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Jusqu’à présent, il a été question de ce qui permet à une analogie d’être une bonne analogie. Selon la conception structurelle, une analogie explicative permet de suggérer de nouvelles hypothèses explicatives plus ou moins plausibles d’un phénomène appartenant à la cible. Une bonne analogie peut fournir une hypothèse intéressante et plausible, mais elle n’est toutefois pas garante de la vérité de cette hypothèse (Darden, 1991).

L’hypothèse obtenue par analogie devra être testée comme toute autre hypothèse scientifique nouvellement formulée. De ce fait, lorsque Darwin suggère sa thèse de la descendance avec modification par l’entremise d’une analogie, les implications empiriques de cette hypothèse scientifique devront être vérifiées pour qu’elle puisse être intégrée comme une théorie explicative au sein des sciences biologiques. Une hypothèse avancée par analogie demeure donc toujours potentiellement falsifiable même si l’analogie satisfait parfaitement les trois critères normatifs examinés plus haut.

Il y a toutefois plusieurs manières de rejeter les conclusions obtenues par l’entremise d’une analogie sans pour autant passer par la réfutation empirique directe de l’hypothèse suggérée. Un examen de la forme que peuvent prendre ces contre-arguments sera particulièrement pertinent dans le contexte de la présente thèse puisque, comme nous le verrons aux chapitres 4 et 5, plusieurs des critiques faites à la théorie de la double hérédité (DIT) concernent la valeur épistémique de l’analogie de l’hérédité culturelle et non pas les faits empiriques rassemblés par la DIT. Il a déjà été brièvement mention de la disanalogie, mais Shelley (2002b) identifie trois autres formes de contre-arguments : la mésanalogie, la fausse analogie et la contre-analogie.

Selon Shelley, une mésanalogie consiste à identifier une erreur dans l’argument par analogie et d’en proposer une forme corrigée. Ici, la structure de l’analogie est altérée et de ce fait

les conclusions tirées dans l’analogie originale pourraient ne plus tenir. Cette forme révisée parvient à mieux satisfaire aux trois critères normatifs discutés plus haut (consistance structurelle, similarité sémantique et centralité pragmatique) et elle est donc épistémiquement supérieure à l’analogie rejetée.

Une fausse analogie est simplement une analogie fondée sur une mauvaise caractérisation du domaine source ou du domaine cible (Shelley, 2002b, 489-491). Par exemple, l’analogie de Darwin aurait été une fausse analogie si les variations affectant la survie et la reproduction des organismes n’étaient pas effectivement héritables. Comme nous le verrons au chapitre 5, la critique avancée par Sperber (1996, 2000), Atran (2001, 2002) et Boyer (1994, 1999) face à la théorie mémétique consiste à dire que l’analogie du réplicateur culturel est une fausse analogie puisque la transmission culturelle n’est pas suffisamment fiable pour que l’on puisse parler de réplicateurs. La théorie mémétique – et donc, selon Sperber, Atran et Boyd, la DIT – devrait être rejetée parce que l’analogie serait mal fondée. On montrera à la section 5.4 que cette fausse analogie repose en fait sur une mauvaise lecture de l’analogie de l’hérédité culturelle telle que les tenants de la DIT la conçoivent. Une fois la structure de l’analogie de l’hérédité culturelle clarifiée, expliquée et évaluée, on examinera à la section 7 les risques de fausses analogies et comment les tenants de la DIT pourront les éviter.

Finalement, une contre-analogie consiste simplement en une analogie qui permettrait de mieux asseoir la thèse défendue par une autre analogie. De ce fait, l’analogie originale serait rejetée en faveur de la contre-analogie (Shelley, 2002b, 487-489). On suggèrera brièvement la possibilité de construire une contre-analogie en optant pour la transmission de symbiotes comme système d’hérédité servant d’analogue source, en opposition au choix des tenants de la DIT qui, eux, optent plutôt pour le système d’hérédité génétique (voir section 7.2). Évidemment, ces différentes stratégies peuvent être utilisées les unes contre les autres. Par exemple, une mésanalogie peut être contrée par une contre-analogie, et cette dernière peut être rejetée parce qu’on y trouve une fausse analogie, etc.

La notion de disanalogie est, elle, plus controversée. On s’entend toutefois pour dire qu’une disanalogie sert à rejeter les conclusions tirées par une analogie. La théorie de la disanalogie de Shelley (2002a, 2002b) sera adoptée ici, d’abord parce qu’elle s’inscrit directement en continuité avec la théorie structurelle de l’analogie, mais aussi parce qu’elle permet de mieux rendre compte des critiques faites aux TEC et plus particulièrement à la DIT. Avant d’examiner cette théorie, on gagnera à voir brièvement comment les notions de différences et de disanalogies sont confondues l’une avec l’autre et les problèmes liés à cette confusion.

La disanalogie comme différence

Les différences entre la source et la cible sont souvent dites consister en des disanalogies puisque ces différences affaiblissent, voir même minent, les arguments par analogie (voir, par exemple, Copi & Cohen (1990)). Ainsi, une différence, tant au niveau des propriétés matérielles de la source et de la cible qu’au niveau de leurs relations structurelles, constituerait une raison acceptable de remettre en question la plausibilité d’un transfert de connaissance. Cette approche de la disanalogie s’inscrit directement dans une conception contrastiviste de l’analogie où une source et une cible sont plus ou moins analogues l’un à l’autre en fonction de la taille relative de leurs analogies positive et négative (voir annexe A).

Évidemment, une telle conception est difficilement tenable dans le cadre de la théorie structu- relle de l’analogie : une analogie est déterminée par le partage d’une structure relationnelle de haut niveau commune et non pas par le partage de propriétés matérielles particulières (section 2.2.1). D’un point de vue épistémique, l’accumulation de différences entre une source et une cible ne devrait pas avoir d’impact sur la force de l’analogie si ces différences ne se situent pas au niveau de la structure profonde de la source et celle de la cible. Par exemple, dans le cas de l’analogie du modèle atomique Rutherford/Bohr au système solaire, le fait que le noyau d’un atome ne soit pas aussi brûlant ou lumineux ou encore aussi massif que le soleil ne mine pas l’analogie.

Une différence au niveau des relations de haut niveau peut toutefois avoir un impact sur la valeur épistémique d’une analogie, et ce, de deux manières. D’une part, une telle différence implique que la projection de la source sur la cible ne sera pas ou bien isomorphe (différence structurelle), ou bien sémantiquement équivalente (différence sémantique) ou bien les deux. Ce type de différence a déjà été traité et on a vu que selon la conception structurelle, ces différences affaiblissent l’analogie, mais qu’elles n’en constituent toutefois pas des réfutations. Il ne semble donc pas y avoir de plus-value à adopter le nouveau terme « disanalogie » pour référer à des notions déjà comprises dans la conception structurelle.

D’autre part, une différence dans les relations de haut niveau pourrait avoir un impact au niveau pragmatique, notamment en affectant la structure causale de l’analogie de telle manière à en diminuer la force explicative. Toutefois, comme Shelley (2002a) le remarque, une différence au niveau des relations pertinentes au transfert de connaissance n’implique pas nécessairement une disanalogie. L’exemple présenté à cet effet concerne la consommation d’essence de deux voitures. Supposons deux voitures qui ont un poids et un moteur de puissance équivalente. Ces propriétés sont pertinentes en ce qui a trait à savoir si les deux voitures ont une consommation d’essence similaire par kilométrage. Toutefois, supposons maintenant que l’une a une forme plus aérodynamique alors que l’autre a un moteur dont la consommation d’essence est plus écono-

mique. En concevant une disanalogie comme une différence, ces différences devraient affaiblir l’analogie entre les deux voitures. Pourtant, ces différences pourraient avoir le même effet sur la consommation d’essence par kilomètre et ainsi fortifier l’analogie entre les deux voitures. Par exemple, l’aérodynamisme de la première voiture pourrait compenser pour l’économie d’essence de l’autre (Shelley, 2002a, 83-84). Dans cette situation, l’identification de différences pertinentes n’implique pas un affaiblissement de l’analogie, c’est-à-dire qu’il n’y a pas disanalogie malgré la présence de différences jouant un rôle causal dans l’analogie. L’adéquation entre différence et disanalogie ne tient donc pas la route si une disanalogie est censée servir de contre-argument à une analogie.

La disanalogie comme analogie

En opposition à cette conception, Shelley (2002a, 2002b) propose alors de penser la disanalo- gie comme une analogie possédant deux propriétés particulières. D’une part, une disanalogie partage avec une autre analogie (son modèle) une même structure de base. Cette structure com- porte les éléments pertinents pour le transfert de connaissance effectué par l’analogie modèle (structure causale explicative). Toutefois, une disanalogie introduit d’ordinaire un ou quelques éléments structuraux supplémentaires. Ces éléments ne sont pas arbitrairement choisis : ce sont généralement des faits concernant la source qui n’ont pas été incorporés dans la description de la source, mais qui sont effectivement reconnus par l’analogiste. La disanalogie intègre ces éléments non controversés pour montrer que l’on parvient à tirer certaines conclusions par l’entremise de l’analogie modèle parce que cette dernière néglige des éléments causaux pertinents pour le trans- fert de connaissances. D’autre part, la disanalogie et son modèle, quoique structurés de manière similaire, supportent des conclusions incompatibles. De ce fait, identifier une disanalogie sert à montrer que puisque des conclusions contradictoires peuvent être tirées d’une même analogie, ou de deux analogies structurellement très similaires, les conclusions tirées de l’analogie modèle doivent être rejetées.

Puisque de proposer une disanalogie consiste à proposer une nouvelle analogie, les mêmes critères d’évaluation épistémiques (systématicité, similarité sémantique, centralité pragmatique) s’appliquent à l’analyse d’une disanalogie. Ainsi, une disanalogie peut être plus ou moins forte et donc miner plus ou moins profondément une analogie. De plus, puisque les deux analogies sont structurées différemment, on pourra rendre compte d’une disanalogie par l’entremise d’un tableau analogique et ainsi mettre en évidence les éléments de divergences entre la disanalogie et son modèle (Shelley, 2002a).

Finalement, il est possible de contrer une disanalogie en utilisant l’un des moyens discutés au début de la présente section. Ainsi, on pourrait la critiquer en montrant qu’elle est mal construite (mésanalogie), en montrant qu’elle se fonde sur une fausseté (fausse analogie), ou

encore proposant une contre-analogie qui parvient aux mêmes conclusions que l’analogie modèle (Shelley, 2002b).

Les notions concernant les contre-arguments possibles à une analogie explicative étant mises en place, on pourra maintenant évaluer leur efficacité analytique en les employant dans l’examen d’une disanalogie avancée contre l’analogie entre sélection artificielle et sélection naturelle avancée par Darwin.

Disanalogie du pouvoir de spéciation

Richard A. Richards (1997, 1998) défend la thèse selon laquelle l’analogie offerte dans les quatre premiers chapitres de l’Origine des espèces n’en serait pas une explicative. Au contraire, Darwin y proposerait plutôt une analogie dans le but de faciliter la tâche du lecteur dans sa compréhension de la structure de sa théorie de la descendance avec modification (Richards, 1997, 94-97). Toujours selon Richards, l’analogie ne pouvait pas avoir un rôle explicatif puisque Darwin était lui-même au courant d’une importante disanalogie qui minerait le pouvoir explicatif de son analogie. Cette disanalogie concerne le pouvoir de spéciation du processus de sélection naturelle et l’absence d’un pouvoir analogue du côté de la sélection artificielle.

Richards (1997) attribue à Alfred Russel Wallace, le « co-découvreur » de la théorie de l’évolu- tion par sélection naturelle, la première énonciation de cette critique (Wallace, 1858). L’argument par analogie de Darwin échoue en tant qu’analogie explicative parce qu’elle repose sur l’idée que tout comme la sélection artificielle produit de nouvelles variétés, la sélection naturelle produit de nouvelles espèces. En d’autres mots, la sélection naturelle serait un mécanisme de spéciation (Darwin, 1859, 111-126). Or, Richards fait remarquer que les éleveurs et cultivateurs ne sont jamais parvenus à produire de nouvelles espèces. Au contraire, il était bien connu à l’époque que les variétés artificielles, si elles sont laissées à elles-mêmes sans interventions de la part de l’être humain, se résorberont jusqu’à retourner à leur forme ancestrale et naturelle (Richards, 1997, 76-78 ; Darwin, 1859, 14-15 ; Wallace, 1858). De ce fait, l’analogie de Darwin ne pourrait soute- nir la conclusion selon laquelle la sélection naturelle peut effectivement produire de nouvelles espèces sur la base d’une analogie avec la sélection artificielle parce que la sélection artificielle elle-même est incapable de produire de nouvelles espèces. Au contraire, selon Richards, ce que l’analogie montre c’est qu’à l’époque, les processus soutenus de sélection artificielle étaient incapables de produire de nouvelles espèces. Richards cite à cet effet une critique apportée par Fleeming Jenkin, un contemporain de Darwin :

That the theory rests on the assumption that natural selection can do slowly what man’s selection does quickly ; it is by showing how much man can do, that Darwin hopes to prove how much can be done without him. But if man’s selection cannot double, quadruple, centuple, any special divergence from a parent stock, why should

FIGURE2.5. – Tableau de la disanalogie du pouvoir de spéciation. Quatre nouvelles relations, deux pour chaque analogue, sont introduites. Du côté de la source, on note que le processus de sélection artificielle ne parvient à produire que des variétés de la même espèce, alors que du côté de la sélection naturelle ce sont de nouvelles espèces qui sont produites. Les éléments transférés sont indiqués en italique. L’alignement conflictuel est indiqué en caractère gras.

we imagine that natural selection should have that power ? (Jenkin dans Hull (1973), tel que cité dans Richards, 1997, 76)

Ainsi, en employant une analogie structurellement très similaire à celle avancée par Darwin, Richards en vient toutefois à en tirer une conclusion contraire : « In effect, the analogy with domestic breeding suggests the inefficacy of selection in forming new species – regardless of its efficacy in producing large change. » (Richards, 1997, 76 ; emphase dans l’original). La structure de la disanalogie est présentée à la figure2.5.

La disanalogie du pouvoir de spéciation consiste à complémenter l’analogue source de l’analo- gie de la descendance par modification d’une relation de haut niveau, rendue par produita(choisita,

même-espècea), où le processus de sélection génère des variétés appartenant à la même espèce

(même-espècea(races-actuelles, races-ancestrales)). Cette disanalogie permet alors de transférer

ces deux relations vers la cible, forçant ainsi la conclusion que la sélection naturelle n’est apte qu’à engendrer de nouvelles variétés appartenant à la même espèce. Or cette conclusion contredi- rait la thèse que Darwin tire de son analogie, thèse selon laquelle la sélection naturelle serait à l’origine des espèces sauvages.

Les éléments introduits par la disanalogie satisfont parfaitement aux critères structuraux de systématicité et de similarité sémantique. En effet, les nouvelles relations introduites sont parfaitement isomorphes, tant au niveau des relations de haut niveau que dans l’alignement de leurs arguments. Ce nouvel alignement est aussi cohérent avec l’alignement des autres relations déjà présentes dans l’analogie de Darwin. Finalement, les relations introduites ont la même signification des deux côtés de l’analogie.

C’est au niveau du critère pragmatique que la disanalogie parvient à miner les conclusions tirées de l’analogie de la descendance avec modification. En effet, il est présupposé dans l’argumentation de Darwin que la descendance avec modification ne concerne pas simplement le changement d’une même espèce, celle-ci conservant toutefois son identité au travers le temps. Au contraire, les différentes espèces sont censées être le produit de l’effet cumulatif de la sélection naturelle. Or, en montrant que, du côté de la sélection artificielle, la structure causale de celle-ci est inapte à produire de nouvelles espèces, il semble y avoir là une bonne raison de douter qu’un processus analogue de sélection naturelle soit capable de générer de nouvelles espèces. En fait, la conclusion la mieux soutenue par la structure causale alignée dans l’analogie consisterait à dire que la sélection naturelle est un processus inefficace pour la production de nouvelles espèces, mais qu’elle est apte à produire de nouvelles variétés d’une même espèce.

Cette conclusion contredit évidemment celle tirée au quatrième chapitre de l’Origine. En identifiant une analogie très similaire à celle de Darwin (son modèle), – , les seules différences étant des faits qui ont été effectivement identifiés dans l’Origine (Darwin, 1859, 13-16) – Richards parvient à montrer que les conclusions tirées par Darwin ne sont pas bien fondées puisque des conclusions contraires peuvent être tirées de la disanalogie. De ce fait, si Darwin cherchait à utiliser une analogie entre sélection artificielle et sélection naturelle de manière explicative, il serait dans l’embarras puisqu’il ne parviendrait en fait qu’à argumenter contre sa propre théorie. De ce fait, l’analogie entre sélection artificielle et sélection naturelle n’aurait pas pour objectif de soutenir une hypothèse explicative, mais plutôt d’amener le lecteur à apprécier les différents aspects d’un processus de sélection directionnel et sa capacité à accumuler les variantes avantageuses au sein d’une espèce.

Pourtant, Darwin ne semble pas endosser cette conception de l’analogie. En effet, conjoin- tement à l’extrait de l’introduction à l’Origine cité à la section 2.3.2 où Darwin affirme que la sélection artificielle lui servira à fonder sa théorie, Darwin semble en fait endosser un usage explicatif de l’analogie. En fait, Darwin semble avoir anticipé la critique de Richards en discutant de l’incapacité de la sélection artificielle à produire de nouvelles espèces. La disanalogie est rejetée en argumentant que le pouvoir de discrimination beaucoup plus subtil de la sélection, allié à la somme totale des organismes qui seront effectivement discriminés, et ce, pendant des périodes de temps beaucoup plus longues que n’en ont bénéficié les éleveurs et cultivateurs, permettra d’assurer des changements beaucoup plus profonds au sein des espèces sauvages. La spéciation serait alors un de ces effets extrêmes.

Dans l’Origine des espèces, Darwin rejette l’idée selon laquelle les espèces sont des essences autour desquelles gravitent les différents organismes et leurs différences individuelles (Mayr, 1959 ; Sober, 1980). Darwin remet en doute l’existence d’une distinction forte entre variétés d’organismes et espèces d’organismes (Darwin, 1859, chapitre 2), distinction adoptée par la plupart des naturalistes de son époque (Mayr, 1959, 1982). En fait, les espèces ne seraient que des variétés d’organismes dont les différences avec les autres variétés seraient particulièrement marquées : « [...] domestic races of the same species differ from each other in the same manner as, only in most cases in a lesser degree than, do closely-allied species of the same genus in a state of nature. » (Darwin, 1859, 16) Contrairement à Richards qui semble adopter une distinction forte entre variété et espèce (ce seraient deux types d’entités différents), Darwin assimile explicitement la notion d’espèce à celle de variété, leur différence n’étant, au final, qu’une question de degré de différence :

In the first place, varieties, even strongly-marked ones, though having somewhat of the character of species – as is shown by the hopeless doubts in many cases how to rank them – yet certainly differ from each other far less than do good and distinct species. Nevertheless, according to my view, varieties are species in the process of formation, or are, I have called them, incipient species. (Darwin, 1859, 111)

En adoptant une telle notion d’espèce, Darwin rejette la pensée typologique de son époque pour la remplacer par une forme de pensée populationnelle (Mayr, 1959). En effet, la différence entre deux espèces et deux variétés ne serait pas une différence de genre mais bien de degré. De ce fait, la production de nouvelles variétés et celle de nouvelles espèces deviennent elles-mêmes affaires de degrés. Darwin doit donc montrer par son analogie de la descendance avec modification que la sélection naturelle est apte à produire des changements beaucoup plus profonds et marqués dans la variation des populations d’organismes que n’en est capable la sélection artificielle. Or,