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Chapitre 1 : L’approche méthodologique

1.5. Terminologie

Le quatrième enjeu méthodologique en est un de définition puisque peu d’auteurs s’entendent sur les termes liés à la fonction de « concepteur de costumes ». Certains retiendront cette dénomination, tandis que d’autres utiliseront les termes de « costumier », de « concepteur de costumes », de « designer » ou de « scénographe ». De plus, il y a une différence à souligner entre les termes reconnus en France et au Québec, puisque les deux milieux ne définissent pas toujours les fonctions liées à chacune des appellations de la même façon. Les Français ont été les premiers à nommer les différents rôles des concepteurs de théâtre, il est donc important de les mentionner, mais la différence avec le Québec est notable.

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Si on se réfère à Michel Corvin, auteur du Dictionnaire encyclopédique du théâtre, un costumier est un « créateur et / ou [un] réalisateur de costumes de théâtre29 ». Une

définition qui peut porter à confusion puisqu’un créateur est celui qui imagine le costume et le dessine, qui voit à sa conception, tandis que le réalisateur est celui qui le fabrique et qui veille donc à sa confection. Un costumier, selon la définition de Corvin, peut être soit celui qui ne fait que dessiner les costumes, soit celui qui les conçoit en plus de les confectionner. Il est à noter que le terme « costumier » désigne aussi le « lieu où l'on revêt des costumes30 », de même que le lieu où l’on remise les vêtements de scène. Ces

différentes appellations peuvent donc ajouter à la confusion. En outre, le terme « costumière », en plus d’être le féminin de costumier, fait également référence à la répétition générale où les acteurs portent leur costume pour la première fois.

En France, comme le souligne Agnès Pierron, le costumier est surtout considéré comme « celui ou celle qui conçoit les costumes et surveille leur fabrication. […] Il est rare que celui qui conçoit les costumes les réalise aussi. […] Afin d’éviter toute ambiguïté, on a tendance à séparer le concepteur-costumes du réalisateur-costumes31 ». En France, le

réalisateur-costume fabrique les vêtements alors que le concepteur-costumes les dessine. Tandis qu’au Québec, le costumier, aussi désigné sous le titre concepteur des costumes, se définit comme le « responsable de la conception et du suivi de la réalisation des costumes et des accessoires de costumes d’un spectacle. Plus particulièrement, il interprète, transpose et imagine l’œuvre en production sous forme de costume. […] Il assure le suivi de sa création en participant à la supervision des travaux de réalisation des costumes et des accessoires de costumes32 ». Au Québec, la plupart du temps, une seule personne est

responsable de la conception et de la confection ou de la supervision de la fabrication des costumes. Ainsi, par faute de moyens, le costumier est parfois à la fois créateur et réalisateur ; ce qui a été le cas de Barbeau pendant ses premières années de carrière avant

29 Michel CORVIN (1998), « Costumier », Dictionnaire encyclopédique du théâtre, A-K, Paris, Larousse, coll. « In

Extenso », p. 414.

30 « Costumier, ière » (2005), Lexicographie, Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL),

Nancy, [en ligne]. http://www.cnrtl.fr/definition/costumier [Texte consulté le 24 juin 2017].

31 Agnès PIERRON (2009), « Costumier, costumière », Dictionnaire de la langue du théâtre. Mots et mœurs du

théâtre, Paris, Éditions Dictionnaire Le Robert, p. 145.

32 Roger PONCE et André SIMARD (2010), Les métiers des arts de la scène, Montréal, Centre collégial de

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qu’il ait les moyens d’engager un assistant qui allait superviser la confection des vêtements de scène pour lui.

Renée Noiseux-Gurik, professeure de scénographie et conceptrice de costumes, décrit ainsi les tâches d’un costumier québécois : « On demande, grosso modo, d’un bon costumier qu’il connaisse, en plus de la littérature dramatique, la coupe et les tissus, la psychologie des personnages, l’histoire du costume et qu’il sache, bien entendu, dessiner des maquettes et ajuster sa création à celle du décorateur et de l’éclairagiste33 ». Le

concepteur de costumes est désigné comme celui qui imagine le vêtement de scène, mais qui en supervise également la confection, allant jusqu’à le coudre lui-même au besoin. Nous conviendrons que « costumier » et « concepteur de costumes » correspondent ici à la même fonction et c’est pourquoi nous utiliserons les deux termes indifféremment, pour éviter les redites.

Le décorateur est une autre désignation du métier de costumier qui n’est plus utilisée au Québec et qui était défini par Agnès Pierron comme étant le « nom donné […] au costumier créateur de costumes, pour le distinguer de celui qui les réalise et qui est, aussi, un costumier34 ». Il faut noter que ces définitions sont appelées à évoluer en fonction

des mutations que peut connaître ce milieu. Puisque le terme « décorateur » n’est que très rarement utilisé au Québec, Barbeau sera plutôt désigné sous l’appellation de costumier, de concepteur de costumes ou de scénographe.

Toutefois, un désaccord règne dans la définition du terme « scénographe » et les fonctions associées à ce métier ne font pas l’unanimité. Selon Patrice Pavis, en France, la scénographie est associée au travail du concepteur des décors : « Au sens moderne, c’est la science et l’art de l’organisation de la scène et de l’espace théâtral. C’est aussi par métonymie, le décor lui-même, ce qui résulte du travail de scénographe35 ». Toutefois, au

Québec, le programme de « scénographie » de l’École nationale de théâtre du Canada**

33 Renée NOISEUX-GURIK (1984), « À propos du métier de costumier de théâtre… », Jeu : revue de théâtre,

Montréal, nº 31, 2, p. 49.

34 Agnès PIERRON (1994), « Décorateur » Le théâtre, ses métiers, son langage, lexique théâtral, Paris, Hachette,

coll. « Classique Hachette », p. 136.

35 Patrice PAVIS (2002), « Scénographie », Dictionnaire du théâtre, Édition revue et corrigée, Paris, Armand Colin,

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englobe à la fois les costumes et les décors, puisque l’étymologie grecque du terme signifie « peinture scénique36 ». Ici, le terme est à la fois utilisé pour les deux formes d’art théâtral

et nous conviendrons donc que l’appellation scénographe peut également s’appliquer au travail des concepteurs des costumes et nous l’utiliserons comme un équivalent.

Avec une formation en haute couture, Barbeau savait coudre et connaissait la coupe et a mis la main à la pâte à plusieurs reprises afin de confectionner les costumes des différentes productions auxquelles il a participé, ce qui fait qu’il se considérait lui-même davantage comme un designer qu’un costumier. Toutefois, une fois sa carrière établie, il confiait la tâche de fabriquer les vêtements de scène à l’équipe responsable de la confection, soit les membres de l’atelier qui était composée de couturières et de coupeurs qui réalisaient les costumes à partir des maquettes. Ainsi, le coupeur est « responsabl[e] de la préparation des patrons et de la coupe des tissus qui serviront à la confection des costumes. Il travaille avec les maquettes de costumes et sous les directives du concepteur de costumes et de son assistant37 ». Alors que les couturières « sont responsables de la

confection (assemblage et finition) des costumes en fonction des maquettes et selon les indications quant au type d’assemblages, de coutures, de finition, etc.38 ». Ces termes seront

également utilisés au cours de la thèse pour témoigner de leur travail.

De plus, au cours des entretiens, Barbeau a insisté sur la nuance à faire entre les termes de « costume de théâtre » et de « vêtement de scène » pour évoquer l’habit du comédien sur scène. Selon lui, le terme de « costume » faisait référence à un habit de basse qualité et il préférait l’appellation « vêtements de scène ». À ce propos, il a dit : « ce que j’ai désespérément voulu faire ce sont des vêtements de théâtre, pas des costumes, pour qu’on sente les épaisseurs39 ». Le vêtement de scène était ainsi plus ressemblant à son équivalent

dans la réalité. Il faut préciser que Barbeau, pour désigner son métier, a pu utiliser une certaine terminologie qui correspond à sa génération et à une époque où ces termes étaient

36 Agnès PIERRON (2009), « Scénographie », op. cit., p. 502. 37 Roger PONCE et André SIMARD (2010), op. cit., p. 68-69. 38Ibid., p. 69.

39 François Barbeau dans Roxanne MARTIN (2012d), Septième entretien avec François Barbeau, Montréal, 16

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en train de se définir. Il y a eu une évolution depuis. Toutefois, les deux termes de « costume » et « vêtement de scène » seront eux aussi utilisés comme étant équivalents.