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La biopuce SPRi que nous avons construite a permis de confirmer efficacement les capacités d’interaction de TOX4 sur l’ADN lésé. La SPRi combine l’intérêt majeur de la SPR, l’étude des interactions en temps réel plutôt qu’en point final sans aucun marquage, avec d’autres avantages fort intéressants :

- facilité d’adaptation des biopuces ;

- comparaison en parallèle de conditions multiples (lésions, protéines, dans une certaine limite de gestion des données) ;

- visualisation directe de la biopuce (évaluation de la qualité de sa fonctionnalisation, observation directe des événements se produisant à sa surface dans la chambre d’analyse).

C’est ainsi que nous avons pu réaliser notre étude avec deux candidats, sur trois lésions différentes ainsi que les contrôles appropriés, le tout placé exactement dans les mêmes conditions expérimentales.

Notre protocole s’est malgré tout heurté à des limitations expérimentales qui ont influé sur la reproductibilité des résultats, ainsi que sur les paramètres qu’il était possible de tirer de ceux-ci. Nous allons aborder ces deux points, puis nous évoquerons l’importance de la source de protéine.

1. Reproductibilité des interactions

Comme cela est illustré par nos résultats, le manque de reproductibilité (d’une expérience à l’autre, que ce soit sur un même prisme ou sur des prismes différents) est le principal problème de notre système SPRi qu’il est nécessaire de résoudre. Cette variabilité des résultats, si elle n’a pas compromis la détermination des capacités d’interaction de ces protéines, a été un obstacle pour l’obtention de paramètres cinétiques quantitatifs. Il ne nous est pas possible d’évaluer d’une quelconque façon la qualité des prismes eux-mêmes (homogénéité du verre, qualité du revêtement d’or) qui sont des consommables disponibles dans le commerce. De ce fait, nous allons nous attarder sur les points critiques de la conception puis de l’utilisation de la biopuce susceptibles d’être responsables de ce manque de reproductibilité.

Le premier de ces points concerne le système en lui-même. Les réglages qu’ils nécessitent sont réalisés à partir de l’œil de l’utilisateur, plutôt que par un programme déterminant la courbe de résonnance des plasmons, ce qui est susceptible d’introduire un biais entre chaque série d’expériences.

Les puces SPR classiques présentent une surface intégralement fonctionnalisée, par exemple par la fixation de molécules de streptavidine. Le système expérimental possède plusieurs chambres d’analyse séparées, où sont injectées les sondes puis les analytes d’intérêt. Les prismes SPRi tels que nous les avons décrits ici constituent des biocapteurs multiparamétriques adressables à volonté, dont les caractéristiques sont déterminées par l’utilisateur, notamment lors de l’étape de greffage semi-automatisée. C’est cela qui permet d’obtenir une biopuce personnalisée. Dans notre cas, un « code Zip », permettant d’adresser spécifiquement des sondes sur les ROI voulues, est employé. Au sein d’une expérience, il est alors possible de multiplier les sondes, tandis que d’une expérience à l’autre, il est ainsi possible de les faire varier, tout en utilisant la même puce.

Ce concept a donc des avantages, mais également quelques inconvénients. L’étape de dépôt s’avère critique, car de leur qualité (forme, densité) et de leur homogénéité dépendent aussi les paramètres cinétiques. Un potentiostat permet de délivrer les charges électriques nécessaires à la réaction d’électropolymérisation, et doit impérativement être capable de le faire de façon très reproductible. Ce n’était pas le cas pour le premier modèle que nous avons utilisé, ce qui a conduit à la fabrication de puces très hétérogènes. Le remplacement du potentiostat nous a permis de régler une partie de ces problèmes, par l’obtention de charges moins disparates. Une procédure entièrement automatisée utilisant un robot spotter est

également déjà disponible. Cependant, cette machine réalise des greffages très peu denses, difficiles à visualiser à l’écran lorsque les ROI sont manuellement définies.

L’hétérogénéité de greffage peut avoir des conséquences négatives sur le processus d’hybridation des cibles. Les séquences Zip ont été établies dans l’objectif de favoriser l’hybridation de leurs séquences complémentaires. Nous avons été confrontés à ce problème, avec une efficacité d’hybridation maximale pour le Zip4 (supportant l’adduit JM118) et une efficacité minimale pour le Zip9 (supportant l’adduit oxaliplatine). Une attention particulière a été portée aux concentrations des lots d’oligonucléotides utilisées pour préparer les solutions de dépôt. De ce fait, de telles différences nous paraissent liées à une variabilité dans les capacités d’hybridation des séquences sondes et cibles. Sans être capables d’abolir ces différences, nous avons déterminé des conditions expérimentales visant à minimiser la formation de structures secondaires, notamment en adaptant salinité du tampon et surtout température de la procédure.

L’avantage majeur du système du laboratoire CREAB est la possibilité de contrôler la température. Les appareils commerciaux actuellement disponibles ne disposent pas de système de contrôle de la température. Or, à travers nos étapes de mise au point, nous avons constaté que ce paramètre était crucial. L’hybridation des cibles sur les sondes greffées est dépendante de l’accessibilité de ces séquences, susceptible d’être diminuée par l’existence de structures secondaires. L’augmentation de la température permet de rompre ces structures. De plus, réaliser l’étape d’hybridation à une température élevée (mais, bien sûr, inférieure à la température de fusion des oligonucléotides) permet de favoriser la spécificité de l’assemblage sonde/cible, et éviter les hybridations croisées. Enfin, selon la protéine étudiée, la température d’interaction est susceptible de varier (notamment en fonction de l’organisme d’où provient la protéine).

2. Détermination des paramètres cinétiques de l’interaction

Les travaux ayant fait l’objet de publications emploient la SPR pour identifier des interactions, mais aussi pour les caractériser par la détermination de paramètres cinétiques chiffrés. Obtenir ce type d’information pour les interactions entre HMGB1 et TOX4 et les adduits du platine faisait partie de nos objectifs lorsque nous avons initié nos propres travaux. Néanmoins, avant d’atteindre ce but, l’optimisation de plusieurs paramètres est encore nécessaire afin de s’affranchir de certaines contraintes.

Tout d’abord, nous avons vu qu’une partie des protéines injectées s’associe avec les sondes en raison de leur caractère d’ADN double-brin, indépendamment de la lésion. Ce mécanisme éloigne notre modèle de celui de Langmuir, qui suppose deux états possibles pour la protéine : en solution ou associée à la lésion. En conséquence, l’association adduit/protéine est en partie masquée par l’association ADN/protéine et gène la détermination de la constante d’association.

La configuration de la biopuce influe également sur l’association. Dans sa forme la plus élaborée, le schéma place les sondes cisplatine et JM118 près de l’entrée par laquelle le tampon (et donc les protéines injectées) pénètre dans la chambre d’analyse. De ce fait, la concentration en protéine n’est pas égale après passage de la solution sur les sondes en amont, ce qui défavorise l’interaction avec les sondes en aval. À cause du système utilisé pour réaliser la fonctionnalisation de la puce, il est techniquement peu envisageable de modifier la disposition des plots, à la fois pour des raisons de reproductibilité des dépôts, mais aussi de faisabilité (prolongation importante du temps nécessaire à la réalisation de la procédure).

Par ailleurs, lors de la phase de rinçage, qui permet de visualiser la dissociation du complexe, les protéines se détachant sont susceptibles de passer d’une sonde à l’autre, au sein du même ROI mais aussi d’une ROI en amont vers une ROI en aval. Ce phénomène fausse potentiellement la mesure de dissociation.

De tels effets pourraient être corrigés par plusieurs adaptations expérimentales. Tout d’abord, il est possible d’augmenter le débit du tampon de course. Ce faisant, les concentrations locales dans la chambre d’analyse se trouvent ré-équilibrées lors de l’association et la réassociation des protéines avec les sondes lors du rinçage est atténuée. Étant limités par les quantités de protéine disponibles, nous n’avons pas fait varier le débit lors des phases d’interaction, afin de maintenir des conditions expérimentales constantes. Cependant, l’augmentation du débit a été réalisée lors de la dissociation des deux protéines, et nous n’avons constaté dans aucun des cas une rupture de pente, caractéristique du phénomène de réassociation. Nous en avons conclu que cet effet ne se produisait pas ici, certainement car les lésions en amont sont le cisplatine et le JM118, adduits sur lesquels les deux protéines restent fixées. L’introduction d’un compétiteur spécifique dans la phase mobile (par exemple un oligonucléotide lésé) est également envisageable, dans la mesure où cette modification du tampon de course n’induit pas de variation de réflectivité.

3. Utilisation de protéines recombinantes

Les limitations expérimentales de notre protocole de SPRi sont aussi liées aux protéines utilisées. En effet, chaque expérience s’est avérée très consommatrice en protéine. Les protéines recombinantes, lorsqu’elles sont commercialement disponibles, présentent un coût élevé. S’il s’agit de protéines produites en laboratoires à l’aide d’un système d’expression approprié, le coût peut également être important, et les rendements sont souvent faibles. Ainsi, d’une façon générale, la source de protéines constitue une entrave à la qualité du système. Si l’information recherchée est une validation de l’interaction, et dans le cas où le signal mesuré est faible (pour une protéine à faible affinité), il est envisageable de le renforcer par l’injection d’un anticorps spécifique de la protéine d’intérêt après la phase de dissociation, ce qui permet de maximiser le signal spécifiquement sur les sondes portant la lésion. Précisons en outre qu’une seconde version de la protéine HMGB1 vendue pour des applications telles que l’EMSA (ce qui garantit une certaine activité de liaison du facteur) a

été injectée sur le même prisme lors de la première de ces séries, mais n’a pas permis de mesurer une interaction avec nos sondes. Ceci souligne, s’il en était besoin, la difficulté de disposer d’une protéine fonctionnelle.

Lié à la sélection de la protéine candidate, le choix d’une protéine de blocage appropriée peut aussi être difficile. Remarquons que les publications utilisant la SPR ne font d’ailleurs jamais état de l’emploi de protéines non spécifiques afin de masquer les sites d’adsorption de la puce BIAcore®

. Les travaux de l’équipe de Corne et al. ont cependant montré qu’il s’agissait d’un paramètre non négligeable, à tout le moins pour le système que nous utilisons. Fort heureusement, une protéine adéquate a pu être identifiée et utilisée aisément pour nos travaux sur HMGB1, TOX4, mais aussi pour la protéine DDB2 (pour laquelle les résultats seront présentés dans la partie suivante).