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2.2.4 Politique de l’enseignement religieu

2.3. La politique religieuse du gouvernement à la charnière des siècles.

2.3.2. Espoir de changements.

La révolution de février 1917 est revenue aux sécessions de 1905 et a créé les conditions pour la libéralisation de la politique nationale et religieuse. Toute la population de la Russie a obtenu les droits et les libertés citoyennes. La législation orientée contre les allogènes a été annulée. Tout cela a amené une certaine animation de la vie politique dans la région Steppique et au Turkestan, qui sont devenus des centres de confrontation des différentes idées et mouvements. Ses participants espéraient changer les choses dans le domaine national et religieux. L’apparition des organisations féminines témoigne de cette agitation, par exemple à Oral a été créée la Société musulmane féminine. Dans le travail du premier congrès musulman de la Russie après la révolution de février, se trouvait une Kazakhe Dosjanova, élue, de la région de Torghay. Elle était élue comme membre du Conseil musulman russe.

A Moscou un bureau central temporaire des musulmanes de la Russie était fondé dont l’objectif était la création des comités musulmans féminins dans tous le pays. En juin 1917, la charte typique du Comité musulman féminin a été publiée. Celui-ci poursuivait le but de faire reconnaître pour les musulmanes tous les droits, l’égalité en droits politique et civils, la propagande des idées démocratiques etc.

L’apparition de cette résolution a fait réagir le clergé musulman du Kazakhstan. Le congrès des mollahs de l’ouiezd Lbichensk tenu le 23 juillet 1917 à Jympity sous la présidence de K. Qusdäuletov a exprimé l’opinion que toutes les questions religieuses devaient être résolues par les mollahs. Ceux-ci ont blâmé les tentatives d’organisation du mouvement des femmes musulmanes, mais le fait-même d’organisation du congrès témoignait d’une volonté de progresser, d’aller d’avant des religieux.148

La question des conditions et des spécificités d’intégration du Kazakhstan dans le nouvel Etat russe était activement discutée. Selon l’initiative de l’élite kazakhe au printemps 1917, des congrès de régions ont été organisés. A noter le congrès de la région de Torghay auquel les représentants d’autres régions du Kazakhstan ainsi que des organisations musulmanes du Bachkortostan, du Tatarstan et de l’Ouzbékistan ont participé. Ce congrès a opté pour la république démocratique parlementaire, non-centralisée, pour le développement de l’éducation scolaire et l’enseignement commun des garçons et des filles, la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Le congrès des Kazakhs de la région de Jetisou tenu à Verny, à la différence de celui de Torghay, exigeait l’égalité de toutes les religions, la création à Petrograd de la direction spirituelle musulmane et pour les 5 régions steppiques du Kazakhstan la création d’une direction spéciale, la construction des mosquées du vendredi dans les villes des régions et des

ouiezds etc. Le congrès de la région d’Oral a soutenu les décisions principales de celui de

Torghay, et s’est exprimé pour la subordination de la direction régionale au muftiyat d’Orenbourg. Les congrès posaient, en outre, la question de l’organisation du clergé musulman.

Du 1 au 11 mai 1917, le Congrès musulman de la Russie a été organisé à Moscou. Il a rassemblé près de mille personnes avec les délégués des régions Steppique et du Turkestan. La majorité des députés a opté pour la forme fédérative de la Russie et l’autonomie des régions musulmanes. Le Conseil musulman de la Russie était composé de 30 personnes, 7

Kazakhs y travaillaient : Aqbayev, Dosmuxamedov, Toğısov, Bökeyxan, Tanaşev, Dosjanova, Janaydaqov.

Déjà au mois de mars 1917, l’élite libérale avait fondé le parti Alaş qui a dirigé la vie politique de la steppe jusqu’en octobre. Il a été l’initiateur de deux premiers Congrès kazakhs qui se sont passés à Orenbourg. Au congrès du 21 au 28 juillet 1917 sont venus les délégués des régions d’Aqmola, de Semey, de Torghay, d’Oral, de Jetisou, de Ferghana et de la Horde Bökey. Ils ont choisi la république démocratique fédérative parlementaire où les régions avec la population kazakhe dominante devaient obtenir une autonomie territoriale nationale.

Sur la question religieuse, le congrès a pris la décision de la subordination temporaire des musulmans d’Aqmola, Semey, Torghay, Oral et de l’ouiezd Manghystaou à l’Assemblée spirituelle d’Orenbourg. Etait prévue la création d’une section kazakhe à l’assemblée, avec l’introduction du kazakh dans les écritures et les élections du qazı dans chacune des régions.

Dans le deuxième congrès, il a été proposé d’attribuer à la région autonome kazakhe le nom d’Alaş-Orda, suivi de la ratification dans l’Assemblée constitutive de la Russie.

Avant les élections à l’Assemblée constitutive, le programme du parti Alaş a été publié. Il prévoyait, parmi ses objectifs premiers, le droit de vote commun, la représentation ethnique proportionnelle, la république fédérative démocratique avec le président, l’égalité desrégions autonomes. En ce qui concernait les questions religieuses, le programme déclarait la séparation de l’Eglise et de l’Etat, l’égalité des religions devant la loi, la liberté de diffusion de toutes les croyances, la liberté de confession, la création d’un propre muftiyat sur le territoire du Kazakhstan. Il prévoyait également les restrictions de l’influence de la charia et des fonctions des mollahs, ils auraient dans leurs compétences les questions de procédure - mariage, divorce, enregistrement des nouveau-nés et des décès.

Les élections des délégués de l’Assemblée constitutive, qui ont eu lieu en novembre 1917, ont montré que la plupart des Kazakhs partageaient les demandes du programme du parti : dans la région de Jetisou, le bloc du parti a obtenu 57,5% des voix, dans les régions de Torghay et Oral 75%.149 En tout, le parti a obtenu 43 sièges. Selon le nombre de voix obtenues dans les élections dans l’Assemblée constitutive (262 404 voix), Alaş a pris la huitième position parmi les cinquantaines de partis avant la révolution d’octobre.150

Le spectre des opinions, relatif à l’avenir de l’Etat et au sort de l’islam, ne s’est pas limité à l’avis des libéraux. Par exemple, le bureau musulman de la ville d’Oral a commencé à éditer l’hebdomadaire « Uran » connu pour ses opinions islamiques modérées.

149

JÜSIPOV S., Političeskaâ analitika issledovaniâ (Analytique politique de la recherche), Moscou, 2001, p.456

Dans les régions méridionales du Kazakhstan, c’est le parti Choura-i-islamiya (Conseil musulman), crée en mars de 1917, qui a eu un grand impact. Il avait été crée par les djadidistes et s’appuyait sur la synthèse de l’unité turque et musulmane. Un de ses dirigeants, Mustafa Şoqay était responsable de l’organe exécutif du parti qui a pris le nom de Conseil musulman régional du Turkestan. Les organisations locales du parti se trouvaient aussi à Chymkent, Aoulie-Ata, Perovsk, Qazaly et d’autres villes. Hormis les Kazakhs, il y avait des Tatars et des Ouzbeks.

En novembre 1917, un autre parti Üş jüz était crée, et, à partir de décembre, il éditait son journal – du même nom – à Petropavlovsk. Le programme du parti se caractérisait par la synthèse de la fédération turco-tatare et des slogans populistes dans l’esprit des Bolcheviks « Toute la terre aux paysans ! ». Pour la question religieuse, Üş jüz était favorable au fait d’inclure les demandes justes de la charia dans les lois de la justice kazakhe.

Les Kazakhs de Syrdarya, adeptes de l’orientation turkestanaise, ont organisé en août 1917 une conférence régionale à Tachkent. Le journal Birlik Twı, édité depuis juin 1917, était plus radical que les autres journaux kazakhs. En dehors de cela, ses adeptes éditaient la revue

Jas Alaş à Tachkent.

Les représentants du clergé musulman étaient eux aussi pour l’autonomie du Turkestan ; ils ont créé, au cours de l’été 1917, leur propre organisation Oulema djamiyati (Conseil des oulémas). Ils voyaient le Turkestan comme une république autonome de la Russie avec son Assemblée législative et sa Constitution.

Ainsi, malgré la différence d’opinions des diverses forces politiques, tous les partis étaient pour l’autonomie des Kazakhs, mais estimaient différemment le rôle de l’islam.

Déjà en mai 1917, les oulémistes exigeaient du Comité du Turkestan d’introduire immédiatement la charia dans la justice. Les oulémistes étaient dirigés par l’orientaliste et le turcologue S. Lapin. Lapin présenta son projet de justice des qazıs selon lequel la justice de la charia était obligatoire pour les turkestanais, et facultative si l’un des deux – soit le demandeur soit le défendeur – était un Russe.

Les adeptes de Choura-i islamiya et les oulémistes cherchaient à obtenir l’autonomie nationale, mais si les premiers maintenaient les visées réformatrices du Gouvernement temporaire de la Russie, les oulémistes, restant loyaux à l’égard de la Russie, incitaient le peuple à la lutte seulement sous la bannière religieuse. Finalement ce sont les oulémistes qui ont obtenu 2/3 des voix dans les élections pour la Douma de la ville de Tachkent.151

Comme cela, l’étape de l’évolution des mouvements politiques dans le Turkestan a fini par une défaite temporaire de fractions modernistes loyales aux pouvoirs. En règle générale, les oulémistes, pendant les premiers mois après la révolution de février, ont déployé une activité énorme. Mais, peu après, les jeunes turkestanais ont pris une place prépondérante sur le plan politique, grâce aux efforts de Şoqay. Et les élections à l’Assemblée constitutive ont démontré la victoire de Choura-i islamiya dans les régions de Ferghana et Jetisou.

Sur le reste du territoire du Kazakhstan ce sont les partisans d’Alaş qui se trouvaient en opposition à l’islam.

Or, les participants de divers mouvements politiques au Kazakhstan attendaient que le gouvernement temporaire résolve enfin la question nationale. Pourtant il a refusé la demande d’autonomie, chargeant l’Assemblée constitutive de la résolution de ce problème.

Concernant la politique religieuse gouvernementale, elle a subi les changements essentiels. Au début, le gouvernement temporaire est apparu comme la coalition des conservateurs et libéraux, et il n’y avait aucune mesure législative au sujet de la question nationale et religieuse. Au printemps, il s’est transformé en une coalition des démocrates libéraux, des socialistes modérés et du Conseil de Petrograd. Avec le décret du gouvernement temporaire « Sur l’annulation des restrictions religieuses et nationales » en date du 20 mars, il a aboli les limitations. En juin 1917, le gouvernement temporaire a édité le décret « Sur la liberté de conscience » selon lequel cette liberté était assurée à tout citoyen de la Russie. L’article 4 du décret définissait que pour changer la religion – pour les personnes âgées de plus de 14 ans – il ne fallait pas de permission. Et, pour la première fois, on reconnaissait le statut athée des citoyens.

Au cours de l’été 1917, le Gouvernement temporaire a adopté et mis en vigueur la loi sur la liberté de conscience. A la différence des oukases des temps de la révolution de 1905- 1906, cette loi garantissait l’égalité entre toutes les religions. Donc, après la période de la politique d’assimilation active pendant les réformes de Stolypine, le gouvernement russe est revenu à sa politique traditionnelle de pragmatisme souple pour les questions nationale et religieuse. En revanche, les religions ne bénéficiaient pas desmêmes conditions et la séparation de l’Eglise et de l’Etat tant attendue, n’a pas été réalisée. Cette tactique du freinage a amené à la radicalisation des mouvements sociaux et nationaux.

Les événements révolutionnaires en Russie et la chute de l’Empire ont permis à l’élite nationale kazakhe d’essayer de réaliser son idéal, d’autant plus que les Bolcheviks, avant les événements d’octobre 1917, affirmaient l’idée de disposer de soi-même. Mais il n’y avait pas d’unité parmi les chefs religieux et politiques au sein du peuple kazakh : à l’ouest du

Kazakhstan la section occidentale d’Alaş-Orda, au nord et à l’est le parti Alaş et Üş jüz, au sud les partis Choura-i islamiya et Oulema Djamiyati. La division des Kazakhs en jüz se répercutait sur l’absence de l’unité.

Le premier qui a amorcé la réalisation de l’autonomie nationale a été le Turkestan avec son Conseil populaire, le Gouvernement temporaire et l’Assemblée constitutive du Turkestan, créé le 27 novembre 1917. La question de l’autonomie du Turkestan a été étudiée au cours d’un congrès extraordinaire. Il s’est ouvert juste après l’arrivée au pouvoir des Bolcheviks. Les essais des Bolcheviks pour empêcher l’organisation du congrès et diviser les Turkestanais ont échoué. Le gouvernement, composé de cadres bien formés et préparés, était représenté par les peuples turcs de la région et les minorités ethniques. Les Bolcheviks, selon l’ordre du pouvoir central, ont commencé les préparatifs pour liquider le gouvernement de Kokand. Le 13 décembre, le jour de l’anniversaire du prophète Mohamed, une manifestation a eu lieu à Tachkent pour le soutien de l’autonomie de Kokand et la protection de l’islam. Après des confrontations sanglantes, les manifestants ont été chassés. En février 1918, l’autonomie de Kokand, qui avait existé plus de deux mois, a été abolie.

La majorité des Kazakhs se sont montrés favorables à l’unification de toutes les régions kazakhes avec le Turkestan, qui englobait deux régions kazakhes denses en terme de population- Syrdarya et Jetisou. La minorité, dirigée par A. Bökeyxan, Baytursınulı et Dulatov, était pour l’intégration de la région autonome sibérienne, car elle craignait l’influence des conservateurs du Turkestan.

Le pouvoir soviétique a répondu par un refus de collaborer avec le gouvernement d’Alaş-Orda. Suite à cela, Alaş-orda a conclu une union militaire avec les atamans des armées cosaques et a annulé tous les actes législatifs des Bolcheviks sur leur territoire. Les cosaques blancs et les gardes-blancs ont soutenu, dans un premier temps, les nationalistes kazakhs. Mais plus tard, voyant les tendances séparatistes dans leurs actions, Koltchak a refusé l’autonomie des Kazakhs car cela contrevenait aux souhaits de leurs leaders sur le rétablissement de la monarchie russe. Mais ils étaient prêts à laisser le droit à l’autonomie pour les questions nationales et religieuses.

Ensuite, en mars et avril 1918, Dosmuhambetov a visité Moscou où il a rencontré Staline et Lénine. Les adeptes d’Alaş-orda espéraient désormais la création de l’autonomie kazakhe en collaboration avec les pouvoirs soviétiques. Mais lorsque le gouvernement d’oualayat Oyil (section occidentale d’Alaş-orda) a soutenu l’attaque contre les armées blanches et lorsque le dernier bastion de l’ataman Tolstov, la ville de Gouriev, a été pris

d’assaut, le Comité révolutionnaire kazakh a pris la décision de supprimer les derniers établissements d’Alaş-orda.152

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