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Plusieurs limites ont été peu à peu identifiées à l’égard de cette approche pédagogique par la psychologie de l’éducation en général et par la technologie éducative en particulier, on note des limites suivantes :

 &.

1. Absence de la rétroaction

On reproche à l’APO l’absence de l’activité pédagogique de la rétroaction des apprenants. Cette approche fait référence à un « paradigme d’enseignement où les connaissances sont, par définition, dispensées par l’enseignant qui est la personne responsable du processus d’enseignement. Cette transmission a lieu sans qu’il n’y ait nécessairement de rétroaction de la part des apprenants » (St-Germain, 2008. p. 20).

Le même auteurn’énonce que ce paradigme amène les enseignants à percevoir les étudiants comme étant des véhicules passifs qui traitent les savoirs qu’ils utiliseront lors de l’évaluation des apprentissages. La rétroaction doit être explicite, valorisant un comportement, un geste maîtrisé, une décision judicieuse ou, au contraire, pointer une difficulté, une maladresse ou un processus de décision défaillant, de manière à ce que l’étudiant saisisse clairement ce qu’il fait bien et ce qu’il doit améliorer ou corriger (Pellacia, 2016). Il s’agit d’une activité pédagogique particulièrement importante pour renforcer la motivation, les ressources et les stratégies utilisées ou encore le soutien lors des moments les plus difficiles des étudiants. Mais elle est aussi utile pour rendre compte du vécu de la compréhension de l’étudiant et du suivi de sa progression. Le même auteur précise que la rétroaction est une activité cruciale que les superviseurs de stage doivent mettre en œuvre afin de favoriser le développement des compétences de l’étudiant et l’autonomie professionnelle.

On se demande comment l’apprenant, n’ayant pas participé d’une manière active à son processus d’apprentissage clinique est invité à être réflexif créatif sur ses pratiques ?

2. Problème d’alternance de la théorie à la pratique

L’alternance de la théorie à la pratique représente le dispositif de l’apprentissage clinique. Pour Philippe, M (2001) « l’alternance désigne le va-et-vient d’un futur professionnel entre deux lieux de formation, d’une part un institut de formation initial, d’autre part, un ou plusieurs lieux de stage ». « Il s’agit d’une forme de communication et d’application des connaissances théoriques, techniques, organisationnelles et relationnelles. Il se déroule dans un milieu susceptible d’offrir à l’étudiant l’occasion de situer ses connaissances dans une vue d’ensemble réelle auprès des clients et lui permet de passer de la théorie à la pratique » (Phaneuf, 2012). 

Lors d’une recherche expérimentale sur l’approche par objectif, Soukini et Fortier (1995) rapportent que l’étudiant oublie une grande partie de ce qui lui est enseigné, ne sait pas faire de liens avec les connaissances acquises antérieurement, a beaucoup de difficulté à faire des liens entre la théorie et la pratique, ne fait pas l’analyse de ses erreurs, vise des objectifs

 '% d’évaluation plutôt que des objectifs d’apprentissage. Legendre (2001), mentionne qu’il s’agit d’une incapacité à évoquer les connaissances et à en faire un usage approprié. On qualifie souvent ces connaissances d’inertes, l’apprenant étant incapable de les réutiliser de façon fonctionnelle et judicieuse dans d’autres situations. Or, une connaissance inerte est, par définition, non mobilisable. Poteaux et Pelaccia (2016, chapitre 9, p. 173) expliquent la problématique de l’alternance et le transfert des connaissances par une défaillance des dispositifs universitaires qui considèrent le plus souvent les disciplines comme des pièces séparés ce qui conduit à adopter une logique photographique. Cette organisation ne favorise pas le transfert des apprentissages ni verticalement (entre les années d’étude) ni horizontalement (entre les cours d’une même unité d’enseignement) Tardif, Désilets et Paradis (1992), explique que ce modèle de l’enseignement traditionnel est caractérisé par les approches associationnistes et mécanistes entraînent des lacunes sérieuses dans les apprentissages des apprenants, notamment en ce qui concerne l’utilisation et le transfert des connaissances.

3. Lacunes importantes dans les habiletés intellectuelles de « haut niveau »

Des lacunes concernant l’atteinte des habiletés intellectuelles ont également été soulignées. L’accent mis sur la mémorisation d’un très grand nombre d’éléments de contenus spécifiques se fait souvent au détriment d’habiletés intellectuelles complexes telles que le raisonnement logique, le jugement critique, l’argumentation. Ces habilités semblent assez peu sollicités par un enseignement qui laisse peu de place à l’initiative et l’autonomie de l’apprenant surtout dans le contexte de l’AMC où l’étudiant est confronté à des situations de soins complexes qui impose le recours à plusieurs ressources. Les approches associationnistes ne constituent pas des ressources (cognitifs et méta-cognits) pour l’apprenant. Les ressources sont essentielles afin d’effectuer adéquatement une méthode de soins sécuritaire (Bitsika, et al., 2013).

4. Le risque de morcellement des apprentissages

Sur le plan épistémologique, on reproche à cette approche de fractionner les savoirs à apprendre au point que l’élève perd la finalité des apprentissages, ce que souligne Deronne (2012, p. 17) en accusant l’APO « de trop compartimenter les savoirs en décomposant les contenus en de multiples objectifs opérationnels. […] Cette accumulation de connaissances cloisonnées engendrait une perte de sens des apprentissages et une incapacité des élèves à mobiliser les savoirs spontanément dans des situations pour lesquelles ils seraient pertinents. ». Dans l’APO, la tendance à vouloir décrire de manière exhaustive tous les apprentissages visés sous la forme d’objectifs nombreux et morcelés a conduit à une

 '& prolifération d’objectifs. Le découpage des savoirs en petites unités, relativement faciles à évaluer, amène à aborder les connaissances de manière additive et linéaire plutôt que dans leurs interrelations au sein d’un ensemble plus large qui leur donne du sens.

5. Difficultés de précision du degré de spécificité des objectifs et de l’évaluation des

compétences

Parmi les difficultés auxquelles sont confrontés les enseignants dans une APO est de choisir le juste degré de spécificité des objectifs au niveau opérationnel (Nguyen, 2007). Cela va retentir sur le processus de l’apprentissage et sur l’évaluation des compétences des étudiants. Un autre effet pervers des apprentissages par objectifs est la centration sur l’évaluation au détriment de l’apprentissage (Legendre, 2001a).

Les influences de la perspective behavioriste de l’apprentissage ainsi que celles de la perspective docimologique de l’évaluation ont eu des conséquences réductrices à l’égard des pratiques évaluatives. Ainsi, parce que seuls les comportements observables sont des données fiables et mesurables, l’évaluation des apprentissages a souvent mis un accent important sur le résultat observable, sans vraiment chercher à savoir comment ce résultat était obtenu, privilégiant ainsi le produit au détriment du processus (Tardif, Fortier, Pré fontaine, 2006).

6. Le non-respect du rythme et de l’émotion

Les étudiants n’ont pas tous les mêmes processus d’acquisition des connaissances et des savoirs- faire. D’un point de vue psychologique, il n’y a pas une seule intelligence, mais de « multiples intelligences » responsables de l’apprentissage : émotionnel, social, cognitif, physique et réflectif. Sur le plan émotionnel Naceur (2011), dans son livre : émotion et apprentissage, qui traitent la dualité des affects et de la cognition, l’auteur explique l’effet des composantes de l’émotion sur le processus de l’apprentissage, il rapporte à l’introduction « qu’il y aurait chez l’individu des forces émotionnelles et motivationnelles aveugles, auxquelles s’opposerait la mise en œuvre de l’activité intellectuelle et de ses acquis ». Dans un contexte d’AMC, les émotions sont particulières. Houghton et al., (2012) rapportent que les étudiantes éprouvent un choc lors de leur premier contact avec la réalité du milieu clinique. Comme ce choc augmente le stress et l’anxiété des étudiantes, le respect des émotions devient une nécessité et exige une pédagogie plus proche des besoins ressentis par chaque apprenant.

Ces préoccupations pédagogiques ont remis en question le courant de pensée qui fait référence à l’APO. Elles ont entre autres contribué à l’émergence des courants conceptuels

 '' contemporains basés sur l’APC. Cependant, cette approche n’a pas échappé à son tour aux nombreuses critiques.

III.

Les tensions autour de l’apprentissage par compétence (APC)