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Plan Répondre à l’imprévisibilité de l’abstention ne peut se restreindre à une argumentation sur l’opportunité de qualifier l’abstention du titulaire d’une

III/ PROBLÉMATIQUE ET PLAN

B. LA PROBLÉMATIQUE D’IMPRÉVISIBILITÉ

40. Plan Répondre à l’imprévisibilité de l’abstention ne peut se restreindre à une argumentation sur l’opportunité de qualifier l’abstention du titulaire d’une

prérogative de faute d’abstention. Mieux, le caractère fautif ou non de l’abstention du titulaire d’une prérogative ne peut découler d’une qualification générale et arbitraire qui dénaturerait l’abstention du titulaire d’une prérogative alors qu’il est nécessaire de faire ressortir toute sa singularité. Il n’est pas plus utile de faire de l’abstention un fait totalement discrétionnaire qui serait épargné de toute

171 Nonobstant l’expression « se sont abstenus » de l’article 123 du CPC.

172 G. CORNU (dir.), Assoc. H. CAPITANT, Vocabulaire juridique, PUF, Quadrige, 10ème éd.

2014, v. « fait juridique ».

173 M. FABRE-MAGNAN, Introduction générale au droit, PUF, 2ème éd. 2011, p. 27, « les

conséquences juridiques n’ont pas été directement voulues même si le fait l’a été ». Adde Chr. LARROUMET et L. AYNÈS, Traité de Droit civil, t. 1, Introduction à l’étude du droit, Economica, Corpus Droit privé, 6ème éd. 2013, p. 384, n° 538 et 539.

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appréciation juridique parce que cela serait contraire à la sécurité juridique à défendre. Il importe, dès lors, de démontrer que pour apporter une solution à l’imprévisibilité d’une situation dans laquelle s’inscrit une abstention, il convient, dans un souci de sécurité juridique, de trouver un compromis entre le respect de la liberté du titulaire de la prérogative et la protection des personnes subissant les conséquences du choix d’abstention. Ce compromis se situe dans l’encadrement des comportements. Celui-ci aboutit à la responsabilisation du titulaire de la prérogative à compter de la fin d’un laps de temps préservant sa liberté, laps de temps dénommé « délai raisonnable ». Ce dernier s’inscrit au sein du délai imparti mais ne le remplace pas174, contrairement à ce qui est constaté en jurisprudence175. Ainsi, le délai raisonnable n’emporte pas extinction de l’action à la différence du délai de prescription. Il conviendra donc de déterminer des critères du standard du délai raisonnable au terme duquel celui qui s’abstient devra respecter un standard de comportement, celui de l’agent raisonnable, lequel est à proposer176. À défaut, il engage sa responsabilité, contractuelle ou délictuelle selon le contexte et la prérogative concernée par l’abstention. Cependant, le plan de la présente étude ne saurait se bâtir autour de l’analyse de ces deux standards. En effet, il est impératif que la responsabilisation s’applique aussi à ceux qui subissent l’abstention. Certes les limites de l’abstention les protègent, mais ils sont les plus à même d’anticiper et de protéger leurs intérêts. L’objectif est d’encadrer le rapport de force entre la liberté d’abstention du titulaire d’une prérogative et la protection des intérêts d’autrui. Or, afin d’apporter une solution à la problématique d’imprévisibilité de l’abstention, il faut d’abord appréhender l’équivocité de l’abstention (PARTIE I). C’est ainsi qu’il apparaîtra nécessaire de se fonder sur le raisonnable pour émettre une proposition d’un encadrement juridique de l’abstention (PARTIE II).

174 Certes des hypothèses où le délai imparti se révèle être le délai raisonnable et des cas où le délai

raisonnable est réduit à zéro à cause des circonstances particulières ne sont pas à exclure, mais cela n’enlève en rien la pertinence de la reconnaissance du diptyque délai raisonnable/délai restant qui scinde le délai imparti.

175 Cf Supra n° 36-37.

176 En effet, contrairement aux propos tenus par DELVILANI qui pense « qu’un fait négatif n’a

aucune valeur propre » et donc n’a pas de « standard social » (A.-F. DELVILANI, La responsabilité

civile pour omission ou abstention, éd. Service de reproduction, Grenoble 2, 1978, p. 53), nous

pensons qu’il est possible et opportun de proposer un standard pour l’agent, même si ce qui caractérise ce dernier est un « fait négatif ». Qui plus est, son inaction est volontaire.

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S’il n’est pas de coutume d’ajouter des éléments après l’annonce de plan, le besoin d’utiliser un vocabulaire nouveau propre à l’abstention nécessite, pour la compréhension des développements, un paragraphe spécialement dédié aux conventions terminologiques.

41. Conventions terminologiques. Le titulaire d’une prérogative qui s’abstient sera dénommé « l’agent ». Certes, il serait tentant de s’opposer à ce choix puisque ce terme connote davantage quelqu’un d’actif plutôt que d’inactif. Néanmoins, l’abstention, inaction dynamique, étant le sujet de recherche, il fallait un terme qui marque la place qu’occupe celui qui s’abstient. C’est en effet l’auteur de l’abstention qui déclenche la situation d’imprévisibilité. Mieux, il est actif dans l’attente qui accompagne l’abstention. Cela permet ainsi de mettre en relief sa distinction avec « le destinataire » qui, lui, subit l’abstention. Ce dernier est le sujet passif de l’attente générée par la naissance de la prérogative et exacerbée par l’abstention. C’est en considération de cette place dans le rapport d’abstention qu’il sera qualifié de destinataire. Ce terme renvoie à son étymologie latine « destinare » qui signifie assujettir177. Ainsi, le destinataire attend, à raison ou à tort, que lui soit adressée la décision irrévocable du titulaire de la prérogative parce que celle-ci a vocation à entrainer des effets plus ou moins directs sur sa propre situation. En cas d’abstention, il ne peut que constater l’inaction et se retrouve a

priori assujetti à une initiative de l’agent. Retenant son sens étymologique, le fait

d’être destinataire ne suppose pas de recevoir concrètement un élément mais d’avoir vocation à être impacté par178. Ici, le vocable de « destinataire » se distingue donc du sens qui lui est donné en matière de transport où il est la personne à laquelle est adressée l’objet remis au transporteur et entre les mains de laquelle devra être effectuée la livraison »179. De plus, compte tenu de la pluralité des personnes pouvant être amenées à supporter une abstention, l’utilisation d’un terme générique semble appropriée. Le terme d’ « autrui » a ainsi été choisi180

177 A. REY (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, 4ème éd. 2016, v.

« destiner ».

178 Cela connote l’idée d’une « personne à laquelle un acte doit être notifié » G. CORNU (dir.),

Assoc. H. CAPITANT, Vocabulaire juridique, PUF, Quadrige, 10ème éd. 2014, v. « destinataire»,

sens 2.

179 G. CORNU (dir.), Assoc. H. CAPITANT, Vocabulaire juridique, PUF, Quadrige, 10ème éd.

2014, v. « destinataire».

180 Choix qui s’est opéré face au terme de « tiers » pour éviter un risque de confusion des qualités.

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pour éviter les répétitions. Il a en effet l’avantage d’englober les diverses personnes pouvant être affectées de près ou de loin par l’abstention quel que soit le contexte contractuel, extracontractuel, délictuel ou procédural. De plus, il connote l’opposition au « moi du [titulaire de la prérogative] en exclusion de ce moi »181. D’ailleurs, JOSSERAND utilisait le vocable d’autrui lorsqu’il distinguait « les intérêts du titulaire » des « intérêts d’autrui »182. En effet, il n’est jamais neutre que le titulaire d’une prérogative jouisse ou non des effets attachés à cette dernière. « Autrui » désignera donc tout aussi bien le cas où l’accent sera uniquement mis sur les destinataires indirects de l’abstention, c’est-à-dire les personnes a priori étrangères à l’abstention mais indirectement intéressées par l’exercice de la prérogative, que le cas où il sera à la fois question du destinataire direct et des destinataires indirects.

d’exister, or cette situation connaît déjà des tiers. Employer pour la situation d’abstention ce terme conduirait à une superposition de tiers et a fortiori à une complexification inutile. Il n’y a qu’à penser à l’abstention d’une action paulienne pour s’en rendre compte. Un créancier s’abstient d’agir contre le tiers avec qui le débiteur a commis la fraude paulienne. Ici le tiers est « la troisième personne » (Ph. DELMAS SAINT-HILAIRE, Le tiers à l’acte juridique, Préf. J. HAUSER, LGDJ, Bibl. dr. privé, t. 333, 2000, p. 4) étrangère au contrat, par opposition aux deux parties. Cependant, le débiteur est le tiers à la situation d’abstention. Utiliser pour qualifier cette partie le terme de tiers emporterait donc un risque de confusion non permis. Par conséquent, retenir des termes différents, « autrui » et « destinataires de l’abstention », facilite la compréhension des qualifications juridiques et permet de prendre de la hauteur par rapport à la situation initiale pour raisonner plus particulièrement sur la situation d’abstention.

181 http://www.cnrtl.fr/, v. « autrui ». 182 L. JOSSERAND, op. cit. p. 392, n° 308.

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PARTIE I :

L’ABSTENTION, UN FAIT JURIDIQUE

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