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2) Les techniques juridiques ayant pour finalité la protection de l’abstention

195. Dichotomie. La protection de l’abstention s’organise ainsi par la

complémentarité des techniques protégeant la liberté de choisir l’abstention (A) et celles préservant l’agent (B).

A. Les techniques protégeant la liberté de choisir l’abstention

196. Techniques étudiées. La préservation de la liberté de s’abstenir s’effectue par

le Droit par la consécration des droits potestatifs (1) et l’admission de clauses protégeant l’abstention d’un contractant (2).

1) Les droits potestatifs

197. Définition. La liberté de s’abstenir est ainsi inhérente aux droits potestatifs.

Leur recensement et leur classification ont été proposés par Monsieur VALORY dans sa thèse526. Ainsi, un droit potestatif s’entend « du pouvoir par lequel son titulaire - le potentior - peut influer sur les situations juridiques préexistantes en les

525 A. ZARROUK, L’implicite et le contenu contractuel. Étude de droit comparé : droit français et

droit tunisien, Préf. Ph. DELEBECQUE, Avant-propos M.-K. CHARFEDDINE, L’Harmattan,

Logiques juridiques, 2012, p. 44, n° 34.

526 S. VALORY, La potestativité dans les relations contractuelles, avant-propos I. NAJJAR, préf. J.

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modifiant, les éteignant ou en en créant de nouvelles au moyen d’une activité unilatérale »527. Le titulaire d’un droit potestatif est donc en principe libre de l’exercer au moment et où il le souhaite. Cette liberté était critiquée. Néanmoins, Monsieur le Professeur NAJJAR prend soin de souligner qu’il ne s’agit pas pour autant « d’une prérogative sauvage ». L’auteur affirme, au contraire, qu’il s’agit d’un « droit domestiqué parmi les droits subjectifs et doté d’un régime, dont le cœur est irrigué par la liberté de décision ». C’est donc un droit légitime qui doit être « (…), reconnu, efficient, producteur d’effets de droit, [et ainsi] protégé par la loi »528.

198. Légitimité de l’abstention. En conséquence, l’abstention relative à l’exercice d’un droit potestatif est légitime puisque, pour exercer une prérogative à un instant précis, et afin d’éviter la consommation de cet exercice jusqu’au moment choisi, il faut s’abstenir à compter de la naissance de la prérogative. Ainsi, l’existence des droits potestatifs démontre la légitimité de l’abstention en la matière. Dans cette catégorie, les droits portent en eux un fort pouvoir d’abstention. Les titulaires de prérogatives ne sont toutefois pas démunis s’ils n’ont pas un tel droit. En effet, ils vont pouvoir prévoir certaines clauses pour se prémunir.

199. Clauses renforçant le pouvoir d’abstention. La validité de ces clauses n’est

toutefois pas une évidence pour tous. En effet, elles constituent pour la plupart un aménagement conventionnel de la bonne foi, « colonne vertébrale »529 de notre Droit, ce qui est, en conséquence, dénoncé530 ou prôné531. L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats affirme, quant à elle, le caractère d’ordre public de la bonne foi, ce qui s’oppose a priori à un aménagement conventionnel et devrait clore le débat. Il convient malgré tout de relever que la bonne foi est une notion à géométrie variable dont les contours ne sont pas fixés. Aussi, le caractère d’ordre public s’applique-t-il à l’exigence de bonne foi qui ne

527 C. POMART-NOMDEDEO, « Le régime juridique des droits potestatifs en matière

contractuelle, entre unité et diversité », RTD civ. 2010, p. 209.

528 I. NAJJAR, « La potestativité », RTD civ. 2012, p. 601.

529 M. MEKKI, « Les principes généraux du droit des contrats au sein du projet d’ordonnance

portant sur la réforme du droit des obligations », D. 2015, p. 816.

530 M. MEKKI, « Les principes généraux du droit des contrats au sein du projet d’ordonnance

portant sur la réforme du droit des obligations », D. 2015, p. 816, spéc. n° 49.

531 Y.-M. LAITHIER, « L’obligation d’exécuter le contrat de bonne foi est-elle susceptible de

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doit pas être réduite à une peau de chagrin, mais l’aménagement des contours de la bonne foi est intéressant et vecteur de prévisibilité. Ce n’est de plus pas dangereux puisqu’en cas d’abus des parties de cette faculté, le juge pourra passer outre la clause en la réputant abusive. Mieux, expliciter l’intensité attendue de la bonne foi en fonction de certaines circonstances préalablement prévues est un enjeu de l’avenir pour les contractants.

2) Les clauses protégeant le pouvoir de s’abstenir

200. Clause de pouvoir. L’objectif n’est pas ici de présenter de manière exhaustive

les clauses susceptibles d’intervenir mais de citer les principales. Les clauses prévoyant et autorisant l’abstention évoquent la clause de pouvoir. Cette dernière est « une stipulation source de prérogatives »532. La particularité de cette clause est de placer le cocontractant dans un état de sujétion en cas d’abstention. Dès lors, en présence d’une clause de pouvoir, le titulaire de la prérogative pourra s’abstenir comme il le souhaite. Mais, ce qui est intéressant est que cette sujétion est acceptée par celui qui risque d’être le futur destinataire de l’abstention. Ce dernier est donc d’accord pour subir l’abstention puisqu’il signe le contrat où la clause est intégrée. La clause de pouvoir ne pose pas de difficulté dès lors qu’elle est « exempte de tout détournement »533. Aussi la licéité de la clause de pouvoir permet-elle de justifier l’abstention. La clause oblige en effet à subir l’incertitude générée. L’abstention est alors tout autant équivoque mais moins obscure et inattendue pour le cocontractant. L’abstention est ainsi susceptible d’être protégée dans les situations contractuelles.

201. Clause de constatation. De la même façon, l’abstention pourrait parfois

trouver sa légitimité au cœur des clauses de constatation. Ces dernières « ont pour objet de constater un fait dont l’existence ou la preuve pourrait être source de discussions en cas de litige »534. Ce type de clause répondrait donc à l’équivocité de l’abstention, qui, par définition, est source de discussions, d’interprétation voire de discorde. Les contractants sont ainsi en droit de rédiger une clause selon

532 G. HELLERINGER, Les clauses du contrat. Essai de typologie, Préf. L. AYNЀS, LGDJ, Bibl.

dr. privé, t. 536, 2012, p. 223, n° 390.

533 G. HELLERINGER, op. cit. p. 225, n° 395.

534 J. MESTRE et Chr. RODA (dir.), Les principales clauses des contrats d’affaires, lextenso éd. les

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laquelle le titulaire de telle prérogative ne peut pas voir son abstention se retourner contre lui tant que celle-ci s’inscrit dans le délai légal prévu pour l’exercice de la prérogative en question. Une abstention se produisant suite à une telle clause ne saurait être une preuve de la mauvaise foi de ce dernier. L’agent est alors dans son droit. Ceci est laissé à sa libre appréciation. Le titulaire de la prérogative ne fait qu’utiliser un de ses droits en n’en usant pas535 volontairement. Le contrat, grâce à la clause de constatation, constate déjà la situation, la possibilité de s’abstenir, et empêche qu’il en soit apporté la preuve contraire536, que l’abstention n’était pas un comportement adéquat pour les parties. Mieux, le Droit prévoit certaines techniques qui protègent l’agent dans le cas où ce dernier n’aurait rien prévu.

B. Les techniques préservant l’agent

202. Techniques étudiées. Prendre une décision nécessite en effet du temps, voire

une certaine tranquillité de l’esprit. C’est la raison pour laquelle le législateur a interdit les actions provocatoires et interrogatoires (1) sous réserve de quelques exceptions instaurées par l’ordonnance du 11 février 2016. En outre, même si le relevé de forclusion (2), permettant la levée de la sanction qui a frappé le titulaire inactif d’une prérogative, ne s’applique en principe pas à l’abstention, son étude a néanmoins permis de découvrir un cas pour lequel le caractère intentionnel de l’abstention ne constitue pas un obstacle au relevé de forclusion et que celui-ci est une technique utile à la démonstration de la légitimité de l’abstention.

1) L’interdiction de principe des actions provocatoires et interrogatoires

203. Définitions. L’action interrogatoire est l’action intentée contre le bénéficiaire

d’une faculté d’option pour le contraindre à prendre parti537. L’action provocatoire, quant à elle, est celle intentée contre le titulaire de la prérogative afin que ce dernier la fasse valoir sous peine de la perdre538. De telles actions, sont en principe prohibées en Droit français. Leur interdiction est fondée sur l’absence d’un intérêt né et actuel à agir qui est une des conditions de la recevabilité de l’action en

535 Cass. com. 18 janv. 1984, Bull. civ. IV, n° 24,RTD civ. 1985, 161, obs. J. MESTRE.

536 S. AMRANI-MEKKI, « Décret du 18 mars 2009 relatif aux clauses abusives : quelques

réflexions procédurales », RDC, 1er oct. 2009, n° 4, p. 1617.

537 Y. DESDEVISES, « Action en justice », J.-Cl. proc. civ. Fasc. 126-2, 1er fév. 2012, mis à j. mars

2013.

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justice539. Mais, surtout, ce genre d’action n’est pas permis parce que cela priverait les règles de procédure d’utilité. En effet, « l’action interrogatoire, si elle était ouverte, réduirait à néant l’intérêt des délais légaux pour agir, et l’action révocatoire constituerait la négation du caractère facultatif de l’action »540.

L’ordonnance du 10 février 2016541 a autorisé le recours à l’action interrogatoire dans le cadre d’un pacte de préférence542 au tiers qui doute de l'étendue du pouvoir du représentant conventionnel à l'occasion d'un acte qu'il s'apprête à conclure543 et au contractant dont l’autre partie pourrait se prévaloir de la nullité du contrat544. Cela dit, il s’agit d’actions interrogatoires extrajudiciaires545 qui diffèrent des actions interrogatoires classiques qui, elles, nécessitent le recours au juge étant des actions en justice.

204. Légitimité de l’abstention. Ainsi, le titulaire de la prérogative qui s’abstient est protégé d’autrui par les interdictions décrites. De plus, puisque ce qui atteint le caractère facultatif de l’action semble être prohibé, a contrario, l’abstention, en ce qu’elle est la conséquence naturelle du caractère facultatif de l’action, est légitime. Cette légitimité n’est pas remise en cause par le fait que son caractère intentionnel fasse en principe obstacle à l’admission d’un relevé en forclusion.

539 S. GUINCHARD, C. CHAINAIS, F. FERRAND, Procédure civile. Droit interne et européen du

procès civil, Dalloz, Précis, 33ème éd. 2016, p. 137-138, n° 168 et s. 540 N. FRICERO, op.cit. p. 45.

541 Ord. n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et

de la preuve des obligations.

542 Art. 1123 de l’ord. préc. « Le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s'engage à

proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter.

Lorsqu'un contrat est conclu avec un tiers en violation d'un pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. Lorsque le tiers connaissait l'existence du pacte et l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu.

Le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai qu'il fixe et qui doit être raisonnable, l'existence d'un pacte de préférence et s'il entend s'en prévaloir.

L'écrit mentionne qu'à défaut de réponse dans ce délai, le bénéficiaire du pacte ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou la nullité du contrat ».

543 Art. 1158 ord n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime

général et de la preuve des obligations.

544 Art. 1183 ord. 10 fév. 2016.

168 2) Le relevé de forclusion

205. Conditions. Le relevé de forclusion aurait pu constituer un mécanisme

protecteur de l’agent en lui offrant une sorte de droit de repentir. Il sera en effet étudié ci-dessous qu’une des limites à l’abstention est la forclusion546, or, cette dernière bénéficie d’un retournement possible avec le relevé de forclusion. Par ce biais, le juge autorise alors celui qui était forclos à accomplir efficacement la formalité que son titulaire n’avait pas effectuée dans le délai imparti. Néanmoins, les conditions du relevé de forclusion s’opposent a priori à cette forme de protection pour l’agent.

Le relevé de forclusion n’est en effet pas de droit. L’article 540 du Code de procédure civile prévoyant le relevé de forclusion d’un justiciable n’ayant pas intenté le recours dans le délai imparti dispose que « si le jugement a été rendu par défaut ou s'il est réputé contradictoire, le juge a la faculté de relever le défendeur de la forclusion résultant de l'expiration du délai si le défendeur, sans qu'il y ait eu faute de sa part, n'a pas eu connaissance du jugement en temps utile pour exercer son recours, ou s'il s'est trouvé dans l'impossibilité d'agir ». Dès lors, puisque le juge a la faculté de relever la forclusion en la matière, il n’a aucunement l’obligation d’y procéder. La décision est laissée à sa libre appréciation. De plus, le relevé de forclusion répond à certaines conditions tenant au défendeur. Il faut que ce dernier ait eu connaissance du jugement trop tard pour exercer son recours, ou qu'il ait eu à faire face à une impossibilité d'agir sans que ces deux situations n’aient été causées par une faute de sa part547.

206. Rigueur des conditions et abstention. Il convient d’approfondir la définition

de ces conditions pour rendre compte de la difficulté d’obtenir un relevé de forclusion pour l’agent forclos. L’ignorance renvoie au cas où le défendeur n’a pas eu connaissance du jugement548, or l’abstention s’effectue dans une relative bonne connaissance de la situation. L’impossibilité d’agir fait quant à elle écho à la force majeure549. Elle se prouve aussi par la démonstration d’une « ignorance légitime et

546 Cf Infra n° 251 et s.

547 V. LOKIEC, Rép. dr. civ. D. mars 2014, v. « délai », n° 87 et s.

548 F. FERRAND, Rép. proc. civ. D. mars 2012 mis à j. janv. 2015, v. appel, n° 824. 549 F. FERRAND, Rép. proc. civ. D. mars 2012 mis à j. janv. 2015, v. appel, n° 827.

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raisonnable »550. L’impossibilité d’agir se distingue donc de l’oubli, de la négligence et du désintérêt551. De plus, l’abstention s’oppose le plus souvent à l’impossibilité objective d’agir, en ce qu’elle découle de la volonté même de ne pas exercer sa prérogative. En conséquence, cet article ne semble pas s’appliquer à l’abstention tout comme l’article 706-5 du Code de procédure pénale.

207. Relevé de forclusion de l’article 706-5 du Code de procédure pénale. Il

convient de remarquer que le relevé de forclusion intervenant suite à une forclusion induite par l’article 706-5 du Code de procédure pénale concernant la demande d’indemnité d’une victime présentée à l’article 706-3 du même Code ne prévoit pas textuellement les mêmes conditions que celles évoquées ci-dessus. Pourtant, après analyse, elles s’en approchent véritablement. La victime forclose peut être relevée de forclusion lorsqu'elle n'a pas été en mesure de faire valoir ses droits dans les délais requis ou lorsqu'elle a subi une aggravation de son préjudice ou pour tout autre motif légitime. Cette rigueur est illustrée par la Cour d’appel de Bastia. Celle-ci a en effet rejeté une requête en relevé de forclusion, parce que ne constituent pas un motif légitime, au sens de l'article 706-5, les faits rapportés par la victime forclose. La Cour retient qu’ « en application de l'article R. 50-9 du Code de procédure pénale, la copie de la procédure pénale relative à l'infraction ne fait pas partie des renseignements indispensables à l'instruction de la demande indemnitaire » et que les juges ont considéré que « l'absence du dossier pénal n'empêchait nullement la victime de saisir en temps utile la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales qui, en application de l'article 706-6 peut se faire communiquer copie des procès-verbaux constatant l'infraction ou de toutes les pièces de la procédure pénale, même en cours ». En outre, « sur le retard supplémentaire dû à un problème de transmission entre l'assureur de la victime et son conseil, qu'à le supposer établi, il n'en reste pas moins que l'inaction du requérant alors qu'il était assisté d'un conseil ne peut être considérée comme un empêchement de ce dernier à faire valoir ses droits dans les délais requis ; que plus précisément, l'absence de réponse de l'assureur à deux projets de requête adressés les 14 juin et 24 octobre 2008 ne dispensait pas la victime d'agir, au besoin après

550 Cass. 2ème civ. 7 juill. 2011, n° 10-19302, non publié au bull.

551 CA Rouen, 29 janv. 2008, n° 07/1488. Les juges refusent d’assimiler les hospitalisations en

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avoir à nouveau sollicité son assureur, avant le 18 décembre 2008 plutôt que d'attendre le mois de mai de l'année suivante »552. Les juges apprécient donc sévèrement les faits évoqués pour les qualifier de motif légitime au sens du texte précité, ce qui rapproche fortement cela des conditions d’impossibilité d’agir et d’ignorance. Les conditions du relevé de forclusion ne sont d’ailleurs pas moins strictes en matière de procédure collective. Toutefois, la rencontre de certaines circonstances peut faire échec à leur rigueur pour admettre que l’agent soit relevé de sa forclusion.

208. Infléchissement des conditions du relevé de forclusion en procédures

collectives. Le créancier qui n’a pas déclaré ses créances dans les délais est

forclos, mais il peut être relevé de sa forclusion lorsque cette inaction ne résulte pas de son fait ou si elle est due à une omission du débiteur 553. Il est de plus à noter que même lorsque le juge-commissaire accepte que le créancier soit relevé de sa forclusion, l’article précité dispose que le créancier ne peut concourir que pour les distributions postérieures à sa demande.

Le relevé de forclusion, s’appliquant autant en matière contentieuse que gracieuse, protège alors les intérêts de la personne forclose, atténuant ainsi la limite que constitue la forclusion. En outre, dans le cas où cette dernière résulterait d’une omission du débiteur lors de l’établissement de la liste des créanciers à remettre à l’administrateur et au mandataire judiciaire554, le créancier n’est plus tenu de prouver que l’omission était volontaire555. Mieux, l’ordonnance du 12 mars 2014556 a modifié l’article L. 622-26 du Code de commerce en ce sens en supprimant le caractère « volontaire » de l’omission du débiteur. Aussi, dans une telle hypothèse, le créancier forclos parce qu’il se serait abstenu trop longtemps pourrait-il voir accepter sa demande en relevé de forclusion. En effet, il lui suffit de montrer que la mention de sa créance n’apparaît pas sur la liste remise au mandataire par le débiteur et n’a pas à démontrer que l’absence de déclaration

552 CA Bastia, civ. B, 27 avril 2011, n°10/00246. 553 Art. L. 622-26 C. com.

554 Art. L. 622-6 C. com.

555 Cass. com. 10 janv. 2012, n° 10-28501, Gaz. Pal. 2012, p. 118, note P.-M. LE CORRE ; JCP E.

2012, p. 19, note Ph. PÉTEL ; Rev. sociétés, 2012, p. 195, note Ph. ROUSSEL GALLE. Le créancier n’a alors pas à démontrer le lien de causalité entre l’omission par le débiteur-surtout lorsque ce dernier l’a fait exprès – et la tardiveté de sa déclaration.

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n’est pas due à son fait557. En conséquence, d’une part, le refus d’admettre que celui qui s’est abstenu puisse bénéficier d’un relevé de forclusion atteste de la particularité de l’abstention et du fait que la forclusion constitue une limite spécifique à l’abstention, mais d’autre part, l’abandon de la preuve du caractère volontaire de l’omission du débiteur ouvre une brèche pour permettre à l’agent de profiter d’un relevé de forclusion.

209. Bilan. L’organisation de la protection de l’abstention par le Droit a été

éprouvée. Cette protection s’explique par la légitimité de l’objet protégé, la liberté de s’abstenir. C’est pourquoi, le Droit organise, en plus de l’obligation de respecter le droit des autres, la protection du processus de décision du titulaire du droit.

557 P.-M. LE CORRE, « Le relevé de forclusion après l’ordonnance du 12 mars 2014 et du décret du

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CONCLUSION DU CHAPITRE II

210. L’abstention, une modalité d’exercice autonome. L’abstention est ainsi plus

qu’une absence d’exercice provoquant des conséquences néfastes. L’abstention, la rétention de sa prérogative dans l’intention de ne pas jouir tout de suite des effets lui étant attachés, parfois pour en éviter les inconvénients, est en effet une véritable modalité d’exercice d’une prérogative, une modalité autonome, tout comme l’exercice actif ou la renonciation. En tant que telle, l’abstention est légitime. Elle doit d’autant plus le rester qu’elle a la nature d’une liberté.

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