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CHAPITRE II : CHAMP D’APPLICATION POSSIBLE DES NANOTECHNOLOGIES EN MÉDECINE

5. Thérapie génique : vecteurs chimiques ou vecteurs viraux pour le transfert de gènes in vivo

La thérapie génique a connu ces dernières années des avancées considérables et se situe désormais au centre de la biologie moderne. Elle consiste à introduire du matériel génétique dans le but de réduire ou d’éradiquer une maladie. La difficulté majeure actuellement est de transporter le gène dans les cellules concernées. Le transfert d’ADN (Acide Désoxyribonucléique) dans le noyau d’une cellule peut être de deux sortes : un transfert somatique qui s’effectue sur des organes déjà constitués, un transfert germinal qui a lieu sur des gamètes ou sur l’embryon (l’œuf fécondé) et qui a pour conséquence que la modification génétique sera transmise aux générations suivantes.

L’efficacité et le succès du transfert du gène sont conditionnés par la qualité du vecteur utilisé qui peut être viral ou chimique. La seconde catégorie de vecteurs, c’est-à-dire les vecteurs chimiques, sont constitués en grande partie de nanoparticules. Le but de ces vecteurs est de mimer ou de s’apparenter au mécanisme d’action des virus pour pouvoir introduire le matériel génétique adéquat tout en veillant à maintenir une bonne tolérance vis-à-vis du système immunitaire44.

La mise au point de vecteur spécifique fait intervenir la nanotechnologie. Cette dernière va donc avoir des liens étroits avec la génomique fonctionnelle (en particulier dans la

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Marcel LAHMANI, Patrick BOISSEAU et Philippe HOUDY, dir., Les nanosciences 3. Nanobio-

technologies et nanobiologie, op. cit., p. 1127.

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Dominique MASSET, « Nanotechnologies et santé publique, Les applications thérapeutiques et médicales », art. cit., p. 25-26.

31 compréhension de la fonction des gènes in vivo) et avec la thérapie génique (dans la compréhension des maladies génétiques et dans leur guérison éventuelle).

6. Les axes majeurs d’application des nanotechnologies en médecine

Afin de synthétiser la partie descriptive ci-dessus des nanotechnologies en médecine, trois axes majeurs de recherche peuvent être dégagés et ces trois axes sont l’objet actuellement de recherches approfondies par les chercheurs. Ils concernent principalement les domaines de la thérapie, des prothèses et du diagnostic.

6.1 La thérapie

En thérapie45 de nombreux espoirs sont fondés en oncologie car les nanotechnologies sont susceptibles de permettre la mise au point d’au moins trois méthodes différentes d’éradication de tumeurs cancéreuses : premièrement, le chauffage ou hyperthermie médicale qui consiste à chauffer une nanoparticule métallique ou magnétique de l’extérieur avec un champ magnétique voire un laser et ainsi de détruire la tumeur dans laquelle a été introduite la nanoparticule ; deuxièmement, l’utilisation et l’insertion d’un produit toxique pour la tumeur qui pourrait être activé de l’extérieur ; troisièmement, l’utilisation d’un gène induisant la mort cellulaire de la cellule maligne ou l’utilisation d’ADN pirate qui perturberait le fonctionnement même de la cellule maligne46. De nombreuses recherches sont effectuées sur la mise au point de médicaments « intelligents » capables d’assurer la délivrance dosée, ciblée et personnalisée de produits dans le corps humain par l’utilisation de nanostructures sous forme de capsules. Le traitement des cancers pourrait en être bouleversé puisqu’on va pouvoir réduire les effets toxiques des médicaments actuels en guidant la molécule médicamenteuse dans la cellule ciblée et qu’on va même pouvoir administrer davantage de molécules dans la cellule ciblée. En 2007, il existait une vingtaine de médicaments commerciaux faisant appel à un procédé d’encapsulation ou de guidage47. Le nombre de médicaments mis sur

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Marcel LAHMANI, Patrick BOISSEAU et Philippe HOUDY, dir., Les nanosciences 3. Nanobio-

technologies et nanobiologie, op. cit., p. 1130. Liste des applications déjà possibles des nanotechnologies

en médecine.

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Louis LAURENT, Nanotechnologies. Les nanos vont-elles changer notre vie ? 82 questions à Louis

Laurent Physicien, Paris, Spécifiques Editions, 2007, p. 55.

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32 le marché s’accroit chaque année : Patrick Couvreur en cite cinq dans son article paru en 200748 et le LEEM (Les Entreprises du Médicament) présente plusieurs tableaux de médicaments49 en attirant l’attention dans son propos sur le fait que la majorité des nanoproduits médicaux sont majoritairement des outils de drug delivery (délivrance de molécules thérapeutiques) soit 58 % du total des nanoproduits commercialisés dans le domaine de la santé. Il est à noter également que l’utilisation de nanoparticules est largement présente dans l’industrie de la cosmétique pour l’élaboration de crèmes protectrices, de crèmes solaires, de crèmes anti-âge et de régénération des cellules. Les industries de la cosmétique sont impliquées de façon significative avec les laboratoires pharmaceutiques pour l’élaboration de vecteurs diffusant des molécules et leurs principes actifs de façon ciblée dans la peau. La vectorisation intéresse aussi l’industrie agro-alimentaire pour l’élaboration d’alicaments.

Pour conclure, il faut également évoquer la mise au point de nanorobots spécifiques. Ces derniers navigueraient dans le corps humain et seraient alors capables d’effectuer des prélèvements ou de délivrer des médicaments sous forme de molécules. Ils pourraient détecter et localiser des anomalies très tôt et anticiper le développement de certaines maladies : à titre d’exemple, citons l’accumulation de plaques dans les artères ou l’accumulation de dépôts de protéines associés à la maladie d’Alzheimer. Mais pour l’instant, si des équipes savent construire ces nanorobots, elles ne savent pas comment les faire se déplacer de façon autonome, si ce n’est en utilisant le mouvement brownien, c’est-à-dire le mouvement induit par les collisions aléatoires avec les molécules du milieu environnant50.

6.2 Les prothèses, les implants

Dans le domaine des prothèses, la mise au point de matériaux qui confèrent aux prothèses une tolérance plus grande du corps humain, une adaptation plus facile et une durabilité mécanique plus longue dans le temps ferait évoluer de façon conséquente la chirurgie. De plus, l’association de l’ingénierie tissulaire et du développement de

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Patrick COUVREUR, « Nanomédicaments : des médicaments comme les autres ? », Les Cahiers du

Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE), Pour les sciences de la vie et de la santé, N° 51, avril-

juin 2007, p. 29-31.

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Etude du LEEM (Les Entreprises du Médicament) Applications des nanotechnologies à la médecine.

Etude sur la compétitivité et l’attractivité de la France. Horizon 2025, mars 2009, p. 44, 54, 56, 58, sur le

site internet www.leem.org consulté lé 07/01/2010.

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Article : La propulsion des nanorobots ,in Revue Pour la science N° 381, juillet 2009 sur le site Internet www.pourlascience.fr consulté le 15/01/2010.

33 nouveaux matériaux composés de surfaces spécifiques et biocompatibles faisant appel à la nanotechnologie permettrait la régénération des os, des tissus, des nerfs.

De nombreuses recherches ont pour objet la mise au point d’implants capables de pallier les défaillances du corps humain suite à la perte d’une fonction sensorielle, d’une fonction motrice ou d’une fonction physiologique. Certes, le stimulateur cardiaque est utilisé depuis les années 1950, les implants cochléaires depuis les années 1960 et, plus récemment, les implants cérébraux pour stabiliser certaines formes de la maladie de Parkinson et restaurer certaines fonctions musculaires des patients atteints de cette maladie depuis les années 1990. L’apport des nanotechnologies dans ce domaine consisterait à mettre au point des matériaux mieux tolérés, à augmenter la capacité de traitement des données et de détection en vue de l’élaboration de rétines et de cochlées artificielles grâce au développement de systèmes nanoélectroniques. Un pas supplémentaire pourrait être franchi avec des recherches sur l’introduction de la nanoélectronique dans le corps pour explorer les processus neuronaux et mesurer les signaux électriques entre les neurones51.

6.3 L’élaboration de diagnostic

Dans l’élaboration du diagnostic in vivo, nous sommes donc en présence de l’association de composants issus de la nanotechnologie et de techniques d’imagerie médicale sophistiquées.

Dans le domaine du diagnostic in vitro, les différents types de puces (puces à ADN, puces à protéines, puces à cellules) permettent d’analyser des milliers d’échantillons simultanément en alliant la microélectronique, la chimie (réactions des acides nucléiques, des peptides), l’imagerie et son analyse, l’informatique.

L’élaboration de diagnostic de plus en plus précis et sophistiqué passe par les progrès constants des techniques d’imagerie médicale. L’utilisation des nanoparticules comme marqueurs permet non seulement d’obtenir des images plus précises de l’intérieur du corps, mais aussi de suivre le trajet de molécules comme les protéines à l’intérieur des cellules. Ainsi l’imagerie intracellulaire est désormais possible grâce à un marquage biologique fluorescent qui consiste à attacher des points quantiques52 sur des protéines

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Jixing LIU, « Les dernières avancées en nanotechnologies » in Nanotechnologies, Ethics and Politics, 2007 ; version française : Nanotechnologies, éthique et politique, op. cit., p. 74-75.

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34 par exemple, ce qui permet de voir les processus biochimiques en œuvre dans les cellules.

La caractéristique des nanotechnologies en médecine est donc la convergence de plusieurs domaines de la science et de leurs champs d’application. Cette notion de convergence n’est pas sans poser des problèmes d’ordre éthique, mais aussi, d’une façon générale, d’ordre anthropologique et sociologique.