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Caractéristiques musculaires et tendreté

Les qualités sensorielles dépendent de la composition et des propriétés structurales du muscle, particulièrement de ses composantes majeures : la trame conjonctive, les fi bres musculaires et les lipides intramusculaires (Guillemin et al., 2009). La trame conjonctive, riche en collagène, subit très peu de modifi cations au cours de la phase de maturation, elle est responsable de la « dureté de base de la viande ». Plus la teneur en collagène est élevée et plus sa solubilité est faible, plus la viande est dure (Lepetit, 2004). Les propriétés des fi bres musculaires vont conditionner la vitesse de maturation qui est un processus multifactoriel très complexe affectant principalement la structure myofi brillaire et dépendant de plusieurs facteurs ante et post mortem . C’est un processus essentiellement enzymatique (Ouali, 1992), qui

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résulte de l’action des protéases endogènes sur les protéines contractiles et sur les constituants du cytosquelette (Huff-Lonergan et Lonergan , 1999).

Les systèmes protéolytiques identifi és dans le muscle comprennent les métallo-peptidases (matrix metalométallo-peptidases, ou MMP), les calpaïnes, les cathepsines, le protéasome et les sérine peptidases (Balcerzak et al., 2001 ; Goll et al., 1989). Deux d’entre eux ont été particulièrement étudiés. Il s’agit des calpaïnes et des cathepsines (Ouali, 1992). Une contribution signifi cative du protéasome 20S au processus de maturation a été mise en évidence plus récemment (Dutaud et al., 2006). Par ailleurs, certains résultats indiquent clairement que le taux d’inhibiteurs spécifi ques de ces systèmes protéolytiques constitue un meilleur indicateur du processus d’attendrissage que le taux des enzymes cibles elles-mêmes (Ouali et Talman , 1990).

Cette phase de maturation est dépendante de facteurs physico-chimiques tels que la concentration en calcium du muscle, la pression osmotique et les propriétés contractiles et métaboliques des fi bres. Ainsi, il a été démontré que le processus de maturation est plus rapide dans les muscles rapides glycolytiques que dans les muscles oxydatifs (Ouali, 1992). En effet, l’étude de Ouali et Talmant (1990) montre que le rapport calpaïne/calpastatine est plus élevé dans les muscles à contraction rapide, la protéolyse y étant plus importante et donc la vitesse de maturation plus grande. C’est ce qui explique la différence de temps de maturation très courte pour les viandes blanches comparativement à la viande rouge. Récemment, Ouali et al. (2006) ont proposé un nouveau concept impliquant des enzymes de la famille des caspases jouant également un rôle important dans les processus d’apoptose (mort cellulaire programmée). Ces derniers pourraient constituer une première étape du phénomène de maturation.

De nombreux travaux ont mis en évidence des relations entre les propriétés des fi bres musculaires (diamètre de section transversale des fi bres et type contractile et métabolique) et la tendreté. Toutefois, ces relations sont très variables selon le type d’étude. Par exemple, Maltin et al. (2003) montrent que plus le muscle Longis-simus lumborum est oxydatif, plus il est tendre, à l’inverse de ce qui est observé pour le muscle Vastus lateralis . L’étude de Picard et al. (2006) montre le même type de résultats sur les muscles Longissimus thoracis (LT, oxydatif) et Semitendinosus (ST, glycolytique). Le muscle LT des vaches apparaît le plus tendre lorsqu’il est riche en lipides totaux et notamment en triglycérides, qu’il présente les propriétés les plus lentes et oxydatives et les teneurs en collagène total et insoluble les plus faibles (Picard et al., 2007). De manière opposée, les muscles ST les plus tendres sont ceux qui ont les activités glycolytiques (lactate déshydrogénase, LDH) les plus élevées. Il n’y a d’ailleurs que cette propriété qui apparaît être signifi cativement corrélée à la tendreté dans ce muscle.

Ceci démontre que selon le type de muscle considéré et sans doute aussi selon le type d’animal et le mode d’élevage (revue de Hocquette et al. 2005), la tendreté de la viande peut être expliquée par des caractéristiques différentes. Ceci permet de comprendre les nombreuses contradictions rencontrées dans la bibliographie sur les relations entre caractéristiques biochimiques du muscle et qualité sensorielle de la viande. En effet, selon les auteurs, les études ont été conduites sur des types de muscles ou d’animaux différents. Ceci montre également qu’aucune caractéristique d’un muscle donné ne peut être un prédicteur de la qualité sensorielle de l’ensemble

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Marqueurs biologiques de la qualité sensorielle des viandes bovines

147 des autres muscles de la carcasse. En particulier, l’étude de Picard et al. (2006) montre des différences entre taurillons et vaches pour les mêmes types de muscle. Les relations sont plus marquées chez les vaches que chez les jeunes bovins en crois-sance. Chez les taurillons, les caractéristiques musculaires les plus corrélées avec la tendreté globale de la viande (tous muscles confondus) sont les lipides totaux et les triglycérides (corrélés positivement), la surface moyenne des fi bres, le pH 24 heures après l’abattage et la teneur en collagène total et insoluble (corrélés négativement avec la tendreté). Chez les vaches, ces corrélations se retrouvent de manière encore plus marquée.

À ces relations s’ajoute la proportion de fi bres lentes oxydatives corrélée positive-ment avec la tendreté, alors que le pourcentage de fi bres rapides oxydoglycolytiques est corrélé négativement. On peut également remarquer que chez les vaches, c’est la mesure du pH 3 heures après l’abattage qui est la plus corrélée (positivement) à la tendreté. La force contrainte maximale, chez les taurillons, est corrélée à la surface moyenne des fi bres ainsi qu’à la teneur en collagène insoluble. Comme pour la tendreté globale, on observe des corrélations plus nombreuses chez les vaches : le pourcentage de fi bres rapides étant corrélé positivement à la mesure de contrainte maximale, et le pourcentage de fi bres lentes étant corrélé négativement, en cohé-rence avec une corrélation négative entre l’activité de l’enzyme isocitrate déshydro-génase (ICDH) et la contrainte maximale. Une corrélation positive est observée entre la teneur en collagène total et la contrainte maximale, alors que le pH à 1 heure, 3 heures et 24 heures après abattage est corrélé négativement.

Le pourcentage d’explication de la tendreté à partir de ces caractéristiques muscu-laires est plus élevé chez les vaches que chez les taurillons, avec 11 % de la tendreté globale et 13 % de la mesure de contrainte maximale expliqués chez les taurillons, et 32 % de variabilité de la tendreté globale et 22,5 % de variabilité de la mesure de contrainte expliqués chez les vaches.

Ainsi, l’ensemble de ces données montre que la tendreté de la viande, défi nie par analyse sensorielle ou par mesure mécanique, est expliquée en partie par la surface des fi bres musculaires et la teneur en collagène insoluble chez les animaux issus de deux types de production : taurillons et vaches. Un effet du diamètre des fi bres sur la dureté de la viande a été trouvé dans d’autres études, en particulier celle de Renand et al. (2001) dans le muscle LT de 106 taurillons âgés de 14 à 21 mois, mais cette relation est contestée par d’autres auteurs. Les valeurs de pH post mortem , en parti-culier le pH à 3 heures, apparaissent bien corrélées à la tendreté, surtout chez les vaches (Dransfi eld et al., 2003). Il a été proposé par Marsh et al. (1988) que le pH à 3 heures pouvait être un indicateur de la tendreté et qu’une valeur de pH voisine de 6,1 conduirait à la viande la plus tendre. En revanche, selon une étude plus récente portant sur 444 bovins (Shakelford et al., 1994), le pH mesuré très tôt après l’abat-tage n’apparaît pas bien corrélé avec la tendreté. Les résultats de Dransfi eld et al. (2003) montrent que les échantillons les plus tendres ont eu une chute lente de pH, ce qui confi rme l’importance de ce facteur.

Ainsi, il apparaît clairement que la tendreté de la viande est très diffi cile à maîtriser en raison de son origine multifactorielle non totalement expliquée jusqu’à présent. Il en est de même pour la fl aveur, qui dépend principalement mais dans des proportions variables de la quantité et des caractéristiques des lipides intramusculaires.

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