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Islamisation de la Horde d’Or (l’oulous 36 de Djötchi, 1243-1502)

1.3. L’islam dans l’Empire mongol et dans les Etats post-mongols

1.3.2. Islamisation de la Horde d’Or (l’oulous 36 de Djötchi, 1243-1502)

L’islamisation touche les peuples turco-mongols, lorsqu’ils se lancent à la conquête de l’Asie centrale, aux XIIème-XIIIème siècles. Il est difficile de dater précisément la conversion des souverains de la Horde d’Or, issus des conquêtes de Gengis Khan. Ce n’était pas un processus progressif car tout dépendait, en fait, de la volonté des khans et des régions. De plus, l’islam coexistait avec les croyances traditionnelles des nomades et le christianisme. En majorité, c’était lié à la tolérance religieuse des nouveaux conquérants qui ne donnaient la priorité à aucune des religions. Seul l’émir Edige, qui régnait, de facto, dans les années 1395- 1419, avait essayé d’introduire de force l’islam dans la population nomade.

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NURTAZÏNA N., Islam v istorii srednevekovogo Kazahstana, op.cit., p.168

Pour conserver leur contrôle politique sur un territoire énorme avec une population multiethnique et pour une interaction étroite avec les villes, la civilisation sédentaire, les Mongols avaient intérêt à s’assimiler avec la population locale. Par le biais de la bureaucratie et du clergé musulman, l’aristocratie mongole cherchait le soutien du trône et le rapprochement avec le groupe dirigeant féodal des pays conquis. Les Mongols, tout en penchant vers l’influence musulmane, ont adopté en définitive l’islam et la langue qypchaq.

Quant à l’évolution de l’islam dans les tribus nomades turcophones comme Qypchaqs, Oghouzes etc., elle est passée par quelques étapes.

La première étape (deuxième moitié du XIIIème siècle) est basée sur l’emprunt de certains éléments de la culture musulmane par la société nomade. L’islam a été adopté par les représentants de l’aristocratie nomade qui occupaient des postes administratifs dans la cour du khan ou dans la chancellerie de ses gouverneurs généraux. L’élite turco-mongole nomade était intéressée par le renforcement du pouvoir du khan et de l’Etat dont la base idéologique était l’islam.

La deuxième étape (la première moitié du XIVème siècle) est liée au processus de l’adaptation de l’islam aux particularités de la société nomade. Les liens culturels stables entre la population sédentaire musulmane et la population nomade animiste étaient définis par les contacts ethnoculturels larges des villes et de la steppe. La diffusion importante de l’islam parmi les nomades qui s’étaient sédentarisés ou presque, d’un côté était provoquée par une certaine adaptation de la culture musulmane aux besoins spirituels, et, de l’autre, était la conséquence de grands changements dans la base socio-économique de la société nomade.

La troisième étape (fin du XIVème siècle - début du XVème siècle) est caractérisée par l’intégration de l’islam dans la culture nomade traditionnelle, lorsque l’islam se transforme en partie organique de la tradition ethnique des nomades turcophones. L’islam est adopté par la population qui devient l’adepte des cheikhs soufis de l’Asie centrale et de la Volga. La propagande du soufisme avait une grande importance dans l’implantation définitive de cette religion à Decht-i-Qyptchaq car elle permettait d’unir de manière souple l’islam avec les traditions et les cultes des nomades. L’activité des missionnaires des ordres soufies parmi les nomades de l’oulous de Djötchi prend de l’ampleur à la fin du XIVème et au début du XVème siècle.37

L’adoption de l’islam amène des changements dans le domaine de la législation de la Horde d’Or. Une fois qu’il est devenu la religion officielle, le pouvoir du khan obtient sa

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VASILʹEV V., « Utverždenie islama kak gosudarstvennoj religii v Zolotoj Orde (Adoption de l’islam en tant que religion d’Etat en Horde d’Or) », http://www.wiki.ru/history/golden_horde/detail.php?ID=86949

légitimité idéologique. La charia devient la base dudroit en remplaçant Yassa de Gengis- khan.

La politique de propagande de l’islam a été achevée par le khan Berke (1255-1266).

Berke a reçu une formation musulmane à Decht-i-Qypchaq, ensuite il a continué ses études dans les villes de l’Asie centrale. D’après Ibn Khaldoun, il s’est converti à l’islam par l’intermédiaire de Chemseddin (Saifouddin) al-Bakherzi, originaire de Boukhara et disciple du cheikh soufi Nadjmeddin Koubra.

Dans la résidence du khan Berke, il y avait un kadi principal, qui était en même temps interprète de l’arabe au turc, chacun des émirs avait aussi un muezzin et un imam. Berke commence à bâtir les mosquées et les écoles, et fait venir des savants et juristes musulmans. En avertissant le sultan égyptien Malik az-Zahir de sa conversion à l’islam, le khan Berke lui donne la liste de tribus islamisées. Cela signifiait l’introduction des piliers de l’islam en Horde d’Or.

Le khan correspondait avec le calife et maintenait des rapports diplomatiques, culturels et commerciaux étroits non seulement avec l’Asie centrale et l’Iran, mais aussi avec d’autres pays musulmans plus lointains. En Egypte à cette époque régnait Baybars (1250- 1277). Les Mamelouks étaient intéressés à établir des contacts avec leur patrie historique, les steppes qypchaq. Cette politique a conduit au renforcement du flot de migration de Decht-i qypchaq en Egypte, et les relations avec l’Egypte sous Berke et Özbek ont contribué à la consolidation de ses bases religieuses. L’union politique de la Horde d’Or et de l’Egypte était assurée par les mariages dynastiques. Le sultan Baybars a donné sa fille à Berke, lui-même se mariant avec la fille de Berke.38

Tout en stimulant l’islam, Berke était tolérant envers d’autres confessions, il protégeait le christianisme en Russie. Malgré ses grands efforts, l’islamisation du pays n’était pas terminée. Il revenait à Özbek khan d’accomplir cette mission.

Sous le règne d’Özbek khan (1312-1342), à partir de 1312, l’islam devient la religion

officielle en Horde d’Or. Il a fait construire 13 mosquées dans la capitale de la Horde d’Or, Saray. Ibn Batouta lors de son séjour à la cour d’Özbek-khan notait que les Turcs (Qypchaqs) suivaient le rite hanafite mais que l’alcool était autorisé. Le renforcement du rôle politique de l’islam est lié à l’établissement et au développement des relations politico-culturelles avec d’autres peuples, surtout avec l’Egypte mamlouk. A cette époque, l’Egypte cherchait à

38 « Islam i Zolotaâ Orda » (Islam et l’Horde d’Or), Info Islam, 18.02.2012, http://www.info- islam.ru/publ/religija/istorija_islama_u_tatar/islam_i_zolotaja_orda/17-1-0-12561

devenir leader religieux et politique dans le monde musulman. Son adversaire principal était l’Iran des Houlagou dont les nouveaux conquérants mongols restaient païens – ils n’avaient pas adopté l’islam qui, auparavant, avait existé ici. Les régents de la Horde d’Or, néophytes de l’islam, devaient, d’après l’idée des sultans égyptiens, apporter un soutien à cette rivalité pour la cause du salut de l’islam. Ainsi les intérêts militaires et politiques de l’Egypte et de la Horde d’Or étaient masqués par la religion. Le sultan d’Egypte s’adressait à Özbek-khan comme « sultan musulman et de l’islam, sultan des Mongols, Qypchaqs et des Turcs ». C’est notamment au moment du rapprochement avec l’Egypte que le premier pèlerinage des nomades turcs s’effectue à la Mecque (fin XIIIème siècle). A cette époque-là les khans et les chefs des tribus de l’Asie centrale avaient coutume d’envoyer quelqu’un pour faire le hajj car souvent ils ne pouvaient pas quitter leur pays pour longtemps, mais par contre ils possédaient des richesses importantes. Wakil al-hajj ou bedel-qajı, la personne ayant fait le pèlerinage obtenait le titre du hajj ainsi que le khan qui l’avait envoyé, un exemple est celui du khan Berke.

Dans le folklore kazakh sont conservés les chansons et les dictons qui parlent des temps d’Özbek. « Din Özbekten qalḡan » (La religion est restée d’Özbek), « Özbek hannıñ

tusında atamız qazaq din baqqan, Altın orda handarı jerdiñ jüzin şañdatqan (Au temps

d’Özbek khan, les ancêtres des Kazakhs s’occupaient de la religion, les khans de la Horde d’Or étaient connus partout).39

Ainsi la politique d’Özbek et de son fils Janibek a fini par l’assimilation des Mongols et des Ouighours par la population turco-musulmane et aussi l’islamisation des Qypchaq, interrompue par l’invasion mongole. A partir du XIVème siècle, sur le territoire de la Horde d’Or, le rite funéraire musulman a absolument dominé.

Imitant les gouverneurs d’Egypte, de la Perse et du Mawarannahr, Özbek a apporté un

grand soutien à la religion, à la science et à l’art. Saray et d’autres villes sont devenues les lieux de rassemblement des savants, poètes et soufis. De la période qypchaq-noghay datent plusieurs monuments architecturaux du Kazakhstan, y compris les mosquées des grottes de Manghystaou. La mosquée Chaqpaq ata (XIV s) a été construite avec l’appui du gouverneur Toghlouq Timour, le représentant du khan Özbek.

Le fils d’Özbek, Janibek, ayant obtenu une formation musulmane, a joui de la réputation de khan juste et sage. Dans la tradition kazakhe il est appelé Äz-Jänibek (saint, prêcheur, soufi, de l’arabe aziz). La base de la politique religieuse et culturelle de Janibek était

le renforcement de la charia dans le pays, l’éradication du séparatisme périodique de la noblesse nomade.

L’islam devient un thème de préoccupations des gengiskhanides dans tous les Etats turcs de la période post-mongole : Aq Orda, Etat des ouzbeks nomades, Horde de Noghaï, Mogholistan, le Khanat de Sibir et d’autres. Dans tous ces Etats-là, l’islam était la religion officielle.

Carte 5 : Oulous des gengiskhanides Source : http://www.tarih.spring.kz/kk/history/medieval/maps/

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