• Aucun résultat trouvé

Tentatives de christianisation des Kazakhs

2.2.4 Politique de l’enseignement religieu

2.2.8. Tentatives de christianisation des Kazakhs

L’Etat russe n’a jamais renoncé à sa politique de christianisation de la population des terres annexées. Le haut clergé orthodoxe, s’appuyant sur la formule idéologique « Moscou est la troisième Rome », était pour l’unification confessionnelle des sujets de la Russie. Mais le gouvernement dans cette politique devait agir avec souplesse et vigilance, non seulement à cause de l’expérience négative de la christianisation des Tatars et des Bachkirs, mais aussi en tenant compte de ses intérêts internationaux quand les voisins étaient des pays musulmans.

136 AYTBAYEVA R, Gosudarstvennaâ politika Rossijskoj imperii po otnošeniû k islamu v Kazahstane v XIX

veke, op.cit., p.65

Le premier missionnaire dans la steppe kazakhe fut le prêtre Filaret Sin’kovskij, qui a dirigé en 1833 « la mission spirituelle kazakhe », créée dans le cadre d’une éparchie de Tobolsk.

Au XIXème siècle, une section missionnaire anti-islamique auprès de l’Académie spirituelle de Kazan était créée sous la direction du partisan acharné de l’activité missionnaire, N. Ilminsky. C’est sous l’impulsion de cette section qu’a été fondée en 1867 la Fraternité de Saint Gouri qui essayait, à travers le système des écoles allogènes, de diffuser les bases de la religion chrétienne parmi les Kazakhs et d’autres peuples orientaux de la Russie.

Dans le même temps, en 1881, selon l’Oukase du Saint Synode, une mission

spirituelle antimusulmane kirghize était fondée, qui accomplissait ses travaux dans la région de Semey.

Ainsi, comme on le constate, ce sont les acteurs religieux qui ont aspiré à la christianisation. L’Etat encourageait en silence cette activité, en n’apportant pas une aide bien définie aux missionnaires. Seuls les enthousiastes devenaient missionnaires, mais ils étaient peu nombreux. En 1891 on comptait seulement 5 personnes : le chef de mission, 2 missionnaires et 2 sacristains effectuaient leur mission au Kazakhstan138.

On trouve la preuve de la stimulation de l’activité missionnaire dans l’introduction de l’information sur les camps des missionnaires dans les rapports des gouverneurs des régions. Par exemple, en 1899, dans la région de Torghay, il y avait 3 camps de missionnaires : à Aleksandrovsk, Makariev et Aqtobe. Dans chacun d’eux, des écoles missionnaires étaient ouvertes, où les enfants des Russes recevaient une formation à côté des Kazakhs.

Sur le territoire de Turkestan la fraternité diocésaine de Notre-Dame de Kazan se voulait très active : son but était la diffusion de l’instruction spirituelle et morale et la conversion à l’orthodoxie des hétérodoxes dans l’éparchie de Turkestan. Pourtant les membres de cette fraternité n’ont pas pu accomplir leur mission à cause des difficultés matérielles.

Au XIXème siècle, au Kazakhstan, il n’y avait que 4 missions dont les résultats étaient minuscules, cela en raison du petit nombre de missionnaires capables et des difficultés financières rencontrées, mais aussi de la mauvaise volonté voire de la résistance des Kazakhs. L’attitude de l’administration russe régionale envers les missionnaires chrétiens était différente, il n’y avait pas de point de vue unique. Ainsi, le gouverneur général de Turkestan, Kaufmann, ne reconnaissait pas l’activité de la mission orthodoxe, mais il n’était pas contre

138

AYTBAYEVA R, Gosudarstvennaâ politika Rossijskoj imperii po otnošeniû k islamu v Kazahstane v XIX

les intentions anti-islamiques. Il négligeait l’islam, pensant qu’une religion privée de tout soutien officiel disparaîtrait toute seule, que la population, voyant les avantages de l’éducation et de la culture russes, y compris de la religion, s’éloignerait de l’islam. En revanche, l’autre gouverneur général Kolpakovskij témoignait de l’attention aux missionnaires orthodoxes. Allant plus loin en Asie, les représentants russes se croyaient les civilisateurs « des nomades arriérés et sauvages », les porteurs d’une culture plus élevée, qu’ils associaient avec l’orthodoxie.

D’où vient l’attitude négative envers l’islam ? Un des chercheurs russes, Aničkov caractérisant l’islam, écrivait qu’ « il a voué les peuples à la stagnation intellectuelle totale. En nivelant tout, dépersonnalisant et soumettant un mode de pensée et un mode de vie unique,

l’islam avec sa culture, basée sur le fanatisme religieux, l’esclavage, l’interprétation casuistique des problèmes moraux et de la ritualité extérieure, a complètement tué chez ses adeptes l’aspiration au progrès »139

. Il décrit les medreses comme les foyers de l’ignorance et du fanatisme musulman. En général, les explorateurs de la région comme l’administration russe percevaient l’islam comme une force opposante à l’instruction et au christianisme. Ils pensaient nécessaire de lutter contre l’islam. La majorité des chercheurs voyaient ce moyen de lutte en instruisant par le biais de christianisme qui devait amener à une renaissance culturelle et morale des nomades et à une cohésion intérieure étroite avec le peuple russe et le gouvernement orthodoxe. Mais la christianisation comprenait aussi la russification. Pour faciliter ce phénomène, ils essayaient de créer un mélange d’islam et de christianisme.

Pour atteindre trois objectifs : christianisation, russification et intégration à l’Empire, ils ont cru indispensable de concentrer tous les efforts sur l’éducation. Ce sont les écoles ministérielles dites russo-kazakhes et les écoles missionnaires, mais aussi les classes russes auprès des medreses.

2.2.9. Djadidisme

A la fin du XIXème siècle le mouvement réformateur apparaît parmi les musulmans appelé djadidisme. Une des figures éminentes de ce mouvement, I. Gaspirali a proposé l’idée de l’unité culturelle et nationale de tous les peuples turcs de la Russie sur la base « d’unité de la langue, de l’idée et des actions » des musulmans. Considérant l’éducation comme l’axe privilégié pour la renaissance nationale des musulmans du pays, il a orienté tous ses efforts pour la construction de nouvelles écoles réformées. Dans ces écoles, il y avait une nouvelle

139

AYTBAYEVA R, Gosudarstvennaâ politika Rossijskoj imperii po otnošeniû k islamu v Kazahstane v XIX

méthode d’enseignement de l’alphabet arabe (phonétique), des matières laïques.140

Sur son exemple, plusieurs écoles musulmanes sont devenues réformées. En un bref délai, ces écoles ont trouvé leurs adeptes. Bien évidemment, l’administration a commencé à s’inquiéter de ce courant et de la popularité de ces écoles.

Ni « le progrès de l’islam », qui mène à l’augmentation d’adeptes de cette religion, ni l’union des peuples turcs sur la base d’unité de croyance ne pouvaient susciter la sympathie des autorités russes pour les réformateurs, dont les idées se différenciaient des objectifs de l’Etat : l’affaiblissement des positions de l’islam et l’initiation des Kazakhs et d’autres peuples d’Asie à la culture russe qui pouvait faciliter leur contrôle.

C’est pour cela que, tout de suite, une attitude méfiante envers le djadidisme se manifeste. Le département de la police du Ministère des affaires intérieurs prévenait les gouverneurs régionaux d’être attentifs à l’égard de tous les mouvements et de l’état d’esprit de la population musulmane de la Russie, et de se renseigner dorénavant et en détail sur ces mouvements. Dans les circulaires de ce département il était dit qu’il fallait trouver les noms, la situation publique et matérielle, l’éducation, les liens dans le milieu musulman des auteurs de publications novatrices éditées dans la presse tatare, et aussi l’existence des rapports entre les partisans de nouveau mouvement avec les Jeunes Turcs et d’autres centres musulmans étrangers dans la région, leur personnel enseignant.

A ce propos, les chefs d’ouiezds indiquaient dans leurs rapports l’arriération de la population kazakhe, l’absence des écoles réformées. Le gouverneur militaire de la région de Semey rapportait, à la demande du département de la police du Ministère des affaires intérieures, datée de 1900 sur la nouvelle méthode d’enseignement, que la majorité des policiers de la région niait déceler des ambitions novatrices parmi les Tatars. Mais l’inspecteur des écoles populaires informait le gouverneur général que dans la plupart des

medreses auprès des mosquées tatares de région de Semey, l’enseignement se faisait depuis 2-

3 ans sur la méthode phonétique.

L’historien Täjibayev croyait qu’au Kazakhstan il n’y avait pas d’écoles novatrices à la fin du XIXème siècle, qu’elles étaient apparues au début du XXème siècle. Il faut signaler que dans les années 1890, sur le territoire de Tatarstan et de Bachkortostan, ces écoles étaient très répandues et qu’elles avaient de plus en plus la préférence. Les établissements scolaires

140 SULTANĞALÏEVA A, Islam v Kazahstane (Islam au Kazakhstan), Almaty, Institut des recherches

d’Oural-Volga devenaient les centres de la vie religieuse non seulement pour les Tatars et les Bachkirs mais aussi pour les Kazakhs des régions Oural et Torghay.

Malgré le fait que les djadidistes luttaient pour l’élévation culturelle des musulmans par le développement de l’instruction et des sciences, l’enseignement en langue maternelle, l’introduction des matières laïques, la propagande de l’amitié entre les peuples, ils ont rencontré la résistance acharnée des qadimistes - des partisans des vieux temps et des autorités. Le gouvernement tsariste a vu dans les aspirations à l’autodétermination des peuples turcs la menace du séparatisme politique. Bien sûr, le séparatisme présentait un danger pour le pouvoir, et afin de « s’opposer à l’influence tataro-musulmane » en 1910, une conférence spéciale convoquée par P. Stolypine a été organisée. Elle a pris la décision d’interdire l’enseignement dans les écoles djadidistes des disciplines laïques. Mais les mesures répressives de l’autocratie ne pouvaient pas arrêter le processus naturel du mouvement novateur des peuples musulmans.

L’administration russe a été obligée, à la fin du XIXème siècle, de remarquer le renforcement de l’islam dans la conscience des nomades, l’augmentation du nombre des mollahs compétents et renommés.

2.2.10. Evolution de la conscience kazakhe : demande d’une direction

Outline

Documents relatifs