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B. Lambert Beauduin (1873-1960)

3. La recherche liturgique en Allemagne

Du point de vue méthodologique, aux Origines du culte chrétien de L. Duchesne qui a inspiré le Mouvement liturgique, on peut ajouter La liturgie comparée du laïc allemand Anton Baumstark, initiateur de la méthode comparative en liturgie, ouvrage devenu une référence

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pour les liturgistes1. Les travaux strictement historiques de A. Baumstark ont influencé la recherche sur la liturgie en général, mais ont inspiré particulièrement les liturgistes bénédictins de ce que B. Botte appelle l’Ecole de Maria Laach : « Un des mérites de l'école de Maria-Laach a été d'associer à son travail des universitaires, tel Anton Baumstark. La pointe de la recherche en matière de liturgie se situe désormais en Allemagne »2. Sur les recherches portant sur l’étude de la liturgie en Allemagne, B. Botte donne ce résumé :

« C'est l'Allemagne qui fournit le plus solide appui au mouvement liturgique, avec un peu de retard à cause de la guerre et de la misérable situation du pays dans l'immédiat après-guerre. Pourtant, ce ne fut pas une improvisation. En 1921 paraissait le Jahrbuch für

Liturgiewissenschaft sous la direction de dom Odon Casel, moine de l'abbaye de Maria Laach

en Rhénanie. Puis le même monastère entreprit deux collections, l'une pour l'édition des textes liturgiques, l'autre pour des recherches, sous la direction de dom Cunibert Mohlberg (..). Elles fusionnèrent ensuite en une seule collection, Liturgiegeschichtliche Quellen und Forschungen, dans laquelle j'ai publié en 1963 mon édition critique de la Tradition apostolique de saint Hippolyte. Enfin une collection qui s'adressait à un plus large public, Ecclesia orans, qui voulait faire connaître l'esprit de la liturgie, sous la direction de dom Ildephonse Herwegen. Cette dernière faisait comprendre que les autres collections n'étaient pas de pure érudition, mais devaient servir à rénover la vie liturgique dans l’Eglise. Dom Beauduin s'était appuyé dès l'origine sur les derniers travaux des liturgistes français de l'époque. Mais il était évident qu'une étude plus poussée de la tradition permettrait de mieux comprendre le sens des rites et des textes. Le directeur du Jahrbuch, dom Casel, entreprit d'ailleurs un approfondissement de la théologie liturgique par la doctrine du mystère. Cet essai fut diversement apprécié et aujourd'hui encore il est discuté »3.

O. Casel est un des principaux inspirateurs de la théologie sacramentaire par Das

christliche Kultmysterium, paru en 1932 et traduit sous le titre Le mystère du culte dans le christianisme, richesse du mystère du Christ, en 1964, son œuvre la plus connue, laquelle,

avec d'autres publications de cette époque, consacre sa renommée de théologien, de liturgiste et de patrologue. Il est tout particulièrement connu à travers sa « théologie des mystères », sa méthode de comparaison entre les mystères païens de l’Antiquité et les « mystères » chrétiens et la valorisation des prières eucharistiques pour une compréhension du rite de l’Eucharistie

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A. BAUMSTARK, Liturgie comparée. Principes et méthodes pour l’étude historique des liturgies

chrétiennes, Paris, Chevetogne, 1953, édition revue par B. Botte. Sur l’œuvre de A. Baumstark voir E. TAFT, G. WINKLER (éd.), Comparative Liturgy fifty Years after Anton Baumstark (1872-1948), Actes du Colloque international de Rome, 25-29 septembre 1998, Rome, 2001.

2

B. BOTTE, op. cit., Paris, 1973, p. 43. On reviendra au chapitre IV sur la méthode comparative proposée par A. Baumstark pour l’étude de la liturgie et son application dans les recherches actuelles sur les origines des rituels eucharistiques.

3

B. BOTTE, op. cit., Paris, 1973, p. 41. Id, La Tradition apostolique de saint Hippolyte. Essai de

reconstitution, éd. revue et augmentée par A. GERHARDS in Liturgiewissenschaftliche Quellen und Forschungen, 39, Munster, 1989. On peut voir aussi l’édition de B. Botte publiée dans de la collection Sources chrétiennes n° 11bis, 1968.

comme sacrifice1. D’après A. Gozier « Odon Casel saisissait que toute phénoménologie de la liturgie devait découvrir une ontologie de la liturgie. C'est ce qui lui permit de construire la

Mysterienlehre (doctrine des mystères), conception totalisante du christianisme envisagé sous

l'angle de la liturgie, ou, si l'on préfère, théorie de l'essence même du christianisme saisie dans son expression rituelle qui est le mystère du culte. Aussi le but de cette position est-il de répandre l'idée d'une présence permanente et active du mystère du Christ dans les mystères de l'Église, la liturgie étant la ré-actualisation – au sens fort du terme –, sous la modalité des signes, des symboles du mystère salvifique »2. Sa conception de la liturgie a été critiquée notamment au regard de sa notion de « présence mystérique du Christ » et de son étude comparative avec les mystères païens, à une époque où la recherche sur les origines de la liturgie eucharistique commençait à s’intéresser davantage à ses origines juives3. Mais O. Casel est celui qui, avec A. Baumstark et R. Guardini, fonde la revue Jahrbuch für

Liturgiewissenschaft devenue à partir de 1950 Archiv für Liturgiewissenschaft et considérée,

selon P. de Clerck, comme la revue liturgique du plus haut niveau scientifique4.

Une autre œuvre importante qui a marqué le Mouvement liturgique est celle du jésuite autrichien J.A. Jungmann. Il est selon B. Botte, « le plus grand travailleur de sa génération. Il inaugura sa carrière scientifique par une thèse sur la place du Christ dans la prière eucharistique, en 1925. Il publia ensuite de nombreux articles dans la Zeitschrift für

katholische Theologie, avant de composer son oeuvre majeure, Missarum Sollemnia, qui fut

traduite en plusieurs langues. C'est une somme de tout ce qu'on peut dire de l'histoire de la messe »5. En effet, cet ouvrage est devenu un classique sur le sujet, selon P.-M. Gy, « indispensable à la fois pour étudier l’histoire de la liturgie de la messe en Occident, pour mesurer la connaissance par l’Eglise catholique de sa propre tradition au milieu du XXe siècle, et pour comprendre l’Ordo Missae de Paul VI »6. A. Houssiau pense aussi que J.A. Jungmann est celui qui a initié le plus efficacement les théologiens « aux formes de la liturgie

1

O. CASEL, Le Mystère du culte dans le christianisme, richesse du mystère du Christ, Paris, 1964. On peut noter aussi en traduction française Faites ceci en mémoire de moi, Paris, 1962 ; La fête de Pâque dans

l’Eglise de Pères, Paris, 1963, dans la collection Lex Orandi n° 34 et 37.

2

A. GOZIER, « Dom Odon Casel », in Encyclopaedia Universalis, DVD version 11 (2006).

3

A. HOUSSIAU, « op. cit. », in La Maison-Dieu, 149 (1982), p. 27-55.

4

P. DE CLERCK, « op. cit. », in F. BOUSQUET (dir.), Les grandes révolutions de la théologie moderne, Paris, 2003, p. 214-215. Un des plus importants ouvrages de R. GUARDINI est L’esprit de la liturgie, Paris, 1930 (traduction de R. Harcourt d’après l’original Vom Geist der Liturgie).

5

B. BOTTE, op. cit., Paris, 1973, p. 70. L’édition française : J.A. JUNGMANN, Missarum sollemnia. Une

explication génétique de la messe romaine, 3. vol, Paris, 1951-1954.

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eucharistique de l’Eglise et leur a fait admettre le concept d’eucharistia comme élément constitutif du sacrifice de la messe »1.