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I. Qu’est-ce « apprendre » ? Et qu’est-ce « apprendre en milieu clinique » ?

1. L’apprentissage en milieu clinique : une compétence sociale et relationnelle

Contrairement à l’enseignement des cours théoriques dans les classes qui se déroulent entre l’enseignant et les étudiants où la tradition pédagogique tente de construire des objectifs observables qui se rapprochent le plus possible de la vie professionnelle, l’apprentissage des soins pratiques en milieu clinique place les étudiants dans un contexte d’apprentissage réel,  5

 &( hétérogène, instable et complexe. Il s’agit avant tout d’une relation interpersonnelle qui met en présence des individus en tenant compte de leurs identités ethnoculturelles, personnelles, professionnelles et sociales (Formarier, 2007). La perspective socioculturelle de l’éducation postule que l’apprentissage est un processus intimement lié au contexte dans lequel il s’effectue (Pellacia, 2016).Le milieu clinique confronte l’étudiant à un mélange de culture, de valeurs, d’idéologie et de pragmatisme de plusieurs personnes. Par son intégration à une communauté de praticien, sa participation aux activités cliniques, ses interactions avec les acteurs du milieu cliniques en particulier les étudiants, les professionnels de la santé, le patient et son entourage et les professeurs de l’enseignement clinique (PEC) l’étudiant développe la capacité de réfléchir et d’agir avec les autres. L’interaction produit donc des « concrétisations cognitives » qui contribuent à la fois à l’enrichissement ou à la modification des représentations individuelles de chaque étudiant et à la construction progressive de son identité professionnelle.

Dans une situation d’apprentissage des soins, la prise en charge du patient tout en tenant compte de son entourage occupe une place centrale dans le processus de l’apprentissage des étudiants en sciences de la santé. Cette prise en charge holistique tisse des relations d’accompagnement et d’aide, comme l’explique Phaneuf6 (2016) dans son ouvrage intitulé : la relation soignant-soigné, l’accompagnement thérapeutique, la relation et la compréhension du patient impose l’échange, le partage d’informations et d’émotion. Cette relation de collaboration et de confiance tisse des liens particuliers entre soignant- soigné.

C’est au cours de leur expérience d’apprentissage que les étudiants rencontrent réellement les différents profils des patients et qu’ils apprennent l’intérêt des dimensions du lien relationnel « Dans la relation de soin, le lien relationnel va s’exprimer dans plusieurs dimensions : une dimension sociale, une dimension humaine, une dimension éducative », avec non seulement le patient, mais aussi avec toute l’équipe soignante et enseignante et avec les pairs (Merkling-Jacky, 2010). L’AMC se construit à l’hôpital qui représente un lieu de négociation des normes et des valeurs qui interagissent constamment. L’étudiant apprend à partir des situations professionnelles rencontrées qui font appel à un éventail de connaissances physiopathologiques juridiques, psychologiques, sociologiques, religieuses, etc. (Vierset , Frenay et Bédard , 2015).

Le PEC a le rôle d’accompagner l’étudiant et de soigner le patient en même temps. Il porte donc une responsabilité dans le développement de l’étudiant vers la professionnalisation. 

6 Phaneuf , M. (2016). La relation soignant-soigné. L’accompagnement thérapeutique. 2e éd. Paris : Chenelière éducation, p. 296. PHANEUF Margot (2016).

 &) Il doit être éducateur autant qu’enseignant en prenant en compte les besoins et les capacités de chaque étudiant. L’enseignant doit maintenir un équilibre entre : « […] confiance et surveillance, compréhension et empathie ; autonomie et soutien ; respect des capacités et orientation et évolution vers l’initiative personnelle et la compétence. » (Phaneuf, 2012, p. 17)7. Le PEC doit aider l’étudiant à appréhender et mettre en lien les savoirs et la pratique, et donc s’approprier les savoirs dans une logique de construction de la compétence au sein de l’équipe. C’est un environnement qui exige la complicité et l’échange entre l’étudiant et PEC, les pairs, les professionnels de la santé et le patient et son entourage. Cela impose de savoir communiquer avec les autres, savoir réaliser les tâches en collaboration avec le groupe, savoir gérer la vie de groupe et enfin savoir demander et obtenir de l’aide.

Les interactions multiples lors de la construction de l’étudiant de ces connaissances donnent à l’AMC un aspect social et relation de prédilection, difficile à assurer sous forme de pratiques pédagogiques traditionnelles.

2. L’apprentissage en milieu clinique : une question de capacité à réfléchir

L’AMC est un apprentissage complexe qui permet à l’étudiant d’acquérir et de développer des habiletés sensori-motrices et psychoaffectives. Il constitue une occasion pour mettre en action et confronter des savoirs théoriques aux réalités pratiques du milieu clinique qui représente aussi un milieu générateur de connaissances. Ainsi, l’étudiant est amené à raisonner, organiser, dispenser et évaluer les soins requis à partir des connaissances et des compétences acquises afin de les améliorer.

Les stages en milieu clinique sont à la fois des lieux et un environnement d’intégration des connaissances construites par l’étudiant et des lieux d’acquisition de nouvelles connaissances par la voie de l’observation, de la contribution aux soins, de la prise en charge des personnes, de la participation aux réflexions menées en équipe et par l’utilisation des savoirs dans la résolution des problèmes.

La formation des étudiants se trouve ainsi confrontée à une triple nécessité : celle de leur permettre d’acquérir une capacité technoscientifique, de les aider à s’entraîner à une capacité relationnelle, et enfin de les accompagner pour élever leur capacité à fonder leur pratique sur l’intelligence du singulier dont ils feront preuve en situation (Walter, 2011).

Par ailleurs, des rôles distincts sont attribués à l’enseignant et à l’étudiant. D’une part 

7 Phaneuf , Margot. (2012). L’apprentissage/enseignement en milieu clinique. Repéré à :

http://www.prendresoin.org/wp-content/uploads/2013/01/Apprentissage-enseignement_clinique.pdf. 

 &* l’enseignant, pédagogue et didacticien met l’étudiant dans une posture dynamique qui lui permet de reconnaître ses ressources de développer l’habilité de mobiliser tous « types de savoirs » nécessaires afin de bien agir devant une situation de soins bien précise. Par cette posture il reconnaît ses limites, améliore ses interventions et développe ses aptitudes devant des situations de soins identiques ou différentes. Il s’agit bien ici de connaissances d’action sur « soi » en action, dans l’action et pour l’action, qui diffèrent des connaissances théoriques

Pellacia (2016).

D’autre part, l’étudiant doit être capable de s’engager dans une démarche de connaissance de soi afin de jouer ce rôle actif dans son processus d’apprentissage. En fait l’unicité de l’être humain et les attitudes imprévisibles, l’absence de règles et des recommandations standards incitent l’étudiant à la réflexion et la mobilisation constante des savoirs (Budowski, 2015).

Pour ces raisons l’autonomie est au cœur du développement de la capacité de raisonnement clinique. Elle est plus que jamais nécessaire pour améliorer la manière d’apprendre à réfléchir dans les situations de soins complexes spécifiques à chaque patient.

L’autonomie est ainsi directement reliée à la capacité qu’auront les étudiants de penser leur pratique. Une telle capacité de penser et d’analyser s’exerce et s’affine tout au long de l’exercice professionnel, elle se prépare dès la formation initiale des étudiants.

En somme, toutes les capacités que nous venons de citer sur le plan technique, social ,cognitif, métacognitif et psycho-affectif et que l’apprenant est tenu d’acquérir font de l’AMC un exercice difficile à assurer sous forme d’enseignement traditionnel, qui s’oppose non seulement au contexte et à l’environnement de cet apprentissage, mais aussi au profil attendu du futur professionnel de la santé qui dépasse de loin la simple exécution des tâches.