• Aucun résultat trouvé

Politique des gengiskhanides vis-à-vis de l’islam.

1.3. L’islam dans l’Empire mongol et dans les Etats post-mongols

1.3.3. Politique des gengiskhanides vis-à-vis de l’islam.

1.3.3.1. Adoption de l’islam par l’oulous de Djaghataï (1222-1370)

Les relations mongolo-musulmanes étaient surtout favorables dans le Jetisou et Turkestan oriental. Ici au lieu de mener une politique anti-musulmane, comme c’était le cas des Qaraqytaïs et des Naïmans, les Mongols ont manifesté de la tolérance religieuse et même de la bienveillance envers les musulmans. Bien avant sa campagne centrasiatique, Djebé a

édité un ordre en Kachgarie et Jetisou, selon lequel le droit de la pratique publique des rites religieux était rendu aux musulmans. De ce fait, le Jetisou a accepté le pouvoir des Mongols de plein gré.

Après la division de la Horde d’Or entre les fils de Gengis-khan, les régions du Kazakhstan méridional, Jetisou et Mawarannahr se retrouvent sous le pouvoir de Djaghataï et les terres lui appartenant s’appellent l’oulous de Djaghataï.

Djaghataï et son entourage proche avaient des dispositions négatives pour la culture musulmane en idéalisant « Yassa ». Parmi ses descendants dans l’oulous de Djaghataï, à partir des années 1260, une lutte des représentants de deux courants opposés a été entamée. Les conservateurs, qui s’opposaient à la vie sédentaire et au rapprochement avec la tradition locale, étaient confrontés à la partie de l’aristocratie mongole qui comprenait la nécessité de la transformation culturelle. L’influence de l’islam et de la culture citadine essentiellement venait du côté du Mawarannahr, c’est pour cela que le sens de la lutte des deux groupes se définissait par « la question sur Mawarannahr ». En réalité, c’était la question du sort culturel des Mongols dans le monde de l’islam. Le qurultay40

de 1269, consacré à cette question, n’a pas levé l’état critique de la polémique, il a reconnu l’indépendance des oulous de Djaghataï, Djötchi et d’Ogedey et a établi la paix entre eux.

Les différences culturelles et psychologiques entre les Mongols de Jetisou et du Turkestan oriental, d’un côté, et des Jalayirs, Barlas qui se sont sédentarisés au Mawarannahr, de l’autre, augmentaient rapidement. Les Mogols, fiers de la pureté des traditions nomades, appelaient les musulmans-djaghataïdes péjorativement qaraounas (métis), quant à ces derniers, ils considéraient les habitants de Jetisou comme des « barbares arriérés et violents » en les appelant djete (brigands). Finalement, ces différences ont conduit au schisme politique de l’oulous de Djaghataï en deux Etats, Mawarannahr et Mogholistan.41

Comme dans d’autres oulous héritiers de l’empire de Gengis-khan, les khans

djaghataïdes étaient de différentes confessions. Par exemple, Moubarak chah et Barak étaient musulmans, tandis que Kebek non. La lutte entre deux lignes s’est accentuée pendant le règne de Kebek (1318-1326). Même s’il n’était pas partisan de l’islam, ses conseillers étaient musulmans, et particulièrement le prêcheur Badr ad-Din Maydani. Kebek a emprunté les éléments progressifs du système étatique des pays musulmans : en imitant Ghazan khan, il a effectué la réforme monétaire, et a développé les liens culturels avec l’Iran et les Etats du

40

Assemblée générale dans le monde turco-mongol

Moyen-Orient. Ces mesures ont rencontré une réaction réservée et parfois une animosité ouverte de la part des élites nomades.

Après la mort de Kebek, il y a de nouveau un essor de la politique anti-islamique. En

raison de divergences idéologiques, les khans Ghazan et Tarmachirin ont été tués. Au Mawarannahr régnait un morcellement féodal. La tendance objective de l’intégration politique du Mawarannahr sur la base d’islam, le fusionnement complet et irrévocable des Mongols djaghataïdes avec la culture turco-musulmane locale ont amené l’apparition sur la scène historique deTamerlan. Le caractère progressif des réformes de Tamerlan, la création d’un Etat fort centralisé islamique s’accompagnent d’un essor culturel, qui a pris le nom de la « renaissance de Tamerlan » dans la littérature. Une des actions les plus connues de l’émir est la construction du mausolée Qoja Ahmed Yasawi à Turkestan, au sud du Kazakhstan.

Parmi les khans djaghataïdes ayant adopté l’islam, se détache la figure du khan Tarmachirin (1326-1334). Son sort personnel et son activité politique sont intéressants d’un point de vue de l’islamisation des Mongols. Le prénom du khan est une forme altérée iranisée d’un prénom bouddhique Dharmachila qui veut dire « adepte de dharma » c'est-à-dire de la loi bouddhique. Cela donne à penser qu’il confessait le bouddhisme. Converti à l’islam, il devient un admirateur des soufis et même se joint à leur pratique grâce à son maître spirituel, le cheikh soufi d’Otrar Houssam ad-Din al-Yagi à qui Tarmachirin obéissait sans discussion. Il soutenait les cheikhs, les savants, construisait les mosquées, zawiyas, patronnait les tombeaux des saints à Boukhara, Samarcande et dans d’autres villes et il a établi des relations commerciales et diplomatiques avec les pays musulmans. Beaucoup de négociants, voyageurs et diplomates venaient de l’Iran, de la Syrie et de l’Egypte. Tamachirin fut tué dans l’insurrection de la noblesse nomade qui n’avait pas apprécié la rupture brusque du khan avec les traditions mongoles et sa conversion à l’islam.

1.3.3.2. Mogholistan (1346-1706)

La partie orientale de l’oulous de Djaghataï, Mogholistan, était loin derrière le Mawarannahr sur le plan de l’islamisation. Mais, vers le milieu du XIVème siècle, dans les régions de Jetisou et Kachgar les tendances proislamiques se renforcent. Le tournant radical vers l’islam est lié au nom du djaghataïde Toghlouq Timour, élu khan du Mogholistan en 1348.42 Il prend des mesures décisives sur le plan de la consolidation des positions de l’islam.

42 BASILOV V., KARMYŠEVA J., « Qazaqtardıñ isläm dinin qabıldawı » (L’adoption de l’islam par les

A partir du XIVème siècle, l’islam joue déjà un rôle important dans la vie du Mogholistan. Les circonstances de la conversion à l’islam sont liées à la rencontre avec le cheikh boukhariote Djamaladdin.

D’après Tarikh-i-Rachidi de Doulati, les Moghols se sont convertis à l’islam officiellement dans la deuxième moitié du XIVème siècle, après la conversion de leur régent Toglouq-Timour en 1352/1353. Judin V. indique aussi qu’une des tribus mogols, Choras s’est islamisée avec Toghlouq-Timour. Cela veut dire que toutes les tribus n’ont pas adopté l’islam et que la date de la conversion du régent reflète plutôt le moment initial de l’islamisation des Mogols. En 1408, le pouvoir passe à Mouhammed-khan, connu pendant ses 8 ans de règne pour l’islamisation d’une grande partie de sa population. Il oblige la population à s’habiller à la musulmane et, en 1416, édite une loi sévère selon laquelle celui qui n’a pas de turban sur la tête est puni par des clous enfoncés dans sa tête. 43

D’autres khans du Mogholistan suivent la politique proislamique de Toghlouq Timour

tout au long des XIVème-XVIème siècles. Pour cet Etat centrasiatique qui a un rapport avec l’histoire des Kazakhs, Kirghizes et Ouighours, la religion est étroitement liée aux facteurs géopolitiques. Le voisinage avec les pays non-musulmans (Djoungarie, Chine, Tibet, Inde) trouve un écho direct dans la politique intérieure et extérieure, la culture et le mode de vie de la population. Cette circonstance a aussi des côtés positifs. La rencontre d’Appaq-khodja, soufi connu du Turkestan oriental, avec le dalaï-lama tibétain est symbolique et caractéristique de cette période-là. Ils sympathisent et le dalaï-lama écrit aux Oïrats une lettre pour qu’ils puissent aider à résoudre la dispute politique pour le pouvoir au Kachgar au profit d’Appaq-khodja44

. Pourtant cet exemple de compréhension spirituelle mutuelle est assez rare pendant le Moyen Age.

Le djihad est devenu la stratégie principale de la politique extérieure des khans du Mogholistan, surtout après le XVème siècle lorsque les Oirats (Djoungares) ont commencé à changer les frontières de l’Etat. Dans le domaine des guerres religieuses s’illustre Ways khan (1418-1429), murid45 du cheikh Mouhammad Kachani (l’ordre de Naqchbandiyya). Il interdit d’attaquer les musulmans, dirigeant ses combattants contre les Oïrats, lui-même étant le murid de Mouhammad Kachani de l’ordre Naqchbandiyya. Il réussit à convertir à l’islam le chef des Oïrats Isan-taïcha, en lui donnant sa sœur Makhtoum-khanoum en mariage. Ce fait ne manque

43

STUART D., Religiâ kazahov v XV-XVIII vv (Religion des Kazakhs aux XV-XVIII siècles), Thèse de doctorat en histoire, Institut d’orientalisme Süleymenov, Almaty, Kazakhstan, 2002, p.50

44 Cela avait des conséquences graves pour le peuple ouïghour et dans l’historiographie ouïghour contemporaine

sa personnalité est vue négativement

pas de provoquer des conflits parmi les Oïrats. D’autres exemples de conversion des Oïrats ne sont pas rares au cours du XVIème-XVIIIème siècles. Surtout cela s’est passé grâce à l’aide des soufis de Naqchbandiyya (Khodja Ishaq, Divana Machrab).46

Abdar-Rachid khan dont l’éducateur était Muhammad Haidar Doulati mène

ghazawat47 avec les Kalmouks et Kirghizes ; il est le murid du khodja kachgar connu Mouhammad Charif, de l’ordre Waysiyya. Ce soufi-là, ressortissant de Saïram est vénéré au Turkestan oriental comme le saint qui a diffusé l’islam parmi les nomades chamanistes dans les régions frontalières de la Djoungarie et de la Chine.

Carte 6 : Le territoire du Kazakhstan au XVème-XVIème ss Source : http://www.tarih.spring.kz/ru/history/medieval/maps/

1.3.3.3. Etat d’Aboulkhair khan (1428-1480)

L’Etat d’Aboulkhair khan, dont le khanat kazakh a hérité des traditions était un Etat

nomade typiquement musulman. L’idéologie officielle était l’islam du rite sunnite (hanéfites). La base législative et judiciaire était la charia, il y avait un poste du cadi supérieur- l’autorité

46

NURTAZÏNA N., Islam v istorii srednevekovogo Kazahstana, op.cit., p.193

suprême dans les questions religieuses et juridiques. L’abondance des termes et des titres arabo-perses qui ont rapport avec la gestion étatique (naïb, amir-i-chikar, moubachir etc) est tout à fait caractéristique. Le clergé jouait un grand rôle dans l’Etat. On donnait une grande importance à l’éducation, la population faisait le pèlerinage. Les représentants de la religion on assisté à la cérémonie de l’intronisation d’Aboulkhair khan au Decht-i-Qypchaq à côté des chefs des tribus ouzbeks. Le khan était entouré des khodjas48 (cheikhs), voyant dans leur présence le soutien religieux de l’Etat.

On peut juger quel était le rôle du clergé dans la vie politique à partir d’une réunion qu’Aboulkhair a organisée avant de faire incursion au Khwarezm en 1431. La plupart des chefs des tribus et des sultans ont voté contre cette idée, souhaitant éviter les relations avec Chahrouh (timurides). A l’exception des seyids49 Qoul Muhammad et Qara Qaid qui ont soutenu cette idée et tous les autres chefs étaient obligés de donner leur accord.

Aboulkhair faisait des incursions contre les Oïrats qualifiant ces actions de guerre sainte. De même pour son petit-fils Mouhammed Chaybani qui menait les guerres avec le khanat kazakh en leur attribuant une portée religieuse. En particulier il voulait obtenir du clergé boukhariote une fatwa sur l’infidélité des Kazakhs.50

Outline

Documents relatifs