• Aucun résultat trouvé

RECHERCHES HISTORIQUES ET APPROCHES CONFESSIONNELLES

A. Lectures historiques et théologiques des origines

III. THEOLOGIE DE L’HISTOIRE : LA QUESTION DU SENS

Cependant, comment pourrait-on situer l’œuvre historique d’Henri-Irénée Marrou ouvertement catholique et professeur titulaire d’histoire du christianisme ancien à la Sorbonne à partir de 1945 où il y est resté jusqu’à sa retraite en 19752. Son itinéraire scientifique est celui d’un historien engagé, d’un chrétien historien, passionné par son temps et par l'histoire d'une période, longtemps qualifiée de « Bas-Empire » ou de « décadence romaine »3. Son oeuvre est jalonnée par une abondante production scientifique en divers domaines : études augustiniennes, littérature grecque chrétienne, littérature latine chrétienne, archéologie romaine, épigraphie, histoire de l’éducation et de la culture, musicologie et méthodologie historique4. Son Histoire de l’éducation dans l’Antiquité, est l’ouvrage dans lequel en historien du christianisme antique il étudie l’antiquité païenne au sein de laquelle le christianisme s’est développé et montre comment l’interaction de la culture païenne et du christianisme fait naître une nouvelle culture, doctrina christiana, dont la rhétorique d’Augustin récupère les éléments pour exprimer la foi. Saint Augustin et la fin de la culture

1

Cette problématique est exposée par quelques auteurs comme E. FOUILLOUX, Au cœur du XXe siècle religieux, Paris, 1993 ; H. BOST, Théologie et histoire, au croisement des discours, Paris, Genève, 1999 ; Y. KRUMENACKER, Histoire de l’Eglise et théologie, Lyon, 1996 ; J.-D. DURAND (dir.), Histoire et théologie, Actes de la Journée d’études de l’Association française d’histoire religieuse contemporaine, Paris, 1994. Ce questionnement a également débouché, par exemple en France, sur l’imposante synthèse d’Histoire du

christianisme, ouvrage publié en 14 volumes sous la direction de J.-M. MAYEUR, C. PIETRI, A. VAUCHEZ et M. VENARD.

2

P. RICHE, Henri-Irénée Marrou historien engagé, Paris, 2003.

3

Le passage, en France, des expressions dépréciatives de « décadence romaine » et de « Bas Empire » à celle d’« Antiquité tardive » est largement dû à son travail d’historien. H. INGLEBERT, «Peter Brown, “une histoire de chair et de sang”», in Les historiens, Paris, 2003, p. 336-350, remarque que l’idée de décadence romaine pour qualifier la fin de l’Antiquité à partir du IIIe siècle remonte au XVe siècle lorsque apparaissent des termes comme « renaissance », « Moyen Age », « gothique ». Elle était déjà combattue aux XVIe-XVIIe siècles par des historiens du droit comme Godefroy et de l’Eglise comme Lenain de Tillemont qui se sont appliqués à démontrer la créativité de l’Antiquité dans leurs domaines. Ce sont des idées qui ont eu une grande influence sur l’œuvre de Peter Brown. H.-I. Marrou n’est pas nommé dans ce livre collectif qui présente les historiens les plus marquants du XIXe et du XXe siècle.

4

On peut dénombrer plus de quinze livres, tous volumineux, et plus de 200 articles de revues ou contributions à des ouvrages collectifs, souvent substantiels, qu’il signait quelquefois du pseudonyme Henri Davenson, notamment les publications concernant la musique, la politique ou la culture. La liste de tous ses écrits se trouve dans Crise de notre temps et réflexion chrétienne de 1930 à 1975, Paris, 1978 et Patristique et

antique, sa thèse soutenue à la Sorbonne en 1938 et augmentée par la suite d’une Retractatio

datant de 1949, avait marqué une rupture : il avait bousculé les idées reçues en montrant l’importance culturelle de la période patristique située dans une Antiquité tardive mieux connue.

Mais tout particulièrement son approche épistémologique de l’histoire publiée en 1954, De la connaissance historique, a marqué toute une génération d’historiens, comme ses interrogations sur la théologie de l’histoire, qui ont abouti en 1968 à l’ouvrage du même titre, ont marqué toute une génération de théologiens historiens1. De la connaissance historique est la deuxième tentative après celle de Raymond Aron2 d’introduire dans la pensée française une philosophie critique de l’histoire qui, en s’opposant aux approches positivistes et scientistes souligne que « l’histoire est inséparable de l’historien » et insiste sur l’inclusion de celui-ci et de son œuvre dans la culture de son temps, exigence formulée aussi par M. de Certeau. Pour H.-I. Marrou :

« La philosophie critique de l’histoire se ramène finalement à la mise en évidence du rôle décisif que joue, dans l’élaboration de la connaissance historique, l’intervention active de l’historien, de sa pensée, de sa personnalité, (…) l’histoire est la relation, la conjonction établie par l’initiative de l’historien entre deux plans d’humanité, le passé vécu par les hommes d’autrefois, le présent où se développe l’effort de récupération de ce passé »3.

L’impact de ce livre épistémologique a été d’autant plus grand que, à la différence de la thèse de Raymond Aron, il procédait non de raisonnements philosophiques abstraits mais de sa propre pratique d’historien, d’archéologue, d’épigraphiste et de ses réflexions sur le temps de l’histoire consignées plus tard dans la Théologie de l’histoire. Paul Ricoeur, analysant les aspects épistémologique et pratique de l’histoire dans Histoire et vérité s’appuyant d’un côté sur les deux ouvrages de R. Aron et H.-I. Marrou et de l’autre sur les historiens de l’école des Annales, explicite cette question sur l’objectivité des faits et de la subjectivité de l’historien en soulignant que celle-ci ne se réduit pas à un risque de déformation mais constitue un élément essentiel de l’effort pour dégager le sens de ce qui

1

H.-I. MARROU, Théologie de l’histoire, Paris, 1968. Pour souligner la valeur de son œuvre historique dans le domaine de l’histoire du christianisme on pourrait encore rappeler sa collaboration à la collection des Sources Chrétiennes, son édition de l’Epître à Diognète et son annotation du Pédagogue de Clément d’Alexandrie, ainsi que les multiples contributions sous diverses formes et à d’importantes œuvres collectives, soit en y participant, en tant que collaborateur, comme il l’a fait pour la Bible de Jérusalem, ou parachevant des entreprises comme le Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, soit en introduisant à des précieux instruments de travail comme l’Atlas de l’Antiquité chrétienne ou la Concordance de la Bible.

2

R. ARON, Introduction à la philosophie de l’histoire, Paris, 1938 dont H.-I. Marrou a d’ailleurs rendu compte dans « Tristesse de l’historien », Esprit, 7 (1939), p. 11-47 et repris dans Vingtième siècle. Revue

d’histoire, 45 (1995), p. 109-131.

3

s’est produit. Il montre que la pratique historienne est une pratique en tension constante entre une objectivité à jamais incomplète et la subjectivité d’un regard méthodique :

« … nous attendons de l’historien une certaine qualité de subjectivité, non pas une subjectivité quelconque, mais une subjectivité qui soit précisément appropriée à l’objectivité qui convient à l’histoire. Il s’agit donc d’une subjectivité impliquée, impliquée par l’objectivité attendue. Nous présentons par conséquent qu’il y a une bonne et une mauvaise subjectivité et nous attendons un départage de la bonne et de la mauvaise subjectivité, par l’exercice même du métier d’historien »1.

Sa démonstration s’étaye sur les règles qui régissent le métier d’historien et s’appuie pour l’essentiel sur la définition que donne Marc Bloch :

« Le philosophe n’a pas ici de leçons à donner à l’historien ; c’est toujours l’exercice même d’un métier scientifique qui instruit le philosophe. Il nous faut donc écouter d’abord l’historien quant il réfléchit sur son métier, car c’est celui-ci qui est la mesure de l’objectivité qui convient à l’histoire, comme aussi c’est ce métier qui est la mesure de la bonne et de la mauvaise subjectivité que cette objectivité implique. “Métier d’historien” : tout le monde sait que ce titre est celui que Marc Bloch adjoignit à son Apologie pour l’histoire. Ce livre, hélas inachevé, contient néanmoins tout ce qu’il faut pour poser les premières assises de notre réflexion. Les titres des chapitres de méthode – observation historique, – critique, – analyse historique – ne nous laissent pas d’hésitation : ils marquent les étapes d’une objectivité qui se fait »2.

Mais « le modèle de Marrou est celui d’un chrétien historien, dont la réflexion épistémologique et la pratique historiographique sont un témoignage d’une recherche spirituelle autant qu’intellectuelle »3. Cette ambivalence d’être en même temps historien de métier et ouvertement croyant ne peut que poser la question de la relation qui peut exister entre la foi, l’engagement religieux et la démarche scientifique qui est contraire à la foi. Tout particulièrement, sa pensée d’une théologie de l’histoire implique que l’on cherche dans la foi la réponse à la question du sens de l’histoire. D’ailleurs il s’explique ainsi dans l’introduction à sa Théologie de l’histoire :

« …il ne s’agira plus ici de l’histoire de l’historien, de l’histoire comme science - définie, elle, comme le passé humain dans la mesure où un traitement approprié des documents retrouvés permet de le connaître –, mais bien du problème que pose à notre conscience l’histoire réellement vécue par l’humanité à travers la totalité de la durée et à laquelle chacun de nous se trouve intimement associé par le caractère lui-même historique de sa propre existence. C’est pour tout dire en un mot, le problème du ‘sens de l’histoire’. Oui,

1

P. RICOEUR, Histoire et vérité, Paris, 1967 3, p. 28.

2

P. RICOEUR, op. cit., Paris, 1967 3, p. 29.

3

O. PASQUATO, « Les caractères originaux de l’historiographie religieuse de Marrou », in Y.M. HILAIRE (éd.), De Renan à Marrou. L’histoire du christianisme et les progrès de la méthode historique

quel est le sens de cette longue marche à travers la temporalité – j’avais d’abord écrit : de ce lent pèlerinage, mais je ne veux pas m’imposer à mon lecteur dès cette première page ce vocabulaire trop augustinien –, de cette succession d’empires, pour parler comme les Anciens, de civilisations, comme nous disons maintenant, de cultures »1.

Plus tard, dans la notice qu’il a rédigée pour l’Encyclopaedia Universalis il donne cette définition de la théologie de l’histoire :

« Aspect très représentatif de la pensée chrétienne de notre temps, la théologie de l’histoire s’efforce d’inventorier et de systématiser ce que la révélation et la foi apportent au croyant de lumière sur le problème du ‘sens de l’histoire’, de la marche à travers le temps de l’humanité pensée dans son ensemble. Elle s’est posée en s’opposant aux diverses philosophies de l’histoire qui ont été formulées en Occident depuis la fin du XVIIIe siècle et qui, elles-mêmes, s’étaient développées en réaction contre une interprétation abâtardie et maladroite de la doctrine chrétienne. (…) La notion de théologie de l’histoire ne s’est véritablement généralisée qu’après la Seconde Guerre mondiale : elle est devenue d’un usage familier et constitue l’objet de méditations soutenues de la part de beaucoup de penseurs chrétiens, à quelque confession ou tendance qu’ils appartiennent – orthodoxes, catholiques, anglicans, luthériens, réformés ou libéraux. Cet effort, qui est en fait une redécouverte, s’explique par plusieurs causes : le besoin de répondre à l’angoisse issue des bouleversements de la civilisation occidentale et à la crise issue des deux guerres mondiales, l’usure et la mise en question de l’idéologie du progrès sur laquelle avait misé l’Europe de l’ère libérale, la conscience aiguë d’une historicité fondamentale de la condition humaine (l’influence du premier Heidegger, directe ou médiate, ne saurait être minimisée), la nécessité enfin d’opposer une solution chrétienne aux problèmes que cherchaient à résoudre les philosophies historicistes qui ont si profondément modelé la culture et la mentalité communes de notre époque, de Hegel et Marx à Benedetto Croce »2.

Inspiré par Augustin, mais vivant dans son siècle, H.-I. Marrou a développé et élaboré sa réflexion sur l’histoire et la théologie de l’histoire et a parlé de sa foi sans complexe à l’égard des défenseurs d’une pensée fidèle à l’Université dans un fort contexte de laïcité3. Au plan idéologique, on pourrait même considérer que le chrétien Marrou est chronologiquement antérieur à l’historien Marrou. Il n’acceptait pas que l’historien soit traité comme un pur technicien allergique à toute conviction personnelle forte que ce soit politique ou religieuse. En 1949 il écrit à ce sujet dans la Retractatio de sa thèse : « Conscient de m’avancer sur un champ de bataille, j’avais naïvement cherché à me tenir hors de portée : solution timide et illusoire. Il n’est pas facile, il n’est pas possible de “n’être qu’un historien” »4.

Son livre Théologie de l’histoire peut être considéré comme une sorte de bilan de vie écrit pour mesurer le chemin parcouru et dire clairement ce que son auteur a cru. Il s’est

1

H.-I. MARROU, op. cit., Paris, 1968, p. 15.

2

Extrait du DVD Encyclopaedia Universalis, version 11 (2006).

3

H.-I. Marrou peut être considéré comme un des premiers universitaires à avoir introduit les auteurs chrétiens de l’Antiquité dans l’Université française.

4

donné pour tâche de dénoncer les illusions du progrès de l’historicisme et particulièrement de la notion de « philosophie de l’histoire » ainsi que de confesser sa foi comme croyant. Les deux questions centrales de cet ouvrage seraient : Qu’est-ce que l’expérience historique, avec ses échecs, ses retours en arrière, sa profonde et permanente « ambivalence » ? Mais aussi qu’est-ce que l’expérience de l’historien chrétien réfléchissant à sa condition ? Ces deux questions n’en forment d’ailleurs qu’une seule tant il est vrai que réfléchir sur le sens de l’histoire c’est en même temps se pencher sur le sens du métier d’historien. Métier d’historien que H.-I. Marrou connaît bien et dont il connaît les exigences. Alors que dans De la

connaissance historique il propose une critique au sens kantien de l’exercice de la raison

« historienne », il fait de la Théologie de l’histoire une méditation existentielle confessant la finalité dernière d’une telle connaissance historique1. Si par une philosophie de l’histoire2 il réfléchit sur l’histoire universelle, sa théologie de l’histoire d’inspiration augustinienne a pour cadre le christianisme, plus précisément l’Eglise catholique et l’histoire ecclésiastique et le but est de découvrir le sens de l’histoire : « L’homme chrétien par la foi sait que l’histoire a un sens et quel est ce sens, mais il n’est pas doté d’un moyen sûr d’écrire dès maintenant cette histoire, qui n’est perceptible pleinement que du côté de l’Eternel »3.

A côté de l’approche de H.-I. Marrou sur la théologie de l’histoire on pourrait ajouter celle de Jean Daniélou, théologien et historien engagé aussi, Essai sur le mystère de

l’histoire4, auteur dont on connaît l’intérêt porté aux origines du christianisme, à la connaissance du judéo-christianisme notamment et son apport considérable à l’édition des textes patristiques dans la collection « Sources chrétiennes ». Tous les deux parlent en croyants du « mystère de l’histoire »5 pour signaler non pas que le chrétien ignore où elle va mais que l’historien ne peut marquer les étapes de son itinéraire. Pour Jean Daniélou aussi

1

Sur la vie et l’œuvre de H.-I. Marrou on peut consulter la biographie de P. RICHE, op. cit., Paris, 2003 ; J.-R. PALANQUE, « Notice sur la vie et les travaux de Henri-Irénée Marrou », in Académie des inscriptions et

Belles-Lettres, Avril-juin, 1978, p. 401-419 ; J. LALOY, « Hommage à Henri Marrou », in Les quatre fleuves, 8 (1978), p. 113-117 ; C. PIETRI, « Henri Marrou : un chrétien et l’histoire », in Les quatre fleuves, 8 (1978), p. 118-128 ; Y.M. HILAIRE (éd.), De Renan à Marrou. L’histoire du christianisme et les progrès de la méthode

historique (1863-1968), Villeneuve-d’Ascq, 1999 ; sur la théologie de l’histoire voir aussi E. CASTELLI, La

théologie de l’histoire. Herméneutique et eschatologie, Actes du Colloque organisé par le Centre international

d’études humanistes et par l’Institut d’études philosophiques de Rome, Rome, 1971.

2

Sur les philosophies de l’histoire G. BOURDE, H. MARTIN, op. cit., Paris, 19972, p. 101-126. A la p. 102 ils montrent que « La pensée théologique – qui postule un sens à l’histoire – prend naissance dans un texte de Platon : le Phedon. Dans son dialogue, Platon fait énoncer par Socrate les propositions suivantes : a) il y a de l’ordre dans l’univers ; b) tout est ordonné en vue du meilleur résultat ; c) une intelligence ordonnatrice applique au monde cette conception ; d) le meilleur se situe au niveau intellectuel et non matériel ; e) il existe un Vrai, un Bien, un Beau en soi ».

3

H.-I. MARROU, op. cit., Paris, 1968, p. 36.

4

J. DANIELOU, Essai sur le mystère de l’histoire, Paris, 19531, 1982.

5

« la signification dernière de l’histoire est objet de foi théologique et non d’expérience empirique »1. H. Gouhier présentant la conception de la théologie de l’histoire chez H.-I. Marrou et J. Daniélou pense que la « théologie de l’histoire » chez ces deux auteurs désigne « l’histoire vue de Dieu. Il ne s’agit donc pas de notre histoire-connaissance, qui est l’histoire vue de l’homme, mais de ce que nous avons appelé l’histoire-réalité. Autrement dit, en Dieu, au point de vue de Dieu, histoire-réalité et histoire-connaissance coïncident »2. Avec Jacques Bouveresse on pourrait penser que dans ce cas, le but de l’histoire théologique serait de faire de l’histoire humaine « un divertissement que Dieu se donne à lui-même »3. Ce qui confirmerait la pensée de O. Cullmann puisque dans Le salut dans l’histoire il affirme : « La Bible donne la grille qui nous permet de déchiffrer notre temps et de découvrir, sinon dans le détail du moins dans les grandes lignes, le cours que Dieu choisit pour son histoire »4, sans doute par des « voies impénétrables ».

La « pertinence théologique de l’histoire » est également le thème principal de la réflexion de Pierre Gisel pour qui la théologie de l’histoire apparaît comme une nécessité de la connaissance de l’histoire des systèmes socioculturels avec lesquels elle est obligatoirement en relation5. Comme champ de savoir, pour rendre compte de la foi ou du « croire », l’histoire doit se référer aux médiations, tels les institutions, les symboles, le langage, etc. Une des médiations sur la foi est la théologie parce que « le corps de croyances apparaît premier : comme donné social, culturel et symbolique » et la foi naît « au sein de certaines formes de savoirs et, surtout, requiert de passer par un savoir ou un ordre de raisons qu’il se donne et qui le marque : un ordre où se noue l’identité du sujet croyant et dont on peut répondre dans un discours adressé à tous, face au monde »6.

1

J. DANIELOU, op. cit., Paris, 19531, 1982, p. 104.

2

H. GOUHIER, « Quelques présupposés critiques d’une théologie de l’histoire », in E. CASTELLI, La

théologie de l’histoire. Herméneutique et eschatologie, Actes du Colloque organisé par le centre international

d’études humanistes et par l’Institut d’études philosophiques de Rome, Rome, 1971, p. 23. Dans l’introduction à son article, H. Gouhier s’explique sur ce qu’il appelle « histoire-realité » et « histoire-connaissance » s’inspirant de la pensée sur la philosophie de l’histoire de R. Aron : « Les mots “histoire”et “historique” mêlent plusieurs sens. 1) “Histoire” désigne une réalité : en ce sens, l’histoire de Napoléon Ier ou l’histoire de la guerre mondiale renvoie à ce qui s’est passé à une certaine époque, à ce morceau de devenir qu’est la vie d’un homme ou la vie de groupes humains déterminés. 2) “Histoire” désigne aussi la connaissance de cette même réalité : en ce sens l’histoire de Napoléon Ier et l’histoire de la dernière guerre mondiale renvoient à ce qu’ont écrit les historiens sur ces deux sujets », p. 21.

3

J. BOUVERESSE, « Savoir absolu et théologie de l’histoire », in Recherches et débats, 47 (1964), p.166-177, numéro consacré à L’histoire et l’historien.

4

O. CULLMANN, Le salut dans l’histoire, Neuchâtel, 1966, p. 297.

5

P. GISEL, Vérité et histoire, la théologie dans la modernité. Ernst Käsemann, Paris, Genève, 19832 ;

L’excès du croire. Expérience du monde et accès à soi, Paris, 1990.

6

Par conséquent l’histoire serait limitée dans l’étude de la foi et de ses manifestations sans l’apport de la théologie puisque « la théologie est riche d’un savoir touchant les registres de l’expression humaine et du déploiement des pratiques. Elle peut déduire les récurrences et construire des typologies. Elle peut faire état, pour le moins, d’une expérience historique large, qui a traversé des cultures dont les différences sont non négligeables. Elle peut dès lors apporter en ces matières sa note propre, à partager avec d’autres, en dialogue interdisciplinaire »1, en admettant qu’elle soit exclusivement considérée comme une science critique du « croire » 2. Dans ce cas le théologien aurait alors pour tâche première la régulation