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Chapitre 2 : Les premières armes de Barbeau comme concepteur (1955-1961)

2.2. Les débuts professionnels de Barbeau

2.2.3. L’aventure de la Roulotte

À la Roulotte, Barbeau a rapidement été le concepteur attitré de tous les spectacles. Il a conçu les costumes d’une dizaine de productions30 entre 1958 et 1965 pour lesquelles

il a dessiné ses premières véritables maquettes. Sa collaboration avec Buissonneau a été parsemée d’échanges parfois musclés à propos de leur vision souvent divergente sur différents éléments d’une production, mais une véritable amitié est tout de même née entre

30 Comme Un simple soldat au briquet (1958), Pierre et le loup (1959), L’entrée au cirque (Cirque des illusions) (1959),

Arlequin, chanteur de rue (1960), Orion, le tueur (1961), Le roman de Renart (1963). Figure 2 : Paul Buissonneau et François Barbeau lors de la

préparation de la pièce Malborough s’en va-t-en guerre (1960) de Marcel Achard, présentée par le Théâtre de Quat'sous au Théâtre de La Poudrière, photo : gracieuseté des Archives de la Ville de Montréal.

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les deux hommes. Grâce à Buissonneau, Barbeau avait accès à une grande quantité de matériaux que le metteur en scène avait accumulés avec les années, comme un immense rouleau de feutre qu’il avait trouvé dans un entrepôt de la ville, avec lequel le concepteur a fabriqué nombre de costumes pour l’Atelier et la Roulotte.

Les tâches du concepteur étaient multiples, comme en témoigne cet extrait tiré des archives de la Ville de Montréal : On dessine des croquis, on choisit et on négocie les tissus au meilleur prix, budget limité oblige, on taille, on coud et, surtout, on recoud des jupes, des pantalons, des chemises et d’autres morceaux choisis, sans oublier les masques que l’on bricole au gré des besoins. Il n’y a pas de limite à la créativité, seulement deux exigences : les costumes doivent s’enfiler rapidement et être d’une résistance à toute épreuve31.

Les costumes reflétaient la créativité des autres collaborateurs de la Roulotte et se pliaient aux contraintes des représentations en extérieur, dans une chaleur parfois étouffante et où les acteurs changeaient rapidement de vêtements, souvent sans l’aide d’habilleur. Barbeau s’amusait à jouer d’ingéniosité pour concevoir des costumes originaux faits de paniers à linge ou de gants de vaisselle (figure 3).

Sa collaboration avec Buissonneau, à l’Atelier et à la Roulotte, faisait de Barbeau un employé de la Ville de Montréal où, pendant les périodes creuses de l’Atelier, il confectionnait des uniformes de judo ou des costumes folkloriques en attendant la

31 Julie FONTAINE (2003a), « La Roulotte sous toutes ses coutures », La Roulotte, un demi-siècle de magie !,

Montréal, Archives de la Ville de Montréal, [en ligne].

http://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=5238,19905578&_dad=portal&_schema=PORTAL [Texte consulté le 14 mars 2013].

Figure 3 : Un simple soldat et le briquet (1958) adapté et mis en scène par Paul Buissonneau, La Roulotte, sur la photo : Yvon Thiboutot (Le briquet), photo : gracieuseté des Archives de la Ville de Montréal.

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prochaine production théâtrale. Ses contrats avec la Ville avaient une durée limitée, et à chaque échéance, Buissonneau trouvait une nouvelle raison pour qu’elle réengage le concepteur.

En 1958, Buissonneau a offert à Barbeau de jouer le rôle du maître à danser dans son adaptation de la pièce Un simple soldat et le briquet (Le soldat au briquet) (1958) aux côtés d’Yvon Deschamps, François Tassé, Mireille Lachance, Yvon Thiboutot, Yves Gélinas et Jean-Marie Cloutier. Cette expérience est

pour lui à la fois exaltante, car il réalise son rêve d’enfance de devenir comédien, et difficile puisque le rôle est exigeant physiquement. De plus, il souffre de son inexpérience comme acteur, n’ayant jamais suivi de cours de théâtre, alors que ses camarades ont plus d’expérience que lui. Malgré tout, il cumulera les rôles sur scène en plus de son travail de costumier.

En 1961, après avoir reçu le prix du Festival national d’art dramatique** avec la pièce Orion le tueur32(1961) de Jean-Pierre Grenier et Maurice Fombeure, Buissonneau a convaincu la Ville de financer une tournée de la pièce avec l’équipe de la Roulotte. C’est ainsi que Barbeau, Yvon Deschamps et le chauffeur attitré de la Roulotte ont sillonné la ville de parc en parc pour installer les décors avant chacune des représentations. Le chauffeur installait l’éclairage, Deschamps s’occupait des accessoires et Barbeau s’assurait que les costumes soient prêts pour la représentation. Le spectacle, dans lequel Barbeau jouait également, était présenté et, ensuite, Deschamps et lui rangeaient l’équipement et le

32cf. Janette BIONDI (2001), « Buissonneau, Paul. Prix Denise Pelletier 2001, Catégorie culturelle », Les prix

du Québec, Québec, Gouvernement du Québec, [en ligne].

http://www.prixduquebec.gouv.qc.ca/recherche/desclaureat.php?noLaureat=204 [Texte consulté le 17 juin 2017].

Figure 4 : Un simple soldat et le briquet (1958) adapté et mis en scène par Paul Buissonneau, La Roulotte, sur la photo : Yvon Deschamps (?) et Yves Gélinas (?), photo : gracieuseté des Archives de la Ville de Montréal.

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préparaient pour la prochaine représentation. Les journées étaient longues, mais elles étaient formatrices à la fois pour le métier d’acteur et celui de costumier. Ce rythme de travail était toutefois difficile à maintenir et lorsque d’autres projets plus lucratifs lui ont été proposés, Barbeau a quitté la Roulotte.

En résumé, le chapitre 2…

Barbeau était un enfant observateur intéressé par l’aspect visuel des choses, les vêtements et les tissus en particulier. Le cinéma lui a fait découvrir les costumes tandis que le théâtre a fait naître chez lui le rêve de devenir comédien et son talent pour le dessin. En l’absence d’école de scénographie, ses aptitudes le mèneront à l’École de dessin commercial, puis à l’École des métiers commerciaux et finalement à l’École de haute couture Cotnoir-Capponi où des professeures lui ont transmis les connaissances en lien avec les tissus et leur texture et lui ont enseigné comment les manipuler afin de bien faire tomber le vêtement.

Après avoir fait ses débuts comme costumier auprès de troupes de théâtre amateur, Barbeau rencontre Buissonneau, qui lui a ouvert les portes de l’Atelier du Quat’sous et de la Roulotte. À l’Atelier, au rythme soutenu des productions, le concepteur a rencontré des metteurs en scène et des acteurs qui partageaient sa passion et il a appris les bases de la production théâtrale. À la Roulotte, il a découvert le métier de comédien et réalisé son rêve de jouer devant public ; une expérience qui a influencé son travail de costumier en le conscientisant à l’importance pour les acteurs de porter un vêtement de scène adapté aux conditions de représentation. À la Roulotte, Barbeau a dessiné ses premières maquettes et, même si son approche créatrice n’est pas encore définie, Barbeau a appris et a travaillé à la construire.

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Chapitre 3 : Les années d’apprentissage (1958-1961)