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V. LES THÉORIES DE L’APPRENTISSAGE

1. Le Behaviorisme

1.1 Fondement et développement du Behaviorisme

Les théories de l’apprentissage peuvent se répartir en trois grands courants de pensé. Le béhaviorisme, le cognitivisme et le constructivisme.

1. Le Behaviorisme

Le behaviorisme, également appelé modèle du conditionnement, est l’une des grandes théories de l’apprentissage et d’ailleurs la première à avoir fortement marqué les sciences de l’éducation. Ce courant est aussi appelé paradigme associationniste, issu du grec « paradeigma », c’est-à-dire « modèle ». Il s’attache à étudier la liaison entre les éléments d’une situation et les réponses d’un sujet, induites par un stimulus.

Pour les behavioristes, l’apprentissage est défini comme une modification durable des comportements, un comportement étant l’ensemble des réactions objectivement observables d’un organisme qui réagit à un stimulus (Brahimi, 2011). En tant que théorie de l’apprentissage, le Behaviorisme s’intéresse à l’étude des comportements observables et mesurables et considère l’esprit comme une « boîte noire » (Good et Brophy, 1995).

1.1 Fondement et développement du Behaviorisme

Les fondements théoriques du béhaviorisme remontent jusqu’à Aristote qui étudiait les associations entre des événements naturels comme l’éclair et la foudre.

Le courant béhavioriste est né de diverses expériences, notamment de celles de Pavlov (1849-1936) qui est à l’origine de la théorie du conditionnement classique appelée également théorie du conditionnement répondant. Sa célèbre expérience sur le chien en est l’illustration (Bauchot, 2010). Toutefois, cette théorie, largement utilisée dans plusieurs domaines, recèle des faiblesses, entre autres l’impossibilité d’expliquer l’apparition de nouveaux comportements.Par la suite, d’après Da-Costa 2014, ce courant sera influencé par Thorndike , chercheur en psychologie animale (1874-1949), qui a fondé sa théorie du « lien associatif » sur deux principes d’apprentissage : le premier se base sur une série d’essais-erreurs d’apprentissage et le second sur l’évitement progressif des comportements les moins efficaces pour atteindre le but. Le savoir est découpé en différents composants qu’un élève précédemment introduit à la tâche (loi de préparation) assimile à travers la répétition (loi de l’exercice) rapidement suivie d’un feed-back positif ou négatif (loi de l’effet). (Da-Costa , 2014.p.7). Pour lui, l’apprentissage se fait par essais et erreurs et il est favorisé par la récompense positive ou négative, c’est ce qu’il appelle la loi de l’effet (Brahimi, 2011).

 (+ Dans les années 1860-1880, Fechner, physicien et philosophe allemand, considère l’individu comme « une boîte noire » dont il ignore le fonctionnement, mais dont il peut parfaitement prévoir certains comportements puisqu’il constate qu’en proposant des stimuli particuliers à l’entrée, il obtient toujours les mêmes résultats à la sortie.

En se basant sur ces différents travaux, John Broadus Watson (1878-1958) donne les principes de base du behaviorisme dont il invente le nom (Kozanitis, 2005). Il affirme ainsi que si la psychologie veut être perçue comme une science naturelle et objective, elle doit se limiter aux événements observables et mesurables en se débarrassant, sur le plan théorique, de toutes les interprétations qui font appel à des notions telles que la conscience et en condamnant, sur le plan méthodologique, l’usage de l’introspection (Watson , 1913).

Par la suite, selon Schacter, Gilbert et Wegener (2011) , ce paradigme béhavioriste sera complété par les travaux de Burrhus, Frédéric et Skinner entre les années 1904-1990. Ces derniers ont prolongé le conditionnement classique pavlovien par le conditionnement opérant ce qui a inventé la chambre de conditionnement opérant également connue sous le nom de la boîte de Skinner(Schacter, Gilbert et Wegener, 2011). D’ailleurs, Raynal et Rieunier (1997), rapporte que « Pavlov conditionne un réflexe tandis que Skinner conditionne un comportement volontaire » (p. 340).

Pour Skinner la matière à enseigner doit être fragmentée afin que chaque point soit facilement compréhensible avant d’aller plus loin. Les tâches sont ainsi réparties en sous- tâches considérées comme un objectif d’apprentissage distinct axé sur des comportements observables (behaviours). Contrairement à la vision de Thorndike, pour qui les récompenses et punitions contribuent également à renforcer le comportement souhaité. Pour Skinner seule, les renforcements positifs sont dignes d’intérêt en éducation. « Nous ne renforçons pas la bonne prononciation en punissant la mauvaise ni des mouvements habiles en punissant la maladresse » (Skinner, 1968, p. 178, cité par Da Costa, 2014, p.6).

En s’appuyant sur sa théorie du renforcement et de la punition, Skinner (1904-1990, cité par Brahimi, 2011) suggère que « la principale chose que les gens apprennent à être puni est de savoir comment éviter la punition ».

L’acquisition des connaissances d’après lui doit se baser sur un processus divisé en petite partie, et le que renforcement doit se baser sur la maîtrise de l’apprenant de chaque partie pour aboutir à la fin à l’acquisition de la compétence (Rutherford, 2003).

Par ailleurs, Burrhus Skinner, qui s’est attaché au renforcement des comportements attendus, sera à l’origine de l’enseignement programmé. En développant l’enseignement programmé, il

 (, a permis d’élaborer une méthode pédagogique qui va fortement influencer la conception de système d’apprentissage (Brahimi, 2011).



1.2 La pédagogie par objectif

Les principes d’une pédagogie behavioriste se marieraient bien avec une pédagogie par les objectifs (Carrette et Rey, 2010). Dans un ancien ouvrage à visée didactique, De Landsheere (1984) rappelle que la notion d’objectifs pédagogiques comme méthodes de planification des activités d’enseignement s’est bien développée entre les années 1950 et 1960, pour répondre à la nécessité d’introduire davantage de rigueur dans les dispositifs de formation dans un contexte marqué par l’augmentation des savoirs et du nombre des étudiants.

Dans une PPO, l’enseignant est une personne « dirigiste » qui travaille à petits pas, il est rigoureux dans sa planification.

Les activités structurées sont basées sur un découpage précis. Il doit gérer son programme avec un découpage précis de ce qu’il faut enseigner et avec dextérité(Carrette et Rey, 2010). Les auteurs rapportent que l’enseignant découpe la tâche à réussir en unités suffisamment petites pour faire réussir les élèves, puis enchaîner à ses unités entre elles de la même façon. Enfin, la pédagogie par objectif définit avec précision ce que l’on attend de l’apprenant suite à un enseignement donné par l’enseignant. Les objectifs expriment ce que l’enseignant valorise et le niveau d’habileté cognitive attendu des apprenants. Ainsi, ces objectifs délimitent le champ de la réflexion et dirigent la manière dont l’apprenant peut accomplir une certaine auto-évaluation.

Le courant de la pédagogie par objectifs s’est bien développé, particulièrement à la suite des travaux de Bloom et al., (1956) dont la taxonomie est renommée.

Cette approche s’articule sur trois concepts principaux qui sont : un comportement observable, un objectif général et un objectif spécifique (Ouardia Ait Amar, 2014).

L’objectif général se définit comme « un énoncé d’intention pédagogique décrivant en termes de capacités de l’apprenant l’un des résultats escomptés d’une séquence d’apprentissage » (Hameline, 1991, p 98).

Selon le même auteur, un objectif est qualifié d’opérationnel lorsqu’il répond aux quatre conditions suivantes : le contenu doit être énoncé de la façon la moins équivoque possible ; il doit décrire une activité de l’apprenant identifiable par un comportement observable ; il doit mentionner les conditions dans lesquelles le comportement escompté doit se manifester ;il doit enfin indiquer le niveau d’exigence auquel l’apprentissage est tenu de se situer, et les

 (- critères qui serviront à l’évaluation de cet apprentissage.

Ainsi, l’approche par objectif a commencé à être vue comme avant tout « un moyen d’organiser le curriculum et d’optimiser le rendement » et non pas vraiment comme une pédagogie (Carrette et Rey, 2010, p. 79).

1.2.1 La première taxonomie cognitive des objectifs

Le mot taxonomie signifie « classification hiérarchisée ». En pédagogie, on parle de taxonomie des objectifs pour classer les niveaux de définition de ces objectifs . Il existe trois domaines de taxonomie : psychomoteur, affectif et cognitive12.

La taxonomie cognitive consiste à classer les opérations intellectuelles en plusieurs niveaux structurés. On doit la première taxonomie cognitive au célèbre docimologue américain Bloom. En 1956, Bloom et ses collaborateurs (Bloom, Englehart, Furst, Hill et Krathwohl, 1956) ont publié sous le titre « Taxonomy of Educational Objectives, the classification of Educational goals-Hand-book : Cognitive Domain, New York, McKay », la première théorie d’apprentissage la plus reconnue dans le domaine de l’éducation. Elle repose sur une taxonomie de la classification des objectifs en catégories, du domaine cognitif, psychomoteur et affectif. Il alliera « accomplissement des tâches » et objectifs d’apprentissage en l’adaptant au domaine de l’enseignement.

La taxonomie des objectifs du domaine cognitif propose des objectifs qui relèvent de la connaissance seulement ou principalement.

Donc, l’objectif doit avant tout définir l’activité intellectuelle attendue par l’apprenant. Pour ce faire il suggère une taxonomie qui catégorise ces activités suivant six niveaux d’objectifs cognitifs qui sont définis à trois grands niveaux (Bloom et al., 1956). La taxonomie de Bloom permet d’identifier la nature des capacités sollicitées par un objectif de formation et son degré de complexité.

Selon lui, l’objectif pédagogique est une déclaration claire de ce que l’action éducative doit amener comme changement chez l’étudiant. La finalité première de cette taxonomie des objectifs éducationnels est de catégoriser les niveaux d’activité intellectuelle sollicités par l’objectif : la connaissance, la compréhension, l’application, l’analyse, la synthèse et l’évaluation. Par cette catégorisation, Bloom pose l’hypothèse selon laquelle le processus 

&'La taxonomie cognitive, ou comment mesurer la complexité des tâches proposées aux élèves ? Repéré à

http://www.gaius.ch/pluginfile/619/mod_resource/content/2/DidRo_Taxonomie.pdf. 

 (. d’apprentissage et les habiletés peuvent être mesurés sur un continuum allant de simple au complexe (Bloom et al., 1956). On reconnaît cependant que les différents aspects sont liés et qu’une telle division est arbitraire bien qu’utile à des fins de classification (Legendre, 1993). Il serait plus juste de qualifier les objectifs en leur attribuant une « dominante cognitive, affective ou psychomotrice » (Lebrun et Berthelot, 1991, p.111).

1.2.2 La formulation des objectifs

Mager (1962) a marqué à son tour le courant de la pédagogie par les objectifs. Selon lui, l’objectif ne décrit pas le processus d’apprentissage, mais un résultat en insistant sur les conditions dans lesquelles le comportement se réalise et les performances minimales à atteindre. Ainsi, il a précisé la manière de formuler les objectifs pédagogiques. Pour lui, un objectif pédagogique doit contenir un verbe d’action qui décrit la performance attendue de l’étudiant, une description des conditions de réalisations et les critères de performance (Mager, 1962). Les objectifs doivent décrire un ensemble de comportements observables dont il est possible qu’ils attestent valablement les apprentissages maîtrisés par l’élève. Il a indiqué en outre que l’objectif doit décrire les conditions de réalisation du comportement attendu et préciser la performance minimale à atteindre. Les objectifs d’apprentissage sont formulés en termes de comportements observables que l’étudiant sera capable de faire à la fin de l’enseignement. Ainsi, Gagné et Briggs (1974, cités par Nguyen et Blais, 2007) considèrent que l’objectif détermine avec précision le résultat souhaité au terme d'un processus d’enseignement tout en insistant sur les activités de l’élève.

Les objectifs ont fait par la suite l’objet d’une abondante littérature et plusieurs ouvrages les ont fait connaître aux pédagogues francophones (par exemple : De Landsheere, V et De Landsheere, G, 1989 ; Hameline, 1980 ; Pocztar, 1979 ; Burns, 1975 ; Fontaine, 1989 cité par Nguyen et Blais, 2007). Plus précisément nous pouvons citer les travaux de De-Landsheere (1984). Les écrits de cet auteur demeurent dans la continuité de ceux de Mager.

Ainsi, éduquer pour lui implique toujours un objectif. Encore, d’après lui il n’y a pas d’évaluation correcte sans objectifs clairs, d’où la nécessité de la taxonomie. L’idéal serait dans une taxonomie unique qui fondrait les trois domaines traditionnels (cognitif, affectif, psychomoteur) et rappellerait constamment la nécessité de considérer l’individu tout entier. La description de l’objectif mentionne le comportement, le résultat attendu, les conditions de la réalisation et les critères qui permettent de juger de l’atteinte de l’objectif.

Les origines behavioristes de l’approche par objectifs et une perspective docimologique stricte ont favorisé une prolifération des objectifs qui séparent les domaines (cognitifs,

 )% psychomoteurs et psychoaffectifs), qui réduisent les objectifs de haut niveau taxonomique en de multiples tâches simples difficilement intégrées (Nguyen et Blais, 2007).

2. Le cognitivisme

À l'opposé des thèses béhav1oristes, plusieurs courants de pensée en Psychologie de l'apprentissage et dans les Neurosciences qui ne, se satisfont pas du modèle comportementaliste et de ses difficultés à expliquer les apprentissages complexes, humains, ont proposé d'autres théories notamment à partir des années 50 et 60 (Ndiaye, 1997, p. 7), dont le cognitivisme fait partie. Ce courant fait suite au behaviorisme et s’y oppose.

Mais, si la cohérence et l’objectivité du modèle béhavioriste le rendent transparent, il est beaucoup moins simple de décrire les contours d’une conception cognitive. Pour se faire , le cognitivisme peut être divisé en deux versions, l’une s’intéressant au traitement de l’information, et la deuxième s’attachant à redonner de l’importance aux stratégies mentales nécessaires à tout processus d’apprentissage (Kozanitis, 2005).

Dans ce sens, le cognitivisme, comme son nom l’indique va s’intéresser à l’étude de la cognition, soit le fonctionnement de l’intelligence, le raisonnement, l’origine de nos connaissances ainsi que les stratégies employées pour assimiler, retenir et réinvestir les connaissances. Le cognitivisme s’intéresse à l’étude des phénomènes mentaux et des connaissances telles que le raisonnement, la mémorisation, la résolution de problème et le transfert de connaissances. Le cognitivisme s’intéresse d’autre part et essentiellement à la perception ou l’attention, le traitement en mémoire, le langage, et ce, en regard du fonctionnement du cerveau (Legendre, 1993 ; Tardif 1992, cité par Da Costa, 2014 ; Eastes, 2013). Le cognitivisme correspond donc à un changement dans les structures mentales ou les représentations internes des individus. Apprendre consiste donc à transformer des structures cognitives préalables en structures nouvelles (Lebrun, 2002). C’est un processus actif de traitement de l’information et de résolution de problèmes (Brahimi, 2011). Il regroupe différents modèles d’enseignement et d’apprentissage sous une approche pédagogique particulière.