peuvent pas être prélevés directe-ment par la cellule musculaire. Les lipoprotéines riches en triglycérides doivent tout d’abord être ancrées sur la surface cellulaire grâce à l’interaction entre les récepteurs membranaires des lipoprotéines et la lipoprotéine lipase (fi gure 8.2). Ultérieure-ment, cette enzyme hydrolyse les triglycérides et libère des acides gras non estérifi és (AGNE). Cette étape d’hydrolyse complète des triglycérides est considérée comme étant limitante pour l’utilisation des acides gras à des fi ns énergétiques. Le transport transmembranaire des AGNE plasmatiques ou celui des acides gras résultant de l’hy-drolyse des triglycérides s’opère par simple diffusion ou par transport facilité, faisant appel à des transporteurs. Ainsi chez les ovins, le prélèvement tissulaire des AGNE varie linéairement avec l’apport jusqu’à des concentrations artérielles de 1 mM. Il est à noter que les concentrations artérielles des AGNE varient très fortement selon les espèces ; elles sont très dépendantes de la teneur en lipides des régimes chez les monogastriques, des conditions physiologiques et nutritionnelles (conditionnant la mobilisation des tissus adipeux) et de la capacité de transport de l’albumine. Il est aussi probable que le prélèvement d’AGNE par les cellules musculaires dépende de l’utilisation des AGNE et par conséquent du pool intramusculaire de protéines de liaison de ces acides gras (voir ci-dessous). Chez les ruminants, le taux d’extraction vraie des AGNE par le tissu musculaire est de l’ordre de 9 % à 20 % (voir la revue de Hocquette et Bauchart, 1999).

Principales voies métaboliques

d’utilisation des acides gras à chaîne moyenne ou longue

Dans la cellule musculaire, et selon les conditions nutritionnelles, les acides gras peuvent être :

dégradés partiellement sous forme d’acétyl-CoA au niveau mitochondrial puis

stockés dans le cytosol sous forme d’acétylcarnitine ;

dégradés partiellement dans les péroxysomes avec formation d’acétate (environ

3 % de l’utilisation des AGNE par le muscle) ou d’acides gras à chaîne moyenne ; oxydés complètement ;

estérifi és puis stockés sous forme de triglycérides.

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Métabolisme énergético-protéique des tissus musculaires

101 Il semble que seule une petite proportion des AGNE prélevés soit oxydée direc-tement et complèdirec-tement (de l’ordre de 3 %), et contribuerait ainsi pour 4 % à l’oxydation musculaire chez les ovins nourris (Hocquette et Bauchart, 1999). À l’intérieur de la cellule musculaire (fi gure 8.2), les acides gras sont liés à des protéines de liaison spécifi ques, les FABP (pour fatty acid binding protein ), qui transportent les acides gras vers les sites d’oxydation (peroxysomes, mitochondries) ou d’estérifi cation (cytosol) (voir chapitre onze, « Marqueurs biologiques de la qualité sensorielle des viandes bovines »). Avant toute utilisation, les acides gras sont activés par des acyl-CoA synthétases. Les péroxysomes sont de petits organites intracellulaires qui dégradent partiellement les acides gras à chaîne longue en acides gras à chaîne plus courte, pouvant aller jusqu’au stade de l’acétyl-CoA. Les acides gras à chaîne longue ou courte sont ensuite transférés à l’intérieur des mitochon-dries par une enzyme spécifi que, la carnitine palmitoyltransférase I (CPT I) qui est elle-même inhibée par le malonyl-CoA. Cette étape est considérée comme l’étape limitante de l’oxydation mitochondriale des acides gras. Dans la mitochondrie, les acides gras sont ensuite catabolisés par les enzymes de la Ð -oxydation et du cycle de Krebs. Ces étapes sont régulées par les rapports NADH/NAD+ et acétyl-CoA/ CoA. Une oxydation accrue de glucose ou de lactate inhibe l’oxydation des acides gras (Hocquette et Bauchart, 1999).

Les triglycérides intramusculaires représentent un stock de substrats plus rapidement utilisable par la mitochondrie que les substrats d’origine artérielle, après hydrolyse sous le contrôle d’une lipase hormono-sensible. La proximité entre les gouttelettes lipidiques et les mitochondries est un facteur déterminant pour la vitesse d’utilisation des lipides intramusculaires.

Activité métabolique et contribution des nutriments à l’oxydation

La comparaison d’animaux de tailles très différentes indique que l’activité méta-bolique des tissus musculaires (dépenses énergétiques exprimées par unité de poids de tissu et par unité de temps) diminue lorsque le poids vif (P) augmente et varie en fonction de P – 0,25 . Toutefois, à même poids vif, l’activité métabolique des tissus musculaires varie avec le débit sanguin et le taux de prélèvement d’oxy-gène. Ces derniers dépendent du type de fi bre musculaire (ils sont plus élevés dans les muscles rouges que dans les muscles blancs) (voir chapitre cinq, « Structure et fonction des constituants du muscle squelettique »), du niveau d’activité physique et d’entraînement de l’animal, du niveau d’alimentation et de l’état hormonal.

Les données relatives à l’activité métabolique des muscles in vivo reposent sur des mesures de consommation d’oxygène par la patte arrière (constituée en moyenne de 47 % à 66 % de muscle, de 23 % à 14 % de peau, de 30 % à 20 % d’os et de tissus adipeux ; Ortigues et Doreau, 1995). Chez les ovins, l’activité métabolique in vivo d’une patte arrière est comprise entre 82-124 kJ/jour/kg chez des animaux couchés et 138 kJ/j/kg chez des animaux adultes ou en croissance debout, calmes. Ceci est cohérent avec le fait que chez les ovins les dépenses énergétiques des animaux debout sont supérieures de 16 % à 29 % à celles des animaux couchés (Ortigues et Vermorel, 1996). Chez un animal au repos, le tonus musculaire associé à la

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posture debout contribue pour 30 % aux dépenses énergétiques du muscle, contre 28 % pour la synthèse protéique, 34 % pour les transports ioniques et 8 % pour les cycles de substrats (Lobley, 1991). Chez les autres espèces, l’activité métabolique in vivo d’une patte arrière au repos varie de 78-94 kJ/jour/kg chez des taurillons en croissance à 112 kJ/jour/kg chez des porcs en croissance, 165 kJ/jour/kg chez des veaux préruminants et 210-350 kJ/jour/kg chez des porcelets nouveaux-nés et des oiseaux (oisons) (fi gure 8.3). Ces variations sont probablement associées à des degrés d’activité physique spontanée différents entre animaux. L’infl uence des variations nutritionnelles sur l’activité métabolique musculaire est moins connue ; cette dernière augmente de 50 % lorsque le niveau d’alimentation est accru de 80 % (Lobley, 1991).

La contribution des différents nutriments à l’oxydation a été caractérisée chez les ruminants (tableau 8.1). Au repos, l’acétate et le glucose sont les principaux substrats utilisés pour la fourniture d’ATP au muscle.

Tableau 8.1 . Contribution des nutriments à l’oxydation musculaire chez des ovins nourris, au repos et à la thermoneutralité (Bird et al., 1981 ; Jarrett et al., 1976 ; Pethick, 1993).

Nutriment Contribution

potentielle

Nutriment oxydé/ nutriment prélevé (en %)

Contribution vraie

Glucose* 31-57 18-26 7-13

Acétate 35-40 78 15-29

AGNE 10-14 40 4

Ð-hydroxybutyrate 14-18

* Après correction pour la libération de L-lactate et de pyruvate.