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DE LA THEOLOGIE AUX SCIENCES RELIGIEUSES

A. Recherche historique et appartenance confessionnelle

Dans l’étude du christianisme c’est une des raisons pour laquelle chercheurs et étudiants accordent au temps des origines une valeur normative, menacée selon G. Rouwhorst par « le danger de la mythologisation ». Ce « danger » signifie pour lui une attitude non critique envers le christianisme ancien et une lecture confessionnelle des sources1. Pour appuyer sa problématique de la « mythologisation du passé » et le rôle qu’elle peut jouer en fonction de la valeur normative qu’on accorde à cette période du christianisme, il prend comme exemple les travaux des chercheurs catholiques et protestants dont la motivation est confessionnelle et doctrinaire selon la tradition dont ils sont issus. Ainsi il met en évidence deux tendances :

1) Généralement les auteurs catholiques les plus traditionnels acceptent et accentuent la continuité entre le christianisme ancien et les traditions ecclésiastiques catholiques postérieures. Pour cela, ils expliquent les doctrines catholiques traditionnelles par leur ancienneté et les justifient en montrant leur origine biblique ou apostolique et leur enracinement patristique.

2) Les auteurs protestants s’intéressent davantage à la reconstitution du « kérygme biblique »2, c’est-à-dire au contenu du message, non seulement de l’Evangile, mais également de la première communauté, qu’ils analysent par rapport à ce qu’il est devenu au cours de l’histoire. En outre, les chercheurs protestants ne prennent pas la littérature canonique en sa totalité mais essayent de découvrir, par la méthode historico-critique, les couches les plus anciennes dans le but de reconstruire « les faits historiques » qui l’ont constitué : la vie de Jésus historique, les croyances et les pratiques liturgiques des premières communautés chrétiennes. Mais la recherche historico-critique chez les chercheurs protestants n’est pas exempte de préoccupations théologiques ou idéologiques car « souvent leurs idéaux déterminent les images qu’ils créent de l’Eglise primitive… L’histoire de la recherche sur “Jésus historique” en fournit une preuve convaincante » (p. 184). Même si de nombreux

1

G. ROUWHORST, « A la recherche du christianisme primitif », in Bulletin ET 8 (1997), fasc. 2, p. 181-195.

2

Selon A. PAUL, DVD Encyclopaedia Universalis, version 11 (2006), « dans la langue technique des exégètes et des théologiens actuels, le mot « kérygme », décalqué du grec kêrygma, “prédication”, “proclamation” (celle de Jonas en Matth., XII, 41), désigne cette activité des disciples de Jésus qui consistait dans l'annonce de la présence vivante du Christ ressuscité, autrement dit dans la proclamation de l'Évangile (le mot classique équivalent serait “évangélisation”) ». M.G. MARA, « Kérygme », in Dictionnaire encyclopédique

du christianisme ancien, t. 2, Paris, 1990, p. 1393, pense aussi que « l’élément constitutif du kérygme c’est avant

tout la mort et la résurrection du Christ qui, conformément à la foi, au moment même où on l’annonce, actualise dans la vie de chaque croyant le salut dont ils parlent (1 Co 1, 21 ; 2, 4) ».

historiens et théologiens catholiques comme protestants ont pris conscience de la discontinuité qui existe entre christianisme ancien et catholicisme ou protestantisme postérieur, cela ne diminue pas, selon G. Rouwhorst, le danger « de créer un christianisme à son image et à sa ressemblance…», danger qui hante selon lui, la recherche sur le christianisme ancien (p. 184).

C’est plus ou moins le cas pour de nombreux auteurs qui étudient la liturgie eucharistique ancienne. De ce point de vue G. Rouwhorst distingue également deux tendances dans l’analyse des sources, selon l’appartenance confessionnelle des auteurs et de leurs préoccupations théologiques, mettant en évidence le fait que les études « ne sont pas uniquement motivées par une curiosité historique objective et neutre » (p.188) : 1) la première tendance, de type exégétique, représentée surtout par les publications des auteurs protestants, concerne la littérature canonique l’intérêt des chercheurs portant sur les problèmes posés par le dernier repas de Jésus et sa reconstruction historique ; 2) la deuxième tendance, de type plutôt historique, représentée par des publications d’auteurs anglicans ou catholiques, concerne les nombreuses études portant sur le développement de la célébration eucharistique, notamment de la prière eucharistique à l’époque patristique, surtout au cours des IIIe et IVe siècles. La recherche porte davantage sur les rituels produits et utilisés par les diverses communautés. L’auteur note aussi qu’il y a des études qui prennent en compte les deux tendances, bien que peu nombreuses. Il donne en exemple l’ouvrage de H. Lietzmann (Messe

und Herrenmahl) qui même s’il a vieilli car il date de 1926, reste toujours une référence sur le

sujet.

En effet, l’historiographie des origines de la liturgie eucharistique montre que la plupart des études ont été et sont encore menées de manière chrétienne et confessionnelle car faites notamment par des hommes d’Eglise. Un exemple récent de ce type de publication serait en ce début de XXIe siècle une encyclopédie sur l’Eucharistie, un genre de publication unique à ce jour sur le sujet, où les travaux des spécialistes des sciences historiques et théologiques donnent l’impression que le temps des conflits et d’affrontements entre foi et science s’est transformé en un temps de dialogue pacifique1. Dans l’introduction à la deuxième partie de l’encyclopédie, « L’Eucharistie dans l’histoire » (p. 63-327), P. Lécrivain présentant les méthodes historiques employées et les perspectives qu’elles offrent pour

1

C’est la question principale de l’ouvrage collectif : F. BOUSQUET (dir.), Les grandes révolutions de la

théologie moderne, Paris, 2003. Les auteurs prônent une distance par rapport aux lamentations habituelles sur le

fossé qui sépare le christianisme et la raison moderne, retraçant le travail « d’intelligence » qui a été accompli tout au long du XXe siècle par la théologie chrétienne pour le surmonter.

comprendre ce rite au fil de l’histoire, rappelle cependant l’aspect conflictuel de l’interdisciplinarité :

« Depuis longtemps l’histoire et la théologie ne se pensent plus comme des adversaires. Les théologiens fréquentent les historiens et les historiens les théologiens. Ces rencontres sont heureuses mais ne doivent pas faire illusion. Un historien n’est pas un théologien et la réciproque est vraie. Il est nécessaire de le rappeler en un moment où l’on affirme si fortement que le christianisme est aussi une religion historique » (p. 63).

Cette sorte de « Somme » sur la notion et la pratique de l’eucharistie, depuis les origines jusqu’à l’époque contemporaine, accomplie à l’initiative et sous la direction de Maurice Brouard, prêtre et religieux catholique appartenant à la Congrégation du « Très-Saint-Sacrement » à Québec, publiée en 2002 au Editions du Cerf, propose une série d’études historiques, théologiques, pastorales pour aider à comprendre ce qu’est l’eucharistie dans la vie actuelle de l’Eglise. Il présente ainsi le but de cette publication collective :

« Le premier objectif de cet ouvrage est de procurer la joie de la découverte, de raviver l’étonnement, de susciter la passion pour cette merveille qui accompagne et transfigure notre existence quotidienne. Les préparatifs de l’histoire elle-même de l’Eucharistie y sont évoqués et préludent aux éléments de réflexion imposés par les multiples questions d’ordre théologique, spirituel et pastoral reliées à ce mystère central de notre foi habité par un dynamisme de communion et de libération. Les autres objectifs apparaîtront tout naturellement au long de cet ouvrage. (…) Grâce à l’approche multidisciplinaire, nous désirons présenter une vision actuelle, la plus complète possible, du mystère eucharistique sans évidemment prétendre tout dire. La Bible, la liturgie, la théologie, la spiritualité, la pastorale, l’histoire, l’art, la législation ecclésiale, l’anthropologie et l’histoire des religions sont mis à contribution. Originaires des cinq continents, appartenant à diverses dénominations chrétiennes, quatre-vingt-un rédacteurs partagent ici le fruit de leurs recherches »1.

Cette présentation, justifiée du point de vue théologique et confessionnel peut paraître étonnante par l’accueil fait aux contributions des spécialistes notamment en disciplines historiques, car on pourrait penser que vouloir en même temps rendre compte en termes de foi et scientifiques d’une pratique liturgique fondamentale du christianisme c’est le définir comme une représentation, le traiter comme un produit culturel dépouillé de tout privilège de vérité par rapport aux autres2. Or après les éloges faits aux « approches multidisciplinaires », particulièrement à l’histoire des religions qui a pour tâche d’étudier la spécificité du christianisme par comparaison avec les autres religions connues dans l’histoire de l’humanité, de comprendre les conditions de son apparition, les modalités de son élaboration et les

1

M. BROUARD (dir.), Eucharistia. Encyclopédie de l’Eucharistie, Paris, 2002, p. 5.

2

C’est ce que souligne par rapport à toute religion en général D. JULIA, « La religion. Histoire religieuse », in J. LE GOFF, P. NORA (dir.), Faire de l’histoire. II. Nouvelles approches, Paris, 1974, p. 185.

conséquences de son existence, M. Brouard poursuit aux pages 6-7 en présentant l’Eucharistie comme une « vérité » qu’il inscrit dans une histoire universelle de salut, comprenant ainsi le christianisme comme la religion qui fonde ou qui doit fonder la société :

« Le mystère de l’Eucharistie existe parce que le Dieu Trinité, mû par une tendresse ineffable en toute gratuité, tient à nous rencontrer pour nous unir à lui dans l’amour. Ravis par cette gracieuse convocation, nous nous empressons d’aller consolider nos liens d’amour avec lui et entre nous. En d’autres mots, l’Eucharistie existe pour célébrer et réaliser le grandiose projet de Dieu de transformer l’humanité pour la faire entrer dès aujourd’hui dans le monde de la résurrection dont les signes eucharistiques sont la préfiguration. La célébration du mémorial de la Pâque apparaît comme la fête de la réunification de l’humanité dont l’unité, brisée au début de son histoire, est sans cesse restaurée par l’amour de Dieu (agapè tou Theoû) répandu en nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné (Rm 5, 5). Grâce au banquet eucharistique, Dieu et l’humanité ne pourront plus être séparés : “Celui qui mange ma chair demeure en moi et moi en lui” (Jn 6, 56). Le banquet céleste ne fera que consommer cette union. (…) On souhaite voir apparaître des enfants de Dieu qui, découvrant l’Eucharistie comme la grande fête de l’agapè du peuple de l’Alliance nouvelle et éternelle, sentiraient le besoin de chanter publiquement leur reconnaissance an allant s’associer à l’action de grâces du Christ lui-même, en allant recevoir son corps rempli du feu de l’Esprit, pour devenir porteur d’un dynamisme de communion au service de leurs sœurs et de leurs frères dans le monde ».

Ce texte ressemblant à une confession de foi est suivi dans la première partie consacrée aux origines et intitulée « L’Eucharistie et la conscience religieuse de l’humanité », par des approches anthropologiques, exégétiques et historiques qui démontrent le contraire de ce qu’il avance1. Cette cohabitation aporétique entre foi et science historique met toujours en question un certain métier celui du théologien et aussi un certain savoir, le savoir habituel du pasteur, du prêtre, savoir théologique qui est au service de la foi dans un monde où modernité rime avec laïcité et où la théologie se trouve dans un régime culturel qui a mis fin à un système de certitudes sur lequel reposait son savoir. Les mots de croyant du texte de M. Brouard font douter de l’ensemble de cette encyclopédie, et encore plus le texte de G.C. Danneels, « Ouverture, l’Eucharistie, mystère de notre foi, don du Christ à son Eglise », qui suit sa présentation et qui est une autre confession de foi :

« Au soir du Jeudi Saint, le mystère le plus grand de notre foi, le Corps et le Sang du Seigneur nous a été confié. Quoi de plus simple en apparence ? Sur une table dressée, le pain et le vin ; autour de la table : Jésus, Pierre et les Douze. Ce soir-là pourtant, le Seigneur parle comme il n’a jamais parlé ; il pose des gestes que jamais encore il n’a posés. L’Eglise, rassemblée déjà autour de son Seigneur, vit avec lui un temps d’amour intense et de grande

1

Voir par exemple l’article de l’historien M.-Y. PERRIN, « Pratiques et discours eucharistiques dans les premiers siècles (des origines à la fin du IVe siècle) », p. 105-124, ou les deux articles de E. MAZZA, prêtre catholique du diocèse italien Reggio Emilia, considéré aujourd’hui parmi les meilleurs spécialistes de l’histoire des origines de la liturgie eucharistique : « De la Cène du Seigneur à l’eucharistie de l’Eglise », p. 97-102, « Relecture de l’histoire (30 à 1250), p. 313-317, in M. BROUARD (dir.), Eucharistia. Encyclopédie de

chaleur fraternelle ; elle vit aussi avec lui l’heure de l’angoisse et de ténèbres. On pourrait parler de ce mystère et de cette heure dans le langage précis, clair, des exégètes et des théologiens. L’Eglise ne pourra jamais y renoncer. Ce sera le cas dans presque toutes les pages qui suivront. Mais on peut aussi utiliser la langue du cœur, celle de l’émerveillement et de l’amour. C’est ce langage-là que nous utiliserons : celui de l’Esprit-Saint, qui est la respiration même de l’Eglise. C’est également le langage de la contemplation. Voici donc quatre tableaux à contempler avec les yeux de la foi… »1.

Les « quatre tableaux à contempler avec les yeux de la foi » ce sont quatre récits évangéliques sur le lavement de pieds, le dernier repas de Jésus, la trahison de Judas, et le discours d’adieu. Bien que le projet de la publication de cette encyclopédie soit « d’inspiration catholique à ouverture œcuménique » et que le sujet traité soit avant tout une notion théologique et une pratique liturgique, cet ouvrage, par les ressources qu’on peut y trouver s’adresse cependant à un large public allant de membres des Eglises et d’enseignants en théologie aux étudiants et professeurs d’universités2. Néanmoins, comme une caractéristique explicite du but théologique et confessionnel de l’ouvrage on peut observer que, pour l’Antiquité, la littérature chrétienne ancienne à laquelle il est fait référence est celle accepté comme « canonique ». On ne trouve pas de références aux écrits apocryphes ou gnostiques, par exemple.

Du point de vue méthodologique et épistémologique ces deux auteurs qui présentent théologiquement l’encyclopédie se situent à l’opposé d’une introduction historienne sur le même thème faite par Maurice Goguel au début du XXe siècle, dans l’introduction à son étude

L’Eucharistie des origines à Justin martyr :

« On ne peut aborder aucun problème d’ordre historique sans prendre au préalable connaissance de tentatives déjà faites pour le résoudre. Agir autrement serait s’exposer à dépenser ses forces et son temps à établir des thèses déjà démontrées ou à explorer des voies déjà reconnues sans issue.

Moins que tout autre, celui qui veut étudier l’histoire de l’eucharistie primitive peut ignorer la bibliographie de son sujet, mais il se heurte à des difficultés considérables qui naissent de la richesse même et de l’abondance de la littérature dont il doit prendre connaissance. Aucun problème d’histoire religieuse n’a suscité autant de livres, de brochures, d’articles que celui-là. (…)

Si l’on voulait réunir toute cette littérature, on se heurterait à des difficultés matérielles presque insurmontables et l’effort qu’on s’imposerait ne serait pas compensé par le profit qu’on tirerait d’un tel labeur. La plus grande partie de la littérature relative à l’eucharistie est

1

G.C. DANNEELS, « Ouverture. L’Eucharistie, mystère de notre foi, don du Christ à son Eglise », in M. BROUARD (dir.), Eucharistia. Encyclopédie de l’Eucharistie, Paris, 2002, p. 11.

2

B. BÜRKI, « Notes de lecture : BROUARD, Maurice, s.s.s, dir., Eucharistia. Encyclopédie de

l’Eucharistie, Paris, Cerf, 2002, 814p. », in La Maison-Dieu 238 (2004), p. 193-212, livre une bonne recension

de cet ouvrage. Sorti en 2002, année où l’Eglise catholique commémorait les 40 ans depuis le Concile Vatican II, ouvert le 11 octobre 1962 par le pape Jean XXIII, l’encyclopédie est l’oeuvre de théologiens, d’historiens, d’exégètes et de pasteurs du monde entier.

dénuée de toute espèce de valeur. Bien rares, en effet, sont ceux, qui, en traitant un tel sujet, ont su s’affranchir de tout préjugé dogmatique »1.

En effet, parmi la multitude des études sur la liturgie eucharistique beaucoup sont encore imprégnés des préjugés théologiques et dogmatiques parce que du point de vue confessionnel l’étude de l’Eucharistie en tant que rite central du christianisme appartenait et appartient encore à différentes sciences ecclésiastiques comme la théologie, l’exégèse, la liturgie, l’histoire des dogmes, l’histoire de l’Eglise, et a des buts plutôt théologico-pastoraux et normatifs. Les conflits et les différences de représentations de la liturgie eucharistique en ses origines interviennent lorsqu’elle est traitée à la fois d’un point de vue historique et croyant dans un lieu confessionnel. Les explications historiques des théologiens sur les origines des célébrations eucharistiques relèvent de la notion de « mémoire » et s’articulent dans la « tradition fondatrice » comme référent donné (les récits du dernier repas de Jésus) ou comme référence à retrouver. La réflexion théologique sur l’histoire des origines de la liturgie eucharistique ne peut se faire qu’à partir des récits dits « de l’institution » et elle est faite en fonction des représentations de cette « tradition fondatrice » comme souligne justement X. Léon-Dufour :

« Ce qui s’offre à nous ce n’est pas d’emblée un événement, mais un texte qui le rapporte en l’interprétant. Telle est la condition de la connaissance historique : l’investigation du passé n’a d’accès aux “faits” que par la médiation des récits où ces mêmes faits se présentent non pas dans leur surgissement même, à jamais disparu, mais à travers la relation qu’en ont fixée les contemporains. En dehors du langage qui le communique, et donc de la perspective de celui qui parle, il n’y a pas de “fait brut”, sauf pour ceux qui l’ont directement vécu. Et encore, ces derniers l’ont perçu de manière subjective et l’ont ensuite transmis dans telle ou telle perspective »2.

Ce texte n’a rien de théologique ou de dogmatique, cependant, l’auteur de formation exégète, note dans l’introduction à son ouvrage : « Tout homme est conditionné par son milieux, par ses antécédents, par son tempérament. Je suis un homme et non une femme, monothéiste et non bouddhiste, chrétien et non juif, catholique et non protestant, prêtre et non laïc, jésuite et non dominicain. Que dire encore ? Tout cela conditionne mon regard. (…) Dans cet ouvrage je voudrais tendre à produire une “théologie biblique” de l’eucharistie,

1

M. GOGUEL, L’eucharistie des origines à Justin martyr, Paris, 1910, p. 1-2. L’auteur a été directeur d’études sur les origines du christianisme à l’Ecole pratique des Hautes Etudes de 1927 à 1948. Cf. Problèmes et

méthodes d’histoire des religions, Paris, 1968, p. 169-175. Sur l’œuvre de M. Goguel voir M. SIMON, « Les origines chrétiennes d’après l’œuvre de Maurice Goguel », in Id., Le christianisme antique et son contexte

religieux. Scripta Varia, vol. II, Tübingen, 1981, p. 142-152.

2

offrant au dogmaticien une base synthétique de référence pour l’interprétation globale qu’il doit produire à partir de la tradition. Voila pourquoi j’ai tenu à examiner ici tous les textes qui parlent de l’eucharistie. (…) En raison de mes études et de ma situation, j’ai été habitué à une idée générale du “dessein de Dieu”. Il serait naïf de penser que cette synthèse, plus ou moins élaborée, n’ait pas d’influence sur ma compréhension des textes eucharistiques » (p. 10 et 12).

L’histoire des origines de la liturgie eucharistique comme des origines chrétiennes en général ou pour employer une expression consacrée théologiquement, l’« histoire de l’Eglise » a été faite pendant longtemps par des théologiens ou historiens chrétiens dont les choix et les orientations ont souvent été dirigées, plus ou moins conscienment, par des buts confessionnels. Le débat méthodologique étroitement lié à un combat idéologique entre l’histoire universitaire et l’histoire confessionnelle dans le contexte de la crise moderniste, à laquelle il a déjà été fait allusion, a montré combien les rapports que les hommes d’Eglise ont entretenus avec le monde de la science ont été difficiles1. Lors du Concile Vatican II, les catholiques ont été amenés à redéfinir leur place dans l’organisation des savoirs. L’ouverture de la théologie aux résultats et aux pertinences des sciences humaines était nécessaire mais il reste que du point de vue épistémologique la théologie chrétienne relève toujours d’un