• Aucun résultat trouvé

RECHERCHES HISTORIQUES ET APPROCHES CONFESSIONNELLES

A. La théologie protestante libérale

Pendant longtemps on a défini le catholicisme par son attachement à la Tradition et le protestantisme par son attachement à la Bible, l’Eglise étant pour le dernier non pas une institution de doctrine mais le lieu de la prédication. La théologie catholique a mis beaucoup de temps pour accepter l’idée du dogme comme résultat d’un processus humain qui puisse être soumis à une analyse historique. Cette controverse issue de la Réforme sur le rapport Ecriture-Tradition a été dépassée durant le XIXe siècle par la théologie protestante germanophone dite « libérale »3, qui a beaucoup travaillé sur l’idée du dogme comme étant le résultat d’un processus humain décelable par un traitement historique. L’expression « théologie libérale » comprend plusieurs courants ou écoles qui débouchent sur la dimension historique de la théologie et des dogmes : « la “théologie historique” en constitue le cœur, qui commence avec l’exégèse et se poursuit via l’histoire des dogmes, jusqu’à la systématique envisagée comme “connaissance historique de l’état actuel du christianisme” »4. Les spécialistes s’accordent à dater du XVIIIe siècle les débuts de la prise de conscience de la

1

K. POMIAN, « op. cit. », in Le Débat, 24 (1983), p. 162.

2

Y. KRUMENACKER, op. cit., Lyon, 1996, p. 19-20.

3

Sur les courants et les écoles de la théologie libérale au XIXe siècle on peut voir K. BARTH, La

théologie protestante au XIXe siècle, Genève, 1969.

4

H. BOST, op. cit., Paris, Genève, 1999, p. 47 où il cite F. SCHLEIERMACHER, Le statut de la théologie.

dimension historique des dogmes et à souligner que jusqu’à la fin du XIXe siècle elle représente une contribution essentiellement protestante.

Les principaux représentants de cette prise en compte de la dimension historique de la théologie et de l’histoire des dogmes sont : à l’Ecole de Tübingen, Ferdinand Christian Baur (1792-1860), influencé d’abord par la pensée de F. Schleiermacher (1768-1834) et dont les études ont été principalement consacrées à la critique rationaliste des Evangiles et de la tradition dogmatique, les questions doctrinales déterminant pour lui l’évolution de l’Eglise1 ; Albrecht Ritschl (1822-1889) dont les travaux présupposent un partage strict entre le domaine de la foi et celui de la science ou du savoir, identifie l’histoire des dogmes à l’histoire de la théologie2. Un de ses disciples est Adolf Harnack qui produit le Lehrbuch zur

Dogmengeschichte3 et dont les nombreux écrits ont porté généralement sur l’histoire du

christianisme ancien4. Une autre grande figure du courant de la théologie libérale influencée par Albrecht Ritschl est Ernst Troeltsch (1865-1923) qui est en même temps un des promoteurs de l’Ecole de l’histoire des religions. Son interrogation théologique porte notamment sur la compatibilité de la religion avec la science et la culture modernes, s’opposant à un discours théologique transformé en dogme5.

S’inscrivant dans la ligne de la pensée des Lumières6, la théologie libérale s’est orientée vers une interprétation actualisante de la Bible, donnant naissance et développant l’approche historico-critique des textes bibliques et dogmatiques qui va être adoptée non sans

1

J.-M. TETAZ, « Baur, Ferdinand Christian (1792-1860) », in P. GISEL, Encyclopédie du protestantisme, Paris, Genève, 1995, p. 99-100.

2

P. GISEL (éd.), Albrecht Ritschl. La théologie en modernité : entre religion, morale et positivité

historique, Genève, 1991.

3

A. HARNACK, Lehrbuch zur Dogmengeschichte, Tübingen, 3 vol., 1886-1890, trad. en français par E. Choisy, Histoire des dogmes, Genève, Paris, 1993.

4

Dans le champ de l’histoire des dogmes, A. Harnack voulait faire comprendre à ses contemporains en quoi consiste le noyau originel du message chrétien, ce qu’il appelait « l’Evangile de Jésus », cf. K. NOWAK, « Harnack, Adolf von (1851-1930) », in P. GISEL (éd.), Encyclopédie du protestantisme, Paris, Genève, 1995, p. 124-128.

5

E. TROELTSCH, Religion et histoire. Esquisses théologiques et philosophiques, Genève, 1990 (édité par Jean-Marc Tetaz) ; Le tome 214 (1997), fascicule 2, de la Revue d’Histoire des religions est consacré à « Ernst Troeltsch ou la religion dans les limites de la conscience historique » ; P. GISEL (éd.), Histoire et théologie chez

Ernst Troeltsch, Genève, 1992. Une très bonne présentation de la pensée de Ernst Troeltsch est faite par P.

GISEL, La théologie face aux sciences religieuses. Différences et interactions, Genève, 1999, p. 55-69.

6

Aufklärung en allemand « Défini par Kant en 1784 comme ‘la sortie de l’être humain de sa minorité dont il est lui-même coupable’, le mouvement des Lumières s’est développé au XVIIIe siècle selon des modalités différentes, liées aux contextes culturels et religieux de chaque pays. Il est néanmoins partout défini par des éléments tels que la confiance dans les pouvoirs de la raison, la lutte contre l’ignorance et la superstition, la remise en question de la tradition, la foi dans le progrès et dans la tolérance, la revendication de la liberté de conscience ». Cf. M.-C. PITASSI, « Lumières », in P. GISEL (éd.), Encyclopédie du protestantisme, Paris, Genève, 1995, p.920.

difficultés par la théologie catholique au XXe siècle1. Avec K. Blaser on pourrait dire que « du côté catholique, le chemin ad fontes a permis la découverte de la Bible comme origine et critère de la tradition catholique. Du côté protestant il a permis la découverte de Jésus comme origine et critère des traditions néotestamentaires. Les réformes qui en découlent relient l’identité chrétienne à la vérité originaire »2.

1

J. ZUMSTEIN, « Naissance et déploiement de la méthode historico-critique (des Lumières au début du XXe siècle) », in P. GISEL (éd.), Encyclopédie du protestantisme, Paris, Genève, 1995, p. 124-128, présente succinctement mais clairement l’objectif de la méthode historico-critique : « L’objectif premier de la méthode historico-critique consiste à établir le sens premier d’un texte à l’exclusion de tout autre. Par sens premier d’un texte, il faut entendre le sens que ce texte revêtait dans son contexte de communication initial. Cet établissement du sens premier du texte est conduit selon une méthodologie qui se veut scientifique et régulée par une déontologie trouvant sa source dans l’humanisme de Lumières. La dimension polémique du projet est évidente : l’interprétation de l’Ecriture est arrachée au pouvoir de l’Eglise ; elle est désormais l’apanage d’une lecture qui se veut autonome et critique » (p. 125). D’un point de vue épistémologique la méthode historico-critique est le fruit de la tradition humaniste et rationaliste cristallisée au XVIIIe siècle, développée dans l’Université du XIXe siècle et qui repose sur trois présupposés philosophiques, la raison, la réalité et l’histoire : « La raison en tant qu’instance autonome et normative est l’instrument d’investigation de l’histoire et de la pensée humaine (…) la réalité présente est un donné qui dans sa totalité est accessible au sujet connaissant et qui en matière d’histoire, permet de reconstruire le passé par analogie (…). L’histoire est un paramètre temporel homogène désignant le passé et dont les différentes unités sont reliées entre elles sur le mode analogique causal. Ces trois présupposés sont aujourd’hui l’objet d’une discussion intense qui peut être résumée dans les termes suivants : en quel sens et à quelles conditions la raison est-elle un instrument adéquat de la connaissance du passé ? Est-il légitime que notre conception de la réalité devienne le modèle analogique et le critère de reconstruction du passé ? Est-il admissible, enfin, de se réclamer d’un concept d’histoire qui englobe strictement le passé, sans déboucher sur le présent et sans s’ouvrir à l’avenir » (p. 125).

Jean Zumstein compte sept principes de la méthode historico-critique et six procédures d’analyse, p.125-126 : le premier des sept principes et celui qui a le plus posé problème concerne la perte de statut de texte

sacré de la Bible ; le deuxième concerne les méthodes employées par l’approche historico-critiques, empruntées

des sciences littéraires et historiques ; le troisième concerne le souci de l’établissement de la vérité historique par l’adoption de cette analyse historico-critique ; quatrièmement, l’approche historico-critique doit être scientifique et obéir à quatre conditions : délimitation du champ de l’observation au sens de domaine ou secteur de recherche, présentation claires des procédures d’analyse à mettre en œuvre, la méthode utilisée doit être appropriée à l’objet étudié, le travail d’analyse doit être vérifiable ; cinquièmement, le consensus dans le travail historico-critique se constitue par voie discursive qui demande solidité de l’argumentation et clarté ; sixièmement, puisqu’elle est scientifique l’approche historico-critique doit rester ouverte. J. Zumstein montre comment dès ses origines cette méthode a mis en œuvre des procédures d’analyse diversifiées et tout au long de son histoire elle a développé et élargi ses moyens d’analyse. Il note surtout qu’à côté de la philologie qui constitue son point de départ, dès la fin du XVIIIe siècle et tout le XIXe siècle elle ajoute la critique textuelle, la critique littéraire c’est-à-dire la recherche de sources et la critique historique c’est-à-dire la fiabilité historique de la documentation, évolution qui abouti à la fin du XIXe siècle à l’émergence de l’Ecole de l’histoire des religions, et, au XXe siècle à l’émergence de l’histoire des formes, puis de l’Ecole de l’histoire de la rédaction et l’apparition de tous les modèles d’analyse synchronique ; septièmement, l’analyse historico-critique doit aboutir à un processus de

distanciation écartant la dimension d’interpellation que le texte peut exercer sur celui qui l’étudie, notamment

s’il s’agit d’un texte biblique. Les six procédures d’analyse sont : la critique textuelle ; la critique littéraire ; l’histoire des traditions religieuses et du milieu ambiant très importante pour la reconstitution des différents stades que la tradition a traversés avant d’être définitivement fixée dans le texte ; l’histoire des formes qui décrit les modèles de construction et de fonctionnement d’une unité littéraire et le milieu de vie dont elle est issue ; l’histoire de la rédaction qui étudie les procédés dont le rédacteur d’un texte s’est servi pour mettre en évidence son projet théologique ; l’étude de concepts qui par des recherches synchroniques et diachroniques établit le sens précis d’un terme utilisé dans le texte. Jean Zumstein avait déjà présenté ces règles de la méthode historico-critique dans l’article « Critique historique et éthique de la connaissance », in J. DORE, C. THEOBALD (dir.),

Penser la foi. Recherches en théologie aujourd’hui. Mélanges offerts à Joseph Moingt, Paris, 1993, p. 70-79.

2

Les théologiens protestants du courant libéral se sont inspirés généralement des mêmes sources philosophiques : tout d’abord la pensée d’Emmanuel Kant qui par ses

Critiques a durablement conditionné la lecture de la religion et du christianisme en

particulier1 ; à ses côtés on pourrait ajouter l’œuvre de Georg Hegel et sa philosophie de l’Esprit, dont les théologiens du courant libéral ont retenu l’importance accordée à l’histoire par l’idée de la transcendance de Dieu qui inclut un rapport au monde et à l’expérience historique2 ; mais c’est surtout Friedrich Schleiermacher qui a influencé la théologie libérale. Par son désir de concilier la théologie et la science il a essayé de démontrer qu’il est possible de s’inscrire d’une manière « religieuse » dans la modernité puisque, selon lui, la raison comme la religion se manifestent et évoluent historiquement par des individus extraordinaires. Chaque communauté religieuse est due à des événements originaires et la foi ne doit pas être isolée comme un phénomène totalement différent et surnaturel car elle occupe une position d’excellence dans un déploiement progressif et évolutif dont la base anthropologique est constituée par la conscience de Dieu. La foi chrétienne doit être pensée, pour F. Schleiermacher, dans le cadre de la « religion générale » qui n’est pas une connaissance ni une action mais relève de l’intuition ou du sentiment3. Il s’intéresse au problème que posent la diversité des religions historiques et la détermination du statut de la religion chrétienne défendant dans ses Discours deux thèses : l’égale valeur de toutes les religions et une évolution historique qui mène à une religion absolue4.

Dans la première moitié du XXe siècle, dans le contexte de crise spirituelle et économique née de la Première Guerre mondiale puis de la deuxième, la pensée théologique

1

E. KANT, Critique de la raison pure, Paris, 20016, (Kritik der reinen Vernunft, 1781 ; trad. et notes par A. Tremesaygues et B. Pacaud) ; Critique de la raison pratique, Paris, 20037, (Kritik der praktischen Vernunft, 1788, trad. de F. Picavet, introd. de Ferdinand Alquié) ; Critique de la faculté de juger, Paris, 1993 (Kritik der

Urteilskraft, 1790, trad. et intro. par A. Philonenko).

2

G. HEGEL, La phénoménologie de l’Esprit, Paris, 1997, 2 vol. (1807 1ère édition ; trad. par J. Hyppolite).

3

Son œuvre la plus connue publiée la première fois en 1799 est F. SCHLEIERMACHER, Über die

Religion. Reden an die Gebildeten unter ihren Verächtern, Hambourg, 1961. Trad. fr. par I.G. Rouge, Discours sur la religion à ceux de ses contempteurs qui sont les esprits cultivés, rédigé en 1799, Paris, 1944. Sur ce livre

cf. G. ROUTHIER, F. NAULT, « Un très grand siècle pour la théologie », in F. BOUSQUET (dir.), Les grandes

révolutions de la théologie moderne, Paris, 2003, p. 114-115. D’après K. BLASER, Dossier dogmatique. Manuel

couvrant les principaux lieux de la doctrine chrétienne, Lausanne, 1997, p. 13-14, cette pensée est reprise par le

courant de la théologie libérale du XIXe siècle, avec diverses modifications où s’instaure une confusion entre science des religions et philosophie de la religion.

4

J. GREISCH, « La philosophie de la religion devant le fait chrétien », in J. DORE (dir.), Introduction à

l’étude de la théologie, tome 1, Paris, 1991, p. 243-500 présente la religion comme « intuition » et « sentiment »

chez F. Schleiermacher, p. 260-275, et porte un regard à la fois historique et philosophique sur la philosophie de la religion dans cette grande partie de ce manuel de théologie. F. Schleiermacher peut être considéré, selon J. Greisch, comme un pionnier de la discipline « philosophie de la religion ». Cf. aussi du même auteur « La religion et les religions », in Archives de philosophie, 63 (2000), p. 229-246.

protestante est dominée par une réaffirmation de l’orthodoxie et du problème de l’adaptation du langage chrétien aux structures du monde contemporain. Parmi les théologiens qui essaient d’expliciter cette situation, il faut nommer P. Tillich, R. Bultmann, K. Barth. Si dans le sillage de E. Troeltsch concernant le rapport entre la foi et la culture moderne, P. Tillich1 comme R. Bultmann2 sont plutôt préoccupés d’intégrer le christianisme et la théologie dans la culture moderne, K. Barth, se rendant compte de l’impasse à laquelle le XIXe siècle a abouti quant à la mise en cause radicale du christianisme en tant que religion, se situe, notamment à travers sa grande œuvre, Dogmatique, dans une pensée théologique plutôt de rupture visible par rapport au courant libéral :

« Le malheur de la théologie protestante moderne, n’est pas (…) d’avoir cédé de plus en plus aux prétentions croissantes de la pensée moderne, de s’être laissé dicter à son insu, du dehors, par la philosophie, par les sciences naturelles et historiques la définition de la “recherche de la vérité” et d’être devenue, toujours à son insu, une forme, d’ailleurs inconséquente, de la sagesse du monde. Son malheur véritable, que n’eussent causé à elle seules ni la philosophie moderne ni la conscience autonome de l’homme, c’est d’avoir perdu son objet spécifique, la révélation »3 .

Par rapport à K. Barth, P. Tillich met plutôt en évidence le danger pour la théologie chrétienne de se réfugier en dehors du monde, ce qui le conduit à s’engager dans le projet d’une théologie de la culture en montrant le rapport qu’entretienne la théologie et la religion en général, avec la culture qui comprend toutes les activités humaines. Pour lui « les réponses que comporte l’événement de la révélation n’ont de sens que dans la mesure où elles sont en corrélation avec des questions qui concernent notre existence tout entière, avec des questions existentielles » et par conséquent c’est au théologien de montrer comment les « réponses » du message chrétien correspondent aux « questions » issues de la situations existentielle de l’être humain4.

Influencé dans un premier temps par la théologie libérale dont il s’écarte progressivement, R. Bultmann reproche aux théologiens de ce courant d’avoir cru qu’on pouvait trouver dans l’histoire un « fondement de la foi » par la démarche historico-critique,

1

M. MICHEL, La théologie aux prises avec la culture : de Schleiermacher à Tillich, Paris, 1982.

2

R. BULTMANN, Foi et compréhension, t. 1, L’historicité de l’homme et de la révélation, t. 2,

Eschatologie et démythologisation, Paris, 1969.

3

K. BARTH, Dogmatique, t. 4, La doctrine de la réconciliation, Genève, 1953, p. 85. G. ROUTHIER, F. NAULT, « op.cit. », in F. BOUSQUET (dir.), Les grandes révolutions de la théologie moderne, Paris, 2003, p.107 considèrent la Dogmatique de K. Barth « la plus monumentale somme théologique du XXe siècle, qui déterminera non seulement le débat théologique dans la tradition protestante, mais influencera fortement la pensée catholique ».

4

P. TILLICH, Théologie systématique I : Introduction, Paris, Genève, Québec, 2000 (trad. A. Gounelle), p. 91.

ce qui pour lui n’est qu’une illusion et une erreur théologique1. Dans ses études d’exégèse du Nouveau Testament, il soutient que le discours néotestamentaire est dans son ensemble mythologique et n’a rien à voir avec l’image désacralisée du monde de la science moderne2. R. Bultmann est souvent considéré comme « le grand liquidateur » de la question historique sur Jésus développée au cours des XVIIIe et XIXe siècles et qui a comme point de départ la découverte que les deux images du « Christ-préché-par-l’Eglise » et du « Jésus-de-l’histoire » ne coïncident pas3. Ce questionnement est issu, selon P. Gisel, de « l’“Aufklerung” (et par-delà la modernité dans son ensemble) » qui « se tient dans un nouveau type de rapport avec le passé. Elle vit de la conscience masquée le plus souvent, d’une différence entre hier et aujourd’hui. Elle ouvre une période où l’on ne dira pas seulement qu’on est éloigné du passé mais qu’on est autre »4.

En effet, la « démythologisation », de R. Bultamnn est née de cette confrontation entre histoire, monde moderne et théologie. Par son travail de démythologisation il entendait dans un premier temps une critique de l’image mythique du monde qui s’exprime dans la Bible et dans un deuxième temps l’établissement de la véritable visée du texte biblique, distinguant ainsi sa démarche de celle de la théologie libérale qui tentait d’éliminer le mythe et de saisir

1

Cf. R. BULTMANN, « La théologie libérale et le récent mouvement théologique », in Foi et

compréhension, t. 1, L’historicité de l’homme et de la révélation, Paris, 1969, p. 9-34.

2

P. GISEL, op. cit., Paris, Genève, 19832, p. 77, résumant la pensée de R. Bultmann montre que pour cet auteur « il ne suffit pas de dire que l’entreprise libérale se révèle illusoire. Il y a plus grave. La théologie à laquelle les méthodes historico-critiques ont jusqu’ici donné naissance procède d’une erreur théologique fondamentale. Ce n’est pas seulement et d’abord la relativité des résultats de la science historique qui condamne la théologie libérale, c’est qu’elle n’a pas vu que tout phénomène historique n’est, par définition, qu’une “grandeur relative”».

3

H.-J. GAGEY, J.-L. SOULETIE, « op. cit. », in J. DORE, F. BOUSQUET, La théologie dans l’histoire, Paris, 1997, p. 28 ; R. BULTMANN, Jésus. Mythologie et démythologisation, Paris, 1968.

4

P. GISEL, op. cit., Paris, Genève, 19832, p. 47. S’inspirant d’un article de R.P. Jeanière publié dans la revue Etudes, n° de novemebre 1990, B. PLONGERON, « Les Eglises au défi de la modernité à la charnière des 18e et 19e siècles », in Revue d’historie ecclésiastique, 95 (2000), fasc. 3, p. 613-781 définit la modernité comme l’émergence d’une nouvelle vision du monde se déroulant sur quatre révolutions : scientifique, révolution « d’une nature gouvernée directement par Dieu et ses anges à une nature autorégulée par la loi de la gravitation universelle (Newton) et la mécanique universelle (Laplace) » ; politique, c'est-à-dire une « rupture marquée par l’apparition de la démocratie. La nouveauté est que la démocratie cesse d’être une forme de gouvernement entre autres (ce qu’elle était depuis Platon et Aristote) pour devenir la seule forme rationnelle d’un Etat (…). Le pouvoir ne s’enracine plus dans les valeurs charnelles de la patrie, ni dans une tradition, ni dans une lignée ; il n’est justifiable que par l’accord du peuple, devenu une “nation”. Les théories politiques auront désormais pour but de fonder en raison la forme démocratique du pouvoir » ; culturelle, « cette révolution n’apparaît pas avec la même brutalité que les deux précédentes. C’est un mouvement de pensée très fortement enraciné dans la