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Le présent exposé sera divisé en deux parties : la première servant à mettre en place les outils d’analyses de la théorie structurelle de l’analogie ainsi que les concepts fondamentaux et l’organisation théorique de la DIT, la seconde opérant l’analyse structurelle et philosophique de l’analogie de l’hérédité culturelle.

La première partie sera divisée en deux chapitres qui pourront se lire dans un ordre ou dans l’autre. Le chapitre 2 rendra compte de la théorie structurelle de l’analogie, méthode d’analyse et d’évaluation des analogies scientifiques employées tant en sciences cognitives qu’en philosophie des sciences. Celle-ci offrira un cadre conceptuel et analytique qui permettra une analyse fine de la structure logique ainsi que des implications épistémiques de l’analogie de l’hérédité culturelle. En vue d’illustrer comment cette théorie permet d’analyser une analogie explicative, les notions clefs de cette théorie seront appliquées par l’entremise d’une analyse de cas, soit l’analogie entre la sélection artificielle et la sélection naturelle développée dans les quatre premiers chapitres de L’origine des espècesde Charles Darwin.

Le chapitre 3 consistera en un exposé concis du coeur conceptuel de la théorie de la double hérédité(DIT). On y identifiera les différentes notions clefs qui participeront à la construction et à la mise en application de l’analogie de l’hérédité culturelle. Notamment, il sera question

de rendre compte des principales entités et des mécanismes causaux autour desquels la DIT s’est organisée en théorie explicative. Cet exposé sera évidemment incomplet puisqu’il ne sera pas question de faire une revue exhaustive des travaux théoriques visant à expliquer l’évolution culturelle de certaines ethnies particulières ni non plus d’évaluer la valeur explicative effective de la théorie de l’évolution culturelle de l’altruisme ni non plus de celle de la sélection de groupes culturels. Les principaux travaux théoriques et empiriques seront toutefois indiqués au fil de la discussion pour que le lecteur intéressé puisse retrouver aisément ces travaux. La raison principale motivant leur exclusion provient du fait que ces théories plus particulières dépendent d’une théorie de l’hérédité culturelle. Elles sont donc périphériques au noyau dur du programme de recherche de la DIT. L’annexe B examinera en plus de détail les différents projets explicatifs auxquels servira le cadre conceptuel évolutionnaire de la culture avancée par les tenants de la DIT.

La seconde partie de la thèse, divisée en trois chapitres, examinera la structure logique et la valeur épistémique de l’analogie de l’hérédité culturelle.

Les chapitres 4 et 5 seront dédiés à rendre compte de la structure logique des analogies constitutives de l’analogie de l’hérédité culturelle, soit l’analogie développementale et l’analogie populationnelle respectivement. Ces deux analogies n’ont pas été explicitement distinguées dans la littérature concernée par la DIT bien que les tenants de la DIT les emploient abondamment. On argumentera dans ces deux chapitres que ce n’est qu’en clarifiant la structure de ces deux analogies constitutives qu’il deviendra possible de clarifier la structure de l’analogie de l’hérédité culturelle et ainsi d’en évaluer la valeur explicative. Une critique par disanalogie sera identifiée pour chacune de ces deux analogies et il sera question d’examiner la manière dont un rendu clair et distinct de ces deux analogies constitutives permet d’identifier les forces et faiblesses des critiques de la DIT, et par conséquent de la DIT elle-même.

Puisque ces deux analogies seront examinées séparément, il ne sera pas possible d’entreprendre une analyse de la force épistémique de l’analogie de l’hérédité culturelle avant que l’interface entre ses deux constituantes soit clarifiée. C’est au chapitre 6 que l’on analysera cette interface de manière à formuler clairement la structure complète de l’analogie de l’hérédité culturelle. On pourra alors fournir une évaluation de la valeur explicative de cette analogie structurellement complexe et ainsi déterminer si l’analogie de l’hérédité culturelle est effectivement une analogie viable d’un point de vue épistémique. Il sera donc question d’établir si les tenants de la DIT parviennent effectivement, par cette analogie, à offrir un support justificatif à l’emprunt du cadre conceptuel darwinien employé en biologie évolutionnaire et à les adapter en vue d’expliquer les phénomènes de persistance et de changement dans la diversité culturelle. On montrera que l’analogie de l’hérédité culturelle parvient effectivement à justifier un tel transfert conceptuel des

sciences biologiques vers une science évolutionnaire de la culture, mais que le prix à payer pour ce transfert consiste à établir une analogie suffisamment abstraite pour assurer aux processus d’apprentissage social le statut de système d’hérédité.

Indications méthodologiques

Avant de procéder à l’analyse des fondements conceptuels et analogiques de la DIT, il est nécessaire d’avertir le lecteur de certains choix théoriques, méthodologiques et lexicographiques qui ont été faits en vue de produire la présente thèse.

Un premier choix théorique important dans la présente thèse consiste à ne pas traiter de la théorie mémétique. La mémétique constitue une théorie darwinienne de l’évolution culturelle distincte de la DIT, quoique la DIT aIT longtemps été considérée (à tort) comme une forme plus mathématisée de la mémétique (Sperber, 1996 ; Boyd & Richerson, 2000 ; Kendal & Laland, 2000 ; Laland & Brown, 2002). Les deux théories adoptent une analogie entre hérédité génétique et hérédité culturelle comme fondement d’une théorie de l’évolution culturelle ainsi que comme justification de l’emprunt du cadre conceptuel explicatif de la biologie évolutionnaire. Pour ajouter à la confusion, certains tenants de la DIT ont parfois emprunté le terme « mème » comme mot clef bien qu’ils se soient tout de même explicitement dissociés des fondements théoriques de la mémétique (par exemple, Durham (1991) réfère aux différentes variantes culturelles comme des « allomemes »). Un aperçu des relations conceptuelles et des similarités et différences théoriques entre la DIT et la mémétique est présenté à l’annexe C à titre purement informatif puisque la mémétique ne sera pas considérée au cours de la présente analyse.

Il est vrai qu’en comparaison à la DIT, la mémétique n’a pas joui d’un développement théorique et empirique aussi vaste que celui de la DIT (Laland & Brown, 2002 ; Mesoudi et al., 2006). La plupart des ouvrages traitant de la mémétique sont des livres de vulgarisation destinés à un publique de non-spécialistes (voir, par exemple, Dawkins (1976/1989), Lynch (1996), Blackmore (1999), Distin (2005)) et il y a très peu de recherches empiriques proprement mémétiques (voir, par exemple, Plocklington & Best (1997), Jan (2000, 2007), Crozier (2010)), contrairement à la DIT qui semble, en ce sens, être un programme de recherche en pleine effervescence (voir section 3.1). Le Journal of Memetics - Evolutionary Models of Information Transmission, journal scientifique spécialisé sur la théorie mémétique, a été fondé par ses principaux tenants, alors que la DIT n’a pas de journal spécialisé. Néanmoins, la publication de ce journal s’est achevée au neuvième volume, lorsque les éditeurs ont renoncé à la mémétique sous prétexte qu’elle était, toutes choses considérées, dénuée de scientificité (Edmonds, 2002, 2005 ; voir annexe C).

De plus, il ne semble pas y avoir de consensus chez les méméticiens autrement que de dire que la culture est constituée de réplicateurs culturels, c’est-à-dire d’entités informationnelles qui parviendraient à produire des copies d’elles-mêmes en se transmettant d’un individu humain à un

autre (voir annexe C à ce sujet). La manière dont les mèmes se répliqueraient, le substrat matériel de ces entités et la signification d’un analogue mémétique de la distinction génotype/phénotype sont des éléments centraux pour une théorie évolutionnaire de la culture mais sont hautement controversés au sein même de la mémétique. Autrement dit, il semble y avoir autant de théories de la mémétique qu’il y a de méméticiens, de telle sorte qu’il est problématique de parler de la théorie mémétique. Or, au sein de la DIT, on s’entend sur les fondements conceptuels et formels, les conflits entourant surtout des questions empiriques – par exemple, les raisons adaptatives ayant participé à la coévolution observée entre la capacité métabolique de consommation du lactose par les adultes des peuples grégaires et les traditions d’élevage des peuples humains (voir l’annexe B à ce sujet).

Les raisons ayant motivé l’exclusion de la mémétique dans la présente thèse sont principale- ment méthodologiques. En effet, un traitement systématique de l’analogie de l’hérédité culturelle au fondement de la théorie mémétique devra prendre en considérations l’ensemble des différentes variantes d’une telle analogie et des dissensions entre méméticiens à son sujet. De plus, on ne s’entend même pas sur la réalité d’une telle analogie comme fondement de la mémétique. Par exemple, Hull (1982, 1988a, 1988b, 2000, 2001) et Blackmore (1999, 2000, 2010) ne s’entendent pas sur la nature de l’analogie au fondement de la mémétique et ils en sont simplement venus à dire que la mémétique ne faisait simplement pas appel à une analogie (Hull, 2000 ; Blackmore, 2010).

Du côté de la DIT, outre les tenants de la DIT qui ne s’intéressent simplement pas aux fondements analogiques de la DIT (par exemple, voir Laland & Brown (2002)), il y a très peu de dissension sur la nature de cette analogie. La conception de Boyd & Richerson (1985) semble avoir primé sur celle de Cavalli-Sforza & Feldman (1981). Toutefois, en plus de s’entendre sur les méthodes de formalisation des phénomènes évolutionnaires de la culture, les différences dans l’analogie de l’hérédité culturelle de ces deux partis ne semblent pas avoir joué de rôle dans le développement de la DIT. Ces différences seront examinées principalement à la section 4.5. Puisque l’objet central de la présente thèse consiste à examiner la manière dont une analogie peut servir de support épistémique pour l’avancement d’une théorie scientifique et pour le transfert interdisciplinaire de concepts explicatifs, d’outils formels et de stratégies explicatives, la DIT s’impose alors d’elle-même comme un candidat privilégié pour effectuer une telle analyse.

Un traitement exhaustif de l’usage d’analogies dans la construction de théories darwiniennes de l’évolution culturelle devra ultimement passer par l’analyse des analogies au fondement de la mémétique. Malgré les doutes soulevés par plusieurs sur le caractère scientifique de la mémétique (voir, principalement, Aunger (2000a)), celle-ci demeure généralement la théorie darwinienne de l’évolution culturelle la mieux connue dans le domaine académique, quoique la DIT semble

prendre de plus en plus de place dans les traitements critiques faits par des philosophes de la biologie (voir, par exemple, Wimsatt (1999), Lewens (2009a, 2012)). Toutefois, une telle entreprise est beaucoup trop ambitieuse pour le contexte actuel d’une thèse doctorale et on se concentrera donc ici sur la DIT.

Un second choix théorique consiste à traiter de la DIT dans une perspective ouverte vis-à-vis la nature des unités de sélection biologiques ainsi que de leurs analogues culturels. La DIT a été formulée dans un contexte où les approches génocentriques de l’évolution dominaient (Williams, 1966 ; Dawkins, 1976, 1982 ; Wilson, 1975) et où la biologie néo-darwinienne ne faisait pas grand cas de l’impact du développement sur l’évolution biologique (Mayr & Provine, 1998 ; Pigliucci & Müller, 2010). La biologie évolutionnaire contemporaine a adopté une approche génocentrique de l’unité de sélection biologique où les gènes, étant donné leur nature de réplicateur, sont considérés comme les facteurs développementaux et comme les facteurs héréditaires privilégiés du domaine biologique (Williams, 1966 ; Dawkins, 1976, 1982 ; Sterelny et al., 1996 ; Sterelny, 2001).

Récemment, en opposition à cette conception de l’unité fondamentale de la sélection darwi- nienne, certains biologistes et philosophes ont proposé une approche alternative où les gènes ne seraient qu’un facteur développemental et qu’une forme d’hérédité parmi d’autres. Selon la deve- lopmental systems theory(DST), l’unité fondamentale de la théorie darwinienne de l’évolution serait alors le système développemental complet d’un organisme, c’est-à-dire l’ensemble des processus causaux menant à la production et à la reproduction d’un organisme (Oyama, 1985 ; Oyama et al., 2001 ; Griffiths & Gray, 1994, 1997, 2001 ; Griffiths & Neumann-Held, 1999). D’autres ont préféré parler de la réplication comme une forme particulière de reproduction, ouvrant ainsi la voie à d’autres formes d’hérédité (par exemple, voir Griesemer, 2000 ; Jablonka, 2001). Ces alternatives mettent une emphase particulière sur le rôle du développement dans l’évolution biologique, rôle qui a longtemps été négligé au sein de la théorie néo-darwinienne de l’évolution (Mayr & Provine, 1998 ; Pigliucci & Müller, 2010).

Malgré le contexte théorique ambiant de l’époque, les tenants de la DIT ne se sont jamais associés directement à une position strictement génocentrique de l’évolution (Richerson, 1997). En fait, la DIT est elle-même une théorie de l’hérédité alternative à l’hérédité génétique et de ce fait ne peut souscrire à une approche strictement génocentrique de l’hérédité biologique. De plus, comme il en sera question dans les chapitres qui suivront, l’analogie de l’hérédité culturelle avancée par les tenants de la DIT n’adopte pas une conception spécifiquement génétique de l’hérédité biologique (voir section 7.1). Contrairement à la théorie mémétique où la notion de réplicateur est centrale, les tenants de la DIT ne lui octroieront aucun rôle spécial au sein de l’évolution culturelle.

Cet aspect de la DIT est souvent mal compris comme en attestent les confusions fréquentes avec la théorie mémétique (Boyd & Richerson, 2000 ; Laland & Brown, 2002 ; Henrich & Boyd, 2002 ; Henrich et al., 2008). La présente analyse cherchera à rendre justice à la DIT en évacuant largement toutes considérations spécifiques liées à une thèse stricte de l’unité culturelle comme réplicateur culturel (voir section 3.2.2). Insister sur la notion de réplicateur consisterait à dénaturer la théorie de l’hérédité culturelle avancée par les tenants de la DIT, erreur fréquemment faite par les critiques de la DIT qui ne font pas de distinction forte entre la DIT et la mémétique (Boyd & Richerson, 2000 ; pour un exemple récent de cette confusion, voir Blute (2010)). Cet agnosticisme sur la nature ontologique des facteurs héréditaires culturels permet alors de dégager le cadre conceptuel de la DIT d’une théorie matérielle spécifique des entités culturelles (voir section 3.2.1) et de mettre plutôt l’emphase sur le rôle évolutionnaire et développemental de ces unités culturelles.

Toutefois, sans être des génocentristes, les tenants de la DIT n’octroient pas beaucoup d’im- portance à la portion développementale de l’analogie de l’hérédité culturelle. La présente thèse cherchera à éviter cet écueil néo-darwinien en mettant à jour les aspects développementaux implicites dans la DIT et de les mettre en évidence de manière à exposer clairement la teneur et la structure de l’analogie de l’hérédité culturelle. Cette insistance sur l’aspect développemental de l’hérédité culturelle n’a pratiquement pas d’antécédents dans la littérature concernée par l’évolution culturelle (voir, par exemple, Wimsatt (1999) et Ingold (2002)) et il sera l’objet du chapitre 4, concerné par la structure de l’analogie développementale, d’argumenter sur les bénéfices d’examiner cet aspect trop souvent négligé.

Un dernier point doit être soulevé avant de procéder à l’analyse de l’analogie de l’hérédité culturelle. Certains termes qui seront employés contreviendront au lexique traditionnel de la langue française. Notamment, certains termes, que l’on pourra considérer ici comme des néo- logismes, seront employés en traduction littérale de termes de langue anglaise qui n’ont pas d’équivalents simples en langue française. Par exemple, le terme « maladaptatif », traduction littérale du terme anglais « maladaptative », sera employé pour désigner l’impact négatif d’un trait phénotypique sur la fitness escomptée de son porteur. Le terme « évolutionnaire » sera aussi employé comme traduction du terme anglais « evolutionary ». On parle parfois de « biologie évolutive », ce qui semble suggérer que c’est la biologie qui évolue, et de « biologie évolution- niste », où l’on semble opposer la biologie à une théorie fixiste des espèces, ce qui n’est pas une thèse proprement darwinienne. Dans la littérature anglophone, l’expression « evolutionism » est employée en ce sens plus général, alors que « evolutionary biology » réfère directement à la biologie issue de la synthèse moderne. Cette distinction est préférée ici.

Finalement, une violence particulière à la langue française sera faite par l’emploi de l’adjectif « développemental » tout au long de la thèse. Ainsi, au chapitre 4, il sera question de la portion développementale de l’analogie de l’hérédité culturelle. Ce terme n’est pas supposé en être un français, et il est évidemment une traduction littérale de son analogue anglais. Ce terme sera employé principalement parce qu’il permettra d’éviter des circonvolutions grammaticales parfois complexes. Il sera donc question de facteurs développementaux, du rôle développemental de l’hérédité, etc., plutôt que des facteurs du développement, du rôle du système d’hérédité dans le développement et/ou du rôle du développement dans l’hérédité, etc. J’espère que le lecteur saura me pardonner ces violences peut-être capricieuses.

Première partie

The basic point of departure for the dual inheritance model is the analogy between genes and culture. (Boyd & Richerson, 1985, 30)

Approcher les phénomènes de changements culturels dans une perspective darwinienne requiert la refonte d’une large partie de l’ontologie des domaines étudiés par les sciences sociales. Or ce remaniement des frontières entre les entités culturelles et sociales implique de reconceptualiser les mécanismes et processus à l’oeuvre dans le domaine culturel. La clef de voûte de ce nouveau cadre conceptuel repose sur l’hypothèse consistant à comprendre les processus de transmission culturelle (imitation, enseignement, etc.) comme un système d’hérédité culturelle. Il n’est donc pas surprenant que la résistance des scientifiques et philosophes face à la DIT se soit traduite par des attaques critiques concentrées sur l’hypothèse de l’hérédité culturelle.

Comme il en a été question au chapitre précédent, le fondement justificatif de l’hypothèse de l’hérédité culturelle est un argument par analogie comparant les processus d’apprentissage social aux mécanismes d’hérédité génétique. Selon les tenants de la DIT, l’analogie montre que les processus d’apprentissage social consistent en fait en un second système d’hérédité humain, parallèle mais distinct à son analogue génétique parce que les deux types de mécanismes partagent certaines propriétés clefs. À partir de cette analogie, les tenants de la DIT proposent de reconceptualiser le domaine culturel dans une perspective darwinienne, d’emprunter les outils formels des sciences biologiques – principalement de la génétique et de l’écologie des populations12– et de les adapter aux particularités des phénomènes culturels :

[W]e will use the synthetic theory as a source of analogies and formal mathematical machinery with which to build a theory of the evolution of culture. There are

12. Il sera question ici exclusivement des modèles évolutionnaires empruntés à la génétique des populations. Les modèles écologiques ne reposent généralement pas sur un principe de transmission de traits parce qu’ils s’intéressent aux fluctuations dans le nombre d’individus constituant une population (Turchin, 2003) et non pas à la distribution de la variation au sein des populations. Étant donné la centralité de l’analogie de l’hérédité culturelle dans la présente thèse, on ignorera donc l’emprunt des modèles populationnels et démographiques issus de l’écologie des populations.

important differences between the genetic and cultural inheritance systems, and the theory will by no means neglect them. However, the parallels are profound enough that there is no need to invent a completely new conceptuel and mathematical apparatus to deal with culture. (Boyd & Richerson, 1985, 4)

Cette analogie a été souvent reçue avec un fort scepticisme et la grande majorité des critiques faites à l’endroit de la DIT tournent autour de la valeur épistémique d’un argument par analogie dans un contexte de construction de théories scientifiques. L’absence d’une analyse systématique de l’argument par analogie avancé par les tenants de la DIT ainsi que sa valeur épistémique a fait défaut jusqu’à présent. De plus, il ne semble pas y avoir consensus sur la structure même de cette analogie, ni non plus sur les inférences qui peuvent en être dégagées.

La présente section se divise en deux chapitres qui pourront être lus dans un ordre comme dans l’autre. Le chapitre 2 examinera en détail la théorie structurelle de l’analogie, théorie selon laquelle un argument par analogie consiste à identifier une structure de propriétés de haut niveau commune entre deux analogues et offrant une mécanique pour évaluer la force épistémique des analogies (section 2.2). La théorie structurelle offre un cadre d’évaluation des analogies explicatives permettant d’évaluer à la fois la structure logique d’une analogie (section 2.2)