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Suivant les travaux qui viennent d’être mentionnés, les communautés d’élaboration de connaissances (Knowledge Building Communities) sont une forme de communauté d’apprentissage proposée par des spécialistes de l’écriture de OISE/UT, soient Bereiter et Scardamalia (1993). Dans la coélaboration de connaissances, « les membres de la communauté se penchent ensemble sur une question ou un problème qui les intéressent. Ils l’examinent sous plusieurs angles ou perspectives et différents points de vue se confrontent. » (Laferrière, 2005, p.12). Ils font appel à leurs connaissances antérieures et à des recherches diverses (documentation majoritairement puisée sur Internet) pour formuler des questions qui poussent plus loin la problématique, pour formuler des interprétations ou pour se forger un raisonnement qui leur permettra de partager, d’argumenter et d’élaborer une connaissance collective avec les autres membres de leur communauté (entendre ici la classe).

Le discours occupe une place centrale dans les classes intégrant ce modèle ; c’est grâce au développement d’un discours collectif, dans lequel sont engagés les participants, qu’une compréhension commune d’un phénomène étudié est rendue possible. Cette compréhension du groupe est de plus haut niveau que la compréhension que les participants avaient avant le développement du discours. Il s’ensuit une compréhension plus approfondie construite à

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partir des contributions de chacun. Il s’agit d’un travail complexe où les participants génèrent des idées et contribuent à l’avancement des connaissances par un processus d’amélioration de ces idées amenées dans un espace numérique partagé (Scardamalia & Bereiter, 2006). Dans ce contexte, le rôle de l’élève est de participer à la création d’un savoir collectif par rapport au problème investigué. Par ce processus, les enseignants et les élèves en viennent à reconnaitre que « les idées se transforment, s’améliorent et se précisent au fil du temps, par la lecture, la collecte de données, l’interprétation et la discussion (incluant la réfutation), et admettent que la compréhension d’une question et le raffinement des idées à son sujet prennent forme » (Allaire, Hamel et Laferrière, 2011, para. 8).

Les communautés de coélaboration de connaissances se distinguent par une production du discours en réseau en faisant appel à des moyens technologiques, entre autres, un espace numérique partagé à des fins d’écriture. En effet, en plus d’interagir à l’oral, les membres de la communauté mettent à profit l’écriture en développant une base de connaissances à l’aide du KF.

Le KF est un espace de collaboration numérique qui soutient le processus de coélaboration de connaissances. Il a été conçu par Scardamalia et Bereiter (1994) et il vise la construction de nouvelles connaissances et le développement de la compréhension par un processus d’amélioration des idées à l’écrit tel que nous venons de le décrire. À l’aide de ce logiciel, les élèves travaillent ensemble à faire évoluer une investigation collective centrée initialement sur une question complexe pour qu’un discours collectif se développe en cours de démarche. Le KF prend appui sur douze principes déterminés par Scardamalia et Bereiter (2003) (voir Annexe A pour une description de tous les principes). Certaines propriétés du forum d’écriture viennent soutenir ces principes, notamment l’utilisation des échafaudages qui stimulent les participants à préciser leurs idées, la fonction d’élaboration des idées sur celles des autres afin de construire un discours évolutif et collaboratif ou encore la fonction « élever le propos » qui permet de regrouper dans une même note les contributions de plusieurs participants afin d’en produire une synthèse. De plus, le KF est un environnement asynchrone qui offre la possibilité aux classes d’interagir malgré des contraintes d’horaire ou de distance.

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2.4 Les communautés de pratique

Pour les professionnels du monde de l’éducation (et ceux d’autres milieux), il existe les communautés de pratique (coP) au sein desquelles ils peuvent effectuer des apprentissages non formels au sens où l’entend Werquin (2010), c’est-à-dire où l’apprentissage est intégré dans des activités planifiées qui ne sont pas explicitement désignées comme des activités d’apprentissage en terme d’objectifs, de temps, etc., mais où l’apprentissage est intentionnel de la part de l’apprenant. L’appellation spécifique et les appuis théoriques des communautés de pratique nous viennent principalement des travaux de Lave et Wenger (1991) où ils désignent ce regroupement comme suit :

[…] un système d’activité sur lequel les participants partagent des compréhensions sur ce qu’ils font et sur ce que cela signifie dans leur vie et pour leur communauté. Ainsi, ils sont unis dans l’action et dans la signification que cette action a, aussi bien pour eux-mêmes que pour une collectivité plus large. (p. 98)

Ces auteurs conçoivent le processus d’apprentissage selon une perspective sociale où la participation en tant que membre d’un groupe de praticiens amène un individu à acquérir une expertise et à exercer un rôle de plus en plus important. (Laferrière, 2005).

À la différence d’une équipe de travail qui vise l’atteinte d’un objectif précis, la communauté est unie par la connaissance qui est partagée et développée par ses membres (Bourhis & Tremblay, 2004). Le caractère volontaire de la communauté s’explique donc par un intérêt commun, une passion partagée. Selon Wenger (2005), trois dimensions fondamentales contribuent à la cohérence d’une communauté : l’engagement mutuel, l’entreprise commune et le répertoire partagé de ressources. L’engagement mutuel fait référence au sentiment d’appartenance et au rapport d’entraide des membres. L’entreprise commune concerne la pratique que les participants partagent ensemble et est le résultat d’un processus collectif de négociation. Le répertoire partagé de ressources touche quant à lui aux actions, outils, artéfacts, codes et autres outils créés ou adoptés par la communauté pour se construire des significations conjointes.

La communauté de pratique est un groupement d’individus qui se rassemblent sans que cela soit imposé ou directement commandé par les dirigeants d’une organisation. La communauté de pratique évolue à travers les structures formelles d’une organisation

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comme une école, une entreprise ou une commission scolaire, mais les membres qui la composent sont indépendants de cette structure hiérarchique et rigide (Gagnon, 2003). McDermott (1999) souligne la nécessité de soutenir le processus naturel de développement d’une communauté plutôt que de l’imposer. La communauté de pratique peut être le résultat de l’interaction quotidienne en milieu de travail (Hamel, 2003) et peut se former de diverses façons. Depuis les dernières années, des organisations ont notamment voulu provoquer la création de telles communautés. Saint-Onge et Wallace (2002) en distinguent trois types en fonction de leurs origines : les communautés informelles, les communautés soutenues et les communautés structurées. Le développement d’une communauté de pratique est donc parfois complètement naturel et émerge du contact des praticiens (informelle) et d’autres fois, elle est suggérée par des gestionnaires (soutenue) ou même organisée et démarrée par eux (structurée). Quand une organisation est à la base de la création de la communauté dans le but de répondre à certains besoins, la communauté s’organise toutefois d’elle-même et ce sont les membres qui la prennent en charge (Bourhis & Tremblay, 2004).

Plus spécifiquement, il existe des communautés de pratique soutenues par le réseau qui permettent d’aller au-delà des barrières géographiques et temporelles. Le soutien du réseau signifie que le recours à l’Internet et à d’autres outils numériques de communication et de collaboration permet aux membres d’une communauté de se rencontrer et d’échanger. À titre d’exemple, par des forums électroniques, par le partage de ressources par courriel et sur différentes plateformes et par la vidéoconférence, les participants sont réunis en fonction de leurs intérêts communs malgré la distance.

Il est à noter que les communautés de pratique se distinguent des communautés d’apprentissage professionnelles (CAP) qui sont un type de communauté spécifique au domaine de l’éducation et qui comportent des différences manifestes. Les communautés d’apprentissage professionnelles concernent le développement professionnel des enseignants dans une dynamique de fonctionnement de l’école et l’inscrivent dans un processus d’amélioration de la pratique du personnel enseignant (apprentissage non formel) (Laferrière, 2005). Dans ce genre de communauté, tout l’établissement scolaire est impliqué dans une démarche qui suit des étapes précises d’initiation, d’implantation et d’intégration

37 (Leclerc, Clément et Moreau, 2011), à la différence des communautés de pratique qui ne visent pas d’objectifs précis établis d’avance et qui ne suivent pas une structure définie. La communauté d’apprentissage professionnelle est donc délibérément prise en charge par une organisation et s’ancre dans la mission et la réalité d’une école (Hamel, 2003).