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Effets des facteurs d’alimentation

Tableau 10.1. Variations de la teneur en lipides totaux des muscles Longissimus thoracis (LT), Semitendinosus (ST) et Triceps brachii (TB) chez le bovin de race Charolaise en fonction du sexe et de l’âge des animaux (d’après Bauchart et al., 2002a ; 2002b ; Picard

et al., 2002).

Lipides totaux (g/100 g de tissu frais)

Taurillon (n = 7) 15 mois 19 mois 24 mois

LT 1,70c 2,20d 3,37e

ST 1,27ab 1,07a 1,48b

TB 1,83c 1,50c 2,73d

Vache de réforme (n = 7) 4-5 ans 6-7 ans 8-9 ans

LT 2,05a 1,68ab 1,58b

ST 2,66 3,50 2,59

TB 2,08 2,89 2,14

a, b : P < 0,05 ; c,d,e : P < 0,01.

Effets des facteurs d’alimentation

Caractéristiques de la composition de la ration de base

Les variations de la composition de la ration de base sur les acides gras de la viande bovine ont fait l’objet de nombreuses études en Europe et en Amérique du Nord, avec le souci de déterminer les conditions les plus favorables à la croissance muscu-laire en association avec une valeur nutritionnelle accrue des acides gras déposés. Chez le bouvillon Charolais de 30-32 mois élevé au pâturage (ray-grass riche en 18:3 n-3) ou alimenté à l’auge avec de l’ensilage de maïs (riche en 18:2 n-6), la teneur en lipides totaux des muscles ne varie pas avec les traitements, soit 80 mg/g de tissu sec pour le Rectus abdominis (RA, bavette de fl anchet) et 60 mg/g pour le Semitendi-nosus (ST, tende de tranche) (Bauchart et al. , 2001).

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Tableau 10.2. Variations de la composition en acides gras des lipides totaux des muscles

Rectus abdominis et Semitendinosus chez des bœufs Charolais âgés de 30-32 mois recevant des rations à base d’ensilage de maïs ou d’herbe ( d’après Bauchart et al., 2001 ).

Muscle Rectus abdominis Muscle Semitendinosus

Acides gras (en % AG totaux) Régime à base d’ensilage de maïs Régime à base d’herbe Régime à base d’ensilage de maïs Régime à base d’herbe 16:0 24,0 24,0 22,8 21,3 18:0 12,4 12,4 11,6 11,8 18:1 n-9 37,8 35,0 33,6 31,3 18:2 n-6 4,4 3,8 6,4a 5,3d 18:3 n-3 0,4a 1,4b 0,5a 2,3b 20:5 n-3 0,2 0,6 0,5a 1,9b 22:5 n-3 0,5 0,8 0,8b 1,8b  AGPI n-6 5,9 4,9 10,3 8,1  AGPI n-3 0,9a 2,7b 1,9a 6,1b AGPI n-6/n-3 7,0a 1,9b 5,6a 1,4b a, b : P < 0,05.

En revanche, leur composition en acides gras (AG) (tableau 10.2) est marquée par une augmentation importante de la teneur en 18:3 n-3, voisine d’un facteur 3 pour le muscle RA et 5 pour le muscle ST. Les mêmes observations concernent les AGPI longue chaîne n-3 (20:5 n-3 et 22:5 n-3), l’impact des traitements sur l’ensemble des acides gras polyinsaturés n-3 étant plus marqué pour les lipides du muscle ST, dominés par les phospholipides, que ceux du muscle RA, dominés par les triglycérides (tableau 10.2) (Bauchart et al., 2001). L’emploi du régime herbe conduit à une baisse très marquée du rapport AGPI n-6/AGPI n-3 pour les deux muscles (1,4-1,9 versus 7,0-5,6), particu-lièrement favorable à la valeur santé des lipides de la viande bovine pour l’homme, dont la valeur recommandée doit être inférieure à 5 (Legrand et al., 2001).

L’effet de la race sur les acides gras de la viande est relativement marqué, puisque pour un état d’engraissement relativement comparable, l’enrichissement en 18:3 n-3 par x 2,5 du muscle Longissimus thoracis (LT, noix d’entrecôte) est observé chez des taurillon en fi nition de race Holstein et Simmental recevant à long terme de l’herbe jeune riche en 18:3 n-3 au pâturage comparé à une ration à base d’aliment concentré riche en céréales (Nürnberg et al., 2005). De même, la consommation d’herbe diminue (d’un facteur 3,4 à 4,2) le rapport n-6/n-3 pour atteindre une valeur voisine de 2, confi rmée chez des bovins alimentés selon deux systèmes de produc-tion d’herbe (Razminowicz et al., 2006). La consommation de fourrage vert favorise également le dépôt musculaire des AGPI n-3 à longue chaîne, notamment l’EPA (acide eicosapentaénoïque, 20:5 n-3) (x 3,5) et le DPA (acide docosapentaénoïque, 22:5 n-3) (x 1,5) (Bauchart et al., 2001). L’effet bénéfi que de la consommation d’herbe sur le dépôt préférentiel d’AGPI n-3 dans la viande augmente avec la durée de consommation d’herbe au pâturage. Ainsi, chez le taurillon, la consommation d’herbe pendant 158 jours améliore, proportionnellement à la durée de l’essai, la valeur nutritionnelle des AG de la viande à la fois :

en favorisant le dépôt musculaire des AGPI n-3 au détriment des AGPI n-6,

conduisant à un rapport n-6/n-3 en fi n d’essai très faible (1,3) ;

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Facteurs d’élevage et valeur santé des acides gras des viandes

137 en diminuant la teneur en AG saturés de la viande bovine ;

en augmentant la teneur en 9

cis , 11 trans 18:2 (acide ruménique) et celle de son précurseur 18:1 11 trans (acide vaccénique) (Noci et al., 2005), tous deux favorables à la santé par un effet hypocholestérolémiant associé à la réduction de la forme la plus dense de lipoprotéines de basse densité (LDL), particulièrement athérogène chez l’homme (Bauchart et al., 2007).

Concernant les isomères de CLA, Dannenberger et al. (2005) ont montré, en accord avec les observations de Noci et al. (2005), que le régime herbe favorise le dépôt des formes trans trans , notamment 11 trans , 13 trans et 9 trans , 11 trans (tableau 10.3). L’augmentation de la teneur en CLA avec le régime herbe concerne surtout les familles de CLA dominantes du muscle (90 % à 95 % des CLA totaux), soit donc les formes cis trans et trans cis (respectivement + 40 % et + 30 % pour les taurillons Holstein et Simmental) (tableau 10.3). La forme 10 trans, 12 cis, dont la valeur santé pour l’homme est encore actuellement très controversée, est très minoritaire dans les CLA de la viande bovine (< 0,3 % des CLA totaux), alors qu’elle est très abon-dante dans les mélanges synthétiques de CLA alimentaires produits par l’industrie (50 % des CLA totaux). La teneur de ce CLA augmente d’un facteur 4 avec l’emploi d’un régime à base d’aliment concentré par rapport à un régime à base d’herbe (tableau 10.3).

La forme largement dominante 9 cis , 11 trans 18:2 (très bénéfi que à la santé humaine) représente de l’ordre de 80 % des CLA totaux avec le régime concentré, mais seule-ment 65-76 % avec le régime herbe en raison du dépôt accru de 11 trans, 13 cis 18:2, particulièrement notable avec les taurillons holstein (tableau 10.3). Ces travaux montrent en outre un net effet race sur les teneurs en CLA totaux du muscle, les taurillons holstein possédant des teneurs deux fois supérieures aux taurillons simmental pour les deux types de rations étudiés.

La valeur santé des CLA totaux de la viande bovine pour l’homme n’est pas claire-ment établie. En dehors d’un effet hypocholestérolémiant (rapporté dans le para-graphe précédent), les CLA issus de la viande bovine pourraient exercer un effet bénéfi que de protection face à la carcinogenèse des cellules. Ainsi, avec l’emploi d’un modèle in vitro de cellules humaines tumorales en culture, De la Torre et al. (2006b) ont clairement montré un net pouvoir apoptotique de l’ensemble des classes de CLA extraits de la viande bovine, spécialement la forme 9 trans , 11 trans 18:2, vis-à-vis de différentes lignées cancéreuses humaines telles celles du sein, de la peau, des ovaires et du colon.

Concernant les différents isomères trans du 18:1 présents dans les lipides de la viande bovine (long dorsal), Dannenberger et al. (2004) ont décrit la variation de leur teneur chez les taurillons Holstein recevant une ration à base d’herbe comparée à celle issue d’une ration riche en aliment concentré (tableau 10.4).

Avec le régime riche en aliments concentrés, les isomères trans du 18:1 sont dominés par la forme 11 (41,2 %) associée aux formes 10 (14,1 %, connue pour être défa-vorable à la santé humaine), 12 (15,2 %) et 13/14 (12,4 %). Avec le régime herbe, les isomères trans totaux du 18:1, dont la teneur a augmenté de 25 %, présentent un profi l modifi é avec une domination accrue du 11 trans (49 %) accompagnée des formes 13/14 trans (17,6 %), au détriment des formes 10 (3,8 %) et 12 trans (10,2 %) (tableau 10.4).

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Tableau 10.3. Variation de la teneur en différents isomères trans de l’acide linoléique conjugué (CLA) des lipides du muscle Longissimus thoracis en fonction de la race et du type d’alimentation chez le bovin (d’après Dannenberger et al., 2005) .

Race Holstein Simmental

Régime Concentré Herbe Concentré Herbe

Teneur en lipides (% frais) 2,7 2,3 2,6 1,5

Trans, trans CLA

12trans, 14trans CLA 0,07 0,5 0,03 0,1 11trans, 13trans CLA 0,1 0,8 0,05 0,2 10trans, 12trans CLA 0,1 0,2 0,07 0,06 9trans, 11trans CLA 0,2 0,4 0,1 0,1 8trans, 10trans CLA 0,07 0,1 0,04 0,02 7trans, 9trans CLA 0,06 0,2 0,04 0,05

Total trans trans CLA 0,6 2,2 0,33 0,53

Cistrans CLA ; transcis CLA

12cis, 14trans CLA 0,10 0,3 0,07 0,08 11trans, 13cis CLA 0,20 2,9 0,1 1,0 10trans, 12cis CLA 0,20 0,4 0,1 0,2 9cis, 11trans CLA 11,70 14,4 6,5 8,0 8trans, 10cis CLA 0,40 0,4 0,2 0,2

7trans, 9cis CLA 1,40 1,6 0,7 0,5

Cis trans+trans cisCLA 14 20 7,67 9,98

Tableau 10.4. Composition et teneur des isomères trans du 18:1 des lipides du muscle

Longissimus thoracis chez des vaches de réforme Normande recevant un régime à base d’aliment concentré/paille (70/30) (d’après Bispo-Villar et al., 2009) et chez des taurillons Holstein recevant du concentré ou de l’herbe (d’après Dannenberger et al., 2004) .

Vaches de réforme normandes Taurillons Holstein

Régimes Concentré/ paille Concentré/paille + graines de lin1 Concentré/ paille + graines de colza/lin2 Concentré Herbe au pâturage Lipides totaux (g/100 g de tissu frais) 4,7 4,3 4,3 2,7 2,3

Composition en isomères trans du 18:1 (% 18:1 trans totaux)

18:1 6/7/8trans 3,7 2,6 3,4 1,8a 1,0b 18:1 9trans 8,5a 5,0b 6,4b 4,8a 3,0b 18:1 10trans 33,7a 15,6b 41,1a 14,1a 3,8b 18:1 11trans 36,1a 33,2a 25,0b 41,2b 49,4a 18:1 12trans 4,3b 6,1a 4,9b 15,2a 10,2b 18:1 13/14trans 7,4b 17,8a 11,3b 12,4b 17,6a 18:1 15trans 3,4b 10,9a 5,0b 4,8b 6,9a 18:1 16trans 2,9b 8,9a 3,1b 5,2b 7,6a Total 18:1trans (mg/100 g de tissu frais) 97,3b 149,3a 181,6a 163,2 205,0 a, b : P < 0,05.

1 Supplément lipidique (40 g lipides/kg aliment) sous forme de graines de lin seules.

2 Supplément lipidique (40 g lipides/kg aliment) sous forme de graines de colza (66 %) et de graines de lin (33 %).

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Facteurs d’élevage et valeur santé des acides gras des viandes

139 Dans une étude similaire sur des vaches de réforme Normandes recevant une ration à base d’aliment concentré, Bispo-Villar et al. (2009) ont confi rmé que l’isomère domi-nant avec ce type de ration reste la forme 11 trans (36,1 %), mais associée à la forme

10 trans (33,7 %) en proportion deux fois plus élevée que chez le taurillon recevant le même type de ration. Ces données (tableau 10.4) montrent l’importance des inter-actions alimentation x type/âge des animaux sur le profi l en isomères trans du 18:1 et les conséquences sur la valeur santé des AG des viandes (taurillon > vache de réforme). La nature et la proportion de fourrages apportés en complément de l’aliment concentré modifi ent également la valeur nutritionnelle des acides gras de la viande. Chez les taurillons croisés Charolais x Salers en fi nition, les effets de l’apport pendant 97 jours d’une ration à base de paille/aliment concentré (30/70) sur la composition en acides gras des lipides totaux du muscle RA ont été comparés à ceux d’une ration à base d’ensilage de maïs/aliment concentré (60/40) (Bauchart et al., 2005).

Les résultats montrent que le régime paille/concentré conduit à une valeur nutritionnelle améliorée :

en diminuant la teneur en acides gras saturés (– 13 %), notamment le 16:0

pro athérogène (– 14 %) au profi t des AGPI n-6 (+ 52 %) et n-3 (+ 57 %) ; en favorisant le dépôt de C la de type 9

cis , 11 trans 18:2 (+ 57 %) et son précurseur 18:1 11 trans (+ 48 %) (tableau 10.5).

En revanche, le rapport des AGPI n-6/n-3 n’est pas signifi cativement modifi é par la composition des rations, avec une valeur de l’ordre de 4,2.

Tableau 10.5. Composition centésimale en acides gras (% des acides gras totaux) des lipides du muscle Rectus abdominis de taurillons Charolais en fi nition (n = 7/lot) rece-vant des régimes variant par la ration de base et par l’apport de graines de lin et/ou de colza et de vitamine E (Bauchart et al., 2005).

16:0 18:0 18:1 18:1 18:2 18:3 9cis,

11trans

n-6

D9cis D11trans n-6 n-3 CLA /n-3

P/C 22,0 14,1 27,8 5,3 8,8 1,1 1,02 4,15 P/C + lin 19,9 17,3 25,9 5,3 8,6 3,6 0,94 2,30 P/C + lin + vit. E 21,7 15,6 27,0 6,2 6,8 3,4 1,03 2,02 P/C + lin/colza + vit. E 20,3 15,3 27,6 6,5 10,3 1,5 0,89 4,56 EM/C 25,7 15,8 32,7 2,0 5,8 0,7 0,69 4,19 EM/C + lin 22,4 17,8 28,0 2,5 7,3 3,7 0,78 1,80

EM/C + lin + vit. E 22,6 17,0 30,8 3,4 5,9 3,2 1,05 1,77

EM/C + lin/colza + vit. E 22,9 17,6 30,4 4,1 6,7 1,3 0,85 3,27

SEM 0,04 0,04 0,07 0,04 0,04 0,02 0,01 0,02

Statistiques

Ration de base 0,001 0,004 0,001 0,0001 0,0001 NS NS 0,003

Suppléments 0,001 0,003 NS 0,065 0,007 0,001 NS 0,001

Interaction NS NS NS NS NS NS NS NS

Témoin versus lipides 0,001 0,002 NS 0,067 NS 0,0001 NS 0,001

Lin versus lin/colza NS NS NS NS 0,0012 0,0001 NS 0,001 Lin versus lin + vit. E NS 0,05 NS NS 0,008 NS NS NS NS = P > 0,10. Tendance : = 0,10 > P > 0,05. Signifi catif : P < 0,05.

P/C = paille/concentré (30/70), EM/C = ensilage de maïs et concentré (60/40). Vit. E = vitamine E. Lin

versus colza inclus le traitement vitamine E.

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Effets des suppléments lipidiques des rations

La pratique de proposer des suppléments lipidiques pendant la phase de fi nition des bovins s’est développée en France comme en Europe et en Amérique du Nord initialement parce qu’ils constituent une forme concentrée de haute densité énergé-tique, de coût modéré car produite en grande quantité par l’industrie. Cette pratique alimentaire permet d’engraisser les animaux et d’acquérir une conformation de carcasse satisfaisante pour sa commercialisation. Elle a notamment été proposée aux vaches mises à la réforme dont la conformation et l’état d’engraissement sont souvent très détériorés par la succession de lactations, notamment chez les vaches à haut potentiel laitier. La prise de conscience par la fi lière viande bovine de l’intérêt supplémentaire des apports lipidiques pour améliorer la valeur nutritionnelle des acides gras des viandes a renforcé cette pratique et expliqué la recherche de sources de matières grasses apportant des acides gras insaturés d’intérêt pour l’homme et souvent limités dans son alimentation (cas des AGPI n-3).

Différentes sources de matières grasses ont été testées chez le bovin (Clinquart et al., 1995), l’incorporation des matières grasses s’effectuant sous forme d’huiles végétales purifi ées (l’emploi de matières grasses animales telles le suif ou le sain-doux n’est plus d’usage en France), de savons calciques ou de lipides micronisés (palmitostéarine, fraction saturée de l’huile de palme), mais surtout sous forme de graines oléagineuses (lin, colza, tournesol, etc.) traitées par extrusion ou aplatissage. L’emploi de matières grasses tend à réduire l’intensité des fermentations ruminales avec une production accrue d’acide propionique, mais elles sont généralement bien tolérées si les quantités administrées ne dépassent pas 5-6 % de la matière sèche ingérée.

Des essais nutritionnels contrôlés ont porté chez le bovin en production sur l’emploi de graines de lin en raison de sa très grande richesse en 18:3 n-3, AGPI indispensable de grand intérêt pour la santé humaine (rôles bénéfi ques sur le développement du cerveau et ses fonctions cognitives, la croissance et la fertilité), mais souvent en quan-tité trop limitée dans l’alimentation humaine. Ainsi, des essais ont été menés chez le bovin en fi nition, notamment dans le cadre du programme européen HealthyBeef (2000-2003), par différentes équipes européennes, et les résultats obtenus ont fait l’objet d’une synthèse (Scollan et al., 2005).

Dans ce cadre, des essais d’alimentation menés à l’Inra de Theix sur bouvillons Charolais x Salers avec une ration à base de foin et d’aliment concentré (45/55) pendant 70 jours supplémentée en lipides (4 % MS) par des graines de lin extru-dées (très riches en 18:3 n-3) ont mis en évidence une amélioration de la valeur nutritionnelle de la viande (bavette de fl anchet) traduite par une élévation en 18:3 n-3, entraînant une diminution du rapport AGPI n-6/AGPI n-3 des lipides neutres (– 18 %) et surtout des lipides polaires (– 38 %), et par une augmentation surtout dans les lipides neutres du 18:1 11 trans (+ 42 %) et du CLA (+ 50 %) (Bauchart et al., 2003) (tableau 10.6). Un tel effet stimulant des graines oléagineuses riches en AGPI sur les CLA de la viande bovine a été régulièrement rapporté dans la litté-rature (voir revue de Scollan et al., 2005), les effets les plus marqués étant obtenus avec des sources d’AGPI n-6 (tournesol, soja) par rapport aux sources d’AGPI n-3 (lin, herbe).

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Facteurs d’élevage et valeur santé des acides gras des viandes

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Tableau 10.6 . Effets de la supplémentation de la ration de base (foin/concentré 45/55) par des graines de lin extrudées (lipides : 4 % MS) riches en 18:3 n-3 (48 %) sur les acides gras des lipides neutres et polaires du muscle Rectus abdominis chez des taurillons Charolais x Salers ( d’après Bauchart et al., 2003 ).

Lipides neutres Lipides polaires

Foin/concentré Foin/concentré

+ graines de lin

Foin/concentré Foin/concentré

+ graines de lin

 18:1 trans 2,71a 3,85b 0,27a 1,18b

9 cis, 11 trans CLA 0,53a 0,80b 0,17a 0,31b

16:0/18:0 1,57 1,56 3,79a 2,90b

N-6/n-3 3,650a 2,995a 5,109a 3,188b

AGPI/saturés 0,101 0,095 1,698a 1,422b

a, b : P < 0,05.

L’impact de l’apport de suppléments lipidiques par la graine de lin sur les acides gras de la viande bovine peut être variable selon la nature de la ration de base. Ainsi, les effets de deux rations à base de concentré-paille (70/30) ou d’ensilage de maïs- concentré (60/40) complétées avec des graines de lin extrudées ont été analysés chez des taurillons Charolais (Bauchart et al., 2005). Les résultats montrent un effet positif plus marqué du régime paille-concentré/lin sur l’accroissement des teneurs en CLA et en 18:1  11 trans de la viande que le régime ensilage de maïs-concentré/ lin, alors que les deux régimes supplémentés en graines de lin conduisent à des effets comparables sur l’enrichissement en 18:3 n-3 (tableau 10.5).

Des travaux similaires ont été effectués sur des vaches de réforme de race Normande âgées de 5 ans ou plus en période de fi nition dans le cadre du programme PNRA (pour Programme national de recherche en alimentation et nutrition humaine ) de l’ANR Lipivimus (2007-2009). Le but était de vérifi er si les effets des suppléments lipidiques sur la qualité des lipides et de leurs acides gras sont, en orientation et en intensité, comparables ou non à ceux mesurés dans l’essai sur des animaux plus jeunes et moins gras de type taurillon Charolais. Les vaches de réforme recevaient une ration à base d’aliment concentré (70 %) et de paille (30 %) avec ou non un supplément lipidique (40/kg MS) sous forme de graines de lin extrudées ou d’un mélange de graines de colza (2/3) et de graines de lin (1/3). Les résultats d’analyse des acides gras du muscle LT montrent un plus faible enrichissement du 18:3n-3 alimentaire chez la vache de réforme (0,6 % versus 0,4 % des AG totaux ; Habeanu et al. , 2008 que chez le taurillon (3,6 % versus 1,1 % ; Bauchart et al., 2005).

Les mêmes effets de la supplémentation en graines de lin concernent les teneurs en acides gras trans du 18:1 et en CLA, notoirement plus faibles chez la vache de réforme que chez le jeune taurillon. Ce plus faible marquage par les acides gras alimentaires sur ceux des tissus chez la vache de réforme indiquerait des capacités de captage des acides gras plus faibles des cellules musculaires et des cellules adipeuses inter et intramusculaires, lesquelles pourraient dépendre de l’âge des animaux et/ou du niveau de dépôt lipidique de leurs tissus. Les essais réalisés dans le programme euro-péen FP7 ProSafeBeef (actuellement en cours) mettant en jeu des taurillons issus de races variant notamment par leurs capacités de lipogenèse (Angus > Limousin

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> Blond d’Aquitaine) visent à préciser lesquels des facteurs, âge ou état d’engrais-sement des tissus, exercent l’effet le plus marqué dans le contrôle sur le métabo-lisme des acides gras des tissus, notamment leur captage, leur bioconversion et leur incorporation dans les lipides cellulaires.

Concernant le profi l en isomères trans du 18:1 de la viande, l’apport de graines de lin à une ration à base d’aliment concentré (70 %) et de paille (30 %) conduit, chez la vache de réforme Normande, à des modifi cations favorables à la santé humaine par rapport au régime témoin sans apport de lin ou surtout par rapport à un apport conjoint de graines de colza (2/3) et de graines de lin (1/3) extrudées. En effet, l’ap-port seul de graines de lin diminue très fortement (P < 0,05) la teneur des isomères

9 trans (– 41 %) et 10 trans (– 54 %), considérés comme proathérogènes, sans modifi cation signifi cative de la forme bénéfi que 11 trans. En revanche, l’apport de graines de colza et de lin entraîne une baisse de la forme bénéfi que 11 trans (– 31 %) au bénéfi ce de la forme indésirable 10 trans (+ 22 %) (tableau 10.4) (Bispo-Villar et al., 2009).

Ces résultats montrent la complexité des effets des conditions alimentaires sur la formation de ces composés trans réalisée au niveau du rumen par différentes popu-lations microbiennes, ces acides gras étant ensuite absorbés par l’intestin grêle puis captés par les tissus où ils sont déposés principalement dans les lipides neutres (tableau 10.6). Les variations des conditions physico-chimiques du contenu ruminal induisant des modifi cations du faciès bactérien du rumen orienteraient les voies de bioconversion des AGPI alimentaires vers la formation de différentes isoformes de 18:1 trans par des réactions de biohydrogénation et trans isomérisation.

Ces travaux révèlent par ailleurs la forte plasticité de variation d’autres formes isomères trans telles que les formes 12 à 16 trans (cas du régime lin), dont les propriétés nutritionnelles et valeur santé sont encore inconnues. Des travaux mettant en jeu des essais nutritionnels sur l’homme et les modèles animaux pour l’homme devraient être entrepris pour mesurer les conséquences sur la santé de la consommation de viandes enrichies en ces isomères trans, dont la teneur peut atteindre 40 % des isomères trans du 18:1 totaux (tableau 10.4).

L’introduction dans ces régimes d’un fort supplément en vitamine E (2 500 unités/ animal/j) pour assurer une meilleure protection des AGPI vis-à-vis de la peroxydation entraîne des modifi cations de la composition en acides gras de la viande (Bauchart et al., 2005) (tableau 10.5). Ainsi, la baisse des teneurs en AGPI de type 18:2 n-6 (– 20 %) et 18:3 n-3 (– 6 à – 13 %) observée pour les deux rations supplémentées en graines de lin pourrait s’expliquer par une stimulation de la biohydrogénation ruminale en présence de vitamine E. Celle-ci favoriserait la production accrue de 18:1 11 trans et son dépôt dans la viande (+ 17 % à 36 %) et celle parallèle en 9 cis , 11 trans CLA. Une même tendance est notée avec la ration supplémentée à la fois en graines de lin et colza (Bauchart et al., 2005) (tableau 10.5).

Afi n d’élever plus fortement les teneurs en AGPI de la viande, différentes sources de lipides protégées de la biohydrogénation du rumen ont été proposées par l’in-dustrie mettant en œuvre des traitements chimiques ou thermiques des graines oléagineuses, d’émulsifi cation et d’encapsulation des huiles par des protéines ou de formation de savons de calcium (Gulati et al., 2005). Ainsi, l’emploi d’huiles végé-tales protégées contenant un mélange 50/50 d’AGPI n-6 et d’AGPI n-3 entraîne une

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Facteurs d’élevage et valeur santé des acides gras des viandes

143 baisse du rapport n-6/n-3 (de 3,6 à 1,9 ; Scollan et al., 2004). L’utilisation d’huile de