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1.4 Le cas du Burkina Faso

1.4.2 Le contexte éducatif burkinabè

1.4.2.3 La classe pléthorique

Une caractéristique de l’organisation scolaire au Burkina Faso est la classe pléthorique. Nous considérons ici une classe comme étant le nombre d’élèves physiquement présents qui apprennent d’un enseignant dans un temps donné et qui interagissent entre eux et avec l’enseignant, tel que défini par Brewer et coll. (2001). Spécifions que lorsque nous parlons du ratio élève-enseignant, nous l’entendons du point de vue de la classe seulement, et non d’un point de vue administratif qui proviendrait d’une mesure globale des ressources humaines exercées directement et indirectement sur l’apprentissage des élèves. Le ratio élève-enseignant réfère ici à celui d’un enseignant pour un nombre donné d’élèves dans une classe en temps réel. Nomaye (2006), propose une classification des groupes scolaires au primaire en fonction du nombre d’élèves en s’inspirant d’un classement des groupes de tout genre d’après leur taille. Elle soutient que chaque fois qu’une classe compte plus de 50 élèves pour un seul maitre, nous pouvons parler d’un grand groupe. Quand nous employons les termes « classe à effectif pléthorique », nous l’associons à un grand groupe, mais en considérant qu’il est surpeuplé selon son contexte, notamment celui de l’enseignement aux jeunes. Un effectif pléthorique peut être défini comme un nombre excessif de personnes composant un groupe dans un espace déterminé pour une activité donnée (Boyer, 2009). Au-delà d’un certain seuil, l’enseignement et l’apprentissage s’en trouvent complexifiés, mais ce seuil est relatif au système éducatif. Pour se situer, spécifions que dans les pays de l’OCDE, le nombre moyen d’élèves par classe est d’environ 24 pour le premier cycle du secondaire (année de référence 2009, OCDE, 2011). En comparaison à cette moyenne, la plupart des classes burkinabè ne contiennent pas moins d’une centaine d’élèves dans un espace restreint et où l’équipement manque (Chéron & Hochet, 2009; Napon, 2009).

Précisons que l’effectif d’un grand groupe n’est pas nécessairement qualifié de pléthorique, car on doit tenir compte de l’âge des apprenants, de leur maturité, de leurs aptitudes, etc. Par exemple, dans les universités, des cours en amphithéâtre sont dispensés à de grands groupes selon une pédagogie magistrale et cette organisation se justifie également par le manque de ressources (humaines et matérielles) plus que par le type d’apprenant dans nombre de contextes institutionnels.

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En Afrique, la classe pléthorique est une situation qui vient répondre, entre autres, à un besoin de massifier l’offre de scolarisation. Au Burkina Faso, 45,8% de la population est âgée entre 0 et 14 ans (CIA, 2012), ce qui signifie qu’une partie de ces jeunes fréquente l’école. Aussi, une forte demande sociale, une impossibilité de former un nombre suffisant d’enseignants qualifiés et une difficulté à supporter le fardeau des couts liés aux salaires, à l’entretien et au fonctionnement des institutions scolaires constituent le contexte qui se traduit inéluctablement par l’existence des grands groupes dans les classes qui offrent l’instruction de base (Valérien, 1991). De plus, les besoins de développer la société ont conduit à la mise de l’avant du principe de démocratisation de l’éducation et la classe pléthorique devient alors incontournable pour répondre à cette nécessité.

Pour composer avec le grand nombre d’élèves par classe, diverses réflexions et actions ont été menées au cours des dernières décennies et plusieurs savoirs pédagogiques font maintenant partie du patrimoine pédagogique de l’Afrique subsaharienne que l’on nomme « Pédagogie des grands groupes » (Nomaye, 2006), mais ces solutions se heurtent souvent au manque de formation des enseignants. Comme il y a une pénurie d’enseignants, ces derniers ne suivent souvent qu’une courte formation avant d’enseigner (7 mois), tel que mentionné précédemment. Différents modes d’organisation sont également mis en œuvre comme les classes à double flux (CDF) où un enseignant peut recevoir de façon alternative deux groupes d’élèves dans une même classe (Ngamassu, 2005). Une cohorte d’élèves assiste au cours de l’enseignant le matin et une deuxième cohorte remplace la première dans le cours du même enseignant l’après-midi. Les mêmes installations et les mêmes bâtiments sont utilisés par les deux groupes. Ce type de classe est considéré comme une formule alternative d’instruction de base afin de réduire les effectifs par classe dans les grands centres urbains, pour élargir l’accès à l’école et pour améliorer l’encadrement des élèves par l’enseignant, mais il n’en demeure pas moins que l’enseignant se retrouve avec deux cohortes dépassant dans tous les cas 50 élèves.

D'après Majanga, Nasongo, & Sylvia (2011), une classe pléthorique amène du découragement chez les enseignants en raison de la lourde tâche incluant la planification des leçons, le travail durant plusieurs heures, notamment en raison de la correction, la gestion de tous les élèves et les suivis à donner. Il est aussi difficile pour les enseignants

21 d’allouer une attention personnalisée à tous leurs apprenants, de donner des devoirs à propos de ce qui a été enseigné et d’avoir le plein contrôle sur leur classe. D’après Olajide (2012), plusieurs raisons amènent à penser qu’il faut éviter une grande classe, autant pour les enseignants que pour les élèves. Pour les enseignants, plusieurs arguments sont énoncés, dont les suivants : le manque de flexibilité dans les activités en classe, la difficulté à varier les approches, à provoquer des occasions pour améliorer la pensée critique et pour travailler les habiletés en écriture, la difficulté de donner des rétroactions de qualité aux élèves, l’augmentation des problèmes organisationnels, etc. Pour les élèves, l’auteur relève qu’ils font face à différents défis dans un grand groupe, comme une inhabileté à repérer la pertinence et l’importance d’une information, une hésitation à poser des questions et un manque d’expérience avec la gestion de leur temps.

Selon certaines études, (Anzieu, & Martin, 1973 ; Blatchford, 2003 ; Hattie, 2009 ; Krueger, 2002 ; OCDE, 2009), à l’inverse de la classe pléthorique, la réduction des effectifs a des avantages évidents pour les enseignants et les élèves, comme l’augmentation des interactions en classe, une meilleure gestion du climat de classe ou une meilleure relation maitre-élève. De plus, pour les enseignants, leurs conditions de travail s’en trouvent améliorées en leur permettant une plus grande flexibilité pour l'innovation dans la salle de classe et en améliorant leur satisfaction au travail. D’après un rapport de l’Association canadienne d’éducation (ACE) sur la réduction de l’effectif des classes (Bascia, 2010), dans les classes où il y a moins d’élèves, ceux-ci apprennent davantage sur le plan scolaire et social et ils sont plus engagés. Les cibles d’effectifs varient selon les niveaux scolaires et les provinces, se situant entre 17 élèves à la maternelle et 30 élèves en 3e année primaire. Au Burkina Faso, l’objectif ciblé du Plan Décennal de Développement de l’Éducation de Base (MENA, 2011) est de 50 élèves par enseignant. Les effets positifs s’expliquent notamment par des stratégies différentes de regroupement et des interactions plus fréquentes entre les élèves. Blatchford (2003), soutient d’ailleurs que les élèves des plus petits groupes sont davantage susceptibles d’interagir avec leur enseignant, d’obtenir un enseignement personnalisé et d’avoir une rétroaction rapide. Ces études nous poussent à affirmer que les classes pléthoriques sont une situation souvent éprouvante qui amène son lot de défis pour les enseignants et les élèves burkinabè.

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