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A) Caractérisation d’une interaction simple : une protéine/une lésion

2. Autres techniques faisant appel à de l’ADN en phase homogène

À l’instar de l’EMSA, qui utilise des sondes oligonucléotidiques non immobilisées sur support, d’autres techniques existent pour étudier les interactions ADN lésé/protéine. Ainsi, la technique de DNA footprinting est utilisée afin de localiser précisément la zone de l’oligonucléotide sonde qui a été reconnue par la protéine d’intérêt. Il s’agit là encore d’utiliser

une sonde oligonucléotidique marquée pour réaliser une interaction avec une protéine d’intérêt puis d’employer un agent capable de digérer l’ADN de façon aléatoire. Le temps d’incubation est adapté à la génération d’un faible nombre de coupures sur chaque sonde. Après résolution sur gel, on peut alors observer l’ensemble des fragments produits, dont la longueur s’échelonne d’une base à l’oligonucléotide complet. La zone « protégée » par la protéine n’aura pas fait l’objet d’une digestion, et les fragments qu’il aurait alors été possible d’obtenir ne sont pas observés. Cela permet de déterminer le site de liaison de la protéine, et de vérifier s’il correspond à une séquence particulière, ou à une lésion. Dans ce dernier cas, la technique a un intérêt réduit par rapport à l’EMSA, puisque les oligonucléotides utilisés portent couramment une lésion unique, mais cette approche a tout de même été employée en complément, dans le but de confirmer ou d’affiner certains résultats. Elle a par exemple permis de confirmer le mode de liaison du domaine HMG A de la protéine HMGB1 sur l’adduit majoritaire du cisplatine (Ohndorf et al., 1999). Cette méthode a aussi permis d’étudier l’influence de la présence d’un adduit 1,3-d(GpNpG) du cisplatine sur le positionnement du nucléosome (Danford et al., 2005). La méthode de Southwestern blotting peut également être employée afin d’identifier des interactions entre ADN et des structures particulières de l’ADN (par exemple des séquences triple-hélice) à partir d’extraits cellulaires (Guillonneau et al., 2001).

Afin de s’affranchir de l’utilisation de la radioactivité, à la base de la majeure partie des expériences d’EMSA et souvent contraignante à mettre en œuvre (nécessité de personnel qualifié, installations adaptées et surveillance drastique), des systèmes ont été développés à partir d’autres principes. Les méthodes à base de fluorescence, par exemple, sont sans risque et relativement aisées à mettre en place (détection facile, faible consommation de réactifs). Elles offrent également l’avantage d’une grande sensibilité.

Le premier exemple que nous pouvons donner est une approche fondée sur l’anisotropie de fluorescence (autrement appelée polarisation de fluorescence). Elle a été employée avec succès afin d’étudier les capacités de liaison de protéines de réparation sur des sondes lésées (mesures qualitatives et quantitatives). La technique utilise une propriété de dépolarisation de la lumière émise par des fluorophores excités par de la lumière polarisée. Cette dépolarisation varie en fonction des propriétés physico-chimiques de la molécule et de son environnement. Par exemple, elle diminue avec la mobilité (rotation) du fluorophore. Dans le cas d’un fluorophore lié à une molécule d’ADN, une variation de la polarité de la fluorescence induite par la fixation d’une protéine sur la séquence oligonucléotidique (et donc une limitation de sa mobilité propre) est détectable et permet de définir l’affinité de la protéine pour le motif considéré. Ainsi, l’affinité de XPA et RPA, pour des séquences lésées incluant un pontage 1,3-intrabrin (entre deux guanines) du cisplatine, un mésappariement et une insertion de base, ainsi que pour des séquences simple-brin non lésées ont été mesurées (Hey et al., 2001). Les valeurs obtenues, déjà citées lorsque nous avons évoqué les capacités de liaison de ces deux protéines de la NER aux adduits du platine, sont du même ordre de grandeur que celles déterminées par l’EMSA. L’une des limitations importantes de cette méthode tient au fait que les mesures dépendent fortement de la taille des partenaires impliqués.

Les phénomènes de transfert d’énergie sont aussi très utiles puisqu’ils permettent de déterminer le rapprochement de deux molécules par émission ou extinction de fluorescence. Pour illustration, la fixation de la protéine bactérienne MutS (analogue bactérien de hMutα) sur différents dommages de l’ADN a été étudiée à l’aide d’une technique de fluorescence induite par transfert d’énergie (Lopez-Crapez et al., 2008). Le principe consiste à mettre en évidence une interaction par le rapprochement d’une molécule fluorescente donneuse (ici le tris- bipyridine cryptate d’europium, TBP(Eu3+

)) et d’un marqueur fluorescent XL665 accepteur qui émet à la longueur d’onde de 665nm suite au transfert d’énergie. Des oligonucléotides marqués à la biotine/XL665 et contenant un site unique de mésappariement sont incubés avec une forme recombinante du MutS contenant un tag polyhistidine reconnu par un anticorps marqué avec le groupement donneur (Figure 23).

Figure 23 : Détection de la fixation de MutS sur une lésion par émission de

fluorescence grâce au transfert d’énergie par résonance (RET ; adapté de Lopez- Crapez et al., 2008).

Ce dispositif permet d’obtenir un signal spécifique 17 à 40 fois supérieur (selon la longueur de l’oligonucléotide considéré) à la fluorescence résiduelle du contrôle sans lésion. L’application de ce système à l’étude de l’adduit intrabrin 1,2-d(GpG) du cisplatine et de la lésion complexe adduit-mésappariement a confirmé que MutS lie fortement l’adduit (signal 48 fois supérieur au contrôle) et possède une affinité encore quatre fois supérieure pour la lésion composée par rapport au simple adduit. Cette méthode offre l’avantage d’une détection par fluorescence, très sensible, en évitant l’utilisation d’une protéine de fusion MutS-green

fluorescent protein (GFP), de moindre affinité pour les lésions. La détection semi-directe, en

couplant directement MutS à l’accepteur, est également possible, même si elle semble légèrement moins efficace.

La microscopie à force atomique peut également être utilisée pour quantifier l’affinité d’une protéine pour un type de lésion. Il s’agit d’une méthode complexe, basée sur le traitement d’images obtenues suite à l’interaction. Ces images permettent de déterminer la distribution

moyenne de la protéine sur la longueur de l’oligonucléotide sonde couplé à un fluorophore. Si la lésion est placée au centre et que la protéine est capable de la reconnaître, cette distribution prend une allure gaussienne, et permet de déterminer la probabilité de liaison à chaque position. Il est alors possible d’évaluer la spécificité de l’interaction et l’affinité de la protéine, par exemple de MutS pour un mésappariement ou pour une insertion, avec une efficacité comparable voire supérieure à l’EMSA. En effet, cette technique prend en compte le site de liaison exact, ce qui n’est pas le cas de l’EMSA puisque c’est la simple fixation de la protéine sur la sonde qui est regardée, indépendamment de toute interaction non spécifique sur une position irrelevante de l’oligonucléotide, par exemple au niveau des extrémités. D’autres travaux employant un protocole similaire incluent une étude de l’interaction XPC- HR23B/adduit du cholestérol et OGG1/8-oxo-dG (Yang et al., 2005).

3. Techniques faisant appel à de l’ADN immobilisé (analyses en phase hétérogène)