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Abstention et abstinence juridique Abstention et abstinence sont deux substantifs du verbe « s’abstenir » Aussi paraît-il judicieux de justifier l’utilisation

II/ L’INTÉRÊT DU SUJET

B. CONFRONTATION DE L’ABSTENTION AVEC D’AUTRES NOTIONS

26. Abstention et abstinence juridique Abstention et abstinence sont deux substantifs du verbe « s’abstenir » Aussi paraît-il judicieux de justifier l’utilisation

Du terme d’abstention pour la présente étude et d’écarter celui d’abstinence. L’abstention du titulaire d’une prérogative et l’abstinence juridique se distinguent par leur philosophie. L’abstinence est l’action ou la disposition permanente de la volonté consistant à se priver de certains biens ou plaisirs dans une intention de perfection morale ou spirituelle116, que cette volonté soit spontanée117 ou

111 Par conséquent, la novation, qui suppose l’extinction d’une obligation et sa substitution par une

obligation nouvelle, ne peut se déduire d’une abstention à réclamer l’exécution de l’obligation puisque cela ne peut être assimilé à une renonciation tacite (Cass. soc. 28 mai 2015, n° 14-10005, inédit).

112 En effet, « le fait de rester inactif après l’inexécution ne vaut pas à lui seul renonciation » (O.

MORÉTEAU, Droit anglais des affaires, Dalloz, Précis, Droit privé, 1ère éd. 2000, p. 397). 113 Contrairement à la renonciation.

114 Cass. 1ère civ. 5 mars 2014, n° 13-12443, inédit : « la renonciation à un droit ne peut résulter que

d’actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ». La renonciation de la créancière d’une prestation compensatoire ne pouvait résulter d’un état d’esprit de compréhension mutuelle la conduisant à accepter parfois des paiements partiels ni « de l’abstention de la créancière pendant de nombreuses années à réclamer le paiement de l’intégralité des sommes dues ».

115 D’ailleurs la loi dispose parfois expressément que la prérogative ne peut pas faire l’objet d’une

renonciation. Par exemple l’article 323 du Code civil prévoit que les actions en matière de filiation sont insusceptibles d’une renonciation.

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contrainte par des raisons de santé ou par décision de justice118. Si l’abstention connote également le fait de se priver, en retenant l’exercice de sa prérogative, ce n’est que temporairement. De plus, si l’abstinent se prive pour ne pas profiter des plaisirs que lui aurait causé l’objet de l’abstinence, celui qui s’abstient retient l’exercice de sa prérogative pour mieux en profiter plus tard, et être finalement en mesure de bénéficier d’autre chose ou de pouvoir en éviter les inconvénients. En outre, l’abstinence semble davantage être dirigée vers et à l’encontre de soi, là où l’abstention génère des avantages et/ou fait subir des inconvénients autant à celui qui s’abstient qu’à ceux qui subissent l’abstention. C’est ce qui différencie l’abstinence et l’abstention, bien plus que leur objet. En effet, il pourrait être tentant de réserver l’abstinence aux droits fondamentaux et l’abstention aux prérogatives ayant un caractère patrimonial. Cependant, les deux peuvent concerner aussi bien des droits fondamentaux que des prérogatives patrimoniales. Mieux, les droits fondamentaux ne sont pas exclusifs de questions patrimoniales119. Qui plus est, le droit de propriété, droit protégé notamment par l’article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, est certes un droit fondamental mais, dans le même temps, le droit patrimonial par excellence120.

Ainsi d’une part, l’abstinent peut se priver de biens, lesquels ont une valeur et sont transmissibles121 et parmi lesquels se trouve l’argent, en préférant la pauvreté ou du moins une vie avec un essentiel rudimentaire. Il peut également cantonner son abstinence à un droit non patrimonial tels le droit de grève, le droit à la présomption d’innocence ou le droit à l’égalité devant la loi. D’autre part, l’abstention peut concerner des prérogatives non patrimoniales comme le droit de vote ou le droit de visite d’un parent à son enfant.

Enfin, l’abstinence peut générer des abstentions quant à des prérogatives patrimoniales. Il est alors intéressant de raisonner à partir du droit au mariage. Le fait qu’une personne se prive elle-même des avantages liés au mariage par conviction est une abstinence juridique. Son refus de principe, dirigé vers elle-

117 Cass. 2ème civ. 17 déc. 1997, n° 96-15704.

118 Injonction de soins, CA Amiens, 7 mai 2008, n° 07/00790 adde CA Limoges, 11 août 2014, n°

14/00031.

119 V. H. LETELLIER, « La stratégie patrimoniale du couple », AJ fam. 2008, p. 52.

120 Le droit de propriété est plus qu’un droit patrimonial : v. F. ZÉNATI, « Pour une rénovation de

la théorie de la propriété », RTD civ. 1993, p. 305 et « La propriété, un mécanisme fondamental du droit », RTD civ. 2006, p. 445.

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même a alors vocation à être perpétuel. Aussi, l’abstinence quant au mariage d’une personne qui n’est pas en couple n’engage qu’elle. Néanmoins, restant un être humain, l’abstinent n’est pas à l’abri d’un changement d’opinion, ni d’une rencontre amoureuse. La personne alors en couple peut tout à fait rester abstinente quant au mariage. Ceci dit si l’autre personne composant le couple la demande malgré tout en mariage, un choix plus concret que le simple fait de se demander s’il convient ou non de se marier s’offre à l’abstinent. Dès lors, il peut accepter, renoncer ou s’abstenir de donner une réponse pour prendre le temps de peser les pour et les contre. En effet, sa réponse peut avoir de lourdes conséquences tant pour l’abstinent, ses convictions et ses intérêts patrimoniaux, lesquels peuvent d’ailleurs motiver sa décision ou le choix du régime matrimonial, que pour le demandeur. À noter, il est apparemment moins attendu de l’abstinent qu’il s’efforce de prendre l’initiative contrairement à celui qui s’abstient. L’étude se focalise toutefois davantage sur l’abstention des prérogatives patrimoniales parce que les cas sont plus évocateurs et génèrent une jurisprudence plus conséquente et sur laquelle il convient de s’appuyer.

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