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Métabolisme des acides aminés

Figure 8.3. Variations entre l’activité métabolique des tissus musculaires au repos ou lors

de dépenses énergétiques accrues par l’exposition au froid ou par l’exercice.

Les teneurs en métabolites du sang artériel varient fortement entre espèces et en fonction de facteurs physiologiques, nutritionnels et hormonaux. De manière géné-rale, le glucose contribue de façon prépondérante à l’apport énergétique artériel. Chez les ruminants, ce dernier se décompose en 47 % à 52 % provenant du glucose, 30 % des composés aminés, 6 % à 7 % des acides gras volatils, puis 2 % à 8 % des acides gras longs, 4 % à 5 % des corps cétoniques et 4 % du lactate (Ortigues et Visseiche, 1995).

Chez les ruminants, l’apport artériel est caractérisé par une contribution des acides gras volatils à l’apport énergétique sanguin total plus importante que chez les monogastriques.

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in vivo

Avant leur utilisation dans les cellules musculaires, les acides aminés (AA) libres circulant dans le sang entrent dans les cellules grâce à des transporteurs communs à plusieurs AA (transporteurs spécifi ques pour des AA neutres, cationiques, anio-niques, aromatiques, ou certains AA spécifi ques, alanine, serine et cystéine par exemple) (Ganapathy et al., 2004). L’activité de transport des AA au travers de la membrane musculaire pourrait être un frein à leur utilisation dans le muscle. Il a d’ailleurs été montré que l’activité et l’expression de certains transporteurs (comme le système A : SNAT2) peuvent être modulées par l’affl ux d’AA vers la cellule

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95 (et donc par l’état nutritionnel) (Fafournoux et al. , 1990 ; Jones et al. , 2006). Des données in vivo suggèrent cependant que l’infl ux d’AA vers la cellule ne serait pas limitant, car il excède largement l’utilisation des AA pour les processus anaboliques dans la cellule (Lobley et Lapierre, 2003).

Suite à leur entrée dans la cellule, le devenir des AA (unités constitutives des protéines) est multiple. Ils entrent dans la synthèse des protéines musculaires, mais leur squelette carboné peut également participer au métabolisme énergétique via leur catabolisme irréversible ou via l’incorporation de leurs carbones dans des substrats énergétiques comme le glucose et les corps cétoniques.

Synthèse et dégradation des protéines musculaires

Le gain ou la perte de protéines musculaires est le résultat de la balance entre deux processus opposés : synthèse et dégradation protéique. L’activité de synthèse protéique nécessite un apport continu en AA ; la carence en un seul AA peut en effet limiter l’ensemble de la synthèse protéique par une inhibition de la phase d’initiation de cette synthèse (Kimball, 2001).

Bien que les protéines musculaires représentent environ 30-45 % de la masse protéique corporelle, du fait de sa relative faible activité (2-3 % par jour chez le ruminant adulte), la synthèse protéique musculaire ne représente que 15-22 % de la synthèse protéique corporelle (Attaix et al., 2005). Cette activité de synthèse protéique dépend de nombreux facteurs liés à l’animal lui-même, mais aussi à son environ-nement. L’âge, par exemple, infl uence fortement l’activité de synthèse protéique : chez le mouton à la naissance, la vitesse fractionnaire de synthèse protéique est proche de 20 % par jour, mais tombe à 2-3 % chez l’adulte (Attaix et al., 1988).

Nutrition et métabolisme protéique

L’état nutritionnel (et en particulier le niveau d’alimentation) est un des facteurs de régulation les plus puissants intervenant dans la modulation de la synthèse protéique : une augmentation du niveau d’alimentation est en effet positivement corrélée à une augmentation du gain protéique musculaire chez les monogastriques et les ruminants (Attaix et al., 2005 ; Hoskin et al., 2003). Cette augmentation de rétention protéique musculaire est liée à une stimulation de la synthèse protéique (Hoskin et al., 2003 ; Lobley et al., 2000) associée ou non à une stimulation (plus limitée) de la protéolyse (Lobley et al., 2000 ; Thomson et al., 1997).

Les mécanismes à l’œuvre dans l’impact de l’apport alimentaire sur le métabolisme protéique musculaire, bien qu’expliqués en grande partie par l’augmentation de l’af-fl ux d’AA aux muscles et de l’insulinémie, restent encore à approfondir. Concernant l’insuline, un effet direct de cette hormone polypeptidique sur la synthèse protéique a rarement été montré in vivo, sauf chez les monogastriques en début de croissance comme le porcelet (Davis et Fiorotto, 2009 ; Tesseraud et al., 2007). Le manque d’effet de l’insuline sur la synthèse protéique mesurée in vivo chez l’adulte (ruminant ou non) a été attribué, pendant un temps, à l’hypoaminoacidémie et à l’hypo glycémie induite par l’injection d’insuline. Cependant, l’utilisation des clamps eu-amino acidémiques, ou hyper-amino acidémiques, lors de la perfusion de l’insuline chez

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les ruminants à jeun ou nourris (Tauveron et al., 1994 ; Tesseraud et al., 1993) a permis de conclure à une absence d’effet de l’insuline sur la protéosynthèse muscu-laire. L’insuline, à concentration basale dans l’organisme, stimulerait donc déjà au maximum la synthèse protéique et expliquerait pourquoi une perfusion d’insuline n’a pas d’effet supplémentaire sur la synthèse des protéines musculaires (Tesseraud et al., 2007). À l’inverse, l’impact de l’insuline sur la protéolyse est bien démontré, avec une inhibition de la protéolyse constatée in vivo chez le monogastrique (Larbaud et al., 2001) et le ruminant (Larbaud et al., 1996) soumis à un clamp euglycémique hyperinsulinique. Les voies lysosomales et ATP-ubiquitine-protéasome dépendantes seraient principalement impliquées (Attaix et al., 2005 ; Larbaud et al., 1996). Concernant les AA, des études chez le monogastrique et le ruminant montrent, comme dans le cas de l’insuline, une stimulation de la rétention protéique muscu-laire (Lobley et Lapierre, 2003 ; Rennie, 2007). L’effet bénéfi que des AA sur la crois-sance musculaire passe essentiellement par une stimulation de la synthèse protéique (Wolfe, 2002) et, dans une moindre mesure, par une inhibition (non montrée dans l’ensemble des études) de la protéolyse (Rennie et al., 2002 ; Wolfe, 2002). Le rôle des AA dans la stimulation de l’anabolisme musculaire est compliqué par le fait que les AA (et en particulier les AA à chaîne ramifi ée, la leucine en particulier) non seulement sont des substrats indispensables à la synthèse des protéines, mais agissent aussi comme signal (Kimball et Jefferson, 2006 ; Prod’homme et al., 2004 ; Rennie et al., 2006). Certaines études ont approfondi l’interaction entre l’insuline et les AA dans la stimulation de l’anabolisme musculaire. Ainsi, l’insuline, présente à concen-tration basale dans le sang, pourrait maximiser l’effet des AA dont la concenconcen-tration est augmentée après le repas (Tesseraud et al., 2007 ; Prod’homme et al., 2004). Les autres composants de la ration en relation avec le métabolisme protéique muscu-laire ont été moins étudiés. Cependant, le glucose pourrait intervenir dans la stimu-lation de la synthèse protéique indépendamment de l’insuline et des AA chez le porcelet (Jeyapalan et al., 2007). L’existence d’un mécanisme similaire chez les rumi-nants, qui absorbent des quantités faibles de glucose relativement au monogastrique, reste à démontrer. De même, l’accumulation de certains métabolites des lipides comme les céramides, l’acyl-CoA, le diacylglycérol ou certains acides gras (acides gras polyinsaturés de la famille des n-3), semble agir sur les voies de signalisation de l’insuline et donc avoir un impact sur la sensibilité des muscles à l’insuline chez le monogastrique et le ruminant (Delarue et Magnan, 2007 ; Gingras et al., 2007). Enfi n, des phases de restriction/réalimentation ont été plus spécifi quement étudiées chez les ruminants (phénomène de croissance compensatrice). L’anabolisme, la synthèse et la dégradation protéiques davantage plus stimulés chez les animaux réalimentés suite à une restriction alimentaire relativement à des animaux nourris en permanence ad libitum (Hoch et al., 2003 ; Van Eenaeme et al., 1998).

Hormones « anabolisantes »

En dehors de l’action de l’insuline décrite ci-dessus, d’autres hormones sont connues pour favoriser la croissance. L’hormone de croissance (GH, ou somatotropine) induit une augmentation substantielle (+ 40 %) de l’accrétion protéique des tissus maigres dont le muscle chez le bovin (Boisclair et al., 1994) en favorisant la répartition des

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97 nutriments vers le muscle. L’action de la GH est d’autant plus effi cace que l’apport alimentaire est important (Rausch et al., 2002). La perfusion de GH augmente la synthèse protéique musculaire, mais aucun effet notable sur la dégradation n’a été montré chez le ruminant (Boisclair et al., 1994). Une partie de l’effet de la GH est liée à une augmentation des taux circulants (et endogènes aux muscles) d’IGF-1 (pour insulin like growth factor 1) (Lobley, 1998 ; Rausch et al., 2002). Comme pour la GH, l’IGF-1 induit une stimulation de la synthèse protéique musculaire chez l’agneau (Douglas et al., 1991). Par ailleurs, un effet de l’IGF-1 sur la protéolyse a également été montré (Oddy et Owens, 1996).

Les Ð -agonistes (clenbutérol, etc.), en se liant aux récepteurs Ð -adrénergiques, modifi ent (comme pour la GH) la répartition des nutriments vers les tissus périphé-riques comme le muscle et favorisent la croissance des tissus maigres. Ces molécules sont plus effi caces chez les ruminants que chez les monogastriques et induisent une augmentation de 65 % de la masse musculaire dans certaines études, associée à une stimulation de la synthèse protéique et à une inhibition de la protéolyse (Attaix et al., 2005 ; Byrem et al., 1998).

Enfi n, les stéroïdes anabolisants favorisent à la fois la croissance et l’effi cacité alimen-taire, et leur action au niveau musculaire semble, chez le ruminant, passer par une diminution de la protéolyse sans effet majeur sur la synthèse protéique (voir revue d’Attaix et al., 2005).

Dégradation irréversible des acides aminés

En plus d’être l’élément de base dans la constitution des protéines, les AA peuvent être désaminés et leur chaîne carbonée entièrement catabolisée ou utilisée pour la synthèse d’autres molécules. Six AA sont métabolisés dans le muscle (Wagenmakers, 1998) : les AA ramifi és (leucine, isoleucine et valine), aspartate, asparagine et glutamate. Le groupement Ð-aminé de ces AA est transféré sur l’Ð-cétoglutarate, produisant l’acide Ð-cétonique (cétoacide) correspondant et le glutamate : il s’agit de la première étape de l’oxydation. Le groupe aminé maintenant porté par le gluta-mate sera ultérieurement redistribué vers d’autres AA (par exemple glutamine, alanine, etc.). Les cétoacides formés suite à la désamination des AA peuvent être soit « réaminés » en un AA identique ou en un autre AA (et entrer de nouveau dans le processus de synthèse protéique), soit être détruits de manière irréversible et fournir de l’énergie (l’AA est donc « perdu » pour la synthèse protéique) (Beaufrère, 2002). Le muscle joue un rôle essentiel dans le catabolisme des AA ramifi és, alors que les autres AA sont catabolisés essentiellement dans le foie. Le muscle n’étant pas un site de néoglucogenèse, la fourniture d’énergie liée à la désamination des AA passe par l’obtention de succinyl-CoA (et donc l’alimentation du cycle de Krebs) et d’acétyl-CoA (intermédiaire avant le catabolisme oxydatif ultime en CO 2 ) (Brosnan et Brosnan, 2006). Le catabolisme des AA ramifi és a également été mis en évidence dans le muscle des ruminants avec cependant une activité plus faible, en particulier chez les ruminants adultes (Faure et al., 2001).

Des études chez le monogastrique ont montré une augmentation de l’activité d’oxy-dation de la leucine musculaire suite à une augmentation d’infl ux de leucine au muscle (en particulier lors de l’augmentation du débit sanguin musculaire lors d’un

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exercice physique) (Rennie et al., 2006). L’oxydation de la leucine étant plus faible chez les ruminants adultes, une stimulation similaire de l’oxydation des AA rami-fi és par le muscle ( via l’exercice ou des supplémentations nutritionnelles) reste à prouver chez le ruminant.