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Révolution de 1905 et fraction musulmane

2.2.4 Politique de l’enseignement religieu

2.3. La politique religieuse du gouvernement à la charnière des siècles.

2.3.1. Révolution de 1905 et fraction musulmane

Le système de gestion des affaires religieuses des confessions « étrangères », de la tolérance russe par rapport aux religions et de la politique-même de l’Empire vit une crise.

Cette crise a trouvé sa manifestation dans la multiplication des émeutes sur une base religieuse, et dans le développement des mouvements nationaux libérateurs y compris sous couleurs religieuses.

Cette montée du mouvement national, religieux et culturel dans les régions de l’Empire a fait de l’opinion publique un facteur important de la vie politique. La question de la réalisation des principes de liberté de confession commence à être discutée dans la société. Le point de vue officiel niait l’existence de la discrimination fondée sur un principe religieux. Un autre point de vue, exprimé par les représentants des milieux révolutionnaires, était contre toutes les restrictions religieuses et pour l’égalité en droit avec l’orthodoxie.

Ainsi, au début du XXème siècle, on a assisté à une tendance d’union du mouvement antimonarchiste, en développement constant, avec les mouvements nationaux et culturels. Cela a obligé le gouvernement à réformer sa politique dans ses rapports Etat-religion. Au début de l’an 1902, l’empereur Nicolas II donne l’ordre au Ministère des affaires intérieures et au Synode de préparer un projet du manifeste sur la base duquel la liberté d’expression et de conscience pourrait être élargie.

La désignation du prince Sviatopolk-Mirski, libéral modéré, au poste du ministre des affaires intérieures a stimulé le changement de la législation réglant la vie confessionnelle des organisations religieuses non-orthodoxes. Le but principal devait rester le même, renforcer l’unité et la non-division de l’Empire russe. Ce qui le différenciait des changements précédents était uniquement le moyen de sa mise en application. Il était prévu d’appliquer le principe de tolérance religieuse et l’égalité de tous les citoyens de l’empire sans distinction ethnique. Au début de 1905, le Conseil spécial, sous le patronage de Witte, a commencé l’élaboration des mesures concrètes pour réaliser les modifications.

Avec l’adoption de l’oukase « Sur le renforcement des bases de la tolérance religieuse », du 17 avril 1905, la situation des confessions étrangères, leur statut social et législatif ont radicalement changé. Même si l’oukase a confirmé la domination de l’Eglise orthodoxe, il a supprimé la discrimination des autres confessions. Il n’a concerné l’islam que de manière générale, mais il a reconnu que la législation qui régule la vie des musulmans était périmée et qu’il était nécessaire de réviser les actes législatifs. Dans les conditions de la montée révolutionnaire, c’était une mesure obligée mais qui n’a pas été suffisante. Son adoption n’a pas calmé les esprits mais a conduit à une évolution des manifestations religieuses.

En mai 1905, un conseil spécial pour préparer les changements dans la législation a été tenu sous la présidence d’Ignatiev. Il devait élaborer l’ordre d’électivité et la désignation du

clergé musulman, l’ouverture des mektebs et des medreses. Une des questions était aussi la création des directions spirituelles pour les Kazakhs des régions d’Oral, Torghay, Aqmola et Semey. En ce qui concerne la région du Turkestan, la réunion a décidé qu’il n’était pas souhaitable de régler leurs affaires religieuses.145

Or, les oukases de 1904-1905 n’ont pas apporté de solutions concrètes concernant les religions. De plus, la politique des députés de la Douma s’éloignait des principes déclarés quelques temps plus tôt. La première Douma de février 1906 a proposé un projet de loi où elle souhaitait montrer la position privilégiée de l’Eglise orthodoxe par rapport aux autres religions. La plupart des propositions n’ont pas été prises en considération. Stolypine en 1909 reconnaissait que l’islam représentait un grand danger pour la sécurité de l’Etat et que la question musulmane en Russie pouvait être dangereuse.

La vague révolutionnaire a donné la possibilité aux hétérodoxes russes de s’exprimer dans l’activité politique. Avec la publication du Manifeste du 17 octobre 1905 des manifestations politiques ont eu lieu dans les grandes villes du Kazakhstan.

Dans les séances de travail de la Ière et la IIème Douma, il y avait des députés kazakhs comme Älïxan Bökeyxan, Qalmenov, Qulmanov, Birimjanov. Dans la IIème Douma le Kazakhstan était représenté par 6 députés, dont le mollah Kosşığulov. Birimjanov et Kosşığulov ont fait parti de la commission qui préparait la loi sur l’enseignement musulman. La participation de représentants peu nombreux des régions rattachées a attisé la question de l’organisation nationale de l’Etat. Le manifeste du 3 juin 1907 prétendait que la Douma devait être d’esprit russe et que les autres peuples devaient avoir leurs représentants à la Douma, mais n’étaient pas concernés par les questions à proprement parler russes. Dans les régions où la population n’avait pas atteint le niveau suffisant de « citoyenneté », les élus n’étaient pas « aptes » à siéger à la Douma.

Ainsi, les Kazakhs, qualifiés de « sauvages », n’ont pas obtenu leur représentation dans la IIème et IVème Douma et, pour cela, ils ne pouvaient agir qu’à travers la fraction musulmane de la partie européenne de la Russie. Cette fraction musulmane, peu nombreuse (6 personnes à la IIIème et IVème Douma), avait réuni les gens instruits ayant la connaissance du russe. La priorité, pour cette fraction, était la conservation de l’authenticité religieuse et culturelle des musulmans, l’obtention de l’égalité juridique et réelle. En 1914 Mustafa Şoqay était devenu le secrétaire de cette fraction, tandis que Ä. Bökeyxan était membre du bureau de cette fraction musulmane de la IVème Douma.146

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NURĞALÏEVA A., op.cit, p.123

Les musulmans des diverses régions de l’Empire, demandaient au gouvernement la réalisation de leurs souhaits. Ces demandes étaient le changement d’ordre de remplacement des postes religieux (élection au lieu de désignation), la prise en charge partielle par l’Etat des frais de l’entretien du clergé, l’égalité en droit du clergé musulman avec celui de l’orthodoxie, l’instauration des organes de la direction spirituelle dans les régions qui n’en comptaient pas. Sous la pression de la société, la fraction musulmane a proposé comme mesure urgente l’annulation de toutes les restrictions des droits juridiques des citoyens, liées à la religion et l’origine ethnique, et l’adoption de la loi sur la conversion d’une religion à l’autre.

L’apparition du mouvement religieux modéré au Kazakhstan se manifeste par la création dans certaines villes comme Semey, Qyzyljar, Aqmola et Verny des organisations religieuses et la demande de création au Kazakhstan d’une direction spirituelle à part, la construction des mosquées, l’ouverture des écoles religieuses, l’enseignement des bases de l’islam en kazakh etc.

Il n’y avait pas d’avis unique sur la question du muftiyat pour les régions steppiques. Les uns étaient pour la création du muftiyat spécial, d’autres proposaient de les inclure à l’Assemblée spirituelle d’Orenbourg.

En août 1906, à Nijni Novgorod, le congrès musulman de la Russie a tenu ses séances de travail, avec la participation des délégués kazakhs Qoybağarov, Jantörin, Şäymerden Qosşığulov (qui était membre du parti des cadets). Qosşığulov a représenté le peuple kazakh au premier congrès des musulmans le 15 août 1905, tenu également à Nijni Novgorod. La question religieuse était l’une des questions les plus importantes en 1906.

Les participants du congrès se sont exprimés pour la limitation de l’intervention de l’Etat dans les affaires des musulmans, l’absence du contrôle du gouvernement sur les directions religieuses, la concentration dans leurs mains de l’activité religieuse, scolaire et de charité. Ils proposaient de donner aux musulmans des droits juridiques plus larges dans le domaine de la religion et de la culture et de ne donner à aucune religion un statut officiel.

Les délégués pensaient faire adopter le projet de la réforme religieuse, proposée par le congrès par le biais de la Douma, mais les idées du congrès de Nijni Novgorod ainsi que du congrès suivant de juin 1914 à Saint-Pétersbourg n’ont pas été utilisées dans les mesures réformatrices prises par le gouvernement.

Malgré les oukases adoptés en 1904-1905 sur la tolérance religieuse, l’orientation sur la russification culturelle des peuples autochtones a continué. Les parents ne voulaient pas mettre leurs enfants dans les écoles laïques, ils résistaient à leur construction ce qui est caractéristique du Kazakhstan du sud. Alektorov signalait au gouverneur militaire de la région

d’Aqmola en 1905 que « L’école qui était vue par les Kazakhs comme un monstre créé pour avaler leur religion, leurs coutumes et les préparer pour êtres soldats, prend de la popularité dans la population, peu à peu, la langue kazakhe cède la place au russe dans l’école et enfin, ce dernier devient dominant ».

Dans leur politique, les autorités préféraient s’appuyer sur les éléments conservateurs car ils craignaient la percée des idées libérales dans le milieu du clergé. C’est surtout l’activité des adeptes du djadidisme qui provoquait les craintes.

En 1911, le gouvernement a promulgué un ordre sur l’interdiction d’enseigner dans les

mektebs et medreses aux gens qui avaient obtenu une formation théologique à l’étranger,

principalement en Turquie et en Egypte. La même année, le ministère des affaires intérieures a exigé des gouverneurs de ne pas accepter des personnes ayant terminé leurs études dans les

medreses réformés, au poste de mollah (Ghaliya à Kazan, Aliya à Oufa etc.) sans l’attestation

de la direction du gouvernement sur leur loyalisme politique et l’absence de lien avec le mouvement national et religieux.

Les craintes du gouvernement par rapport à la diffusion des idées djadidistes ont été justifiées, si l’on prend en considération le fait que les établissements musulmans selon l’ancienne méthode se transforment en réformés. Par exemple, 30 anciens mektebs du Turkestan deviennent réformés au début du XXème siècle. Cela se produit dans d’autres villes du Kazakhstan. Le nombre des Kazakhs qui ont terminé leurs études dans ces établissements comme le medrese de Houssayniya (Orenbourg), Ghusmaniya et Ghaliya (Oufa), Rassouliya et Mouhamadiya (Troitsk) a augmenté parallèlement.147

L’ouverture de nouveaux mektebs, medreses et mosquées se faisait avec la permission officielle des pouvoirs, mais comme celle-ci était difficile à obtenir, il y avait beaucoup d’écoles non-enregistrées à la campagne. Le problème des écoles non-enregistrées est devenu la préoccupation de la réunion des fonctionnaires de la région de Jetisou en janvier 1912.

Une autre préoccupation du gouvernement suscitait la diffusion des idées panislamistes. Ainsi, en octobre 1912, la prescription du ministre des affaires intérieures de Stolypine a été envoyée à tous les gouverneurs « Sur la nécessité de prise de mesures en rapport avec l’intention de la Turquie de faire progresser les idées panislamistes en Russie ». Pendant la Première Guerre Mondiale le département de la police recevait des informations relatives aux essais du service de renseignement turc de pousser les musulmans russes à la

guerre religieuse contre les Russes ; c’est pour cela qu’il a renforcé le contrôle de la population musulmane.

Sans doute, les idées panislamistes (venant du Turkestan) ainsi que panturquistes et modernistes (de Kazan et Bakhtchyssaraï), qui proposaient aux Kazakhs le chemin du progrès culturel à travers la Turquie et non la Russie, ont influencé le mouvement national et culturel kazakh. Les pèlerins allant à la Mecque s’arrêtaient en Turquie et ont reçu l’influence de telles idées.

Comme résultat, durant la première guerre mondiale, il y a eu de plus en plus d’activité antigouvernementale suscitée par les actions antimusulmanes. On le trouve retranscrit dans le discours du groupe musulman des députés de la IVème Douma le 11 février 1916 par K. Tevkelev. Les autorités russes y ont été accusées de politique de nationalisme, de racisme et d’intolérance religieuse.

La conséquence de ces fautes accomplies par la politique russe par rapport aux régions non-russes a été les événements de 1916. Le facteur islamique s’est fait connaître dans la région du Turkestan où les Kazakhs composaient la majorité de la population ainsi que dans les régions de Samarcande et Ferghana. Les soulèvements ont été causés par l’oukase de 25 juin 1916 sur le recrutement forcé des allogènes aux travaux du front arrière. En plus le recrutement correspondait au moment du jeûne des musulmans, ce qui était perçu par eux comme un sacrilège.

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