• Aucun résultat trouvé

Les tests préalables ont permis d’ajuster plusieurs paramètres afin de définir les conditions expérimentales les plus propices à l’obtention de signaux fiables. Nos conditions initiales s’inspiraient des travaux réalisés par notre laboratoire, portant sur les capacités d’interaction et de coupure d’une glycosylase sur deux substrats oligonucléotidiques lésés (Corne et al., 2008). Nous allons résumer dans les paragraphes qui suivent les principaux résultats de nos optimisations et les conclusions que nous en avons tirées.

1. Favoriser l’hybridation des sondes

Lors des premiers essais d’hybridation, nous avons observé que la solution contenant la construction [ODN cible-ZipC] injectée sur le prisme produisait un signal d’hybridation différent selon le couple sonde/cible : cisplatine (signal maximum = 0,30% de variation de réflectivité) > ODN non lésé > oxaliplatine. Si l’on peut s’attendre à un certain degré d’hétérogénéité avec ce type de constructions, les expériences précédentes de Corne et al. montrent une population de signaux centrée autour de 0,50% de variation de réflectivité et n’en déviant pas de plus de 1/10 (Fuchs, 2009). Point également critique, ce signal n’atteignait pas de plateau de saturation, laissant des sondes libres sous leur forme simple-brin sur le prisme.

Trois paramètres ont donc été considérés afin de favoriser l’hybridation de nos séquences cibles sur les sondes. Tout d’abord, il a été décidé d’accroître le volume injecté

(1ml) de l’échantillon contenant les cibles afin d’augmenter la quantité totale de cibles hybridées sur le prisme. Le second paramètre est la salinité du tampon de course. Nous souhaitions utiliser un tampon identique pour nos deux microsystèmes (ligand fishing et SPRi). Or, la composition initiale du tampon servant à la capture de l’interactome (tout en étant fonctionnel pour cette approche) présentait une salinité faible (5mM MgCl2) susceptible

d’être complétée par l’apport d’extraits nucléaires lors d’expériences de ligand fishing, ce qui ne peut se produire ici. L’hybridation d’oligonucléotides, a fortiori de faible taille (24 bases pour la séquence libre permettant l’hybridation) requiert la présence d’ions en solution. L’utilisation de concentrations croissantes de KCl (0 à 300mM) a montré qu’il était possible d’augmenter progressivement le signal d’hybridation et donc d’obtenir des plots cibles de plus en plus saturés, approchant le plateau. Enfin, la troisième variable considérée est la température de l’hybridation. Les premières expériences furent réalisées à une température constante (hybridation des cibles puis interaction ADN/protéine) de 25°C. Nous avons montré qu’en passant à 37°C il était possible d’améliorer le signal d’hybridation des cibles. Ceci est très certainement dû à la possibilité de déstabiliser les structures secondaires formées à plus basse température par les séquences Zip, rendant ces dernières plus accessibles à la partie complémentaire des cibles. En prenant en compte l’ensemble de ces paramètres, nous avons défini les conditions suivantes pour l’interaction de nos protéines sur la biopuce SPRi : injection d’un volume d’1ml de cibles complémentaires ; hybridation réalisée à 37°C, interaction avec la protéine réalisée à 25°C ; salinité du tampon portée à 50mM KCl, 5mM MgCl2.

La Figure 61 montre un exemple typique de signaux enregistrés lors de l’hybridation des cibles sur le premier modèle de prisme avec ces conditions optimisés. Les mesures brutes sont traitées tout d’abord par la soustraction du signal à t = 0, puis par soustraction du signal enregistré sur les plots de PPy. Ces derniers ne devant théoriquement pas réagir avec la construction oligonucléotidique, tout signal produit sur ces ROI correspond à un bruit de fond dont l’élimination permet de lisser les courbes. La construction [ODN cisplatine-Zip7c] a produit le plus fort signal (0,55% de variation de la réflectivité), suivi par l’oligonucléotide non lésé (0,40%) et enfin l’oligonucléotide lésé par l’oxaliplatine (0,18%). Pour les trois couples sonde/cible, le plateau n’est pas atteint, mais les signaux pour le cisplatine et l’ODN non lésé se rapprochaient des valeurs obtenues par Corne et Fuchs.

On peut aussi constater que, malgré les optimisations apportées, l’amplitude des signaux est toujours variable, et ce alors que les sondes sont greffées à densités équivalentes (concentration de la solution de dépôt = 10µM) et qu’il en est de même pour l’injection des cibles (concentration de la solution injectée = 250nM). Cette variabilité due à une différence d’efficacité d’hybridation sur chaque séquence Zip (dépendante de la séquence de ces derniers) n’est donc pas négligeable et risque de fausser les signaux enregistrés lors de la fixation de protéine sur les sondes. Ceci justifie l’utilisation, pour traiter les signaux d’interaction sondes/protéine, de coefficients de normalisation dont la méthode de calcul a été décrite dans la section Matériels et Méthodes.

Figure 61 : Hybridation des constructions [ODN cible-ZipC] sur la biopuce SPRi.

L’amplitude des signaux varie selon les couples sonde/cible.

2. Analyse de l’interaction sondes/protéine

Suite aux optimisations portant sur la construction de la biopuce, nous avons travaillé avec la protéine HMGB1 pour déterminer le protocole optimal permettant son interaction avec les adduits 1,2-d(GpG) du cisplatine et de l’oxaliplatine. La Figure 62 présente les mesures enregistrées à l’aide de nos constructions sonde/cible portant une lésion 1,2-d(GpG)- cisplatine ou -oxaliplatine lors de l’injection de 0,5ml d’une solution à 20nM d’HMGB1. L’approche consiste, après préparation de la puce (blocage puis hybridation séquentielle de chaque couple sonde/cible), en une injection unique de la protéine d’intérêt à débit constant durant 10min, puis à une phase de rinçage au cours de laquelle seul le tampon de course circule sur le prisme fonctionnalisé, ce qui permet de suivre l’éventuelle dissociation de la protéine. La température optimale d’interaction a été maintenue à 25°C, et les résultats ont été normalisés.

Ces mesures (Figure 62-A) montrent d’une part que la version recombinante commerciale de la protéine conservait tout ou partie des capacités d’association naturelles avec les adduits portés par nos sondes. D’autre part, on observe que la variation de réflectivité est fonction de la cible considérée : atteignant à peine 0,3% pour la cible non lésée, elle approche les 0,6% pour la cible simple-brin, et est maximale pour les sondes cisplatine et oxaliplatine (0,7%). De plus, une cassure nette dans la pente d’association avec la sonde cisplatine est clairement visible à t = 10min, montrant que le plateau de saturation n’est pas atteint pour celle-ci. Ceci laisse présager la possibilité d’obtenir un signal plus fort et indique qu’une quantité insuffisante de protéine est injectée sur la biopuce. À l’inverse, le plateau semble atteint pour les sondes oxaliplatine, simple-brin et ODN non lésé.

Figure 62 : HMGB1 possède une affinité variable selon les sondes. (A) La protéine

(20nM) interagit plus spécifiquement avec les adduits 1,2-d(GpG) du cisplatine et de l’oxaliplatine, mais la dissociation est plus marquée pour l’oxaliplatine. L’ADN simple-brin produit un signal inférieur aux sondes lésées mais largement supérieur à celui obtenu pour l’ADN non lésé. (B) Après soustraction du signal enregistré pour l’ODN non lésé, on observe que la protéine ne se dissocie pas de la sonde cisplatine, au contraire de la sonde oxaliplatine.

Lors de la phase de rinçage, on observe un comportement différent de la protéine selon l’adduit platiné : la dissociation de la sonde cisplatine est régulière et conduit au bout de 20min à la perte de 1/7 du signal ; la dissociation de la sonde oxaliplatine est plus rapide lors des cinq premières minutes (pente plus forte), avant de ralentir et se stabiliser jusqu’à la fin du rinçage (perte de 4/9 du signal). À l’instar de la sonde cisplatine, la sonde simple-brin montre une dissociation régulière aboutissant à la perte de 1/3 du signal d’association. La sonde double-brin, quant à elle, connait une dissociation rapide du complexe ADN/protéine et la perte de 2/3 du signal à la fin de cette période. La soustraction du signal mesuré pour la sonde non lésée aux signaux des sondes lésées (Figure 62-B) abolit, pour le cisplatine, la perte de

signal. Cela pourrait indiquer que la dissociation observée est en réalité causée par la perte des protéines ayant interagit avec les parties non lésées de la sonde portant l’adduit. Pour l’oxaliplatine, au contraire, la dissociation est toujours visible après soustraction du signal mesuré par la sonde non lésée, mais son amplitude est réduite : 1/3 au lieu des 4/9 observés précédemment, ce qui confirme là aussi l’existence d’interactions non spécifiques dues à un « effet » ADN double-brin non lésé. À l’issue de la phase de rinçage, l’injection d’une solution 1,5M NaCl cause un changement brutal de la réflectivité et la séparation de tous les complexes ADN/protéine. Le retour de la ligne de base au niveau pré-injection de la protéine montre en effet que les interactions entre celle-ci et l’ADN ont été rompues, alors que les constructions sondes/cibles n’ont pas été affectées.

Les amplitudes de signal enregistrées ici confirment que la protéine s’associe préférentiellement avec les lésions cisplatine et oxaliplatine. Cependant, la nature de nos différentes sondes (ADN double-brin) engendre également une fixation aspécifique de la protéine sur les sondes lésées, dont on peut mesurer l’ampleur grâce à la sonde double-brin non lésée pour laquelle la protéine démontre une plus faible affinité. On ne peut exclure la présence de plus d’une protéine par sonde. HMGB1 a également démontré une affinité pour l’ADN simple-brin supérieure à celle mesurée pour l’ADN double-brin non lésé, affinité d’ailleurs proche de celle mesurée pour l’ADN lésé (~ 4/5 du signal moyen des deux adduits platinés). Comparant les lésions entre elles, HMGB1 paraît posséder une affinité supérieure pour les sondes cisplatine : si la valeur maximale représentant l’association de la protéine avec chacune des deux sondes est légèrement supérieure pour la sonde cisplatine, HMGB1 reste durablement fixée sur cette dernière alors qu’elle se dissocie progressivement de la sonde oxaliplatine. Ces résultats ont été confirmés par une seconde expérience menée sur la même puce.