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Niveau 4: Des contradictions entre le système d’activité et les systèmes voisins qu

5.3 Pistes de recherche, implications pédagogiques et suggestions

5.3.1 Pistes de recherche

Nous avons exploité les systèmes d’activité et leurs sous-triangles (Engeström, 1999, Barma, 2008), les manifestations discursives de contradictions avec les types de tensions

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(Engeström & Sannino, 2011) ainsi que le concept d’action (Leont’ev, 1978, Sannino, 2008) de la théorie de l’activité pour mener notre étude. Néanmoins, considérant que nous nous sommes principalement centrée sur les actions des enseignants dans leur classe pléthorique, nous croyons qu’une telle étude gagnerait à tirer profit d’autres concepts et applications de la théorie de l’activité pour tendre vers une analyse davantage étendue dans le temps et de niveau plus large que ce que nous avons pu accomplir.

5.3.1.1 L’interrelation de systèmes d’activité voisins

Nous avons précédemment mentionné qu’Engeström (1999) relève quatre niveaux de contradictions possibles au sein d’un système d’activité pour situer les tensions et contradictions dans leur développement historique16. Dans notre analyse, nous avons largement touché au deuxième niveau de tension en mettant en relation les pôles du système d’activité pour situer les tensions émergentes :

Figure 29. Des tensions entre chacune des composantes du système d’activité comme un 2e

niveau de tension selon Engeström (1999)

Il s’agit du principal niveau que nous avons exploré dans notre étude qui nous a permis de nommer les tensions et de relever les actions en transition pour les résoudre. Nous avons aussi regardé les premier et troisième niveaux d’Engeström (1999), mais sans creuser puisque notre question de recherche visait précisément la documentation des manifestations de transformation chez les enseignants en passant par les tensions et les actions en transition. Ceci signifie que nous nous sommes surtout centrée sur la double stimulation,

129 c’est-à-dire sur le fait que le sujet modélise une nouvelle activité en allant au-delà du problème initial.

Nous avons également utilisé le quatrième niveau de tension en mettant en relation des systèmes d’activité voisins17 au chapitre précédent lorsque nous avons relié l’activité des ÉSF à celle des directions des deux lycées. Cela nous a permis d’entrevoir l’activité d’intégration des TIC en dehors de la classe pléthorique. Mettre en relation le système d’activité des enseignants avec ces deux systèmes voisins serait une piste de recherche envisageable afin de percevoir l’activité à un niveau bien plus large que ce que nous avons atteint dans notre recherche et de sortir de la classe pour se situer dans le contexte de l’école. Pour ce faire, des entretiens plus pointus et fréquents avec les ÉSF et les directions pourraient être menés et une observation centrée sur ces acteurs serait également à privilégier.

Cette méthode permettrait de regarder les systèmes d’activité qui partagent le même objet, soit que les élèves travaillent selon une approche de coélaboration de connaissances axée sur le développement d’une intelligence collective. Tel que Barma (2008) le soutient, cette mise en relation fait émerger la pertinence d’envisager l’objet d’apprentissage comme étant en mouvement collectivement négocié, ce qui est porteur pour renouveler la manière de s’intéresser aux pratiques enseignantes. Dans notre contexte d’intégration du KF et de VIA dans la classe pléthorique par les enseignants burkinabè, il s’agit d’une possibilité pour porter un regard sur la négociation collective entre différents acteurs comme la direction, les ÉSF et les enseignants, pour faire avancer l’activité d’intégration des TIC à une plus grande échelle. C’est d’autant plus pertinent quand nous savons, tel que nous l’avons relevé dans nos résultats, que les enseignants désirent étendre l’intégration des TIC selon une approche de coélaboration de connaissances dans toute l’école, mais qu’ils sont confrontés à des tensions, notamment organisationnelles, matérielles et hiérarchiques. Le niveau de

17 Se référer à la figure 7 pour visualiser deux systèmes d’activité partageant le même objet en interaction

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l’école est donc un contexte élargi qui pourrait apporter plus d’éléments pour concevoir l’activité d’intégration des TIC.

5.3.1.2 Une recherche selon le « Change laboratory »

Nous avons précisé que notre étude ne consiste pas en un « Change Laboratory », la méthode de recherche-intervention développée à l’Université d’Helsinsky par Engeström (2007), en raison du contexte de notre étude. Le projet @CTIF avait déjà démarré sur le terrain au moment du début de la présente recherche et il n’était pas possible de suivre une telle méthode malgré que nous nous souscrivions à un effort de développement de pratiques éducatives par les praticiens tout comme c’est le cas dans un « Change Laboratory ». De plus, dans un « Change Laboratory », c’est normalement le milieu qui vient à la recherche et non l’inverse et ce n’était pas le cas du projet @CTIF. Pour arriver à mettre en place une recherche-intervention de ce type, un espace est aménagé dans le milieu où des transformations sont souhaitées, dans lequel il y a des instruments pour analyser les perturbations et pour construire de nouveaux modèles pour la pratique observée. L’aide d’un chercheur interventionniste est convoitée et une équipe travaille à analyser les pratiques et les problèmes dans le milieu de travail. Ensuite, à partir de ce « miroir » de la situation problématique actuelle et à partir d’instruments conceptuels tels que le système d’activité et le cycle d’expansion, l’équipe retrace la source des troubles et en modélise les systèmes d’activité passés. L’activité courante est alors modélisée avec ses contradictions pour que les participants centrent leurs efforts de transformation sur les sources essentielles des problèmes. L’étape suivante est d’envisager le futur modèle de l’activité et sa réalisation (Engeström et al, 1996). Il s’agit là d’une description d’un cycle de l’apprentissage expansif parmi une série de plusieurs autres cycles et dans lesquels s’inscrivent et s’articulent de petits cycles de résolution de problèmes et d’apprentissage. Un « Change Laboratory » peut durer plusieurs années avant d’être complété.

Mentionnons que notre recherche a exploré les systèmes d’activité dans un temps limité en mettant en perspective le système d’activité au démarrage du projet et ses formes culturellement avancées, un peu à la manière d’un « Change Laboratory ». Nous avons ressorti le système d’activité des sujets enseignants à trois moments précis, soit avant l’introduction des TIC, pendant l’intégration avec les sous-groupes et pendant l’intégration

131 avec toute la classe. Cette façon de faire peut nous mener à situer l’activité dans un cycle d’expansion, tel que conçu dans l’apprentissage expansif d’Engeström (Engeström, 1987). Nous n’avons que très peu abordé ce concept et nous nous sommes davantage centrée sur le 2e niveau de contradiction d’Engeström (1999), mais ce cycle peut être utilisé plus largement et les quatre niveaux de contradiction que nous avons évoqués constituent un modèle qui peut être associé aux phases du cycle expansif, tel que le précise Miettinen (2009).

Malgré la distance que présente notre recherche avec la méthode du « Change Laboratory », nous désirons pointer ce type de recherche comme étant une piste à suivre dans le cas de projets éducatifs développés dans les pays en voie de développement qui s’échelonnent sur plusieurs années. Pour ce qui est du projet @CTIF, le projet pourrait durer encore longtemps et s’étendre à d’autres pays. Ainsi, mener un « Change Laboratory » aurait pu s’avérer fort pertinent pour renouveler les pratiques enseignantes, en outre quand on tient compte de l’écart entre la pédagogie employée habituellement et celle proposée dans des projets issus de la culture nord-américaine. Avec un « Change Laboratory », l’équipe de travail serait majoritairement des praticiens du milieu de transformation, ce qui amènerait des propositions de transformation et d’actions en cohérence avec la culture et la réalité africaine dès le départ. Plus précisément, nous voulons spécifier par là que ce genre de méthode permet de gagner du temps tout en évitant des tensions qui sont inconnues aux praticiens d’ailleurs qui introduisent de nouvelles pratiques.