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Niveau 4: Des contradictions entre le système d’activité et les systèmes voisins qu

5.2 Des tensions qui persistent

Malgré toutes les actions en transition posées par les enseignants pour intégrer les TIC dans leurs classes pléthoriques, des tensions persistent au sein du système d’activité avec la classe complète. Certaines de ces tensions persistantes ont été évoquées à travers les quatre lieux où nous avons documenté l’activité d’intégration des TIC tout au long du chapitre précédent.

Pour répondre à notre question de recherche en ce qui concerne les manifestations de transformation prenant la forme de tensions, nous avons identifié une liste de celles qui nous paraissent les plus importantes, que nous présentons ici avec quelques commentaires pour exprimer que les pratiques ne sont pas figées et que d’autres transformations devront

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être effectuées pour que l’activité d’intégration du KF et de VIA devienne partie intégrale de l’activité courante des enseignants burkinabè dans leurs classes pléthoriques. Suivant cette liste, nous repérons quelques constatations en rapport avec des tensions, ainsi que des actions à être posées par des tiers, car elles semblent être hors de l’emprise des actions de nos trois sujets, voire même de la direction et des ÉSF.

 Les difficultés techniques récurrentes (connexion, les mises à jour, etc.) : les problèmes liés aux outils sont difficiles à résoudre et cela ne facilite pas les actions des enseignants.

 Étendre le projet à l’école, d’une part, pour rejoindre plus d’enseignants, que ce soit motivant et qu’il y ait de l’entraide et un aménagement des horaires et, d’autre part, que ça continue pour les élèves et qu’il y ait une cohérence : les enseignants ont cette attente, soit que le projet prenne plus d’expansion dans le lycée et ce n’est pas encore prévu.

 Indisponibilité de certains enseignants du lycée St-Viateur pour s’insérer dans le projet : plusieurs enseignants de ce lycée ne sont pas permanents et non pas une tâche complète. Cela fait en sorte qu’ils ne peuvent pas faire des heures en dehors de l’horaire régulier, ce qui correspond à l’actuel horaire du projet @CTIF.

 Effectifs trop élevés pour la gestion de la classe, les horaires et locaux : le problème des effectifs demeure au cœur des tensions du système d’activité des enseignants, ce qui les pousse à réfléchir à de nouvelles façons de faire. Cette tension ne sera peut- être jamais résolue, puisque la majorité des écoles burkinabè font face à un nombre d’élèves grandissant.

 La poursuite des activités des enseignants avec de nouveaux élèves pour laisser la chance à d’autres classes ou la poursuite avec les mêmes élèves : les enseignants ressentent cette tension et ont jusqu’à maintenant décidé de poursuivre le projet avec les mêmes élèves dans un souci de cohérence. Toutefois, ils aimeraient laisser la chance à d’autres classes.

125  Intégrer le programme : que le projet intègre le programme et que ce soit dans les heures de l’horaire régulier : les actions des enseignants ont permis de résoudre une partie de cette tension, mais ils n’ont pas encore pu travailler directement à l’intérieur de l’horaire régulier.

 La hiérarchie du système scolaire pour commencer rapidement au début de l’année scolaire : pour entamer les activités, les enseignants doivent attendre que des ententes soient établies entre la Fondation, le lycée et la MDS, ce qui ralentit parfois le début des activités.

 Accès à l’outil pour les enseignants : le fait de ne pas avoir Internet à la maison les dérange, car ils ne peuvent pas avancer les activités dans le KF de la maison. Le suivi des élèves sur le KF s’en trouve atteint, notamment la lecture des contributions, car ils manquent de temps.

 Finalement, la grande tension n’est pas encore résolue, soit celle de mener le projet avec toute la classe en permettant une démarche plus soutenue de coélaboration de connaissances pour tous : jusqu’à maintenant, les élèves ont pu jouir d’un accompagnement plus serré de la part des enseignants en classe et sur le KF quand ils étaient dans les sous-groupes de 20. Quand toute la classe pléthorique a participé au projet, ce fut difficile pour les enseignants de suivre de près chaque équipe de travail et ce ne sont pas tous les élèves qui ont pu profiter des avantages de la démarche. Nous nous attardons sur cette dernière tension pour apporter des précisions et faire part de nos constatations. Les enseignants, au démarrage du projet avec leur sous-groupe de 20 élèves, ne savaient pas encore qu’il existerait un écart entre la qualité de la démarche avec tous les élèves et la qualité atteinte avec seulement une partie d’entre eux. La tension ressentie à ce moment se situait plutôt entre permettre un accès élargi à de nouveaux outils et à une nouvelle façon d’apprendre ou limiter cet accès à une portion de leurs élèves. Ceci vient du fait que l’accès aux TIC est très limité au Burkina Faso et que l’école se veut une voie privilégiée pour donner la chance aux élèves de développer des compétences technologiques en plus d’avoir un accès à l’information. On voit ici une démocratisation du savoir qui passe par Internet, ce que les enseignants ont d’emblée relevé avec le projet

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@CTIF. Restreindre cette chance à 20 élèves par lycée paraissait donc, de prime abord, injuste.

Cette tension a toutefois évolué pour se positionner entre choisir soit la démarche de coélaboration de connaissances pour un petit groupe avec des outils disponibles et du soutien pour chaque élève, soit une offre réduite du temps d’usage et de l’habilitation aux outils pour un grand groupe. Les enseignants ont perçu concrètement cette difficulté quand ils ont commencé à introduire le KF avec toutes leurs classes de même niveau. Ils ont alors vu que les élèves ne pouvaient pas tous jouer un rôle actif dans leur petite équipe de travail. La création de contributions était ardue à faire en équipe de cinq ou six, car seulement deux élèves avaient une place fonctionnelle devant l’ordinateur. Ils ont alors commis l’action en transition, comme nous l’avons mentionné, de créer des rôles pour chaque membre de l’équipe, mais ils ont perçu que ce n’était pas la situation idéale pour que les élèves s’impliquent complètement dans la démarche de coélaboration de connaissances. Ils ont donc vu l’avantage de limiter le nombre de participants par séance KF, mais cela ne vient pas résoudre la tension de donner la chance à tous les élèves de développer des compétences avec les TIC, de se voir profiter de la démocratisation de la connaissance par l’accès à Internet et de travailler selon une approche de coélaboration de connaissances qui les amène vers une nouvelle façon de se comporter dans leur environnement d’apprentissage. C’est pour cela que des pistes seront ressorties subséquemment afin de miser sur la portée du projet dans l’école, tel que le proposent les enseignants, et viser à ce que chaque élève puisse profiter de cette intégration des technologies dans le lycée.

5.2.1 Des tensions incontrôlables

Nous constatons que certaines des tensions listées reflètent des éléments déjà évoqués par rapport à la fracture numérique et aux effectifs pléthores. Les difficultés techniques récurrentes sont hors du contrôle des enseignants puisque, comme nous l’avons vu, la situation technologique du Burkina Faso n’est pas enviable et la connexion Internet est plus que dispendieuse. Il est donc ardu pour les enseignants de travailler quand un écart sévit en leur défaveur. La direction de Saint-Viateur et la Maison des savoirs de Sig Noghin ont déjà investi pour augmenter le débit de la connexion pour aider les activités du projet @CTIF, mais plusieurs problèmes demeurent, notamment en raison de l’instabilité de

127 l’électricité. Dans ce cas précis, il ne faut pas baser toutes les activités sur Internet et miser sur des alternatives, comme l’utilisation de documentation sur clé USB. Ce genre d’action est accompli par l’équipe de recherche-intervention, mais pour qu’une intégration soit complète et que l’activité d’intégration des TIC progresse, il faudrait que ce soit les enseignants qui songent à prendre de telles précautions à l’avenir. Ils peuvent faire appel à l’équipe de recherche-intervention, cela constituerait une action en transition du même type de celles faisant appel à des acteurs externes.

Pour ce qui a trait aux effectifs très élevés, ils occasionnent de nombreux casse-têtes pour les enseignants qui ont pourtant déjà posé plusieurs actions pour arriver à gérer ces défis, comme nous l’avons déjà mentionné. Les classes peu nombreuses permettent entres autres de meilleures interactions entre l’enseignant et ses élèves, favorisent l’enseignement personnalisé et des rétroactions plus rapides (Blatchford, 2003), mais malgré tous ces effets positifs, il est hors de l’emprise des enseignants de diminuer les classes. Pour profiter de ces effets, les enseignants peuvent travailler avec moins d’élèves à la fois comme ce fut le cas des sous-groupes de 20 élèves, mais alors, nous n’arrivons pas à entrer dans une logique d’intégration des TIC dans toute l’école, à moins d’impliquer plus d’enseignants.

Ces deux tensions venant d’être exposées peuvent être qualifiées d’incontrôlables pour les enseignants, mais nous ne nous attarderons pas davantage sur elles. Nous désirons plutôt regarder des pistes pouvant diminuer la teneur de ces tensions.