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I. Qu’est-ce « apprendre » ? Et qu’est-ce « apprendre en milieu clinique » ?

3. L’apprentissage en milieu clinique : question de pédagogie active

3. L’apprentissage en milieu clinique : question de pédagogie active

En pédagogie active, l’exercice de la pensée et de la réflexion avec les étudiants dénote des méthodes et des outils pédagogiques où les activités d’apprentissage sont élaborées par les étudiants dans une ambiance d’apprentissage motivante.

L’apprenant est ainsi considéré comme un acteur principal qui détient une base de savoirs et de savoir-faire multiples  et qui est capable de mobiliser ses savoirs et savoir-faire pour agir efficacement en situation : diagnostic des problèmes, élaboration de stratégies de solutions, prise de décision, etc. (Altet, 1994 et Perrenoud, 2001).

Les mêmes auteurs ont rapporté que dans ce type d’apprentissage, l’étudiant doit être capable de rendre compte de ses savoirs, savoir-faire et ses actes, disposer d’une autonomie et d’une

 &+ responsabilité personnelle dans l’exercice de ses compétences, adhérer à des représentations et à des normes collectives, constitutives d’une identité professionnelle.

Les styles d’apprentissages et d’enseignement et leur effet sur la motivation et les stratégies d’apprentissage qui sont deux concepts de base de l’autonomie ont fait l’objet de recherches abondantes. Pour Sternburg (1990), ces styles « sont plus des inclinations que des capacités ». Ils peuvent renvoyer soit à des approches plutôt conservatrices où l’étudiant reste passif dans son apprentissage, soit à des pratiques novatrices orientées vers la réflexion et l’analyse où l’étudiant contribue efficacement à la résolution des problèmes de soins et donc à son propre apprentissage. Apprendre en analysant sa pratique est une forme d’apprentissage autorégulé

(Cosnefroy, 2010, p.35 cité par Noëlle, 2014).

D’ailleurs, un nombre croissant de travaux de recherche s’intéresse aux conditions permettant d’améliorer la formation des étudiants futurs professionnels de la santé, soulignant l’importance de la pédagogie active et participative pour soutenir la pratique réflexive et l’apprentissage en profondeur (Jouquan, 2013 ; Ten Cate, 2014 ;Lasnier ,2014).

Dans cette perspective plusieurs auteurs (Brauer, 2011 ; Bot, 2012 ; Freeman et al., 2014) articulent leurs écrits autour de l’importance des pédagogies actives comparativement à l’enseignement traditionnel. D’ailleurs, un changement de logique éducative et une nouvelle conception de concevoir l’enseignement et l’apprentissage ont envahi le monde universitaire. Comme le font remarquer plusieurs auteurs (De Ketele, 2014 ; Raucent et Verzat, 2010 ; Ravanbord, 2016),on passe graduellement d’une logique de transmission de connaissance par un maître expert à une logique d’apprentissage par développement de compétence visant la professionnalisation, en particulier, lorsqu’il s’agit des métiers de la santé (Tardif, 2015 cité par Pelaccia et Demeester , 2016, p. 200).

Privilégier les approches, les outils et les méthodes pédagogiques interactifs jouent un rôle important dans la détermination de l’autonomisation de l’apprentissage de l’étudiant.

Dans ce contexte particulier qui touche à l’apprentissage des soins authentiques, plus que jamais (mis aux caractéristiques individuelles de l’étudiant) tout ce qui est en rapport avec l’organisation des activités pédagogiques (types des activités, méthodes d’apprentissage, méthodes d’évaluations et des suivis, etc.) et tout ce qui en rapport avec l’enseignant en lui-même (perception, attitude, conviction, savoir, etc.), affectent la motivation et l’autonomie de l’apprenant, deux concepts clés de l’acquisition des compétences nécessaires en milieu clinique. L’étudiant motivé s’engage plus activement dans son processus d’apprentissage et persévère dans l’effort ainsi il présente une meilleure performance (Pintrich et Schunk, 2002 ; Viau 1999).

 &, L’un des enjeux fondamentaux de l’éducation et de l’apprentissage est l’autonomie de l’étudiant qui doit arriver à s’autoréguler et particulièrement dans le domaine des soins. Le dispositif par alternance comme modalité d’apprentissage impose l’analyse de pratiques complexes et uniques à chaque patient, afin de mobiliser les « savoirs appris » en « savoir agir ». PourCosnefroy (2010) , « cette modalité de formation nécessite une forte autonomie de l’apprenant… apprendre en analysant sa pratique est une forme d’apprentissage autorégulé ». Cosnefroy (2010, p. 35).

Former des étudiants motivés et autonomes dans l’acquisition de leurs apprentissages des soins est une approche fondamentale et un idéal pour garantir un profil compétent, responsable d’un futur professionnel de la santé.

Les particularités de l’apprentissage par alternance, les variétés des composantes complexes qui se rapportent au contexte des soins humains, les particularités pédago-didactiques font de cet apprentissage un exercice difficile à assurer sous forme d’un enseignement qui inhibe toute occasion de motivation et d’autonomie de réflexion, d’analyse et d’action.

Les méthodes pédagogiques traditionnelles ne répondent plus aux besoins et aux attentes des étudiants en sciences de la santé. Une nouvelle vision de l’enseignement, véhiculée par les paradigmes cognitifs et socio-cognitifs de l’apprentissage mettant l’étudiant dans une position active et autonome tout au long de son apprentissage a été encouragé par plusieurs auteurs. À l’École Supérieure des Sciences et Techniques de la Santé de Tunis (l’ESSTST), comme dans les autres écoles de la santé de Tunisie, l’approche pédagogique d’apprentissage en milieu clinique des stagiaires est inscrite dans une pédagogie par objectif, issue des courants béhavioristes. Le regard que nous portons aujourd’hui sur le behaviorisme s’avère être très critique. Bien que ce courant soit à l’origine de nombreux progrès en éducation, il semble désormais moins pertinent pour développer des systèmes de formation à l’instar de celle des licenciés en sciences de la santé. Le behaviorisme stipule que l’apprentissage est une réaction à des stimuli externes, l’apprenant est passif, formé par son environnement. L’apprentissage s’acquiert par la répétition. Le comportement est objectivement observable. L’avantage principal de l’approche par objectifs est d’avoir formulé et formalisé la nécessité d’expliciter de façon précise les finalités d’un dispositif de formation.

Cette approche pédagogique reste encore fort centrée sur le « savoir-faire » traditionnel, c’est-à-dire essentiellement technique et médicalisé, apprécié en termes de rentabilité, de rapidité et de reproduction des habitudes. Par cette méthode les objectifs de chaque période de stage qui visent l’acquisition de capacités observables sont préalablement établis sur le carnet de stage.

 &- Cet outil pédagogique fixe au préalable les objectifs à atteindre par l’étudiant. Il représente pour les PEC et les étudiants un outil pédagogique qui assure le suivi et la progression de l’apprentissage. Cette méthode est utilisée depuis 1972, début de la création du profil paramédical de technicien supérieur de la santé publique.

Par cette approche la trajectoire de l’apprentissage est déjà fixée, l’étudiant suit un chemin bien tracé. Il s’agit d’une pédagogie de la maîtrise, de l’enseignement programmé où l’importance première est accordée à l’environnement d’apprentissage et à son organisation par l’enseignant, la personne même du sujet apprenant, ses croyances, ses attentes, étant passées sous silence. Sa motivation est considérée comme dépendant seulement des récompenses et des punitions.

Barbot et Cammantarri (1999, p.5, cité par Noëlle, 2014), précisent que ce type de système éducatif repose sur un modèle autoritaire, hiérarchique, où le pouvoir est détenu par les enseignants qui reproduisent inconsciemment le système dans lequel ils évoluent et dans lequel la construction de l’autonomie est absente.

Les applications de ce modèle s’inscrivent dans les méthodes pédagogiques traditionnelles d’enseignement qui sont de plus en plus remises en question. Cette approche s’oppose à la nature de la pratique et au profil attendu de l’étudiant futur professionnel de la santé qui doit être davantage capable d’adaptation, de réflexion critique et d’utilisation de ses acquis dans les situations de soins les plus complexes rencontrées en milieu professionnel.

Cette approche s’oppose aussi à la mentalité des jeunes étudiants. En effet, les générations actuelles semblent faire preuve de maturité, utilisent de nouveaux moyens de communication, et requièrent des modèles d’enseignement et d’apprentissage participatifs placés au cœur de la réforme des programmes de formation aux professions des sciences de la santé et d’accréditation des institutions d’enseignement.

Pour terminer, plusieurs limites et inconvénients ont été peu à peu identifiés à l’égard de cette approche pédagogique d’apprentissage par objectif. La littérature pointe du doigt les lacunes et les difficultés auxquelles sont confrontés les étudiants et les enseignants eux-mêmes. Par ailleurs, des tensions didactiques et pédagogiques ont été soulevées par plusieurs recherches comme nous allons les rapporter ci-dessous.