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des agneaux et leurs conséquences

des agneaux et leurs conséquences

Les différentes modalités d’élevage

À cette diversité de systèmes de production correspond une diversité des modalités d’élevage et d’engraissement des agneaux, avec des conséquences importantes sur la qualité de la carcasse et de la viande (Aurousseau et al., 2004 ; 2007 ; Pottier et al., 2009 ; Priolo et al., 2002 ; Rousset-Akrim et al., 1997). On distingue les agneaux de bergerie et les agneaux d’herbe, bien que cette classifi cation soit très schématique, puisque les agneaux élevés à l’herbe sont fréquemment complémentés au pâturage avec des aliments concentrés et/ou fi nis en bergerie.

L’élevage des agneaux en bergerie se pratique dans les régions céréalières (systèmes « ovins-cultures » par exemple) et en zones de montagne (systèmes « montagnes humides » ou « ovins-bovins » par exemple), où la saison de végétation est courte et les besoins hivernaux en fourrages élevés. Ces agneaux sont allaités jusqu’à environ 80 jours, puis engraissés avec des aliments concentrés (à base de céréales, tourteaux, pois, etc.) et des fourrages (foin ou paille), et abattus à l’âge de 4 mois environ. Ils sont ainsi souvent appelés « agneaux de 100 jours » et fournissent le marché pendant l’hiver et le printemps.

L’élevage des agneaux à l’herbe se pratique dans les régions où le climat est plus favorable à la pousse de l’herbe (par exemple, systèmes « ovins-bovins allaitants » et « herbe intensif de l’Ouest ») (Bellet et al., 2008). Ce type d’élevage est plus délicat et contraignant à conduire que l’élevage en bergerie, car il nécessite de fournir, en quantité suffi sante, une herbe de bonne qualité aux animaux et de maîtriser le parasitisme (Prache et Thériez, 1988). Les agneaux sont sevrés à environ 4 mois (parfois plus précocement pour les agneaux à faible croissance) (Prache et al., 1986) et sont abattus à l’âge de 5 à 6 mois, voire plus, pendant l’été et l’automne. Les performances de croissance des agneaux d’herbe sont souvent beaucoup plus variables que celles des agneaux de bergerie (Prache et al., 1986), ce qui a des conséquences importantes sur la variabilité des qualités bouchères, sensorielles et nutritionnelles de la viande et de la carcasse (Aurousseau et al., 2004 ; Rousset-Akrim et al., 1997). Une complémentation au pâturage avec des céréales est souvent pratiquée, pour maintenir les niveaux de croissance, limiter les effets d’aléas climatiques et réduire les risques parasitaires. Cette complémen-tation est d’autant plus effi cace que les disponibilités en herbe sont faibles ou que le niveau de contamination parasitaire des prairies est élevé (Prache et al., 1992). Pour les agneaux d’herbe à faible vitesse de croissance sous la mère, l’engraisse-ment précoce en bergerie après sevrage est souvent conseillé pour limiter le coût de leur production (Prache et al., 1986) et les défauts de qualité du produit (Rous-set-Akrim et al., 1997).

La part des agneaux engraissés à l’herbe s’est réduite ces dernières années, du fait : de sécheresses marquées et récurrentes ;

du prix des céréales, qui a fortement baissé avec la mise en place de la PAC en

1992 ;

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de la pratique plus fréquente de la reproduction sexuelle à contre-saison, la fi lière

souhaitant un approvisionnement en viande ovine tout au long de l’année (Bellet et al., 2008).

La mise en marché des agneaux français est ainsi assez étalée dans l’année, avec une prédominance d’agneaux dits de « contre-saison », qui sont vendus au cours du premier semestre. Néanmoins, la volatilité du prix des céréales et des aliments concentrés, avec une très forte augmentation en 2007 et 2008, ainsi que les préoc-cupations environnementales autour de la raréfaction des énergies fossiles renfor-cent l’intérêt d’augmenter la part de l’herbe dans l’alimentation des animaux pour à la fois réduire les charges d’alimentation et améliorer l’effi cacité énergétique des systèmes d’élevage.

Les qualités de la carcasse et de la viande

La nature de l’alimentation infl uence fortement les qualités nutritionnelles et sensorielles de la viande d’agneau. Par rapport à l’alimentation en bergerie avec du concentré et du foin, l’élevage à l’herbe des agneaux est favorable à la valeur santé pour l’homme des acides gras déposés dans la viande, avec une moindre proportion d’acide palmitique (C16:0), proathérogène, et une plus grande proportion d’acides gras de la famille des oméga 3 et des CLA (acide linoléique conjugué) (Aurousseau et al., 2004). L’augmentation de la proportion de CLA chez les agneaux d’herbe est d’autant plus marquée que les conditions de pâtu-rage sont favorables (herbe de bonne qualité disponible à volonté). Par ailleurs, en cas de fi nition en bergerie après une phase de pâturage, l’effet sur la composition en acides gras des lipides de la viande dépend de la durée de la fi nition : elle est faible si la durée de fi nition est courte (3 semaines), auquel cas l’effet de l’alimen-tation à l’herbe sur les qualités nutritionnelles est globalement maintenu ; elle est forte si la durée de fi nition est plus longue (6 semaines), auquel cas la composition en acides gras des lipides de la viande se rapproche plutôt de celle d’agneaux de bergerie (Aurousseau et al., 2007).

Les qualités sensorielles de la carcasse renvoient à la fermeté et à la couleur du tissu adipeux de couverture, que l’on souhaite ferme et blanc (Prache et al., 1990 ; Thériez et al., 1997a). Les agneaux de bergerie présentent un gras de couverture moins ferme que les agneaux d’herbe (Priolo et al., 2002a). Dans les régimes riches en concentré, en effet, une partie importante des acides gras (AG) poly insaturés échappe aux hydrogénations ruminales, et l’augmentation de la production d’acide propionique dans le rumen conduit à une augmentation des proportions d’AG impairs et ramifi és dans le tissu adipeux (voir chapitre sept, « Métabolisme lipi-dique des tissus musculaires et adipeux »). L’augmentation des AG insaturés, impairs et ramifi és, tous à point de fusion inférieur à celui des AG saturés pairs, entraîne une diminution de la fermeté du tissu adipeux de couverture. Pour limiter ces défauts, il est recommandé d’utiliser du bon foin dans les régimes de fi nition des agneaux de bergerie, d’utiliser des céréales entières et non broyées en cas d’en-graissement avec des régimes fermiers, et de limiter les apports de concentré en fi n d’engraissement de manière à accroître la proportion de fourrage dans le régime (Thériez et al., 1997b).

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Viande ovine en France. Quels systèmes de production pour quels produits ?

21 La couleur du tissu adipeux est légèrement plus jaune chez les agneaux d’herbe, en lien avec les pigments caroténoïdes de l’herbe pâturée (Priolo et al., 2002b), mais cet effet n’est souvent pas perceptible à l’œil. La viande des agneaux engraissés à l’herbe est en moyenne plus sombre (Priolo et al., 2002) et présente une fl aveur plus forte et moins appréciée par les consommateurs français, espagnols et italiens (à l’inverse des consommateurs anglais, irlandais et néo-zélandais) que la viande des agneaux engraissés avec un régime à base de concentré (Rousset-Akrim et al., 1997 ; Sanudo et al., 1998). Cependant, la différence entre les agneaux d’herbe et les agneaux de bergerie dépend beaucoup de leur vitesse de croissance et de leur âge à l’abattage : ainsi, la fl aveur est peu augmentée chez les agneaux d’herbe abattus très jeunes, alors qu’elle est beaucoup plus forte chez les agneaux d’herbe âgés à l’abattage, avec une intensité de fl aveurs « mouton » et « animal confi né » nettement accrue (Rousset-Akrim et al., 1997).

La fl aveur caractéristique de la viande ovine est liée aux acides gras à chaîne courte ramifi ée, en particulier les acides 4-methyloctanoïque et 4-methylnona-noïque (Wong et al., 1975). La présence simultanée de 3-méthylindole (ou scatole) accroît la perception de la fl aveur de mouton. Ce composé, qui est responsable de fl aveurs et d’odeurs désagréables de la viande d’agneau, est formé dans le rumen à partir de la dégradation du tryptophane. Sa concentration est plus élevée avec des rations à base d’herbe qu’avec des rations à base de concentré (Young et al., 1997), et ce d’autant plus que les protéines du fourrage sont rapidement dégradées dans le rumen. C’est ce qui explique pourquoi la viande d’agneaux élevés au pâturage présente une fl aveur plus intense et moins appréciée lorsque l’animal consomme un régime riche en trèfl e blanc par rapport à un régime riche en graminées (Schreurs et al., 2007a). Le trèfl e blanc conduit en effet à des concentrations en scatole dans le tissu adipeux plus élevées que le ray-grass anglais (Schreurs et al. , 2007a). Ainsi, malgré leur intérêt pour la nutrition des animaux et la captation de l’azote de l’air, les prairies riches en trèfl e blanc accroissent le risque de défauts de fl aveur, point à souligner pour l’élevage biologique où les légumineuses sont particulièrement recherchées dans les prairies (Prache et al., 2009a).

Les tannins condensés de certaines légumineuses, comme le lotier corniculé, le sulla et le lotier pédonculé, diminuent la biosynthèse ruminale de ces composés odorants, car ils ralentissent la dégradation ruminale des protéines (Schreurs et al. , 2007b). Ainsi, il a été observé que les concentrations en scatole dans le liquide ruminal, le plasma et le tissu adipeux intermusculaire étaient plus faibles chez des agneaux qui pâturaient du lotier corniculé que chez des agneaux qui pâturaient des prairies de ray-grass anglais/trèfl e blanc (Schreurs et al., 2007c). De plus, la viande des agneaux qui consomment des plantes riches en tannins est plus claire. Les tannins seraient en effet responsables d’une diminution de la biosynthèse ruminale de la vitamine B 12, un précurseur des pigments héminiques. Au-delà de leur intérêt pour la qualité des produits, la nutrition des animaux et la fertilisation naturelle des prairies, les plantes à tannins condensés, consommées en vert ou en foin, présentent par ailleurs des vertus anthelminthiques intéressantes pour maîtriser le parasitisme chez les petits ruminants (Hoste et al., 2009).

La viande des agneaux d’herbe est aussi plus riche en acide linolénique (Aurousseau et al., 2004), dont les produits d’oxydation lors de la cuisson (4-heptanal) ont une

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odeur désagréable (Elmore et al., 2000). Une expérience comparant des agneaux britanniques (élevés à l’herbe) à des agneaux espagnols (élevés en bergerie) a clairement montré que l’intensité de la fl aveur était liée à la teneur de la viande en acide linolénique (Sanudo et al., 1998).

Ces différentes études montrent que l’élevage à l’herbe est favorable du point de vue des qualités nutritionnelles de la viande d’agneau pour l’homme, mais parfois défavorable du point de vue de ses qualités sensorielles pour les consommateurs français, en particulier du point de vue de la fl aveur. Signalons cependant que, si les qualités sensorielles sont très importantes pour les consommateurs, le juge-ment peut sensiblejuge-ment varier entre pays (Sanudo et al., 1998). Il est important de rappeler également que ces différents critères de qualité sont beaucoup plus varia-bles chez les agneaux d’herbe que chez les agneaux de bergerie, ce qui peut néces-siter des contraintes de tri supplémentaires pour gérer cette variabilité au niveau de la fi lière.

La vente et la consommation de viande ovine en France

Trois grands types d’agneaux sont vendus en France, en lien avec les différents bassins de production et les systèmes d’élevage correspondants, ainsi que les habi-tudes de consommation. Dans les zones de plaine de la moitié Nord et dans le Grand Ouest, sont produits des agneaux « lourds » de 18 à 20 kg de carcasse, issus de races bouchères souvent herbagères, l’âge à la vente variant de 120 à 180 jours (une partie de ces agneaux est engraissée à l’herbe). Dans les zones défavorisées et de montagne de la moitié Sud, les agneaux issus de races rustiques sont quasi systé-matiquement engraissés en bergerie, et présentent des poids de carcasse inférieurs, de 16,5 à 18 kg, l’âge à la vente variant de 120 à 150 jours. Enfi n, des agneaux dits « légers » peuvent également être produits dans ces mêmes élevages (âge à la vente de l’ordre de 70 jours, pour un poids vif d’environ 24 kg) ; ils représentent environ 15 % à 20 % de l’ensemble des agneaux nés, et sont vendus dans le Sud (sud de la France, Italie, Grèce et Espagne).

Les consommateurs français achètent peu de viande d’agneau (3,6 kg par habi-tant et par an). Dans les habitudes de consommation, on observe un gradient nord-sud, avec des carcasses de plus en plus légères combinées avec la recherche d’une viande claire (jusqu’à la péninsule ibérique, avec une consommation d’agneaux de 11 à 12 kg de carcasse). La viande ovine conserve l’image d’une viande « festive » et reste peu consommée par les classes d’âge jeunes. Elle demeure une viande chère à l’achat, une part importante étant vendue sous signe offi ciel de qualité, ce qui permet de la démarquer de la viande importée, en particulier du chilled néo-zélandais ou des agneaux irlandais. Les consomma-teurs français de viande d’agneau accordent une grande importance à la manière dont l’animal a été alimenté ainsi qu’aux aspects concernant le respect de l’en-vironnement et le bien-être animal (Bernués et al., 2003). C’est la raison pour laquelle des méthodes sont actuellement développées pour authentifi er, sur la carcasse ou la viande, la manière dont l’agneau a été alimenté (voir chapitre quatre, « Traçabilité analytique des produits carnés : origine et alimentation de l’animal »).

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Viande ovine en France. Quels systèmes de production pour quels produits ?

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