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Les facteurs de variation du métabolisme des lipides

La quantité et la qualité des lipides stockés dans le muscle et les TA résultent à la fois du nombre d’adipocytes présents dans les tissus et de l’équilibre entre synthèse et dégradation des TG (Gondret et Hocquette, 2006). Ces caractéristiques cellu-laires et métaboliques sont largement régulées par les pratiques d’élevage (nutrition notamment), mais également par des spécifi cités intrinsèques à l’animal (génotype, statut hormonal) se répercutant sur la qualité de la viande et des carcasses.

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La nutrition et le stade physiologique

Le métabolisme lipidique varie avec le bilan énergétique des animaux qui lui-même dépend de la nutrition et des besoins en énergie liés à l’entretien et à la production. Une augmentation de la quantité (Chilliard et al., 2000) ou de la densité énergé-tique (Faulconnier et al., 2007 ; Schoonmaker et al., 2004) de la ration favorise le dépôt de TG à la fois dans la carcasse et dans le muscle, via une augmentation des activités lipogéniques concomitante avec une augmentation de la disponibilité en nutriments précurseurs de la lipogenèse. À l’inverse, lorsque le niveau d’alimen-tation ou d’énergie est faible, les activités lipogéniques sont réduites et les nutri-ments ne sont que faiblement stockés dans les adipocytes. En revanche, les activités lipases sont élevées, permettant la libération dans le plasma d’AG disponibles comme substrats pour les autres tissus tels que le muscle. Ainsi, les AGNE (essen-tiellement issus de la mobilisation des réserves corporelles) représentent moins de 1 % de la masse totale des lipides plasmatiques chez le bovin alimenté, alors qu’ils représentent environ 3 % chez le bovin sous-nutri (alimenté à 20 % des besoins pendant 7 jours ; Bonnet et al., 2004) et 20 % chez une vache en début de lactation (Gagliostro et al., 1991).

La nature des nutriments apportés modifi e également l’intensité de la lipogenèse. Ainsi, l’apport de lipides dans les rations augmente la disponibilité en AG qui peuvent inhiber la lipogenèse de novo dans les adipocytes (Chilliard, 1993a). La composition en AG des adipocytes se rapproche alors de la composition des AG absorbés. En outre, il peut en résulter une épargne en glucose et surtout en acétate éventuellement disponibles pour d’autres tissus, notamment la fi bre musculaire. Une stimulation de la lipogenèse de novo , par l’infusion abomasale de glucose chez des bouvillons (Baldwin et al., 2007), suggère que les rations qui favorisent la disponibilité en glucose augmentent le dépôt de lipides. La disponibilité en substrats de la lipogenèse de novo, le glucose notamment, est augmentée par des rations riches en glucides (abondants dans les fourrages et les concentrés). Aussi, des rations riches en concentrés, apportant à la fois énergie et glucides, augmen-tent les activités des enzymes de la lipogenèse de novo (Schoonmaker et al., 2004 ; Vernon, 1980) .

L’effet de la nutrition sur le métabolisme lipidique et sur l’adiposité des carcasses et de la viande dépend aussi de l’état physiologique de l’animal. En effet, les nutriments sont d’autant plus orientés vers la lipogenèse et le stockage dans les adipocytes que la croissance musculaire diminue, c’est-à-dire au-delà d’un poids vif vide moyen d’environ 300 kg (Bonnet et al., 2010). Ainsi, la période de fi nition des bovins, qui favorise l’engraissement afi n d’obtenir des carcasses suffi samment grasses et une viande riche en lipides intramusculaires, sera d’autant plus effi -cace qu’elle sera réalisée lorsque le potentiel de croissance musculaire est faible. De plus, la castration des bovins en croissance augmente les activités lipogéni-ques via notamment une réduction des dépenses énergétiques et de l’accrétion protéique. Chez la vache laitière, les nutriments soutiennent la production laitière jusqu’au pic de lactation, alors qu’après ils sont aussi orientés vers la lipogenèse adipeuse afi n de reconstituer les réserves lipidiques mobilisées autour de la mise bas (Chilliard, 1993b).

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Métabolisme lipidique des tissus musculaires et adipeux

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Le génotype bovin

Les races bovines diffèrent par leur aptitude à déposer des lipides dans les TA et le muscle. Les races précoces dont la croissance musculaire s’atténue rapidement avec l’âge (Angus, Noir japonais, Holstein) déposent plus de lipides que les races tardives, au potentiel de croissance musculaire plus élevé (Blanc-Bleu-Belge, Blond d’Aquitaine, Limousin). Comparativement aux races tardives, les races précoces ont en général un nombre d’adipocytes plus élevé, des adipocytes plus gros et des activités lipogéniques plus fortes (Bonnet et al., 2010).

Le statut hormonal

Outre la disponibilité en substrat (en partie liée à la nutrition), le statut hormonal est déterminant pour orienter le métabolisme énergétique vers le stockage ou la dégradation des lipides. Les hormones agissent en régulant l’activité des enzymes citées ci-dessus. La principale hormone lipogénique et antilipolytique est l’insuline. Les hormones lipolytiques sont les catécholamines (adrénaline et noradrénaline). Le glucagon a des effets antagonistes à l’insuline, mais n’aurait pas de rôle lipoly-tique chez le ruminant. L’hormone de croissance réduirait la capacité de l’insuline à augmenter les activités lipogéniques (Chilliard et al., 2000 ; Vernon, 1980).

Ce statut hormonal est modulé par l’état nutritionnel et aussi par le génotype des bovins. Il participe donc aux effets des facteurs évoqués ci-dessus sur le métabo-lisme lipidique. Les teneurs plasmatiques en insuline sont augmentées par un niveau alimentaire élevé, alors que celles des catécholamines, du glucagon et de la GH sont augmentées par un niveau alimentaire faible (Chilliard et al., 2000). Le rapport hormone de croissance/insuline est plus élevé chez les bovins ayant une forte capa-cité lipogénique : femelle et mâle castré versus mâle entier, Noir japonais versus Holstein (Bonnet et al., 2010), l’insulinémie étant plus faible chez les bovins hyper-musclés culards versus les bovins normaux (Hocquette et al., 2006b).

Outre ces hormones, le muscle et les TA synthétisent et sécrètent des myokines et des adipokines. Bien que leurs effets restent peu connus, elles réguleraient notam-ment le métabolisme lipidique des TA et des muscles (Bonnet et al., 2010), comme le suggèrent les effets de la leptine, adipokine à ce jour la plus étudiée chez le bovin (Chilliard et al., 1999 ; 2005). L’un des rôles essentiels de la leptine est d’assurer l’homéostasie des réserves lipidiques, en régulant la prise alimentaire et la dépense énergétique, notamment l’oxydation des AG. Chez les bovins ayant une forte capa-cité lipogénique, la forte adiposité est concomitante avec une augmentation de la teneur plasmatique en leptine, accompagnée, au niveau du muscle, d’une augmen-tation de l’oxydation et d’une diminution de la lipogenèse (Bonnet et al., 2010). Les myokines et adipokines pourraient aussi être des « messagers » entre les adipocytes et les fi bres musculaires. En effet, une compétition entre adipocytes et fi bres muscu-laires pour la différenciation cellulaire et l’utilisation des nutriments énergétiques expliquerait la mise en place tardive et la moindre capacité lipogénique des TA chez des races bovines de maturité physiologique tardive (Limousine, Charolaise, Blanc-Bleu-Belge) comparativement à des races plus précoces (Angus, Hereford, Holstein, Jersiaise). La coculture in vitro des types cellulaires participant à l’élaboration des

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TA et des muscles (adipocytes, myoblastes) suggère que des signaux paracrines ( via des adipokines ou myokines) et des interactions cellulaires participent aux dialogues entre ces cellules et ainsi joueraient un rôle dans le rapport masse grasse/masse maigre de la viande et des carcasses (Bonnet et al., 2008).

Conclusion

Les différences de teneur en lipides de la carcasse ou du muscle résultent d’une variabilité dans le nombre et l’activité des adipocytes. Ces paramètres expliquent la variabilité de l’engraissement des bovins en fonction principalement du type géné-tique (race), du stade physiologique, du niveau et de la nature de l’alimentation. Les mécanismes sous-jacents au déterminisme du nombre d’adipocytes restent cepen-dant mal connus. En outre, la modulation de l’orientation des nutriments vers un stockage dans les adipocytes intramusculaires plutôt que dans les adipocytes de la carcasse nécessite au préalable d’approfondir les connaissances sur, d’une part, les spécifi cités métaboliques des adipocytes selon leur localisation anatomique et, d’autre part, les régulations du partage des nutriments entre les TA et les muscles par les hormones, adipokines et myokines. Ainsi, la maîtrise de la qualité de la viande et des carcasses souhaitée par le transformateur et le consommateur devra intégrer à la fois l’effet des facteurs d’élevage sur les mécanismes contrôlant le nombre et l’activité des adipocytes selon leur localisation anatomique, et les conséquences sur la quantité et la qualité des lipides stockés.

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Chapitre 8

Métabolisme énergético-protéique